Par Ridha Chiba, conseiller international en exportation
Cet article sâadresse aux exportateurs ainsi quâĂ tout acteur Ă©conomique opĂ©rant Ă lâinternational, afin de les sensibiliser sur lâimportance du choix du mode de paiement.
Le crĂ©dit documentaire, reconnu pour sa sĂ©curitĂ© et ses garanties, reprĂ©sente une solution stratĂ©gique permettant de se prĂ©munir contre les risques de non-paiement et dâassurer le bon rapatriement des fonds.
Lâauteur y dĂ©veloppe les fondements, les mĂ©canismes et les avantages dâun tel instrument financier.
Cet article est destinĂ© aux exportateurs et tout acteur dans le domaine Ă©conomique travaillant avec les opĂ©rateurs Ă©trangers en vue de les Ă©clairer sur le mode de paiement Ă choisir lors dâune opĂ©ration dâexportation qui leur assure la sĂ©curitĂ© de paiement et le rapatriement de fonds.
En fait, le crĂ©dit documentaire est le mode de paiement Ă lâinternational le plus sollicitĂ© par les vendeurs parce quâil leur Ă©vite Ă©normĂ©ment des problĂšmes dâordre commercial et financier. VĂ©ritablement, ce paiement est garanti par deux banques, la banque Ă©mettrice (banque du client) et la banque notificatrice (la banque qui reprĂ©sente la banque du client dans le pays de lâexportateur).
Ce genre de paiement est appelĂ© aussi « paiement donnant donnant ». Il est ainsi appelĂ© parce que deux actions se font entre deux banques dâune maniĂšre simultanĂ©e. La banque notificatrice remet les documents Ă la banque Ă©mettrice et cette derniĂšre procĂšde au paiement ou Ă la garantie de paiement moyennant la rĂ©ception des documents dâexpĂ©dition.
Le crĂ©dit documentaire est le paiement qui crĂ©e rĂ©ellement lâĂ©quilibre entre le vendeur et lâacheteur et Ă©tablit entre eux une vĂ©ritable crĂ©dibilitĂ©.Au dĂ©but de cet article, il demeure impĂ©rieux de faire la distinction entre les instruments et les techniques de paiement Ă lâinternational.
Distinction entre les instruments et les techniques de paiement
Les instruments de paiement comme le chĂšque, le cash, le virement, la lettre de change, le billet Ă ordre sont basĂ©s sur le support matĂ©riel, voire le support physique du paiement alors que la technique de paiement est la procĂ©dure qui doit ĂȘtre remplie par le vendeur pour obtenir le paiement.
A lâinternational, les techniques de paiement se dĂ©clinent principalement en deux grandes catĂ©gories : lâencaissement simple et lâencaissement documentaire. Lâencaissement simple repose sur une relation de confiance entre les deux parties; il consiste pour le vendeur Ă recevoir son paiement, soit Ă lâavance, soit aprĂšs la livraison des marchandises, gĂ©nĂ©ralement par virement bancaire ou par chĂšque, sur la base dâune simple facture.
Bien que rapide et peu contraignant, ce mode de paiement comporte des risques non nĂ©gligeables, notamment en cas de dĂ©faut de paiement de lâacheteur. A lâinverse, lâencaissement documentaire offre un cadre plus sĂ©curisĂ©. Il sâagit dâun processus structurĂ© dans lequel les documents commerciaux â tels que la facture, le connaissement ou le certificat dâorigine â sont transmis Ă lâacheteur via les banques, et ne lui sont remis quâen Ă©change du paiement ou de lâacceptation dâun effet de commerce.
Ce mĂ©canisme permet dâassurer une certaine protection au vendeur, car la libĂ©ration des documents, nĂ©cessaires au dĂ©douanement et Ă la prise de possession de la marchandise, est conditionnĂ©e au respect des obligations de paiement. A cet effet, il existe trois techniques principales de paiements documentaires, Ă savoir : « le crĂ©dit documentaire », « la remise documentaire » et « le crĂ©dit stand-by ».
Le crĂ©dit documentaire est une procĂ©dure par laquelle lâimportateur donne instruction Ă sa banque de verser le montant dĂ» Ă lâexportateur, Ă condition que ce dernier prĂ©sente les documents dâexpĂ©dition exigĂ©s. Ces documents permettent Ă lâacheteur dâeffectuer le dĂ©douanement et de rĂ©cupĂ©rer la marchandise.
Ce mĂ©canisme, qui repose sur lâintervention des banques, vise Ă sĂ©curiser la transaction pour les deux parties. Plusieurs intervenants sont impliquĂ©s : le donneur dâordre, câest-Ă -dire lâacheteur qui sollicite lâouverture du crĂ©dit documentaire auprĂšs de sa banque ; le bĂ©nĂ©ficiaire, soit le vendeur pour lequel le crĂ©dit est Ă©mis ; la banque Ă©mettrice (issuing bank), gĂ©nĂ©ralement situĂ©e dans le pays de lâacheteur, qui procĂšde Ă lâouverture du crĂ©dit et sâengage Ă le payer sous rĂ©serve de conformitĂ© des documents ; la banque notificatrice (advising bank), correspondante de la banque Ă©mettrice, qui reçoit et transmet le crĂ©dit Ă lâexportateur â elle est en principe situĂ©e dans le pays du vendeur, mais peut exceptionnellement se trouver Ă lâĂ©tranger ; et enfin, la banque dĂ©signĂ©e (nominated bank), chargĂ©e du paiement, de lâacceptation ou de la nĂ©gociation des documents, qui peut ou non ĂȘtre la mĂȘme que la banque notificatrice.
Ce dispositif constitue un cadre structuré et fiable pour les transactions internationales, en garantissant à chacun des partenaires commerciaux un niveau de sécurité renforcé contre les risques de non-paiement ou de non-livraison.
Le crĂ©dit documentaire doit ĂȘtre irrĂ©vocableâŠ
Le crĂ©dit documentaire doit ĂȘtre irrĂ©vocable car il constitue un engagement ferme de la banque de lâimportateur Ă payer le montant dĂ», Ă condition que les documents prĂ©sentĂ©s soient strictement conformes aux termes du crĂ©dit. Une fois Ă©mis, ce crĂ©dit ne peut ĂȘtre annulĂ© ou modifiĂ© unilatĂ©ralement, et reste en vigueur jusquâĂ la date de validitĂ© prĂ©cisĂ©e dans ses clauses.
Cette irrĂ©vocabilitĂ© offre une sĂ©curitĂ© essentielle pour le vendeur, en garantissant que lâengagement bancaire restera valable quelles que soient les circonstances commerciales. Parmi ses principaux avantages, le crĂ©dit documentaire irrĂ©vocable permet de couvrir le risque commercial, tout en assurant le respect de deux Ă©chĂ©ances critiques : la date limite dâexpĂ©dition des marchandises et celle de la validitĂ© de lâaccrĂ©ditif.
Il doit ĂȘtre aussi confirmĂ© !
Parmi les risques auxquels lâexportateur peut ĂȘtre confrontĂ©, nous citons ce qui suit : le rapatriement des fonds du pays dâaccueil peut se heurter Ă des restrictions, voire Ă des interdictions ; dans le cas des litiges (non-paiement, rupture de contrat, etc.), les tribunaux nâarrivent pas parfois Ă rĂ©gler les diffĂ©rends entre les parties contractantes issues de diffĂ©rents pays ; lâinstabilitĂ© politique dans les pays cibles (insurrection, guerreâŠ) peut provoquer des pertes pour lâexportation.
Câest grĂące Ă la technique de paiement par le crĂ©dit documentaire irrĂ©vocable et confirmĂ©, qui comporte un double engagement, que lâon peut offrir des solutions bancaires en amont pour mettre un terme au risque commercial et de paiement. En effet, la banque confirmatrice a pour rĂŽle de garantir le paiement du crĂ©dit dans le pays de lâexportateur, conformĂ©ment aux stipulations du crĂ©dit documentaire, dans la mĂȘme devise et selon les conditions qui y figurent.
En gĂ©nĂ©ral, la banque confirmatrice est elle-mĂȘme la banque notificatrice, mais dans certaines situations il peut sâagir de banques diffĂ©rentes. La confirmation dâun crĂ©dit documentaire par une banque a plusieurs effets : la couverture dâune Ă©ventuelle dĂ©faillance financiĂšre de la banque Ă©mettrice (câest le risque bancaire), la couverture dâune dĂ©faillance Ă©conomique du pays de lâacheteur (câest le risque pays et politique), et la garantie de paiement en cas dâopposition du pays de lâacheteur concernant le transfert des fonds vers le pays du vendeur.
Le crédit documentaire irrévocable et confirmé présente-t-il des défaillances
Outre les frais trĂšs coĂ»teux et les formalitĂ©s parfois complexes, le crĂ©dit documentaire prĂ©sente un inconvĂ©nient de taille du fait quâil contrĂŽle uniquement si les documents dâexpĂ©dition sont conformes aux termes du crĂ©dit documentaire et ne contrĂŽle aucunement la conformitĂ© de la marchandise par rapport Ă lâadĂ©quation de la norme et aux spĂ©cificitĂ©s techniques requises de la commande Nous espĂ©rons vivement que cet article aidera davantage nos exportateurs Ă mieux choisir le mode de paiement pour toutes les opĂ©rations dâexportation afin dâĂ©viter la confrontation avec leurs clients et intenter des actions en justice hasardeuses et coĂ»teuses auprĂšs des tribunaux compĂ©tents Ă©trangers en cas de non-paiement Ceci en sus du contrĂŽle de la Banque centrale tunisienne qui exige lâavis de crĂ©dit qui prouve le rapatriement du fonds pour chaque opĂ©ration dâexportation assurĂ©e
R.C.
N.B. : Lâopinion Ă©mise dans cette tribune nâengage que son auteur. Elle est lâexpression dâun point de vue personnel.