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Edito: Epreuve

Combien de divisions ? La question d’allure martiale est moins anodine qu’elle n’y paraĂźt. La rĂ©alitĂ© est que trĂšs peu de postulants au baccalaurĂ©at viennent d’horizons ou de filiĂšres scientifiques. Le phĂ©nomĂšne est encore plus accentuĂ© au terme du cursus universitaire. La place et le poids des Ă©coles d’ingĂ©nieurs, des facultĂ©s de sciences pures et des instituts technologiques font davantage rĂ©fĂ©rence au passĂ© lointain qu’ils n’expriment les prĂ©occupations du moment, et moins encore qu’ils n’anticipent les exigences du futur.

151.808 Ă©lĂšves sont sur la ligne de dĂ©part pour l’épreuve du baccalaurĂ©at. Moins de 10.000 portent le brassard scientifique, ultime marqueur des temps modernes. Peu d’appelĂ©s pour, au final, trĂšs peu d’élus, en comparaison avec les dragons asiatiques qui doivent leur fulgurante ascension Ă  la nature et Ă  l’efficacitĂ© de l’architecture de leur systĂšme d’enseignement. Au total, moins de 10.000 entre ingĂ©nieurs et scientifiques sur prĂšs de 70.000 diplĂŽmĂ©s de l’enseignement supĂ©rieur. Sans l’apport du secteur privĂ© qui monte en puissance, le tableau serait encore plus troublant.

 

Nul ne peut ni ne doit, au nom prĂ©cisĂ© ment de la libertĂ©, s’opposer Ă  l’exode de cerveaux et de compĂ©tences, mĂȘme quand le phĂ©nomĂšne prend de l’ampleur et menace de dĂ©stabiliser les fondements mĂȘmes des structures productives.

 

Un grand nombre, si ce n’est la totalitĂ© des laurĂ©ats scientifiques, vont poursuivre leurs Ă©tudes Ă  l’étranger, souvent sans grand espoir de retour. Ils y seront accueillis Ă  bras ouverts. Ils seront dĂ©tournĂ©s, en toute lĂ©galitĂ©, de leur pays d’origine, qui s’est saignĂ© aux quatre veines pour les hisser au sommet de la connaissance et de la crĂ©ativitĂ©. Au pillage et Ă  la confiscation des richesses et des ressources naturelles, s’ajoute, dans la stratĂ©gie des anciens empires coloniaux, la captation du capital humain Ă  leur seul bĂ©nĂ©fice. La voie est libre et pavĂ©e de sollicitations pour les ingĂ©nieurs, les scientifiques, les chercheurs, les mĂ©decins, les universitaires, au nom du sacro-saint principe de libertĂ©, mais qu’on rĂ©cuse et renie quand il s’agit d’immigration indĂ©sirable et non voulue. A charge pour notre diplomatie de faire valoir nos droits auprĂšs des pays d’accueil. La morale et les valeurs qu’ils dĂ©fendent valent bien dĂ©dommagement et indemnisation pour service rendu ! Nul ne peut ni ne doit, au nom prĂ©cisĂ© ment de la libertĂ©, s’opposer Ă  l’exode de cerveaux et de compĂ©tences, mĂȘme quand le phĂ©nomĂšne prend de l’ampleur et menace de dĂ©stabiliser les fondements mĂȘmes des structures productives. L’ennui, c’est qu’on ne sait mĂȘme pas s’il faut se plaindre ou se rĂ©jouir du montant des transferts de revenus des TRE. Le problĂšme n’est pas d’ordre moral.

La question qui se pose est de s’interroger sur les motivations qui poussent nos compĂ©tences Ă  quitter le pays. Les conditions financiĂšres, mĂȘme si elles sont bien rĂ©elles, ne sont pas l’unique raison. Il y a aussi la promesse d’un plan de carriĂšre valorisant, de meilleures conditions de travail et de vie. Et les raisons politiques ne sont pas tout Ă  fait absentes aussi. Certains se rĂ©signent Ă  voter avec leurs pieds, déçus, frustrĂ©s et dĂ©couragĂ©s qu’ils sont par l’absence de visibilitĂ© politique et de rĂ©elles perspectives d’avenir. Le mal est en nous-mĂȘmes. Si une large frange de l’élite – mais pas elle seule – s’en va, c’est pour fuir le malaise et la dĂ©prime qui s’incrustent pour on ne sait combien de temps.

 

Nos facultĂ©s et Ă©coles d’ingĂ©nieurs sauront s’y prendre; elles disposent d’un Ă©norme potentiel de dĂ©veloppement, pour peu qu’elles aient les coudĂ©es franches. C’est l’honneur de l’enseignement tunisien qu’elles auront Ă  dĂ©fendre.

 

Que faire pour Ă©viter que le pays ne se vide de sa substance ? Que faire dans l’immĂ©diat et Ă  terme pour lutter contre les dĂ©serts scientifique, technologique, mĂ©dical et industriel et les prĂ©venir ? On est en droit de nous alarmer au vu du nombre effrayant des dĂ©parts et du vide qu’ils laissent derriĂšre eux. Que doit-on faire pour stopper l’hĂ©morragie et pourquoi ne pas inverser cette tendance ? Que faire pour ne pas subir la tyrannie du vide, qui impacte lourdement la machine Ă©conomique ? Pour toute rĂ©ponse : agir vite, fort, tout en dĂ©ployant une vision lointaine. Faire ce que nous savons faire, lĂ  oĂč nous avons excellĂ© depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations : former des scientifiques encore et toujours, tout en amĂ©liorant et en diversifiant l’offre des diplĂŽmes. Nos facultĂ©s et Ă©coles d’ingĂ©nieurs sauront s’y prendre; elles disposent d’un Ă©norme potentiel de dĂ©veloppement, pour peu qu’elles aient les coudĂ©es franches. C’est l’honneur de l’enseignement tunisien qu’elles auront Ă  dĂ©fendre. Le ventre qui a enfantĂ© ces graines de gĂ©nie qui brillent de mille feux, ailleurs plus qu’ici, est encore fĂ©cond. Encore faut-il qu’on en prenne soin. Former en nombre et en qualitĂ©, c’est notre principal dĂ©fi dans un contexte mondial marquĂ© par d’inquiĂ©tants bouleversements gĂ©opolitiques.

Face Ă  la montĂ©e des pĂ©rils liĂ©s aux incertitudes du nouvel ordre Ă©conomique mondial et Ă  l’irruption de l’IA, principal levier stratĂ©gique d’innovation, de modernisation et d’émergence des Ă©conomies, nous n’avons d’autre choix que de relever le dĂ©fi de l’enseignement, de la recherche et de la formation. Il s’agit lĂ  rien de moins que de la mĂšre de toutes les batailles.

 

Ils ont d’énormes marges de progression et un trĂšs grand nombre de places Ă  conquĂ©rir pour prĂ©tendre figurer dans l’échiquier mondial.

 

Pour compter, nos universitĂ©s, nos grandes Ă©coles et nos centres de recherche doivent y ĂȘtre. Ils partent aujourd’hui de trĂšs bas pour avoir subi pendant prĂšs de deux dĂ©cennies l’usure du temps, l’indiffĂ©rence des pouvoirs publics et les effets pervers d’une contestation sociale dĂ©vastatrice. Ils ont d’énormes marges de progression et un trĂšs grand nombre de places Ă  conquĂ©rir pour prĂ©tendre figurer dans l’échiquier mondial.

Il n’y a pas mieux que le couple universitĂ©-entreprise pour concevoir, Ă©crire, dessiner et construire le futur. C’est l’épicentre, le point focal de toute politique de dĂ©veloppement souveraine. Il ne peut y avoir de rĂ©elles avancĂ©es sans ce rĂ©acteur Ă  propulsion humaine. Le problĂšme est qu’en la matiĂšre, il y a loin de la coupe aux lĂšvres. L’universitĂ© est aujourd’hui coupĂ©e de son environnement et du socle productif Ă  un point tel que cela suscite d’énormes craintes. Il ne peut y avoir de croissance souveraine sans un fort maillage et une puissante intĂ©gration entre les universitĂ©s et les entreprises, de quelque taille qu’elles soient.

D’oĂč l’impĂ©rieuse nĂ©cessitĂ© de maĂźtriser toute la chaĂźne de valeur : enseignement-recherche-innovation pour nous affranchir des alĂ©as du prĂ©sent et des incertitudes du futur. On n’accĂ©dera pas autrement Ă  de nouveaux paliers de dĂ©veloppement. N’ayons pas peur des mots : paradoxalement, c’est plus facile d’entreprendre aujourd’hui ce qui ne pouvait l’ĂȘtre par le passĂ©. Car Ă  l’heure de l’IA, la recherche n’est plus l’apanage des grands groupes ou des grandes puissances industrielles.

Mission difficile, certes, mais pas impossible pour un pays riche de son capital humain – pourtant dĂ©vastĂ© par l’émigration – et de la rĂ©silience de son tissu industriel et Ă©conomique. A condition de porter Ă  son plus haut niveau le curseur des bacheliers et des diplĂŽmĂ©s en mathĂ©matiques, en sciences et en technologies Ă©mergentes. A nous de choisir entre les architectes du futur et les ingĂ©nieurs du chaos. 

Cet Ă©dito est disponible dans le Mag de l’Economiste MaghrĂ©bin n°922 du 18 au 2 juillet 2025.

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