Tabac en Tunisie : comment briser la chaîne ?
À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, la plateforme Med.tn a organisé une table ronde pour « distinguer le vrai du faux » autour des alternatives aux cigarettes. Animée par Malek Aouni, cette rencontre a réuni le cardiologue Dr Dhaker Lahidheb et le psychologue Dr Anas Laouini, spécialiste des thérapies comportementales, face à un public de journalistes et de professionnels de la santé.
La Tunisie affiche l’un des taux de tabagisme les plus élevés d’Afrique et de la région Méditerranée orientale. En 2023, près d’un homme adulte sur deux (49,8 %) était fumeur, un chiffre stable depuis 2018. Chez les femmes, la prévalence progresse doucement (1,9 %), tandis que la situation devient alarmante chez les jeunes : 11,9 % des 13-15 ans fument déjà, certains dès 7 ans, et 17 % utilisent la cigarette électronique.
Des freins persistants à la lutte anti-tabac
Trois facteurs principaux freinent les efforts en matière de prévention :
- L’absence de campagnes percutantes depuis 2009.
- Le non-respect de la législation interdisant de fumer dans les lieux publics.
- La banalisation du tabac dans la société, accentuée par les médias, les réseaux sociaux et l’inaction des figures publiques.
Dr Anas Laouini regrette que « les campagnes actuelles manquent d’empathie et n’offrent pas d’alternatives aux fumeurs ». Il plaide pour une prévention dès l’enfance, notamment à l’école, via des actions éducatives continues.
Une dépendance multifacette
Le tabac génère une dépendance comportementale, cognitive et émotionnelle. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont jugées particulièrement efficaces, surtout face aux déclencheurs sociaux (cafés, fêtes…).
« Le mimétisme est un facteur clé chez les jeunes », rappelle Dr Laouini. Le marketing ciblé (arômes, bonbons) renforce ce phénomène, tout comme le rôle de l’environnement familial.
Alternatives : une voie à encadrer
Dr Dhaker Lahidheb affirme que le tabac chauffé réduit jusqu’à 90 % les substances toxiques par rapport à une cigarette classique. « Il peut constituer un outil de transition, mais pas une solution miracle », précise-t-il. De nombreux pays intègrent aujourd’hui la cigarette électronique dans leurs politiques de réduction des risques.
Dr Laouini insiste cependant sur la vigilance : « La vape ne doit pas devenir une porte d’entrée vers le tabac chez les jeunes. Elle doit rester un outil réservé aux adultes dans un cadre de sevrage accompagné. »
Une responsabilité collective
Le sevrage doit être personnalisé, non culpabilisant, associant soutien psychologique, substituts nicotiniques, groupes de parole, et valorisation de chaque tentative. La lutte contre le tabagisme en Tunisie appelle une mobilisation globale : parents, enseignants, médecins, médias et politiques.
« L’avenir dépend d’une éducation durable, de politiques courageuses et d’une mobilisation collective », conclut Dr Lahidheb.
Chiffres clés
- 49,8 % — des hommes adultes tunisiens fument (2023).
- 17 % — des mineurs utilisent la cigarette électronique.
- 1 adolescent sur 3 — commence à fumer par mimétisme.
- 58,9 % — de tabagisme chez les 35-39 ans en 2023.
- 2009 — dernière grande campagne nationale anti-tabac.
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