L’alerte de Mezzouna ou quand l’école devient un danger !
Mezzouna, Sidi Bouzid, 14 avril 2025 : trois élèves perdent la vie, écrasés par un mur effondré dans leur propre lycée. Ce drame, survenu dans un établissement scolaire censé garantir sécurité et savoir, a bouleversé tout un pays. Mais il ne s’agit pas d’un accident isolé. Il est le reflet brutal d’une réalité que l’on tait depuis trop longtemps : l’état catastrophique des infrastructures éducatives en Tunisie.
Aymen Achouri *

Des murs qui s’effritent, des plafonds qui menacent de tomber, des sanitaires hors service, des fenêtres cassées, des classes sans chauffage ni ventilation, des toilettes sales et sans eau courante : tel est le quotidien de milliers d’élèves tunisiens, notamment dans les régions intérieures du pays. Dans les gouvernorats comme Sidi Bouzid, Kasserine, Siliana ou Kébili, des écoles publiques accueillent chaque jour des enfants dans des conditions indignes, parfois inhumaines. Et cela les autorités publiques au plus haut sommet de l’Etat le savent bien, mais ne font rien pour le changer, se contentant souvent de commenter une situation catastrophique qui exige plutôt des interventions urgentes.
Les enseignants, eux aussi, tirent la sonnette d’alarme depuis des années. Syndicats, associations, médias régionaux : tous ont dénoncé la vétusté croissante des établissements, sans réponse concrète de la part des autorités. Le drame de Mezzouna vient confirmer, avec une violence inouïe, ce que beaucoup savaient déjà : certaines écoles tunisiennes sont devenues des pièges mortels.
Une fracture régionale criante
Ce drame révèle aussi une profonde inégalité entre les régions. Tandis que certaines écoles en milieu urbain disposent d’un minimum de moyens, celles des zones rurales sont souvent laissées à l’abandon. Cette fracture n’est pas seulement matérielle : elle traduit une marginalisation continue des régions de l’intérieur, renforçant le sentiment d’injustice sociale chez les jeunes et les familles.
Alors que la Constitution tunisienne garantit l’égalité des chances et le droit à l’éducation, la réalité du terrain est tout autre. Comment parler d’égalité quand certains élèves doivent faire cours dans des salles délabrées, sans tableau ni bancs, et parfois même sans toit?
Face à l’émotion provoquée par la tragédie, les autorités ont promis l’ouverture d’une enquête et l’identification des responsables. Le Président de la République lui-même a exprimé sa tristesse. Mais les mots ne suffisent plus. Il faut des actes, des plans concrets, des réformes structurelles. Il faut un audit national urgent des infrastructures éducatives, un plan de rénovation à grande échelle, une révision des budgets, et surtout un suivi transparent.
L’éducation ne peut plus attendre
L’éducation ne peut plus être sacrifiée sur l’autel des équilibres budgétaires ou des calculs politiques. Une société qui laisse ses enfants étudier dans des conditions dangereuses est une société qui abandonne son avenir.
La mort tragique d’Abdelkader, Youssef et Hammouda à Mezzouna ne doit pas rester un fait divers dramatique qui occupe l’opinion un court moment puis est rapidement oublié. Elle doit être le point de départ d’une véritable prise de conscience collective. Chaque enfant tunisien a le droit d’aller à l’école en toute sécurité. C’est une exigence humaine, morale, nationale.
Ce drame doit constituer un tournant. Pour que plus jamais un élève ne perde la vie en allant chercher le savoir. Pour que l’école redevienne un refuge, un lieu de croissance, un socle de justice. Pour que Mezzouna ne soit pas un symbole d’abandon, mais le point de départ d’un changement profond.
* Expert en management, relations et coaching client.
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