IDE : que révÚle le rapport de la Cnuced sur la Tunisie ?
La ConfĂ©rence des Nations unies pour le commerce et le dĂ©veloppement (Cnuced) a publiĂ©, rĂ©cemment, un rapport accablant sur la politique dâinvestissement en Tunisie. Dans ce document, lâagence onusienne spĂ©cialisĂ©e dans les tendances des flux dâinvestissement direct Ă©tranger (IDE) dans le monde revient sur le cadre juridique, rĂ©glementaire et institutionnel relatif Ă lâinvestissement en Tunisie. Elle y Ă©met des recommandations visant Ă amĂ©liorer lâattractivitĂ© du site Tunisie pour les investisseurs Ă©trangers.
Potentiel réel, attractivité en recul
Le rapport rappelle nĂ©anmoins le potentiel productif important dont jouit le site Tunisie de par sa position gĂ©ographique stratĂ©gique, son Ă©conomie diversifiĂ©e et sa main-dâĆuvre qualifiĂ©e. Il estime que des rĂ©formes structurelles sont nĂ©cessaires pour renforcer son attractivitĂ©.
Les chiffres : une tendance Ă la baisse
Selon la Cnuced, le taux dâinvestissement (public et privĂ©) en Tunisie sâest repliĂ© aux alentours de 16 % du PIB durant la pĂ©riode 2020-2024, contre 19,3 % en 2016. La Cnuced ajoute que « les IDE qui dĂ©passaient rĂ©guliĂšrement 1 milliard de dollars annuellement entre 2006 et 2015, se sont contractĂ©s Ă environ 700 millions de dollars par an depuis 2020 ».
Par secteur, les IDE mobilisĂ©s ont profitĂ© principalement Ă lâindustrie manufacturiĂšre exportatrice (plus de la moitiĂ© des IDE durant la pĂ©riode 2020-2023). En revanche, les segments Ă forte valeur ajoutĂ©e (haute technologie) restent peu dĂ©veloppĂ©s.
Conséquences économiques et sociales
Ce trend baissier des IDE a freinĂ© la croissance Ă©conomique du pays (taux de croissance moyen de 2,2 % sur 2004-2022, contre 5,5 % en moyenne pour les pays Ă revenu intermĂ©diaire). Il sâest traduit, Ă©galement, par un chĂŽmage structurellement Ă©levĂ© (15 % en 2023) ainsi quâune prĂ©valence de lâĂ©conomie informelle (entre 27 et 49 % de lâemploi et prĂšs de 35 % du PIB selon la Cnuced).
Comparaison régionale défavorable
Comparativement avec des pays voisins, dâaprĂšs les donnĂ©es statistiques publiĂ©es par le rapport, les flux entrants moyens dâIDE ont baissĂ© de 974 millions de dollars (2014-2018) Ă 728 millions de dollars (2019-2023). Ainsi, notre pays se situe en bas de la liste des pays comparateurs, notamment lâĂgypte, dont le flux moyen des IDE dĂ©passe les 8,2 milliards de dollars, et le Maroc avec un flux de lâordre de 1,7 milliard de dollars.
Un climat dâaffaires dĂ©gradĂ©
La Cnuced explique le recul des IDE en Tunisie par plusieurs facteurs. Le rapport commence par pointer du doigt la complexitĂ© administrative (rĂ©gime des autorisations et multiplication des acteurs institutionnels). Selon le rapport, ces barriĂšres ont entravĂ©, de maniĂšre significative, lâattraction des investisseurs.
Le document Ă©voque Ă©galement la faible proportion de la diaspora (environ 10 %) qui lance des projets dâinvestissement, lâaccĂšs difficile au foncier et le retard quâaccuse le site en matiĂšre de digitalisation.
Autre facteur citĂ© par le rapport : les restrictions aux mouvements de capitaux du code de change. DâaprĂšs la Cnuced, ce code impose de fortes contraintes aux entreprises off-shore et on-shore, particuliĂšrement en ce qui concerne le transfert, le rapatriement des bĂ©nĂ©fices et le financement extĂ©rieur.
Le document Ă©numĂšre dâautres faiblesses : ambiguĂŻtĂ©s et imprĂ©cisions du cadre juridique relatif au droit du travail, Ă lâenvironnement et Ă la concurrence, et dĂ©ficit de capacitĂ© institutionnelle pour en assurer la mise en Ćuvre.
Les recommandations de la Cnuced
Le rapport suggĂšre dâinviter les banques Ă simplifier les procĂ©dures dâaccĂšs au crĂ©dit ; Ă renforcer et promouvoir les dispositifs spĂ©cifiques pour accompagner les TPME et startups dans leurs phases de croissance ; et Ă dĂ©velopper des mĂ©canismes pour les femmes, les jeunes et les personnes en situation de handicap.
Les recommandations portent aussi sur la mise en place de budgets dĂ©diĂ©s Ă lâinnovation, lâencouragement des partenariats entre gouvernement, secteur privĂ© et universitĂ©s, et le dĂ©veloppement de fonds de garantie au profit des secteurs prioritaires.
La Cnuced propose Ă©galement de crĂ©er des fonds dâinvestissement pour les secteurs prioritaires, dans lesquels la diaspora pourrait contribuer, et dâĂ©largir les sources de financement de projets structurants via les PPP.
Enfin, elle invite les autoritĂ©s tunisiennes Ă simplifier le cadre rĂ©glementaire, notamment en supprimant la carte de commerçant Ă©tranger et les disparitĂ©s entre off-shore et on-shore, dans lâobjectif de garantir un traitement Ă©galitaire aux investisseurs.
Le rapport revient aussi sur la nĂ©cessitĂ© de renforcer la gouvernance autour de la politique dâattractivitĂ©, notamment via un guichet unique et une meilleure coordination institutionnelle.
Un regard critique sur le rapport
Par-delĂ ces indicateurs et recommandations, nous pensons, pour notre part, que le rapport de la Cnuced est incomplet, voire quelque part non objectif. Et pour cause : il ne prend pas en considĂ©ration lâinstabilitĂ© politique de ces quinze derniĂšres annĂ©es, ni lâembargo de fait imposĂ© par plusieurs bailleurs de fonds, dont le FMI.
Abou SARRA
INDICATEURS CLĂS
- Taux dâinvestissement en Tunisie : 16 % du PIB (2020-2024) contre 19,3 % en 2016.
- IDE annuels : 700 millions USD (2020-2023), contre plus de 1 milliard entre 2006 et 2015.
- Croissance économique moyenne : 2,2 % (2004-2022) en Tunisie, contre 5,5 % dans les pays comparables.
- ChĂŽmage en 2023 : 15 %.
- Part de lâĂ©conomie informelle : jusquâĂ 49 % de lâemploi et 35 % du PIB.
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