Politiques publiques du livre dans le monde arabe : une cartographie inédite dévoilée à Tunis
Les recommandations du projet d’étude sur les politiques publiques du livre dans le monde arabe portent sur l’importance de réformer le cadre juridique en matière d’édition, promouvoir la liberté d’expression, consolider la culture de respect de la propriété intellectuelle ainsi que de lutter contre le piratage.
Le soutien aux éditeurs, – en particulier les éditeurs indépendants-, la traduction et l’édition électronique, la réalisation de statistiques officielles fiables et des études ainsi que le renforcement du dialogue entre les acteurs intervenants dans la mise en place de politiques dans le secteur du livre et de l’édition sont également au cœur des recommandations.
Dévoilée mardi à la Cité de la Culture à Tunis, «la Cartographie des politiques publiques du livre dans le monde arabe” constitue un évènement majeur dans l’histoire du secteur du livre et de l’édition dans la région.
Trente maisons d’édition représentant 17 pays ainsi que des institutions publiques et des acteurs et professionnels du secteur du livre du monde arabe et de la francophonie prennent part au lancement de ce projet réalisé sur cinq ans. Organisé du 23 au 27 juin, cet événement se tient à l’initiative de l’Alliance internationale de l’édition indépendante (AIEI), en partenariat notamment avec le ministère des Affaires culturelles, de l’Alecso et de l’OIF.
L’Alliance internationale de l’édition indépendante est un collectif professionnel qui réunit plus de 980 maisons d’édition indépendantes présentes dans 60 pays dans le monde. Créée sous forme d’association en 2002, elle s’articule en 6 réseaux linguistiques (anglophone, arabophone, francophone, hispanophone, lusophone et persanophone) et en groupes thématiques. Les membres de l’Alliance sont des maisons d’édition et des collectifs d’éditeurs nationaux.
Contraintes dans la réalisation de la cartographie
La cartographie des politiques publiques du livre dans le monde arabe est présentée par Samar Haddad (Atlas Publishing, Syrie), coordinatrice de ce projet pour le monde arabe et du réseau arabophone de l’Alliance, ainsi que par Hani Altelfah, auteur de l’étude.
L’objectif de la cartographie consiste notamment à fournir des données sur les politiques publiques du livre dans les pays concernés, favoriser le dialogue et le échanges entre les éditeurs et les institutions et renforcer la circulation des livres et des idées. Une partie de cette étude a été consacrée au thème de la propriété intellectuelle en présentant un arsenal de lois locales, d’accords internationaux et des traités relatifs au sujet.
Cette étude de 130 pages fait référence au paradoxe entre les textes de loi et leur application dans la plupart des pays arabes, en particulier les lois relatives à la propriété intellectuelle, la lutte contre le piratage du livre numérique et imprimé ainsi que celles relatives aux droits du traducteur.
L’étude a révélé la faiblesse du système d’enseignement et de la formation professionnelle constitue l’une des grandes lacunes dans l’industrie du livre dans le monde arabe où elle n’est pas enseignée, le plus souvent.
L’éditrice syrienne Samar Haddad a présenté le contexte dans lequel a été réalisée ce projet d’étude entamé en 2017, à partir de la collecte de données via un formulaire en ligne, les bases de données en ligne et des entretiens avec des éditeurs et représentants des instituions publiques intervenantes dans le secteur du livre et de l’édition.
« Cette étude dont l’objectif était de collecter des informations relatives à 18 pays arabes, a permis de collecter des données relatives à 11 pays uniquement, a indiqué la coordinatrice du projet. Elle a expliqué des contraintes qui sont dues au manque de connaissances relatives au cadre juridique par les professionnels du secteur du livre et de l’édition, la divergence entre les lois et leur application aussi bien que le manque d’information sur les données relatives au secteur, en particulier les statistiques officielles. »
Absence de politiques publiques nationales dans le secteur
Son compatriote Hani Talfah, chercheur sur les médias, éditeur et auteur de l’étude a évoqué « le lien étroit entre les politiques publiques en région arabe en matière d’édition et la liberté d’expression, citant à cet effet la censure imposée à certaines institutions arabes, en particulier la censure d’ordre administratif, judiciaire et électronique aussi bien que l’autocensure ».
S’agissant de l’importance des politiques publiques dans le secteur du livre et de l’édition dans le monde arabe, le chercheur a évoqué « des politiques qui sont le plus souvent exclusivement élaborées par des organismes officiels et qui sont en même temps l’autorité définissant les politiques culturelles nationales ».
Il a souligné le cas de certains pays où « les politiques dans le secteur de l’édition sont quasi absentes alors que d’autres pays ne disposent même de politiques culturelles, citant à cet égard des pays comme le Yémen et le Soudan ».
Il ressort de cette étude que « les politiques d’édition concernent l’éditeur et les acteurs directs dans l’industrie du livre aussi bien que toute la chaîne du secteur du livre et de l’édition ».
Ce constat témoigne d’une faible implication des maisons d’édition et de la société civile dans l’élaboration des politiques publiques en matière d’édition et du livre. A cela s’ajoute, des contraintes en lien avec la non conformité des procédures fiscales et juridiques en vigueur avec la spécificité du secteur, avec notamment la plainte des éditeurs de taux de TVA à l’importation du livre.
Interventions d’éditeurs et un penseur tunisiens
Certains éditeurs tunisiens membres de l’Alliance internationale de l’édition indépendante, à l’instar de Nouri Abid et Elizabeth Daldoul, ont souligné les enjeux dans le secteur de l’édition et du livre, notamment l’Intelligence Artificielle dont l’usage pose une question d’ordre éthique en lien avec les droits d’auteur et de propriété intellectuelle.
« Auparavant lancée en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, le projet de la cartographie des politiques publiques du livre dans le monde arabe est l’aboutissement d’un travail de longue haleine au sein de l’Alliance qui œuvre à la préparation de la carte mondiale des politiques éditoriales », a indique Nouri Abid.
Elizabeth Daldoul a évoqué rappelé les rencontres professionnelles de solidarité organisées lundi consacrées aux partenariats éditoriaux solidaires entre maisons d’édition arabes et francophones, avec un accent particulier mis sur les ouvrages consacrés à la Palestine ou publiés par des éditeurs palestiniens.
Pour sa part, le professeur de philosophie Hamadi Jaballah est revenu sur l’histoire de la publication des livres et les restrictions et harcèlement auxquels faisaient face les penseurs contraints au déplacement pour la diffusion de leurs idées, citant les grandes étapes au cours desquelles des livres ont été détruits des bibliothèques et lieux de culte incendiés.
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