Le célèbre ouvrage d’lbn Khaldoun La Muqaddima, (1332-1406) et sa théorie de la société humaine sont au centre des œuvres d’auteurs issus de divers horizons récompensés du prix Ibn Khaldoun organisés par la Chaire ISESCO et le programme MED 21.
Ecrite en 1377, cette œuvre universelle qui était à l’origine de l’émergence de la Sociologie humaine, continue d’influencer le monde littéraire et académique et ne cesse d’interpeller la curiosité des lecteurs.
La Sud-coréenne Karima Kim, auteure de la première traduction en Coréen de la Muqaddima, le Franco-marocain Mehdi Ghouirgate et le Tunisien Moncef M’halla sont les lauréats de cette édition 2025. Les Tunisiens Ahmed Abdessalem et Aboul-Kacem Mohamed Kerrou ont gagné des prix honorifiques posthumes qui ont été remis aux membres de leurs familles respectives.
La cérémonie de remise du « Prix Ibn Khaldoun » pour la promotion et la recherche dans les sciences humaines 2025 a eu lieu, mardi soir, au Centre des Arts, de la Culture et des Lettres, Ksar Saïd, à Tunis en présence des lauréats et des membres des familles des deux auteurs disparus.
Le comité d’évaluation du prix est composé des historiens Abdelhamid Larguèche (président) et Faouzi Mahfoudh et l’historienne et ancienne ministre des Affaires Culturelles Latifa Lakhdar.
●La Muqaddima “une véritable théorie de l’histoire”
«La Muqaddima est l’oeuvre distinguée de l’historien, sociologue et philosophe arabe Ibn Kaldoun » a rappelé le président du jury Abdelhamid Larguèche. Le Professeur émérite d’histoire, conseiller en patrimoine et ancien membre du comité du patrimoine mondial de l’Unesco, a qualifié La Muqaddima de «véritable théorie de l’histoire qui fait d’Ibn Khaldoun un précurseur de la sociologie moderne».
Pour le président du collectif international du projet Ibn Khaldoun dans le registre de « La Mémoire du Monde, cette oeuvre demeure “un texte fondateur pour comprendre la dynamique des sociétés”.
Le lauréat tunisien Moncef M’halla est récompensé pour son ouvrage « Lire la Muqaddima d’Ibn Khaldun: deux concepts-clés de la théorie khaldunienne ‘asabiya et taghallub’ (force et domination) » (centre de publication universitaire, 2007).
L’auteur s’y attarde sur le caractère contradictoire de l’existence humaine qui est reconnu et théorisé par Ibn khaldoun », comme l’a expliqué Mohamed Kerrou, professeur de Sciences politiques (Université de Tunis). Ce dernier a présenté le parcours distingué de Moncef M’halla, ancien chercheur à l’Institut national du patrimoine dont les publications sont d’ordre anthropologique sous l’influence d’auteurs nationaux comme Tahar Haddad et internationaux Nietzche, Max Weber et Paul Weil.
Les lauréats de prix honorifiques, à titre posthume, Ahmed Abdessalem et Aboul-Kacem Mohamed Kerrou, sont des intellectuels engagés de la Tunisie moderne.
Ahmed Abdessalem a été primé pour son ouvrage en français «Ibn Khaldoun et ses lecteurs», paru en 1983 et traduit en arabe par Sadok Missaoui, en 2020. Cet ouvrage a été également traduit en Espagnol (1987), en italien (2010) et en anglais (2013)
Né le 22 janvier 1922 à Mahdia et décédé le 12 mai 2007 à Tunis, Ahmed Abdessalem était un écrivain prolifique qui a laissé derrière lui un riche héritage et des contributions de valeur acclamées. L’œuvre d’Ibn Khaldoun était également au centre de ses livres «Ibn Khaldoun, son époque et la traduction de sa biographie» (1958) et «Ibn Khaldoun et la justice» (1989).
Figure majeure de la culture tunisienne et arabe contemporaine, Aboul-Kacem Mohamed Kerrou a été récompensé pour son ouvrage en arabe Ibn Khaldoun et les arabes, paru en 1971, qui a été plusieurs fois réédité.
Né à Gafsa le 1er juillet 1924 et décédé le 4 avril 2015, l’auteur diplômé de la Zaytouna a laissé des centaines d’ouvrages sur des figures importantes tunisiennes modernes et anciennes, à l’instar de Tahar Haddad, Abou Al Kacem Chebbi et Ibn Khaldoun.
● Mehdi Ghouirgate, prix Ibn Khaldoun Méditerranée
Ibn Khaldoun a la caractéristique d’avoir depuis le 19ème siècle fasciné, voire même obsédé le lectorat … », a affirmé le Franco-marocain, Mehdi Ghouirgate, lauréat du prix Ibn Khaldoun Méditerranée, pour son ouvrage en français « Ibn Khaldûn : itinéraire d’un penseur maghrébin » (Paris, CNRS Éditions, 2024).
Le chercheur a souligné l’importance de la collaboration que ce soit entre la France et la Tunisie ou entre la Tunisie et le Maroc pour faire revivre une forme d’érudition des Lettres et l’idée que l’intellectualité et le monde des idées transcendent et vont loin au de-là des simples frontières».
Professeur à l’Université Bordeaux-Montaigne et affilié à l’Université Mohamed 6 de Rabat, Mehdi Ghouirgate est spécialiste de l’Histoire de l’Occident musulman (Maghreb et al-Andalus) aux époques médiévale et moderne.
Depuis sa redécouverte en Europe il y a deux siècles, la renommée d’Ibn Khaldûn (1332-1406) n’a cessé de grandir, au point qu’il est aujourd’hui le seul des intellectuels issus du monde arabo-musulman à jouir d’une audience universelle, peut-on lire dans le résumé de son ouvrage.
L’auteur du monumental Kitâb al-‘ibar, ou Livre des Exemples, est comparé aux grands noms de l’Antiquité et des Temps modernes, de Thucydide à Machiavel, de Montesquieu à Marx. Il y a gagné sa réputation de précurseur des penseurs contemporains de la société, de l’État et de l’économie.
Cet ouvrage jette de la sorte une vive lumière sur les conditions de formation de sa théorie de la civilisation, et permet en retour d’interroger les modalités de la construction d’une figure de la philosophie de l’Histoire, dans les mondes musulmans puis en Occident. Il s’attache à revisiter cette histoire en s’appuyant sur une démarche résolument pluridisciplinaire qui fait appel, entre autres, à l’anthropologie, à l’économie, à la démographie et à l’histoire des langues dans leur dimension diachronique, à commencer par le berbère.
●La Muqaddima traduite en coréen
L’auteure de la première traduction de la Muqaddima en coréen, Kim Karima a présenté une traduction inédite « fruit d’un voyage intellectuel et culturel de plusieurs années qu’elle souhaite partager ». La version coréenne de “la Muqaddima a eu un large écho dans les milieux académiques et culturels en Corée du Sud. Sa parution, largement médiatisée, a créé un grand intérêt pour la civilisation islamique et la pensée arabe”, a-t-elle affirmé.
L’idée de traduire cette œuvre émane d’une conviction chez l’autrice que ce projet constitue “un pont entre les civilisations et ouvre de nouveaux horizons pour le dialogue entre l’Asie de l’Est et le Monde arabe”.
La Professeure de Littérature arabe à l’Université de Hong-Kong des études étrangères à Séoul, spécialiste en Littérature de la maqâma et Littérature arabe contemporaine de la diaspora, souligné le rôle de « la traduction comme vecteur d’interculturalité qui permet de comprendre l’autre et construire les ponts entre les esprits et les cultures”.
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