Napoléon, une passion arabe
Le 2 juillet 1798, Napoléon Bonaparte débarque à Alexandrie avec son armée, lançant ainsi une expédition qui marquera un tournant dans l’histoire de l’Égypte. À la croisée des chemins entre réformes modernes et traditions enracinées, l’intervention française est perçue avec ambivalence par les Égyptiens.
Djamal Guettala
D’un côté, la défaite des Mamelouks, oppresseurs du peuple égyptien, est vue comme une libération, mais de l’autre, l’occupation militaire et la violence de la répression instaurent une distance entre les Français et la population locale.
Dans son ouvrage ‘‘Bonabarta : Napoléon, une passion arabe ?’’ (éd. Passés composés, 2024, 160 pages), Ahmed Youssef explore en profondeur ce choc culturel qu’a représenté l’arrivée des Français en Égypte. À travers les témoignages d’Al-Jabarti, chroniqueur égyptien, et de Nicolas Turc, historien chrétien libanais, l’auteur nous dévoile les perceptions contrastées de l’occupation. Pour certains, Napoléon incarne un sauveur, apportant des idées de modernité et de réforme, tandis que pour d’autres, ses actions militantes et ses idées libérales apparaissent comme une menace pour l’ordre islamique et social.
L’héritage durable de Napoléon
Youssef ne se limite pas à une simple analyse de la campagne militaire, il s’intéresse également à l’héritage durable qu’elle a laissé sur la politique et la culture égyptiennes.
Si l’échec militaire de Napoléon est indéniable, son passage a marqué un point tournant dans la transformation de l’Égypte. Les réformes administratives qu’il a mises en place, ainsi que ses tentatives de modernisation, trouvent un écho dans les politiques de Mohamed-Ali, qui s’inspirera de l’organisation de l’armée française et de ses principes pour établir son pouvoir.
Au-delà des événements de l’époque, Youssef interroge l’héritage napoléonien dans l’imaginaire arabe. En effet, même si la France se retire militairement en 1801, la figure de Napoléon ne disparaît pas. Il devient un personnage à la fois mythique et ambivalent: une figure de pouvoir et de réforme pour certains, un symbole de domination pour d’autres.
L’historien montre comment cet héritage se prolonge bien au-delà de l’expédition, en influençant les réformes politiques des leaders égyptiens, comme Nasser et Sadate, qui, tout en rejetant l’occupation, reconnaissent l’importance des réformes françaises pour moderniser leur pays.
Une réflexion profonde et nuancée
Dans ‘‘Bonabarta : Napoléon, une passion arabe ?’’, Ahmed Youssef nous offre une analyse historique et littéraire profonde de l’impact de l’expédition napoléonienne en Égypte. Loin des récits simplistes de conquêtes et de révolutions, l’historien nous guide dans un parcours intellectuel où l’ambiguïté de la rencontre entre l’Occident et l’Orient se déploie pleinement. Cette étude se révèle indispensable pour quiconque s’intéresse aux relations complexes et durables entre la France et le monde arabe, et pour comprendre comment une expédition militaire peut façonner une modernité dans un pays comme l’Égypte.
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