Compétitivité en Afrique : Le besoin d’une discipline d’autodéveloppement
Face à un système financier international démesuré, l’Afrique doit se prendre en charge à la faveur d’une discipline d’autodéveloppement bien orientée. Un enjeu tout à fait possible pour peu que notre continent puisse «sortir de sa dépendance à l’égard de l’aide et tracer, d’urgence, son avenir par l’autosuffisance, les partenariats stratégiques et l’exploitation de ses vastes ressources».
La Presse — Tous les experts en conviennent : l’Afrique a tout ce qu’il faut pour se reconvertir en cercle de pouvoir souverain. Une ambition tout à fait légitime, surtout que ce continent est en train, grâce à l’importance de son potentiel naturel, d’élargir progressivement son champ d’influence au niveau de la sphère internationale.
Une telle espérance repose, en plus de la question géographique qualifiée de très avantageuse, sur d’autres paramètres solides. D’abord, un capital humain considérable, avec plus de 1,5 milliard d’habitants.
Un véritable eldorado… pour les autres !
Selon un rapport international, « ce potentiel serait, d’ici 2050, d’environ 2,5 milliards ». Mais ce qui fonde réellement l’ambition d’un centre international décisif, ce sont certainement ses richesses naturelles, avec notamment plus de 30 % des ressources minérales mondiales. Un capital impressionnant qui se retrouve, malheureusement, pillé ou du moins mis au profit des puissances étrangères, qui ont vu dans ce continent un véritable eldorado. Une exploitation qu’elles considèrent comme un plein droit. Un beau gâchis pour le continent. Car, au moment où les pays occidentaux s’enrichissent, l’Afrique continue à s’appauvrir.
D’ailleurs, selon le rapport de Global finance 2024, «les cinq pays les plus pauvres de la planète sont tous des africains, alors qu’ils disposent de ressources abondantes».
Un tableau paradoxal démesuré. Heureusement, depuis quelques années, l’on assiste à une prise de conscience africaine profonde de la nécessité d’en finir avec cette exploitation presque gratuite. D’où ces voix élevées, ici et là, pour procéder à une transformation radicale de la situation actuelle.
On se rappelle d’ailleurs que lors du sommet de l’Union africaine, en 2015, à Addis Abeba, un document directif, «Agenda 2063», a été ratifié, pour faire de l’Afrique un pôle de décision international d’ici 2063. Un objectif tout à fait possible pour un continent qui dispose, à la fois, de la matière première et encore plus de l’expertise. Il suffit donc de trouver la parade financière adéquate.
L’engagement et les appels, de plus en plus pressants, aussi bien des décideurs que des organisations et autres institutions africaines, comme la Banque africaine de développement, pour une transformation imminente de l’architecture financière internationale, corroborent cette orientation.
Un système financier international défaillant
Cette transformation est d’autant plus incontournable que le nouveau contexte économique mondial se retrouve face à de nouvelles pressions complexes, marqué essentiellement, comme on l’a déjà souligné sur ces mêmes colonnes, par « un retour massif au protectionnisme, une réduction sensible de l’aide au développement et l’envol des coûts des services à la dette ». Une nouvelle situation qui exige une levée immédiate des freins financiers internationaux au profit de l’Afrique. Une exigence qui permettrait au continent de se prendre, finalement, en charge et d’engager son propre développement. L’Afrique a besoin justement de redéfinir les perspectives de sa croissance et d’identifier, notamment, ses priorités stratégiques, qui reposeraient, en grande partie, sur une industrialisation profonde, une modernisation totale de son agriculture, une innovation financière appropriée, une large digitalisation, le tout sous la coupole d’un verdissement réfléchi de son économie.
Et l’enjeu de verdissement…
Et c’est bien évidemment cet enjeu de verdissement qui fait défaut aux économies africaines, car les quotas du continent des obligations vertes mondiales ne sont seulement pas insignifiants (moins de 1%) mais aussi trop exigeantes. Tout comme la majorité des autres aides financières. Autant donc de paradoxes pénalisants qui légitiment la détermination du continent à instaurer un nouveau système d’attribution financière. Ce qui désole les pays africains, comme le souligne un récent rapport, « c’est que les instances financières internationales ne prennent pas en considération les actifs naturels dans le calcul de leur PIB », or, soutient le rapport, « ce qu’apportent uniquement les forêts africaines au monde, notamment en termes de séquestration du carbone, de contrôle de la pollution, de rétention de l’eau et de fertilité des sols est impressionnant ». Le système est donc défaillant. On estime, en effet, que toute ressource naturelle est une richesse, elle doit donc être comptabilisée.
Toutefois, l’Afrique doit, de son côté, apprendre à compter sur ses propres moyens. Akinwumi Adesina, président de la BAD, disait en avril dernier que « l’Afrique devrait sortir de sa dépendance à l’égard de l’aide et tracer, d’urgence, son avenir par l’autosuffisance, les partenariats stratégiques et l’exploitation de ses vastes ressources ». Pour cela, il est nécessaire de développer « une discipline d’investissement et mettre rapidement et totalement en œuvre la zone de libre-échange continentale africaine », ce qui permettrait de « produire localement, acheter localement et commercer plus localement ».
Plus important encore, la volatilité du marché économique mondial semble favorable à l’Afrique, surtout que toutes les projections affirment que le prix des minéraux stratégiques serait quadruplé d’ici 2040. De ce fait, avec plus de 30 % des réserves mondiales, l’Afrique est bien positionnée pour « s’envoler ».