Dialogue Shangri-La : l’Europe défie Washington sur la sécurité en Asie
Le Dialogue de Shangri-La à Singapour, traditionnel théâtre des tensions sino-américaines, a révélé cette année une nouvelle ligne de fracture : le désaccord croissant entre les États-Unis et l’Europe sur l’engagement militaire en Asie.
Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a profité de son discours du 31 mai pour mettre en garde contre une Chine « menaçante » et a exhorté les Européens à recentrer leurs efforts sur leur propre continent, en augmentant leurs budgets de défense. « Nous préférerions que l’essentiel des investissements européens se fasse sur ce continent », a-t-il déclaré, estimant que cela permettrait à Washington de se consacrer pleinement à la région indo-pacifique.
L’absence remarquée du ministre chinois de la Défense, Dong Jun, remplacé par une délégation technique de second rang, a contrasté avec la présence de poids lourds militaires indiens et pakistanais, venus malgré des affrontements récents.
Mais les Européens présents à Singapour ont affirmé leur intention de ne pas se plier aux injonctions américaines. Ainsi, Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, a souligné l’interconnexion des enjeux de sécurité entre l’Europe et l’Asie : « Si vous vous inquiétez de la Chine, vous devriez vous inquiéter de la Russie », a-t-elle lancé, dénonçant le soutien chinois à l’effort de guerre russe en Ukraine.
Le président français Emmanuel Macron a réaffirmé la position de la France comme puissance indo-pacifique, mettant en avant ses territoires d’outre-mer et ses 8 000 soldats déployés dans la région. Il a prôné une « troisième voie » indépendante à la fois de Pékin et de Washington.
Malgré les discours, les analystes estiment que l’infrastructure militaire européenne en Asie est profondément enracinée : déploiement britannique à Singapour, présence à Brunei, coopération accrue avec l’Australie dans le cadre d’AUKUS, ou encore la formation de pilotes singapouriens en France.
Un rapport récent de l’IISS souligne également la présence historique d’industriels européens de la défense, tels qu’Airbus, Thales ou Naval Group, en Asie du Sud-Est. Dans un contexte de hausse continue des dépenses militaires asiatiques — +46 % en dix ans, atteignant 629 milliards de dollars — la région attire un intérêt croissant.
Pour la Finlande, toutefois, le message américain trouve un certain écho. Son ministre de la Défense, Antti Hakkanen, rappelle que la priorité reste la dissuasion face à Moscou. « Quand la défense européenne sera en bonne forme, alors nous aurons les ressources pour faire quelque chose de plus », a-t-il déclaré.
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