Plan Mattei – Le pari africain de Giorgia Meloni
La stratégie de Giorgia Meloni pour endiguer les flux migratoires, à travers son “Plan Mattei“ divise toutefois les experts. Lesquels, du reste, ne proposent pas d’autre solution.
À Rome, l’heure est à la diplomatie économique. Vendredi 20 juin, la capitale italienne accueille un sommet qui pourrait redéfinir les relations entre l’Europe et l’Afrique. Au cœur des discussions : le fameux « plan Mattei ». Cette initiative portée par la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, et baptisée du nom du fondateur d’Eni, le géant pétrolier transalpin.
L’ambition affichée par l’Italie est claire : transformer les relations avec le continent africain en privilégiant l’investissement plutôt que l’aide traditionnelle. Quatorze nations sont dans le viseur italien, du Maghreb – la Libye exceptée – à l’Afrique de l’Est, en passant par certains pays d’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.
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Toutefois, les chiffres révèlent un écart entre les annonces et la réalité. Si le gouvernement Meloni évoque 5,5 milliards d’euros, les documents officiels de novembre 2024 montrent qu’à peine deux milliards ont été concrètement affectés à des projets identifiés.
Ursula von der Leyen appuie Giorgia Meloni
La présence d’Ursula von der Leyen aux côtés de Giorgia Meloni n’est pas anodine. Bruxelles voit dans cette initiative italienne un complément à sa propre stratégie « Global Gateway », dotée de 150 milliards d’euros. Une manière pour l’Union européenne de répondre aux « Nouvelles routes de la soie » chinoises tout en s’appuyant sur un partenaire méditerranéen.
Il faut reconnaître que l’Italie joue habilement ses atouts diplomatiques. Contrairement à Paris, Rome ne traîne pas le boulet colonial dans la région sahélienne, où plusieurs pays ont récemment montré la porte aux forces françaises.
Des projets concrets mais des moyens limités
Parmi les initiatives phares du plan : une liaison ferroviaire entre la Zambie et l’Angola, ou encore un investissement de 65 millions d’euros dans les biocarburants kényans. Ces projets s’inscrivent dans une logique de diversification énergétique cruciale pour l’Italie depuis l’invasion russe de l’Ukraine.
Cependant, les spécialistes restent sceptiques. Giovanni Carbone, expert de l’Institut ISPI de Milan, pointe du doigt l’inadéquation entre l’ampleur des financements et l’objectif de réduction des flux migratoires. « L’échelle n’est pas la bonne », tranche-t-il.
Il faut dire que les dirigeants africains– ou bien certains d’entre eux- accueillent cette initiative avec un mélange d’intérêt et de prudence. L’ex-président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, avait mis en garde contre les « promesses non tenues ».
De son côté, le président kényan William Ruto souligne que les obstacles structurels – comme le coût prohibitif de la dette africaine – ne sauraient être résolus par les seuls investissements.
Mais encore! L’ONG ReCommon dénonce ce qu’elle considère comme un habillage vert d’intérêts économiques traditionnels. Selon Simone Ogno, porte-parole de l’organisation, le plan pourrait avant tout servir les géants italiens des hydrocarbures comme Eni, ou des groupes comme Terna et Bonifiche Ferraresi.
Par ailleurs, la question du suivi des projets devient centrale. Dans un contexte où les initiatives de développement se multiplient, la capacité de Rome à tenir ses engagements sur le long terme sera scrutée de près aussi bien par ses partenaires africains qu’européens.
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