LâIran bombardĂ© : la stratĂ©gie du choc pour un changement de rĂ©gime ?
Au-delĂ des cibles militaires et nuclĂ©aires, les frappes israĂ©liennes en cours contre lâIran semblent viser le cĆur mĂȘme du pouvoir Ă TĂ©hĂ©ran. Selon plusieurs sources amĂ©ricaines relayĂ©es par CNN et The New York Times, lâĂtat hĂ©breu nâĂ©carte plus lâhypothĂšse dâun effondrement du rĂ©gime, consĂ©cutif Ă une guerre dâusure savamment orchestrĂ©e.
Officiellement, IsraĂ«l affirme vouloir empĂȘcher lâIran de se doter de lâarme nuclĂ©aire. « Nous traitons dĂ©sormais avec la tĂȘte du serpent », a dĂ©clarĂ© le ministre israĂ©lien de la DĂ©fense, Israel Katz, vendredi 13 juin. Mais derriĂšre ce discours sĂ©curitaire transparaĂźt une stratĂ©gie plus profonde : fragiliser durablement lâĂtat iranien pour forcer un tournant politique, voire institutionnel.
Un rapport du renseignement amĂ©ricain citĂ© par CNN Ă©voque le changement de rĂ©gime comme une visĂ©e latente, persistante dans les cercles sĂ©curitaires israĂ©liens. Bien que les frappes nâaient pas officiellement cet objectif dĂ©clarĂ©, plusieurs responsables amĂ©ricains estiment quâIsraĂ«l voit dans lâopĂ©ration actuelle une opportunitĂ© historique.
Selon le New York Times, les premiĂšres frappes ont visĂ© des personnalitĂ©s de premier plan au sein de lâappareil militaire iranien : le chef dâĂ©tat-major Mohammad Bagheri, le commandant des Gardiens de la RĂ©volution Hossein Salami et plusieurs gĂ©nĂ©raux auraient Ă©tĂ© tuĂ©s. Cette attaque ciblĂ©e, au cĆur mĂȘme de TĂ©hĂ©ran, aurait dĂ©sorganisĂ© la chaĂźne de commandement, sans prĂ©cĂ©dent depuis la guerre Iran-Irak.
Une logique de négociation sous les bombes
La sĂ©quence actuelle semble sâinscrire dans une tactique dite des « pourparlers sous les bombes » : intensifier la pression militaire pour forcer lâadversaire Ă la table des nĂ©gociations dans une posture de faiblesse. TĂ©hĂ©ran doit justement reprendre prochainement des discussions indirectes avec Washington sur le dossier nuclĂ©aire. Pour un analyste proche des services de renseignement amĂ©ricains, « plus le rĂ©gime est occupĂ© Ă contenir les incendies internes, plus il devient permĂ©able aux concessions externes ».
Lâadministration Trump, selon plusieurs fuites, avait Ă©tĂ© informĂ©e Ă lâavance du plan israĂ©lien, sans pour autant y apporter un soutien militaire direct. Cette posture ambiguĂ« reflĂšte les divisions stratĂ©giques Ă Washington sur la gestion du dossier iranien.
Des précédents historiques contrastés
Ce type de stratĂ©gie nâest pas sans prĂ©cĂ©dent. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Ătats-Unis ont tentĂ© Ă plusieurs reprises de provoquer des changements de rĂ©gime dans la rĂ©gion. En Iran mĂȘme, la CIA avait orchestrĂ© en 1953 lâopĂ©ration Ajax, renversant le Premier ministre Mohammad Mossadegh. Mais les tentatives plus rĂ©centes illustrent la complexitĂ© â voire lâĂ©chec â de telles entreprises.
Irak, Libye, Syrie : des résultats ambigus
Lâinvasion de lâIrak en 2003, motivĂ©e par la crainte dâarmes de destruction massive, a certes conduit Ă la chute de Saddam Hussein, mais au prix dâun effondrement institutionnel, de la montĂ©e du terrorisme et dâune instabilitĂ© rĂ©gionale durable.
La Libye, en 2011, a connu une trajectoire similaire : lâintervention internationale contre le rĂ©gime de Kadhafi a dĂ©bouchĂ© sur un chaos prolongĂ©, avec un Ătat failli et des milices rivales.
En Syrie, malgrĂ© un long siĂšge international et des pressions militaires indirectes, le rĂ©gime de Bachar al-Assad a rĂ©sistĂ© plus de dix ans avant de sâeffondrer brutalement en dĂ©cembre 2024, Ă la suite dâune offensive rebelle inattendue. Cette chute tardive montre que mĂȘme les rĂ©gimes les plus enracinĂ©s peuvent finir par vaciller⊠ou se maintenir contre toute attente.
Un pari stratégique risqué
Pour IsraĂ«l, lâoption dâun effondrement contrĂŽlĂ© du rĂ©gime iranien paraĂźt sĂ©duisante. LâĂtat hĂ©breu espĂšre peut-ĂȘtre reproduire, Ă une Ă©chelle bien plus grande, la dynamique observĂ©e au Liban : les frappes de 2024 contre le Hezbollah avaient affaibli durablement son emprise politique.
Mais ce pari reste Ă haut risque. LâIran dispose encore dâun appareil sĂ©curitaire rĂ©silient et dâune base sociale mobilisable en cas de menace extĂ©rieure. Lâeffet de « ralliement autour du drapeau » pourrait paradoxalement renforcer le rĂ©gime face Ă une agression Ă©trangĂšre.
Le Guide suprĂȘme Ali Khamenei a dĂ©jĂ promis une riposte « douloureuse et irrĂ©versible ». Une escalade directe â voire un embrasement rĂ©gional â reste possible si TĂ©hĂ©ran choisit la confrontation au lieu de la nĂ©gociation.
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