Depuis sa promulgation, le 13 aoĂ»t 1956 par Habib Bourguiba, le Code du statut personnel (CSP) est bien plus quâune loi: câest un symbole fort de la modernitĂ© et de la justice sociale en Tunisie, un acte historique qui a offert aux femmes tunisiennes des droits inĂ©dits dans le monde arabe, abolissant la polygamie et instituant le consentement mutuel au mariage. Ce code a façonnĂ© une sociĂ©tĂ© oĂč les femmes sont devenues des piliers du progrĂšs social, Ă©conomique et politique, incarnant lâespoir et la dignitĂ© dâune nation tout entiĂšre.
Toucher au CSP, câest risquer de fragiliser cet Ă©quilibre prĂ©cieux, fruit de dĂ©cennies de luttes et de conquĂȘtes. La proposition de confier aux notaires la compĂ©tence de prononcer le divorce par consentement mutuel, en contournant le contrĂŽle judiciaire, menace de priver les femmes dâune protection essentielle face Ă des situations souvent vulnĂ©rables. Ce contrĂŽle garantit non seulement un Ă©quilibre entre les parties, mais aussi la prise en compte des consĂ©quences humaines du divorce, telles que la garde des enfants et la pension alimentaire.
Le CSP est un rempart contre les injustices et les abus, un hĂ©ritage Ă prĂ©server pour que la Tunisie continue dâavancer sur la voie du respect des droits et de lâĂ©galitĂ©. Ne laissons pas ce pilier fondamental vaciller.
Ayda Ben Chaabane, membre de la sociĂ©tĂ© civile, revient sur lâarticle 30 du Code du statut personnel qui rappelle que « le divorce ne peut ĂȘtre prononcĂ© que par le tribunal ».
Ce principe a Ă©tĂ© instaurĂ© par le Code du statut personnel afin de retirer la possibilitĂ© de divorce aux notaires publics, car auparavant, lâhomme pouvait simplement aller dĂ©clarer le divorce de sa femme auprĂšs dâun notaire, qui lui remettait la notification de divorce dans une enveloppe ; cela signifiait quâils souhaitaient ramener les Tunisiennes Ă la situation dâavant lâindĂ©pendance, il y a 69 ans.
Mais la vraie question Ă poser est : comment parvenir Ă Ă©tablir une loi fondamentale rĂ©gissant une profession comme celle des notaires publics, tout en maintenant ce principe fondamental (le divorce judiciaire) inscrit dans le Code du statut personnel, qui est un choix sociĂ©tal avant dâĂȘtre un choix politique, et autour duquel rĂšgne un consensus quasi total, Ă lâexception des courants conservateurs, les mĂȘmes qui Ă©taient alors hostiles Ă toute rĂ©forme avant lâIndĂ©pendance et qui collaboraient avec le colonisateur et Ă©taient proches du pouvoir ?
Ayda Ben Chaabane souligne que « ce code a 69 ans, a fondĂ© des institutions et orientĂ© des choix ; y toucher, câest toucher Ă lâĂtat civil, Ă lâĂtat de droit et aux institutions, et câest une porte ouverte Ă lâinstauration dâun Ătat thĂ©ocratique. Point final, retour Ă la ligne ».
ParallĂšlement, lâUnion nationale de la femme tunisienne (UNFT) a fait de mĂȘme. Elle a exprimĂ© son refus catĂ©gorique du projet de rĂ©vision de lâarticle 32 du Code du statut personnel, rĂ©affirmant que le divorce ne peut ĂȘtre prononcĂ© que par les tribunaux.
Cette position intervient dans un contexte de multiplication de propositions lĂ©gislatives rĂ©centes touchant aux droits des femmes, notamment un projet de loi dâamnistie pour les personnes condamnĂ©es Ă rembourser des dettes liĂ©es aux pensions alimentaires, ainsi que la modification de lâarticle 32 prĂ©citĂ©.
Dans un message officiel adressĂ© au prĂ©sident du Parlement, Ă la Commission de la lĂ©gislation gĂ©nĂ©rale et Ă lâensemble des dĂ©putĂ©s, lâUnion a exprimĂ© ses craintes que cette rĂ©forme ne constitue une porte dâentrĂ©e Ă la remise en question de lâensemble des dispositions du Code du statut personnel, menaçant ainsi les droits acquis des femmes tunisiennes, la protection des enfants, et lâĂ©quilibre de lâinstitution du mariage.
LâUNFT met en garde contre une assimilation du mariage Ă un simple contrat privĂ©, semblable Ă un contrat de transfert de propriĂ©tĂ©, soumis Ă la compĂ©tence des notaires, alors quâil relĂšve, selon elle, exclusivement de lâautoritĂ© judiciaire.
Lâorganisation souligne que la justice familiale, en particulier le rĂŽle du juge conciliateur, est indispensable pour tenter une rĂ©conciliation entre Ă©poux, et quâelle seule permet dâanalyser les causes rĂ©elles du divorce. Elle insiste sur la nĂ©cessitĂ© de renforcer plutĂŽt que dâaffaiblir cette instance, en permettant notamment le recours Ă des experts techniques ou scientifiques, selon les besoins des dossiers.
Elle avertit Ă©galement contre tout recul des droits acquis, en estimant que ce projet de loi reprĂ©sente une menace rĂ©elle pour la paix sociale et lâordre public, car il remet en cause les garanties juridiques fondamentales, telles que le droit Ă un procĂšs Ă©quitable et contradictoire.
LâUnion considĂšre enfin que les initiatives rĂ©centes, dont la modification de lâarticle 32 et le projet dâamnistie en matiĂšre de pension alimentaire, sont des tentatives claires de porter atteinte au Code du statut personnel sous prĂ©texte de dĂ©sengorger les tribunaux, mais quâelles compromettent la stabilitĂ© familiale et lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur des enfants.
Lâarticle 69 ans de divorce judiciaire : protĂ©ger lâĂtat civil contre la rĂ©gression est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.