Rapport │ La Tunisie présente un «risque élevé» de torture et de mauvais traitements
Pour 2025, l’Index mondial de la torture classe la Tunisie pays comme présentant un risque élevé de torture et de mauvais traitements, sur la base des données recueillies en 2023 et 2024.
Plus d’une décennie après la révolution qui avait mis fin à des décennies de torture systématique et d’impunité, l’espoir d’un tournant durable en matière de respect des droits fondamentaux semble s’amenuiser.
Bien que la Tunisie ait ratifié une grande majorité des conventions et protocoles relatifs à la torture et qu’elle ait inscrit des principes généraux dans ses constitutions de 2014 et 2022, «ces pratiques persistent en raison de l’absence de réformes profondes du système sécuritaire et judiciaire.»
«La plupart des cadres juridiques restent inchangés, et la torture ainsi que les mauvais traitements demeurent des pratiques courantes, en particulier dans le cadre des actions des forces de l’ordre envers les victimes les plus vulnérables», précise le rapport, réalisé avec la participation de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH), l’association Ifriqiya, L’Association tunisienne pour la justice et l’égalité (Dalj), l’Association tunisienne Awledna (ATA), Sanad Centre de Conseil, OMCT et Alliance contre la torture (ACT).
La Tunisie dans l’Index mondial de la torture 2025
Nous reproduisons ci-dessous la fiche d’information relative à la Tunisie de l’«Index Mondial de la torture 2025».
«Le recours à la violence par les agents des forces de l’ordre, tant dans l’espace public que dans les postes de police demeure une pratique courante. Il en va de même dans les prisons où les agressions par les agents pénitentiaires sont accrues par les effets délétères de la surpopulation carcérale. Au cours des dernières années, des dizaines de cas de morts suspectes ont été documentés, des procès visant la communauté LGBTQIA+ ont été ouverts sur la base de tests anaux dégradants, et de nombreux cas d’expulsions forcées, d’arrestations et de déplacements arbitraires vers les zones frontalières, ainsi que de violences institutionnelles contre les personnes en déplacement, ont été rapportés. Depuis mai 2024, au moins huit employé·e·s d’ONG et deux anciens responsables locaux ont été arrêtés, et plus de 40 personnes sont sous enquête pour leur soutien aux migrant·e·s et réfugié·e·s.
«Les poursuites pour torture et mauvais traitements sont rares, les peines prononcées restent légères, et les réparations accordées aux victimes sont inadéquates.
«À la suite du coup de force du 25 juillet 2021, initié par le président de la République, la répression contre les acteurs de la société civile s’est intensifiée. Le démantèlement des institutions démocratiques, la restriction de la liberté d’expression, les poursuites judiciaires et l’emprisonnement des opposants politiques sur des accusations infondées – complot contre l’État, terrorisme, blanchiment d’argent, corruption – ont instauré un climat de peur. À cela s’ajoutent le harcèlement des défenseur·e·s des droits humains, l’ingérence de l’exécutif dans la justice et l’adoption de lois répressives interdisant toute critique.»
Rapport d’activité de Sanad (juin 2024 – mai 2025)
Sanad a accueilli 166 nouveaux bénéficiaires, victimes directes et indirectes de torture et mauvais traitements aux multiples facettes : des violences fondées sur la discrimination raciale ou sexuelle, au harcèlement policier en lien avec le fichage, en passant par les agressions parfois graves sur la voie publique, dans les postes de police, en prison et ayant dans certains cas conduit à la mort de la victime.
Sanad Care a ainsi accompagné des nombreux bénéficiaires, nouveaux comme anciens, dans la reconstruction de leur vie et la réparation des dégâts souvent terribles occasionnés par la violence d’État sur les plans psychologique, social et médical. Les histoires d’Eyad, Aicha, Bayrem, Asma et bien d’autres racontées dans le rapport témoignent de l’impact crucial de l’assistance pluridisciplinaire offerte par l’équipe Sanad sur leur vie.
Conscient que chaque parcours est unique, Sanad adapte son assistance aux besoins spécifiques de chaque bénéficiaire. Cette approche est rendue possible grâce à un réseau de professionnels et des partenaires institutionnels, comprenant des médecins et psychologues, des avocats spécialisés, ainsi que des associations et des institutions publiques. C’est dans cette complémentarité d’expertises que réside l’une des principales forces du programme.
«Sanad est une aventure humaine menée avec et pour les victimes de torture et mauvais traitements afin de rétablir leur dignité. C’est aussi l’histoire d’une lutte déterminée pour la justice et contre l’impunité», dit Me Mokhtar Trifi, doyen et vice-président de l’OMCT.
Pendant l’année écoulée, Sanad Elhaq a fourni à ses bénéficiaires une assistance juridique adaptée à chaque cas, selon des modalités d’intervention réajustées continuellement en fonction de l’évolution de la situation mais aussi du contexte politique et sécuritaire.
Sanad Elhaq a ainsi donné de nombreux conseils juridiques, accompagné des bénéficiaires dans des démarches administratives ainsi que lors de convocations policières douteuses. Cette assistance juridique de proximité a permis d’améliorer concrètement la vie de plusieurs victimes.
En parallèle, le groupe d’action judiciaire de Sanad Elhaq a poursuivi et initié de nouveaux contentieux techniques stratégiques dont l’issue demeure suspendue au devenir de l’état de droit actuellement mis à mal.
Enfin, au-delà d’un bilan d’activités, le rapport Sanad est un outil de sensibilisation et de plaidoyer. Il rappelle que la torture n’est pas un phénomène du passé mais reste une pratique actuelle, insidieuse, capable de frapper n’importe qui, à n’importe quel moment. Ce rapport invite à la vigilance, à l’engagement et à la solidarité, pour construire ensemble une société plus juste et plus humaine.
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