Crise existentielle des institutions financières internationales
La Banque mondiale et le FMI n’échappent pas à la défiance du président Trump à l’égard de tout ce qui ressemble de près ou de loin au multilatéralisme. Le FMI et la Banque mondiale pourraient être pris pour cibles par Trump et doivent s’y préparer. Les deux institutions internationales qui symbolisent le « système de Bretton Woods », conçu par les Etats-Unis eux-mêmes, sont ciblées dans le Project 2025 publié par le puissant think tank Heritage Foundation.
Si elles n’osent affronter frontalement D. Trump, elles sont également visées par les puissances émergentes. En réalité, le système financier mondial, tel qu’il avait été dessiné à Bretton Woods (en 1944) s’avère désormais inadapté, obsolète, et se trouve ainsi plongé dans une crise existentielle.
Aux origines du FMI et de la Banque mondiale : un autre monde
Parallèlement à la fondation du système onusien, le système de Bretton Woods est mis en place par des accords signés en 1944 (par 44 Etats) pour définir les contours d’une nouvelle architecture financière internationale. Il organise le système monétaire mondial autour du dollar américain, seule monnaie à être désormais convertible en or (Gold Exchange Standard). Il s’agit d’éviter une crise économique comme celle des années 1930, due aux changes flottants (évolution de la valeur des monnaies en fonction de l’offre et de la demande), aux dévaluations monétaires et à l’absence d’entente entre les États.
Sur le plan institutionnel, les accords de Bretton Woods créent le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Le FMI doit permettre de fournir des liquidités aux pays en difficulté pour éviter de nouvelles dévaluation. Alors que la BIRD (aujourd’hui une des composantes de la Banque mondiale) doit favoriser le développement économique.
Parallèlement, le GATT (1947) et l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, créée en 1948, future OCDE) en liaison avec l’octroi des crédits du Plan Marshall, entraînant par réaction, à l’Est, la naissance du Conseil d’aide économique mutuelle, connu aussi sous le nom de COMECON (créé en 1949 et dissous en 1991).
Cibles de critiques des nouvelles puissances économiques
Créé à la fin de la Seconde guerre mondiale, l’objectif de ce système – qui a donné naissance au Fonds monétaire international (FMI) et le Fonds pour la reconstruction après-guerre (BIRD) – était de mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement. Depuis, les rapports de force comme les priorités ont profondément changé. La lutte contre la pauvreté et le sous-développement conjuguée à celle contre la vulnérabilité au changement climatique requiert de construire un nouveau cadre de coopération Nord-Sud capable de répondre simultanément aux deux enjeux.
Les puissances économiques émergentes non occidentales ont le sentiment de subir un déficit de capacité décisionnelle au sein d’un ordre international issu de la Seconde Guerre mondiale. En témoignent la composition et le mode de décision du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que le mode de désignation des personnalités nommées aux postes de direction des principales organisations financières et économiques internationales (Banque mondiale et FMI, en particulier).
Certes, forte de son poids économique mondial, la Chine joue désormais un rôle croissant, grâce, d’une part, à une stratégie volontariste consistant à investir le système multilatéral ; d’autre part, aux révisions des quotes-parts et des droits de vote au sein du FMI et de la Banque mondiale. Il n’empêche, le FMI fait face à une contestation de son mode de fonctionnement et de son organisation. Issu des accords de Bretton Woods, le FMI a un mode de fonctionnement qui ne correspond plus à un monde qui a profondément changé. Ses doctrines, ses modes de pensée reflètent une domination occidentale, et d’abord américaine, en inadéquation avec un environnement profondément bouleversé. Surtout, il n’assure plus sa mission première : la stabilité et la permanence du système financier international au bénéfice de tous.
Les BRICS ont représenté plus de 50 % de la croissance économique mondiale au cours de la dernière décennie, et ne disposent pourtant que de 15 % des droits de vote à la Banque mondiale et au FMI.
Si les puissances constitutives des BRICS ont leur propre agenda et propres intérêts, elles ont déjà fait montre de leur capacité à fixer des positions et à mener des actions communes. En témoigne notamment la création de la New Development Bank (en 2014) présentée comme une alternative à la Banque mondiale et au FMI. A cela s’ajoute la mise en place (en 2015) de la « Contingency Reserve Arrangement », fonds de réserve d’urgence destiné à aider les pays en proie aux difficultés financières.
Est-ce le signe du caractère définitivement dépassé des traditionnelles institutions financières internationales?
L’article Crise existentielle des institutions financières internationales est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.