Depuis plusieurs années, les liens entre la Tunisie et la région Sud de la France se renforcent plus que jamais grâce à des relations économiques solides. Ces deux territoires développent d’ailleurs une véritable complicité, portée par l’enthousiasme des entrepreneurs et l’émergence de projets innovants. Animée par une collaboration de terrain orchestrée par risingSUD et ses partenaires, cette dynamique favorise le développement de partenariats industriels, technologiques, et d’échanges en matière de formation, avec un accent particulier sur les enjeux des transitions écologique et numérique. Bernard Kleynhoff, président de risingSUD, revient sur l’importance de bâtir un écosystème riche en opportunités, propice à l’investissement et à une croissance durable, renforçant ainsi son rôle clé au cœur de la Méditerranée. Et ce, lors de sa participation au Forum Afrique-France de la transition écologique et énergétique, organisé récemment à Tunis. Interview.
Comment envisagez-vous d’exploiter le potentiel des entrepreneurs tunisiens déjà présents en région Sud pour renforcer les liens économiques avec la Tunisie ?
Les relations économiques entre la région Sud de la France et la Tunisie sont excellentes. Depuis 2021, la région Sud a accueilli 23 projets de 19 entreprises tunisiennes. En 2022, la Tunisie s’est même hissée à la 2ème marche du podium des investisseurs étrangers en région, derrière les Etats-Unis, mais devant le Royaume-Uni, avec 13 projets. risingSUD, l’agence d’attractivité et de développement économique de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a notamment convaincu le groupe SELT Marine, qui transforme des algues marines biologiques en gélifiants et épaississants pour l’industrie alimentaire, cosmétique et pharmaceutique, de s’implanter à Vedène, dans le Vaucluse, pour développer son activité.
En 2024, la Tunisie fait toujours partie du TOP 5 des investisseurs étrangers en région, avec 10 projets dont celui de Medpackinter, pour la production d’emballages en carton et de notices pour l’industrie pharmaceutique à Nice et de Guépard, entreprise spécialisée dans la simplification et la sécurisation des données, désormais implantée à Marseille.
Ces projets sont souvent des premières implantations d’entreprises tunisiennes en Europe, en complément de leur siège et de leurs équipes en Tunisie. Ce qui prouve que la région Sud est une porte d’entrée stratégique, par sa position mais aussi son écosystème, vers les marchés français et européens.
Quelles stratégies pourraient être mises en place pour favoriser les partenariats industriels et technologiques entre les entreprises de la région Sud et celles de Tunisie, notamment dans les secteurs liés aux transitions écologique et numérique ?
La stratégie de la région Sud et de risingSUD passe par le terrain. Nous travaillons, avec l’ensemble de nos partenaires, sur des dispositifs sur-mesure, pour encourager des synergies entre les acteurs et les filières d’excellence de la région Sud et de la Tunisie.
En février 2024, risingSUD a mené une mission de prospection en Tunisie pour rencontrer des entreprises tunisiennes industrielles innovantes, qui ont toutes montré un fort intérêt pour venir s’implanter en région Sud. Certains projets pourraient se concrétiser prochainement.
En avril 2025, risingSUD s’est rendu au Forum Afrique-France de la transition écologique et énergétique avec six entreprises régionales (Clarke Energy, Ovinalp, Data Green, Société du canal de Provence, Ast Formation et Messibat International) pour créer là aussi de nouvelles opportunités, business, technologiques ou industrielles, du Sud vers la Tunisie et de la Tunisie vers le Sud.
Dans le cadre de votre rôle à risingSUD et à la Commission développement économique, comment comptez-vous accompagner les entreprises des deux territoires dans leurs démarches d’innovation et d’export, en particulier face aux défis des transitions ?
Chaque année, nous sélectionnons, préparons et accompagnons des délégations d’entreprises de la région Sud pour participer à des salons professionnels, comme VivaTechnology à Paris, mais aussi Pollutech à Lyon, le World Impact Summit à Bordeaux, SLUSH sur la levée de fonds à Helsinki, le Bio sur la santé à San Diego, le Gitex sur la tech à Dubaï et ailleurs… En parallèle, nous continuons d’accompagner les entreprises tunisiennes pour trouver le meilleur endroit et les meilleurs partenaires pour concrétiser leurs projets en région Sud. Bien sûr, les transitions, à travers les énergies de demain mais aussi la smart tech et l’IA, sont au cœur des opportunités entre nos deux territoires. Toutes ces actions participent à l’émergence de nouveaux modèles pour faire du Sud et de la Méditerranée que nous partageons des espaces d’excellence, d’innovation et de transition résolument tournée vers l’avenir.
Quels dispositifs ou initiatives de coopération régionale pourraient être développés pour faciliter les échanges, la formation et le transfert de compétences entre la Tunisie et la région Sud, en s’appuyant sur les réseaux comme ANIMA ou d’autres acteurs méditerranéens ?
Nous avons une feuille de route très claire entre la région Sud et la Tuni- sie que nous déployons depuis 3 ans avec BUSINESS FRANCE et les partenaires de la Team France Export, mais aussi avec des réseaux comme ANIMA Investment Network et Africalink. La place de la Tunisie dans le classement des investisseurs étrangers en région Sud en est la preuve !
Cette feuille de route passe bien sûr par des missions économiques, en région Sud et en Tunisie, mais aussi par de grands événements où nous, acteurs méditerranéens, pouvons nous retrouver, partager nos enjeux et mettre en commun nos forces. La région Sud organise notamment Méditerranée du Futur, le rendez-vous mondial de l’adaptation au changement climatique. Elle accueillera en juin prochain la Conférence des Nations unies sur l’Océan à Nice.
La formation est un enjeu crucial de part et d’autre de la Méditerranée pour pourvoir aux emplois de demain permettant l’émergence de nouvelles filières et donc de trouver de nouveaux leviers de croissance. Nous pouvons apprendre les uns des autres et j’ai été frappé par la capacité de la Tunisie à former et à retenir ses talents dans des filières qui nous sont stratégiques. Il y a tout intérêt à construire des programmes de formation franco-tunisiens par filière pour constituer des réservoirs de talents que nous pourrions partager.
Comment percevez-vous le rôle des institutions publiques et des agences de développement dans la création d’un écosystème favorable à l’investissement et à la croissance durable entre la Tunisie et la région Sud ?
risingSUD est évidemment la bonne porte d’entrée pour les entreprises tunisiennes, quel que soit leur besoin: implantation, extension, reprise, recherche de partenaires économiques, scientifiques ou académiques, recherche de financements…
La méthode éprouvée par la région Sud, chef de file du développement économique sur son territoire, est d’avancer en mode Task Force : constituer et animer des groupes de partenaires (Etat, ses services et agences, chambres consulaires, organisations patronales, métropoles et EPCI, réseaux d’entreprises) pour accompagner nos entre- prises endogènes et exogènes dans leur croissance et concrétiser des projets structurants pour nos territoires. Cette méthode implique un entre-soi avec des acteurs bien identifiés qui se connaissent et se retrouvent régulière- ment. C’est cette méthode qu’il nous faut établir avec la Tunisie, et avec l’ensemble des pays du sud de la Méditerranée, et c’est ce que nous sommes en train de concrétiser à travers les différentes missions et échanges orchestrés par notre agence risingSUD.
Maintenant, nous nous connaissons et nous allons nous habituer à travailler main dans la main pour accroître les investissements croisés entre la région Sud et la Tunisie et parvenir à une croissance durable gagnant-gagnant!
Cette interview est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 920 du 21 mai au 4 juin 2025
L’article Bernard Kleynhoff, président de risingSUD : « Travailler main dans la main pour une croissance durable gagnant-gagnant » est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.