Etat de Palestine l Le saut hésitant de Macron
En voulant reconnaĂźtre lâĂtat de Palestine «sans brusquer», Macron a choisi le chemin de la lenteur excessive. Mais lâHistoire â celle que Churchill et De Gaulle avaient lue â nous rappelle que, pour franchir certains fossĂ©s, il faut un seul Ă©lan, ferme et irrĂ©versible. Tout le reste nâest que temps offert Ă ceux qui espĂšrent que le saut nâaura jamais de rĂ©sultat.
Khémaïs Gharbi *

Winston Churchill aimait rappeler quâ«un fossĂ© se franchit mieux dâun seul saut». Ce nâĂ©tait pas seulement une image de guerre, mais une leçon de stratĂ©gie : lorsquâun pas est dĂ©cisif, mieux vaut lâaccomplir dâun Ă©lan ferme que dây revenir par hĂ©sitations successives.
Le prĂ©sident français Emmanuel Macron semble aujourdâhui payer le prix dâavoir ignorĂ© ce conseil du «vieux lion». Depuis des mois, il annonçait vouloir reconnaĂźtre lâĂtat de Palestine â mais sans oser le faire franchement et clairement. Avant-hier, jeudi 25 juillet 2025, il a franchi une Ă©tape en annonçant officiellement cette reconnaissance dans une lettre adressĂ©e au prĂ©sident Mahmoud Abbas. Mais, en fixant la date de la proclamation solennelle Ă septembre prochain, lors de lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Nations unies, il a ouvert un nouveau cycle de palabres, de tergiversations et de rĂ©sistances.
Cette dĂ©marche, pourtant honorable dans son affirmation, risque de se transformer en un piĂšge politique. Car en multipliant les prĂ©annonces, Macron nâoffre pas seulement du temps Ă la diplomatie : il en offre surtout Ă ses adversaires â de lâintĂ©rieur comme de lâextĂ©rieur â pour dresser de nouveaux obstacles, tisser de nouvelles pressions, nourrir de nouvelles polĂ©miques.
LâHistoire fourmille dâexemples qui rappellent que certains gestes doivent ĂȘtre accomplis avec la nettetĂ© dâun couperet. En 1967, au lendemain de la guerre des Six Jours, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle avait choisi un mot â «agression» â et une dĂ©cision â lâembargo sur les armes Ă destination dâIsraĂ«l â quâil annonça dâun bloc, sans flottement. Le geste fut controversĂ©, mais sa clartĂ© fit autoritĂ©.
Ă lâinverse, Ă tergiverser, on Ă©puise lâĂ©lan, on fragilise le geste, et lâon transforme ce qui aurait pu ĂȘtre un moment de clartĂ© en un long champ de tir pour les critiques.
En voulant reconnaĂźtre lâĂtat de Palestine «sans brusquer», Macron a choisi le chemin de la lenteur excessive. Mais lâHistoire â celle que Churchill et De Gaulle avaient lue â nous rappelle que, pour franchir certains fossĂ©s, il faut un seul Ă©lan, ferme et irrĂ©versible. Tout le reste nâest que temps offert Ă ceux qui espĂšrent que le saut nâaura jamais de rĂ©sultat. Et ils sont nombreux dans cet Occident qui se fait dĂ©sormais complice du gĂ©nocide perpĂ©trĂ© par IsraĂ«l dans les territoires palestiniens occupĂ©s.
Les 149 Etats qui ont dĂ©jĂ reconnu lâEtat de Palestine lâont fait ce saut, et dâun seul Ă©lan, mus par la nĂ©cessitĂ© de lâHistoire et guidĂ©s par les principes du droit et de la justice.
* Ecrivain et traducteur.
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