L’Observatoire national de l’agriculture (ONAGRI) a révélé dans sa dernière publication une baisse significative de l’excédent de la balance commerciale alimentaire au premier trimestre 2025.
Celui-ci s’établit à 614,8 millions de dinars, contre 1,115 milliard de dinars à la même période en 2024. Le taux de couverture des importations par les exportations chute ainsi à 134,7 %, contre 161,6 % un an plus tôt. Sans sombrer dans l’alarmisme, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la dynamique excédentaire s’essouffle.
En 2024, l’huile d’olive à elle seule avait rapporté près d’un milliard de dinars. En 2025, la donne a changé. L’ONAGRI précise que les exportations alimentaires ont reculé de 18,4 %, quand les importations n’ont baissé que de 2,1 %. Une désynchronisation qui pourrait s’expliquer par la forte chute des exportations d’huile d’olive (-23,3 %), de dattes (-18,7 %) et de produits de la pêche (-31,6 %). Et ce, malgré un recul notable des importations de céréales (-18,3 %), de sucre (-33,4 %) et d’huiles végétales (-50,6 %).
« L’excédent alimentaire ne suffit plus à masquer la fragilité de notre modèle agricole. Ce que nous exportons aujourd’hui ne compense plus ce que nous importons demain. »
Le principal facteur de ce déséquilibre ? La dégringolade du prix de l’huile d’olive, dont le cours moyen à l’export a chuté de 54,5 %, passant à 12,52 DT/kg. À l’échelle nationale, le litre s’échange aujourd’hui autour de 12,500 DT, contre 27 DT l’an dernier. À cette crise des prix s’ajoute un scandale judiciaire qui a éclaboussé un des principaux exportateurs d’huile d’olive labellisée. Une affaire qui, au-delà des frontières, a réjoui certains concurrents européens, en prime les Italiens, ravis de reprendre des parts de marché perdus parce que la qualité de l’huile d’olive tunisienne labellisée est l’une des meilleures au monde.
Quelles conséquences pour le marché intérieur ?
Si la baisse des importations peut être perçue comme une bonne nouvelle pour la balance commerciale, elle soulève une question cruciale : le marché local tiendra-t-il le choc ?
Certains produits essentiels enregistrent des baisses inquiétantes en volume importé. L’orge, par exemple, a vu ses importations chuter de 55,7 %, passant de 268 700 tonnes au 1er Trimestre 2024 à 119 000 tonnes cette année. Le maïs suit la même tendance avec une baisse de 1,3 % sachant que ces produits sont importants pour les fourrages et peuvent impacter les filières avicoles ou bovines provoquant l’augmentation des prix s’ils ne sont pas en quantités suffisantes sur le marché. Les huiles végétales, pourtant indispensables à de nombreux produits transformés, ont été réduites de plus de moitié (31700 tonnes contre 76400 tonnes en 2024).
« En quelques mois, l’huile d’olive tunisienne est passée de fleuron exporté à prix d’or à produit dévalorisé sur le marché international. Ce revers n’est pas conjoncturel, il est structurel. »
Et maintenant ?
Dans un contexte économique où la balance commerciale globale se dégrade grimpant de 66,8 % au premier trimestre 2025, atteignant -5 050,5 MD, contre -3 027,4 MD un an plus tôt. Dans un contexte où les importations totales ont augmenté de 5,5 %, dominées par les produits énergétiques et les matières premières qui représentent à eux seuls plus de 50 % des importations, où les exportations globales ont reculé de 4,4 %, les exportations alimentaires, bien qu’elles représentent 15,6 % des ventes totales, ne suffisent plus à rééquilibrer la balance.
«Pour garantir notre souveraineté alimentaire et notre stabilité économique, il faut investir dans l’innovation agricole, la gouvernance des filières et la confiance avec les producteurs.»
L’excédent de la balance commerciale alimentaire a certes permis d’amortir partiellement la dégradation du solde global – à hauteur de 24,7 % selon l’ONAGRI, mais cela ne saurait masquer une tendance de fond inquiétante : une dépendance accrue aux aléas des marchés internationaux, combinée à une fragilité structurelle de nos filières agricoles.
Il est urgent de repenser les politiques agricoles et commerciales, revaloriser les filières locales, diversifier les débouchés à l’export, renforcer la transparence et la gouvernance des circuits de distribution, rétablir la confiance avec les agriculteurs et les industriels dans l’agroalimentaires, améliorer le climat d’affaires et rassurer les opérateurs loin de la chasse aux sorcières et d’une ineptie devenue aujourd’hui la règle : “Coupable dans l’attente des preuves de l’innocence”.
Serait-ce possible dans la Tunisie d’aujourd’hui ?
Tous les espoirs sont permis
Amel Belhadj Ali
EN BREF
Baisse inquiétante de l’excédent alimentaire en Tunisie (T1 2025)
- Excédent alimentaire en chute : 614,8 MD contre 1,115 milliard au T1 2024.
- Recul des exportations : -18,4 %, surtout huile d’olive (-23,3 %) et produits de la pêche (-31,6 %).
- Prix moyen de l’huile d’olive à l’export divisé par deux : 12,52 DT/kg.
- Importations d’orge -55,7 %, huiles végétales -50,6 %.
- «Ce que nous exportons aujourd’hui ne compense plus ce que nous importons demain.»
- Risques pour le marché intérieur et appel à repenser la stratégie agricole nationale.
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