ECLAIRAGES – Les indicateurs de croissance et du chômage en Tunisie au premier trimestre
Les récents signaux d’amélioration en matière de croissance et d’emploi, bien qu’encourageants, ne masquent-ils pas la persistance de fragilités structurelles ? Alors que la Tunisie ambitionne une croissance inclusive, comment le gouvernement, les entreprises et la société civile peuvent-ils conjuguer leurs efforts pour transformer ces progrès en leviers durables de développement ?
Promouvoir l’égalité des sexes, diversifier les secteurs économiques et mieux faire correspondre les compétences des travailleurs aux besoins du marché ne constituent-ils pas des priorités stratégiques ? Ces orientations ne pourraient-elles pas tracer la voie vers un avenir économique plus solide et plus équitable pour l’ensemble des citoyens ?
Sources : https://www.ins.tn/publication/commerce-exterieur-aux-prix-courants-avril-2025
Croissance économique : un taux très modeste
Les données des comptes nationaux révèlent que le Produit intérieur brut (PIB) en volume a enregistré une croissance de 1,6 % par rapport à l’année précédente. Ce chiffre, bien qu’encourageant dans un contexte global incertain, est tempéré par une contraction de 0,2 % en glissement trimestriel, suggérant une fragilité dans la dynamique de croissance. Cette situation pourrait être attribuée à divers facteurs, notamment les incertitudes politiques, la faible confiance des investisseurs et les défis liés à l’inflation.
Pour assurer une croissance durable, il devient impératif que le gouvernement tunisien adopte des stratégies proactives visant à stimuler les investissements, moderniser les infrastructures et simplifier les réglementations pour favoriser un climat d’affaires attractif.
Dynamique de l’emploi : une amélioration contrastée
En ce qui concerne le marché de l’emploi, des signes positifs émergent avec une augmentation de la population active : 4 233,4 mille individus, en hausse de 54,3 mille par rapport au trimestre précédent. Ce regain d’activité indique un intérêt croissant des Tunisiens à rejoindre le marché du travail, avec un taux d’activité atteignant 46,4 %.
Cependant, la répartition de cette main-d’œuvre reste inégale par sexe, avec 68,5 % d’hommes et seulement 31,5 % de femmes. Ce déséquilibre pose la question des barrières à l’entrée que rencontrent les femmes sur le marché du travail, notamment en matière d’accès à la formation, à des réseaux professionnels et à un environnement de travail favorable. Des politiques ciblées et des programmes d’encouragement, tels que le soutien à l’entrepreneuriat féminin, pourraient contribuer à réduire cette disparité.
Secteurs d’emploi : une répartition inégale
La répartition sectorielle des emplois révèle également des tendances préoccupantes. Les services dominent le marché de l’emploi avec 54 %, suivis par les industries manufacturières (20 %), les industries non manufacturières (12 %) et l’agriculture et la pêche (14 %). Cette concentration dans le secteur des services pourrait rendre l’économie vulnérable aux chocs externes, notamment en cas de ralentissement économique.
La diversification des secteurs d’emploi est donc essentielle pour une croissance économique résiliente. Le gouvernement devrait encourager le développement des secteurs innovants tels que les technologies de l’information, les énergies renouvelables et l’agro-industrie. Cela nécessiterait des investissements dans la formation professionnelle et la recherche pour préparer la main-d’œuvre aux demandes de ces secteurs en pleine expansion.
Taux de chômage : une lueur d’espoir
Le taux de chômage a enregistré une légère baisse, atteignant 15,7 %. Cette tendance, bien que positive, masque des réalités inquiétantes. Le chômage des jeunes reste particulièrement élevé à 37,7 %, un chiffre qui révèle l’urgence d’une action ciblée pour intégrer les jeunes sur le marché du travail. Les programmes d’insertion professionnelle, les stages et l’apprentissage sont des voies à explorer pour offrir aux jeunes les compétences pratiques nécessaires à leur employabilité.
La situation des femmes sur le marché de l’emploi est encore plus préoccupante, avec un taux de chômage féminin à 20,3 %. Cette situation appelle à des initiatives spécifiques pour soutenir les femmes, notamment par la création de structures d’accueil pour les enfants et des mesures favorisant la flexibilité au travail.
Diplômés de l’enseignement supérieur : un défi persistant
Le taux de chômage parmi les diplômés de l’enseignement supérieur se chiffre à 23,5 %. Bien que cette statistique soit en baisse, elle souligne un écart préoccupant entre les compétences acquises par les jeunes diplômés et celles exigées par le marché du travail. Les entreprises expriment souvent des difficultés à recruter des profils qualifiés, ce qui suggère un besoin urgent de réformer le système éducatif pour mieux aligner la formation académique avec les exigences du marché.
Des partenariats entre les universités et les entreprises pour définir des programmes de formation adaptés pourraient favoriser une meilleure employabilité des jeunes diplômés. Il serait également bénéfique de promouvoir l’esprit entrepreneurial parmi les étudiants, afin de les encourager à créer leurs propres entreprises et à générer de l’emploi.
Questionnements …
Bien que certains indicateurs de croissance et d’emploi montrent des signes d’amélioration, les défis structurels persistent. Pour transformer ces avancées en une dynamique durable et inclusive, n’est-il pas opportun que l’État, le secteur privé et la société civile conjuguent leurs efforts autour de réformes profondes et cohérentes ?
Ces réformes ne devraient-elles pas viser, au-delà de la diversification économique et de la promotion de l’égalité entre les sexes sur le marché du travail, une meilleure adéquation entre les compétences disponibles et les exigences du tissu productif ?
Une telle orientation ne permettrait-elle pas à la Tunisie de renforcer ses fondamentaux économiques et d’ouvrir de nouvelles perspectives de cohésion sociale ?
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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