Exposition ‘Au fil de l’or’ : la Tunisie dans la cour des grands
Dans une ode inédite à l’art du textile doré à travers les siècles, la Tunisie brille de mille feux au Musée du quai Branly-Jacques Chirac à Paris. L’exposition « Au fil de l’Or. L’art de se vêtir de l’Orient au Soleil-Levant » (11 février – 6 juillet 2025) retrace l’histoire fascinante de ce métal précieux, intimement lié aux arts textiles depuis des millénaires. Cinq grandes régions culturelles – le Maghreb, le Moyen-Orient, la péninsule Arabique, l’Asie du Sud et du Sud-Est, et l’Asie orientale – y dévoilent le fruit d’un savoir-faire ancestral, où fils d’or et étoffes précieuses s’entremêlent sous les doigts experts des artisans.
Parmi les trésors exposés, la Tunisie se distingue dans le parcours « Costumes de lumière des pays du soleil couchant », où une collection de tenues traditionnelles richement brodées témoigne de la richesse de son patrimoine vestimentaire. Leila Temime Blili, professeure émérite en histoire à l’Université de La Manouba, signe un texte éclairant dans le catalogue de l’exposition, un ouvrage de référence de plus de 300 pages réunissant les contributions de trente-quatre spécialistes.
Ce livre d’art, enrichi d’une iconographie somptueuse, guide le visiteur à travers les civilisations, « des bords de la Méditerranée aux confins du Pacifique », comme le souligne Emmanuel Kasarhérou, président du musée. « L’exposition révèle comment orfèvres et tisserands ont uni leurs talents pour créer des œuvres textiles d’exception, reflets de traditions séculaires toujours vivantes. »
Depuis sa découverte il y a 7 000 ans, l’or a inspiré les artisans du monde entier. De la Chine au Maghreb, en passant par Byzance et la Perse, les techniques se sont perfectionnées pour sublimer soieries, lin et brocarts. L’exposition met en lumière cette histoire universelle, confrontant des pièces maghrébines – tunisiennes, algériennes et marocaines – à des kimonos japonais de l’époque Edo ou aux soieries orientales.
Dans l’espace dédié au Maghreb, la Tunisie captive avec ses costumes d’apparat : qoftans, djebbas, farmlas et autres tuniques brodées de fils d’or ou de vermeil. Parmi les pièces phares, une kiswa tarayoun (robe de mariée tunisoise) en velours et soie rehaussée de cannetilles côtoie une qmejja qsira de Sousse, une koufia de Moknine ou une farmla de Raf-Raf. Autant de témoignages d’un artisanat influencé par l’héritage andalou et ottoman, dont les origines remonteraient à l’époque carthaginoise.
Leila Temime Blili : plongée dans l’histoire textile tunisienne
Dans le catalogue, l’historienne retrace l’évolution des broderies traditionnelles, nourries par les échanges culturels permis par la position géographique de la Tunisie. Les étoffes, bien que sobres dans leur coupe, se parent d’ornements précieux, signes de distinction sociale. Autrefois mentionnées dans les contrats de mariage, ces pièces constituaient aussi un capital financier pour les femmes en temps de crise.
Après la Première Guerre mondiale, le tarayoun – pantalon large et blouse courte inspiré des uniformes militaires – s’impose, tandis que le caftan décline. Aujourd’hui, ces costumes, classés patrimoine immatériel, inspirent une nouvelle génération de créateurs.
L’or, fil conducteur des civilisations
L’exposition, conçue avec la collaboration de la styliste chinoise Guo Pei – dont les créations contemporaines dialoguent avec les pièces historiques –, célèbre l’éclat intemporel de l’or. Un métal « d’origine stellaire », comme le rappellent les récentes découvertes scientifiques, et qui, depuis des millénaires, tisse entre les doigts des artisans « l’éclat du ciel dans la trame des étoffes ».
Par Sarra Belguith
Crédits photo : Musée du quai Branly-Jacques Chirac
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