L’Union européenne (UE) a été frappée par des droits de douane réciproques de 20 % sur les importations aux États-Unis. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a indiqué que l’UE préparerait des contre-mesures si les négociations avec Washington échouaient. La France et l’Allemagne ont toutes deux appelé à une réponse coordonnée.
La croissance économique européenne pourrait subir une forte pression à la suite des tarifs douaniers. Ce qui pourrait pousser les producteurs locaux à baisser leurs prix pour défendre leur part de marché à l’exportation. La Deutsche Bank a calculé que l’impact des droits de douane sur le PIB de la zone euro serait de l’ordre de 0,4 à 0,8 %. La banque d’investissement a déclaré que cela équivaut à une stagnation économique jusqu’au milieu de l’année 2025. Tout en admettant que les prévisions de croissance de la Zone euro de +1 % pourraient rester largement valables grâce aux bénéfices initiaux de la croissance des dépenses de défense et d’infrastructure lancées par l’initiative européenne ReArm.
De son côté, le gouverneur de la Banque centrale grecque a estimé l’impact à pas moins de 50 points de base de croissance cette année.
Impact direct sur la croissance
L’UE garde toutes les options ouvertes si elle ne parvient pas à négocier une issue aux droits de douane élevés de 20 %. Et cela pourrait inclure de s’en prendre à la puissante Big Tech. Avant l’annonce des droits de douane, mercredi 2 avril, qui a stupéfié les marchés mondiaux par sa portée et son ampleur, la présidente de la Commission européenne a déclaré que l’Europe a beaucoup de cartes en main, du commerce à la technologie, en passant par la taille de son marché. Cette force repose également sur la volonté de prendre des contre-mesures fermes.
A cet égard, notons que l’Union européenne est le premier partenaire commercial des États-Unis pour ce qui est des biens, des services et des investissements. Et les échanges commerciaux entre les deux parties sont à peu près équilibrés si l’on tient compte à la fois des biens et des services. Toutefois, pour calculer ses droits de rétorsion, l’administration américaine semble avoir pris en compte, de manière controversée, le seul déficit commercial des pays en matière de biens avec les États-Unis, considérant cet écart comme un droit de douane sur les États-Unis et frappant les principaux exportateurs, tels que le Viêt Nam et le Sri Lanka, de droits de douane de plus de 40 %.
Pour l’UE, cela signifie des droits de douane de 20 % en raison du déficit de marchandises des États-Unis d’environ 235,6 milliards de dollars. Ces derniers mois, Donald Trump s’est particulièrement offusqué des relations commerciales entre les États-Unis et le bloc des 27, l’accusant de mal traiter la première économie mondiale et de rendre très difficile l’importation de produits américains en Europe tout en les vendant sur place.
La carte des Big Tech
Alors que l’UE ne prendra probablement pas de mesures de rétorsion significatives qu’après avoir épuisé toutes les pistes pacifistes, elle menacera probablement de le faire si les négociations ne débouchent pas sur un résultat d’ici le milieu de l’année.
Ainsi, le scénario de base
prévoit qu’environ la moitié des droits de douane américains supplémentaires sur les importations de l’UE seront éliminés d’ici la fin du deuxième trimestre, les entreprises technologiques sont un moyen par lequel la coalition pourrait frapper durement les États-Unis.
De telles mesures pourraient prendre la forme de réglementations plus strictes sur les Big Tech, ou utiliser l’instrument de lutte contre la coercition de l’UE pour retarder la délivrance de licences commerciales pour les entreprises américaines, limiter l’accès aux contrats publics, restreindre les droits de propriété intellectuelle ou interdire purement et simplement les investissements dans l’UE. Les cibles spécifiques pourraient inclure les magasins d’applications, les téléphones portables, les services en nuage et d’autres domaines tels que l’endroit où sont stockées les données.
Avec peu de géants technologiques nationaux, l’Europe a un énorme appétit pour les produits et services d’entreprises comme Apple, Google, Amazon, Meta, Microsoft et LinkedIn. Nombre d’entre eux ont leur siège régional à Dublin, la capitale irlandaise, attirés à l’ori-
gine par son faible taux d’imposition sur les sociétés, tout comme de grands noms de l’industrie pharmaceutique et des services financiers aux États-Unis.
D’ailleurs, l’UE a déjà pris des mesures pour sévir contre les grandes entreprises technologiques. En effet, le mois dernier, la Commission européenne, qui est l’organe exécutif de l’UE, a accusé Alphabet, la société mère de Google, d’avoir enfreint la loi sur les marchés numériques et a adressé à Apple des recommandations demandant au fabricant de l’iPhone de faire davantage pour se conformer à la
loi.
Trump a déjà cité les mesures réglementaires prises par l’UE à l’encontre des géants américains de la technologie comme une raison de frapper l’Union de droits de douane. En février, il l’a menacée d’imposer des droits de douane pour lutter contre l’extorsion à l’étranger des entreprises technologiques américaines par le biais de taxes et d’amendes numériques.
Les géants américains de la technologie sont désormais aux prises avec les conséquences des politiques tarifaires de leur président sur la chaîne d’approvisionnement. Nombre d’entre eux dépendant de composants et de chaînes d’assemblage en Asie.
Depuis l’annonce, les actions de ces entreprises ont subi de grosses pertes dans le cadre d’un vaste mouvement de liquidation du secteur technologique.
Préjudice pour les consommateurs européens
Toutefois, l’adoption de contre-mesures nécessiterait l’approbation de 15 des 27 membres de l’UE, prendrait environ huit semaines et pourrait se heurter à d’autres obstacles techniques.
De plus, s’attaquer aux services numériques américains serait l’arme de destruction massive dans le kit de politique commerciale de l’UE. Elle déclencherait probablement de fortes représailles de la part des États-Unis et nuirait également aux clients européens. Car la région dispose actuellement de très peu d’alternatives nationales aux services numériques américains.
Certes, l’UE cherchera à minimiser les risques d’escalade et à préserver ce qui reste des relations commerciales avec les États-Unis à long terme. Les décideurs politiques sont également attentifs aux négociations sur la défense et la sécurité.
Ainsi, si les dirigeants européens se sont empressés de critiquer les droits de douane, ils ont également fait savoir qu’ils étaient ouverts aux négociations.
Cet article est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 917 du 9 au 23 avril 2025
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