La Mecque Ă©tait le nom antique de ce qui est appelĂ© actuellement le royaume de lâArabie saoudite. Car avant mĂȘme le 6Ăšme siĂšcle et lâarrivĂ©e de lâIslam sur la scĂšne mondiale, cette ville Ă©tait un sanctuaire abrahamique, du moins selon la tradition musulmane, mais on y trouvait Ă lâintĂ©rieur du temple sacrĂ©, des statuettes de dieux vĂ©nĂ©rĂ©s par les diffĂ©rentes tribus arabes.
Quels que soient les rĂ©sultats politiques qui vont rĂ©sulter de cette rencontre entre Trump â qui est Ă sa façon un dieu vivant, dâun cĂŽtĂ© â et le souverain prince hĂ©ritier, Mohammed ben Salman, ainsi que le prince des Ă©mirats, Mohammed ibn Zayed, toutes les informations concordent pour dire quâil va ĂȘtre question de cette fameuse paix dâAbraham. Et que le chef de la premiĂšre puissance du monde tient Ă mettre en exĂ©cution, son plan pour garantir la paix au Moyen-Orient.
Si lâon sait que lâobjectif premier de cette « paix » est dâimposer la reconnaissance de lâEtat dâIsraĂ«l aux pays arabes et particuliĂšrement au royaume des Saoud; les informations en provenance de Riyad insistent sur le fait que le prix de cette paix ne serait pas moins que la reconnaissance par les USA dâun Etat palestinien, comme lâa dĂ©clarĂ© le prince hĂ©ritier saoudien lui-mĂȘme Ă plusieurs reprises.
Mais ce que lâon ne sait pas encore, câest la configuration territoriale de ce micro-Etat, et avec quelles forces politiques palestiniennes, il sera fondĂ©. Ce dont on est sĂ»r, câest que le gouvernement israĂ©lien actuel ne veut pas en entendre parler et continue sa folie meurtriĂšre. Trump a-t-il les moyens dâimposer Ă Netanyahu? Ce qui ressemble pour lui Ă une opĂ©ration de hara-kiri?
Le retour du mythe, pour comprendre
Pourquoi Trump et ses conseillers avaient-ils choisi ce nom biblique Ă ce qui se prĂ©sente comme une simple initiative politique? Sont-ils conscients que lâappel au mythe est plein de dangers, surtout quand il sâagit dâun mythe créé de toute piĂšce par les fondateurs de ce quâon appelle justement les religions abrahamiques, lâislam, le christianisme et le judaĂŻsme qui sont des religions du livre et qui, thĂ©oriquement, adorent le mĂȘme Dieu?
Selon la tradition juive, ce patriarche avait sept enfants mĂąles, dont Isaac, qui serait le pĂšre des juifs et IsmaĂ«l, qui serait le pĂšre des Arabes. La version coranique concernant lâhistoire dâAbraham, bien que proche de la version judaĂŻque, diverge quant Ă lâenfant prĂ©fĂ©rĂ© dâAbraham qui serait IsmaĂ«l, puisque câest lui quâil a failli Ă©gorger en offrande Ă Dieu, nâeut Ă©tĂ© la MisĂ©ricorde du Tout-Puissant, qui lui a envoyĂ© un mouton. DâoĂč lâAĂŻd el kĂ©bir chez les musulmans. Mais pour les juifs ce serait Isaac, fils de Sarra, lâĂ©pouse du patriarche, alors que Hager, la mĂšre dâIsmaĂ«l, nâĂ©tait que concubine.
Mais Abraham ne savait sĂ»rement pas que la guerre entre les fils dâIsmaĂ«l et les fils dâIssac allait durer des milliers dâannĂ©es. Pour se focaliser au vingtiĂšme siĂšcle sur la question cruciale : qui a le droit de peupler la terre de Palestine?
Lâactuel gĂ©nocide Ă Gaza commis par les IsraĂ©liens trouve ses origines dans cette divergence dâinterprĂ©ter le mythe. Comme dâailleurs les croisades qui avaient opposĂ© les musulmans aux catholiques et qui ont durĂ© quatre siĂšcles. Alors quand Trump et son Ă©quipe tentent de trouver une solution Ă une question qui dure depuis des siĂšcles, lâon ne peut que douter. Ceci dâautant plus que la droite religieuse israĂ©lienne, qui gouverne depuis 15 ans, est dĂ©cidĂ© Ă crĂ©er le « Grand IsraĂ«l » (Erets IsraĂ«l), tel que dĂ©crit par le Premier testament.
De lâautre cĂŽtĂ©, les musulmans se sont toujours battus pour garder sous leur contrĂŽle el Qods, JĂ©rusalem, qui est leur second lieu Saint aprĂšs La Mecque. Le souverain saoudite se prĂ©valant du titre de « Serviteur des deux lieux saints ». A moins quâil ne renonce Ă servir cette cause sacrĂ©e, qui constitue une part de sa lĂ©gitimitĂ© politico-religieuse.
Rappelez-vous le serment de Yasser Arafat, qui ne se lassait jamais de proclamer : « Nous prierons Ă el Qods ». Et câest dans lâinconscient collectif de centaines de millions de musulmans que cette imploration de Dieu est incrustĂ©e dĂ©finitivement.
Or, tout laisse croire que la solution abrahamique a tout dâune solution judaĂŻque, version sioniste. Ce que les Palestiniens, les Arabes et les musulmans nâaccepteront jamais. On ne triomphe pas des mythes par les armes, soient-elle nuclĂ©aires; mais encore moins en dĂ©cimant un peuple qui a montrĂ© quâil sait mourir pour sa patrie comme il lâa prouvĂ© Ă Gaza mĂȘme si IsraĂ«l et le Hamas la lui ont imposĂ©e.
Trump, le marchand
La terre sainte de La Mecque a toujours Ă©tĂ© un lieu de haut commerce, puisquâau carrefour des grandes routes des caravanes et le prophĂšte de lâIslam lui-mĂȘme avait pratiquĂ© ce mĂ©tier. Rien de plus naturel, alors quâun des plus grands marchandages de lâhistoire oĂč lâon confond politique religion et guerres, proposĂ©es comme des opĂ©rations commerciales, vient dâavoir lieu, lors de la visite du prĂ©sident de la premiĂšre puissance militaire et Ă©conomique. Puisquâil sâagit dâun contrat dâarmement de 142 milliards de dollars, le plus « important contrat dâarmement de lâhistoire », selon les termes de lâadministration amĂ©ricaine, suivi de lâannonce dâun partenariat stratĂ©gique entre les deux pays. 20 milliards de dollars seront investis en plus par seulement deux sociĂ©tĂ©s saoudiennes dans lâIntelligence artificielle. Et lâon sait dĂ©jĂ que lâinvestissement global saoudien aux USA va dĂ©passer les 1 000 milliards de dollars.
Il ne reste plus, comme le voulait la tradition prĂ©islamique que les deux partenaires aillent sâagenouiller au sanctuaire de La Mecque pour sceller leur accord. Trump ne se serait pas privĂ© de cet acte mais la doctrine musulmane interdit Ă tout non musulman depuis 14 siĂšcles de mettre les pieds dans le lieu le plus sacrĂ© de lâIslam.
De toute façon, ces contrats ont Ă©tĂ© signĂ©s par « le Serviteur des deux lieux saints de lâIslam » dont JĂ©rusalem. Ils ont reçu donc la bĂ©nĂ©diction nĂ©cessaire.
Mais il y a aussi les « avantages collatĂ©raux » de cette visite. Puisque, concurrence oblige, les Emirats arabes unis viennent dâannoncer quâils comptent investir aux USA pour plus de 1 400 milliards de dollars sur dix ans. Et le Qatar plus de 300 milliards de dollars avec un cadeau en prime pour Donald Trump en personne constituĂ© dâun avion Boeing 747-8, qui est lâavion le plus cher au monde, dont lâintĂ©rieur est truffĂ© dâor et qui Ă©tait destinĂ© au prince qatari. Il est dâailleurs surnommĂ© « le palace volant », comme pour le tapis volant dâAladin des Mille-et-une nuit. Qui a dit que le mythe ne peut pas ĂȘtre rĂ©alisĂ©?
La « gĂ©nĂ©rositĂ© arabe » si lĂ©gendaire nâa pas failli Ă sa renommĂ©e. Mais lâon sait que les « bĂ©douins » sont toujours connus pour ne donner rien pour rien ! Que cache donc cette gĂ©nĂ©rositĂ© arabe excessive, qui comble lâhomme le plus puissant du monde?
Rappelons que Trump a emmenĂ© dans ses valises lors de cette visite le gratin des hommes dâaffaires qui comptent actuellement et les plus influents politiquement puisque câest grĂące Ă eux quâil fut intronisĂ©. Patrons de la Silicon Valley, dâAmazone, de Google, de Wall Street, dâIBM, de la cryptomonnaie, David Sachs et lâincontournable Elon Musk.
Il ne faut jamais nĂ©gliger un fait : ces Arabes du Golfe sont de terribles commerçants et ils lâont prouvĂ© durant ces 40 derniĂšres annĂ©es. Rappelons dâabord que lâargent promis par eux est depuis toujours dans les banques amĂ©ricaines, et travaille pour lâĂ©conomie de ce pays. Et que de plus en plus lâArabie saoudite est devenue le centre politique oĂč sont menĂ©es les nĂ©gociations pour le partage du monde entre Poutine et Trump, et aussi les nĂ©gociations pour le sort de lâEurope, via la paix imposĂ©e aux EuropĂ©ens en Ukraine. Ce pays se positionne actuellement comme La Mecque politique du monde et particuliĂšrement un des principaux alliĂ©s de lâOccident face Ă lâIran, rivalisant avec IsraĂ«l dans ce domaine.
Alors que Mohammed ben Salman avait humiliĂ© J. Biden en lui refusant la hausse de production du pĂ©trole lors de lâembargo contre la Russie Ă cause de son invasion de lâUkraine et quâil sâĂ©tait rapprochĂ© de la Chine et de lâIran, voilĂ quâil dĂ©ploie le tapis rouge devant Trump et ses alliĂ©s, et devient un des plus puissants alliĂ©s des USA. Ce qui ne plait certainement pas aux israĂ©liens. Il devient de fait le pays clef du Moyen-Orient, surtout en ralliant les nouveaux chefs de la Syrie, dont les Saoudiens ont plaidĂ© la levĂ©e des sanctions Ă©conomiques auprĂšs de Trump et câest ce quâil a annoncĂ©. La Syrie devient donc un protectorat de la Turquie et de lâArabie saoudite. Ce qui va peser dans les nĂ©gociations Ă propos de la solution de la question palestinienne.
Les cartes sont en cours de distribution au Moyen-Orient et lâArabie saoudite devient un des distributeurs de cartes les plus influents.
Une paix dâAbraham, Ă odeur de pĂ©trole et Ă coup de milliards de dollars, peut-elle rĂ©ussir?
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