Le secteur bancaire tunisien connaît une évolution rapide, marquée par un regain d’intérêt pour des instruments financiers traditionnels, tout en intégrant de nouvelles solutions de paiement adaptées aux défis contemporains. Mohamed Nakhili, expert en droit bancaire, a récemment mis en lumière cette transformation. Entre l’essor des lettres de change et l’arrivée de nouvelles technologies financières, les acteurs économiques tunisiens sont invités à s’adapter à des pratiques qui façonnent l’avenir des transactions financières dans le pays.
Intervenant ce mercredi 7 mai 2025 sur les ondes d’Express Fm, le professeur et expert en droit bancaire, Mohamed Nakhili, a indiqué que l’utilisation des lettres de change a connu une augmentation significative de 3,6 % par rapport à l’année précédente. “Environ 15 000 lettres de change circulent quotidiennement et les entreprises y recourent plus fréquemment que les particuliers”, a-t-il ajouté.
Le spécialiste a expliqué que la lettre de change est un instrument de crédit et de paiement différé. Son utilisation avait diminué ces dernières années en raison du recours accru aux chèques, qui servaient à la fois pour les paiements immédiats et différés. Toutefois, la nouvelle législation sur les chèques, qui a imposé des limites strictes à leur utilisation et criminalisé leur usage comme garantie, a poussé les entreprises et commerçants à revenir à la lettre de change, notamment pour les paiements différés ou échelonnés. Selon Nakhili, c’est précisément cette fonction qui fait de la lettre de change un outil pertinent et adapté aux besoins actuels des acteurs économiques.
L’expert a en outre rappelé que la lettre de change constitue une forme de garantie en matière de recouvrement civil, à l’instar des chèques, si les procédures appropriées sont respectées.
Des procédures simplifiées pour le recouvrement
En cas de non-paiement d’une lettre de change, le bénéficiaire peut engager une procédure de “protestation” auprès d’un huissier de justice dans un délai de 48 heures. Il peut ensuite demander une “ordonnance de paiement” et obtenir son exécution immédiate dans les 24 heures suivant la demande.
Selon Nakhili, ces démarches garantissent les droits du créancier, mais elles sont strictement encadrées par des délais légaux qui ne dépassent pas 48 heures. Il a averti que si une banque n’informe pas son client dans les 24 heures du non-paiement d’une lettre de change, elle ne pourra pas procéder à la protestation dans les délais légaux, ce qui l’obligera à suivre des procédures judiciaires plus longues.
Sur un autre plan, Mohamed Nakhili a évoqué une initiative législative présentée par plusieurs députés, visant à renforcer la force exécutoire des lettres de change. Cette réforme propose de modifier l’article 286 du Code de procédure civile et commerciale afin d’en faciliter l’application et d’en accélérer les délais.
D’un autre côté, l’expert a révélé que des discussions sont en cours pour introduire de nouvelles méthodes de paiement afin de répondre aux attentes des consommateurs et aux évolutions technologiques du marché. Il a notamment évoqué la forte concurrence entre les banques tunisiennes pour proposer des cartes de paiement plus innovantes à leurs clients.
Parmi les nouvelles options de paiement, Nakhili a mis en avant le concept de “Buy Now, Pay Later” (BNPL) qui permet aux clients d’effectuer leurs achats et de payer en plusieurs fois, généralement sur trois ou quatre échéances. Cette méthode s’oppose aux cartes de crédit classiques qui offrent des périodes de paiement beaucoup plus longues.
Le virement bancaire, une alternative viable
Le professeur en droit bancaire a aussi évoqué le virement bancaire comme une alternative de paiement viable, à la fois pour les transactions préalablement contractées et celles basées sur la confiance entre les acteurs économiques. Selon lui, les chiffres relatifs aux virements bancaires montrent une tendance à la hausse dans leur utilisation.
Par ailleurs, Nakhili a souligné l’importance de l’utilisation des cartes de paiement électroniques, qui permettent de réaliser des transactions jusqu’à 1 000 dinars pour les particuliers et 10 000 dinars pour les entreprises. Il a également mentionné que le ministère des Technologies de l’information, en collaboration avec le ministère des Finances et la Banque centrale de Tunisie, travaille sur le développement d’un système de cartes technologiques internationales pour augmenter le plafond annuel de ces cartes.
Finalement et non moins important, Nakhili a estimé que la Tunisie dispose d’un potentiel énorme en matière de technologie et pourrait suivre l’exemple de l’Inde en devenant un leader dans ce domaine. Cependant, il a insisté sur la nécessité d’adapter et de moderniser la législation tunisienne afin de suivre les tendances mondiales et de favoriser l’innovation.