Une rencontre rare, un éclairage sensible, vibrant, où philosophes, scientifiques (Einstein et Tesla) et poètes mystiques (Rûmi, Tagore, G.K. Gibran)…, dans une quête de sens, se sont entrelacés pour rappeler que l’espoir, même transpercé, blessé jusqu’à l’extrême, ne meurt jamais.
Lors d’une récente rencontre littéraire organisée par le Club culturel Sidi Mahrsi à Nabeul, l’œuvre de Hela Jenayah, La quête de l’espoir sublime, a été au cœur d’une présentation chaleureuse et inspirée qui a profondément touché l’assistance. Son deuxième roman s’impose comme une allégorie puissante du parcours de l’âme humaine.
Hope, ange déchu expulsé du paradis pour avoir rêvé d’un amour interdit, devient l’héroïne d’un voyage initiatique où la douleur se transforme peu à peu en lumière. Hope entame un périple semé d’épreuves et de désillusions, une véritable odyssée intérieure où l’épreuve devient passage, et la chute, prélude à une ascension éclatante. A travers les chutes, les blessures et la perte, le récit dévoile une lente conquête de soi.
L’héroïne, transpercée par la flèche de son bourreau, ne sombre pas : elle renaît, s’élève, se transforme en étoile flamboyante. Le symbole est puissant : l’élévation véritable naît souvent de l’épreuve la plus obscure. Ce voyage intérieur que nous propose l’autrice est un cri lucide sur le monde. Le texte est hybride : à la frontière du roman, de l’essai philosophique et de la méditation poétique. C’est le récit d’une narratrice confrontée à une crise existentielle et décidée à transformer ses blessures en force. A travers des fragments, des réflexions et des élans poétiques, l’autrice interroge la condition humaine, le rôle de la femme, la spiritualité, la mémoire et la liberté.
La lecture proposée a enrichi cette trame d’une résonance spirituelle profonde, faisant dialoguer la trinité hindoue — Brahma, Vishnou, Shiva, où Hope incarne un cycle sacré: naissance, épreuves, renaissance — avec l’essence d’un cheminement intérieur présent aussi dans l’islam : la parole, la science et l’acte comme voies d’accomplissement. La présentation a offert des passerelles culturelles fortes, soulignant l’universel cheminement de l’âme humaine vers la lumière.
Une rencontre rare, un éclairage sensible, vibrant, où philosophes, scientifiques (Einstein et Tesla) et poètes mystiques (Rûmi, Tagore, G.K. Gibran)…, dans une quête de sens, se sont entrelacés pour rappeler que l’espoir, même transpercé, blessé jusqu’à l’extrême, ne meurt jamais et peut redevenir flamme, ainsi il se transforme et part à la conquête de l’univers.
Dans La quête de l’espoir sublime, Hela J.T. développe une réflexion troublante et profonde sur l’art, en particulier à travers le célèbre tableau de La Joconde (Mona Lisa de Léonard de Vinci). Loin de se contenter d’une admiration esthétique, elle propose une lecture mystique, presque ésotérique, de l’œuvre, où l’art devient un lieu de pouvoir invisible, voire de manipulation psychique. A travers plusieurs passages puissants, elle révèle les liens entre hypnose, énergie et représentations artistiques, tout en interrogeant le sens même de la création humaine. Elle dénonce la transformation de l’art occidental en culte de l’intellect : «La dimension spirituelle disparaît à l’instar de l’affaiblissement progressif de la religion pour céder la place à l’adoration de l’intelligence humaine et de la matière».
Dans la continuité de cette réflexion, un autre passage développe l’idée que la montée du rationalisme a provoqué une rupture fondamentale avec l’instinct et l’intuition : «Le rationalisme a rompu avec l’instinct et l’intuition. Toute dimension spirituelle est rejetée par l’homme nouvellement libéré des dogmes religieux». L’autrice met en lumière une transition historique majeure, où l’abandon des dogmes s’est accompagné d’un excès inverse : celui de l’hypertrophie de la raison, au détriment de l’âme sensible. Le culte du concret a pris le pas sur l’invisible.
La conséquence de cette perte est illustrée à travers le personnage de Hope : elle incarne le désir de retour à l’essence, à la légèreté de l’âme libérée de l’artifice. Son cheminement illustre l’intuition profonde que l’âme ne peut se contenter du visible, et qu’elle souffre lorsqu’elle est coupée de son origine spirituelle. Son propos, audacieux et mystique, rappelle que l’art n’est pas seulement esthétique : il est aussi éthique, symbolique, énergétique. Et c’est là toute la force de son écriture — dérangeante, mais salutaire.
Hela Jenayah Tekali exprime un attachement sincère à la dimension mystique de l’art et une volonté de retrouver un lien avec le divin à travers la création. Pourtant, elle adopte parfois un ton radical, presque apocalyptique, où l’art contemporain est accusé de trahir cette vocation sacrée : «Il est impérativement urgent de revenir vers le mysticisme et à la pensée soufie […] L’art d’aujourd’hui ne reflète plus l’ascension de l’esprit divin vers l’échelle du cœur, mais plutôt une descente vers l’enfer […]».
Cette parole engagée laisse percevoir une tension intérieure: entre la nostalgie du sacré et la colère contre la profanation du monde, entre l’appel à la lumière et l’expérience de l’ombre. Le regard de l’autrice oscille entre critique sociale et appel mystique, comme si elle cherchait elle-même à guérir une fracture intérieure — celle d’un monde désacralisé où l’art aurait perdu son essence. Elle semble regretter la disparition du beau, du sacré, du symbolique, remplacés selon elle par le choc, l’absurde ou le nihilisme.
Réponse à Hela Jenayah — L’art contemporain : miroir blessé ou terrain d’éveil ?
Vous soulignez avec justesse le déracinement esthétique et symbolique de notre époque. Et pourtant, là où vous voyez parfois une négation de l’humain, je perçois, pour ma part, un cri, un miroir, une alarme spirituelle. L’art contemporain ne cherche plus à plaire, il dérange, déconstruit, défait les apparences.
Cela peut choquer, blesser même, mais il exprime aussi la fracture du monde moderne, sa perte de repères et son errance existentielle. En ce sens, il est moins une trahison de l’humain qu’un témoignage brut de sa souffrance. Certes, il manque souvent de transcendance, mais est-ce l’art lui-même ou le monde qui l’a oubliée ? Et si ce que vous nommez «art nocif» n’était que le reflet d’une humanité en quête de sens, un art sans Dieu, sans Beauté, mais pas sans appel ?
Dans le silence qu’il laisse, dans le malaise qu’il crée, peut naître — paradoxalement — un désir d’élévation, de retour au sacré. L’art contemporain, dans son chaos, ouvre parfois un passage non vers le néant, mais vers un réveil de la conscience.
Mariem Garaali
Poétesse et exploratrice de la conscience subtile