ECLAIRAGES – La fin du mythe dollar : vers une nouvelle donne monétaire mondiale ?
Est-ce la fin du mythe dollar? Depuis le début de l’année 2025, le dollar américain subit une dépréciation marquée, avec un recul de près de 9 % face à l’euro et de 8,9 % par rapport à un panier de grandes devises internationales. Ce mouvement, loin d’être un simple ajustement technique, traduit une recomposition plus profonde du paysage monétaire mondial.
À l’origine de cette dynamique, une gouvernance américaine traversée par des choix économiques clivants, une stratégie commerciale erratique et un climat politique empreint d’incertitudes, le tout incarné par l’approche iconoclaste de l’administration Trump.
La politique économique de Trump : entre protectionnisme et incertitudes…
La volonté de Donald Trump de réorienter l’économie américaine autour d’un nationalisme économique exacerbé a profondément perturbé les équilibres commerciaux. Les mesures protectionnistes, notamment les droits de douane sur les importations, visaient à renforcer la production locale. Mais l’effet boomerang est rapidement apparu : hausse des prix à l’importation, érosion du pouvoir d’achat des ménages, et inquiétude des partenaires commerciaux.
L’OCDE, dans ses dernières prévisions, abaisse la croissance attendue du PIB américain à 1,6 % pour 2025, mettant en exergue les effets délétères de cette stratégie sur la dynamique économique globale du pays.
Au-delà des chiffres, c’est surtout l’imprévisibilité de la gouvernance américaine qui inquiète. L’absence de cap lisible, l’instrumentalisation des leviers économiques à des fins politiques et les attaques répétées contre les institutions – à commencer par la Réserve fédérale – ont fragilisé l’image d’une économie autrefois perçue comme pilier de stabilité.
Fin de l’exception dollar ?
Autrefois valeur refuge par excellence, le dollar semble perdre peu à peu son statut de monnaie hégémonique. Le changement de perception est net : les investisseurs, autrefois confiants, procèdent à une « rotation de portefeuille », réduisant leur exposition aux actifs libellés en dollars au profit de devises perçues comme plus stables, à l’image de l’euro, du yen ou du franc suisse. Cette dynamique traduit une réévaluation profonde des risques associés aux actifs américains, dopée par les incertitudes politiques et les menaces répétées de Trump à l’égard de la Fed.
La défiance ne se limite pas au court terme : Goldman Sachs alerte sur les dérives budgétaires à venir, pointant des déficits structurels qui pourraient peser durablement sur la balance courante des États-Unis. Or, un déficit persistant de cette balance est souvent interprété comme un signal de déséquilibre fondamental, propice à une dépréciation durable de la monnaie.
Une dynamique euro plus affirmée
Par contraste, l’euro bénéficie d’un regain de confiance. Plusieurs banques internationales, dont Deutsche Bank et Nomura, anticipent une poursuite de son appréciation, avec un objectif de 1,20 dollar d’ici la fin de l’année. Cette dynamique s’explique autant par l’affaiblissement du dollar que par une conjoncture plus favorable en Europe : politique budgétaire plus volontariste, relance des investissements publics – notamment en Allemagne – et perspective d’un resserrement monétaire progressif de la BCE.
L’euro, longtemps affaibli par les incertitudes institutionnelles et le manque de coordination budgétaire, retrouve ainsi une nouvelle vigueur en se positionnant comme une alternative crédible dans un monde monétaire en recomposition.
Vers une reconfiguration durable ?
La baisse du dollar ne saurait être considérée comme un simple épisode conjoncturel. Elle traduit une perte de crédibilité liée à une gouvernance perçue comme imprévisible et déséquilibrée, dans un contexte où la confiance des investisseurs est devenue une ressource aussi stratégique que volatile. Le retour à un dollar fort supposerait un rééquilibrage structurel : apaisement du climat politique, restauration de l’indépendance des institutions économiques, et clarification des orientations commerciales.
Dans l’attente de ce changement de cap, les investisseurs sont contraints de revoir leurs allocations, en intégrant cette nouvelle donne géopolitique et monétaire. Car au-delà de la volatilité des devises, c’est bien la hiérarchie mondiale des valeurs refuges qui semble en passe d’être redéfinie.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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