La stagnation des IDE en Tunisie peut retarder les progrès vers les Objectifs de développement durable (ODD), car les entreprises étrangères sont susceptibles de créer de nombreux emplois, de verser des salaires plus élevés, d’être plus productives et mieux intégrées dans les chaînes de valeur mondiales, indique une “Revue des qualités des IDE en Tunisie” publiée, mercredi, par l’OCDE.
En Tunisie, les entrées des investissements directs étrangers ont atteint leur apogée en 2006, avec 3,2 milliards de dollars américains, représentant plus de 9 % du PIB de l’époque. Le ratio stock d’IDE/PIB s’élevait à 85 %, un pourcentage élevé par rapport à d’autres économies émergentes. Cependant, les difficultés économiques engendrées par la crise financière mondiale et les perturbations politiques de la dernière décennie ont eu une incidence considérable sur les entrées d’IDE dans le pays, qui ont sensiblement diminué depuis 2012, bien qu’elles aient montré quelques signes de reprise en 2017 et 2018. Les chocs extérieurs résultant de la pandémie de COVID-19 en 2020 ont entraîné une contraction supplémentaire des afflux d’IDE. En 2022, les flux d’IDE représentaient 1,5% du PIB, un pourcentage faible par rapport à celui enregistré dans la région MENA (2,3%) et aux années précédentes, mais plus élevé que celui enregistré en 2021 (0,9%) lors de la crise du COVID-19.
Sur l’ensemble des entreprises privées en Tunisie, 3,5% étaient à capitaux étrangers en 2022. Ces entreprises étrangères ont généré 11% des revenus et employaient 21% des travailleurs du secteur privé formel. Près d’une entreprise étrangère sur quatre emploie au moins 50 salariés, contre 2% des entreprises tunisiennes, et 6,5% comptent plus de 200 salariés.
La contribution des IDE à la création d’emplois est importante et l’une des plus élevées de la région MENA, mais elle se limite aux emplois peu qualifiés. En 2021, un employé du secteur privé sur cinq travaillait dans une entreprise étrangère : 34 % dans l’industrie manufacturière et 10 % dans les services, dont 95 % dans des entreprises étrangères offshore. Le nombre d’employés des entreprises étrangères a également doublé depuis 2005. Toutefois, la plupart des possibilités d’emploi se trouvent dans des professions moins qualifiées, créées par de grands exportateurs (des fabricants étrangers). Un nombre moins important d’emplois a été créés dans le secteur des services par les entreprises étrangères, mais ceux-ci nécessitent davantage de travailleurs hautement qualifiés, en particulier dans les TIC et les services commerciaux, scientifiques et techniques. Au sein de ces secteurs, les entreprises étrangères représentaient de 24% à 44% de l’emploi.
Même si la plupart des emplois créés sont concentrés dans des activités manufacturières, la création d’emplois grâce aux IDE dans les secteurs des services et des énergies renouvelables s’est accrue au cours de la dernière décennie. Les investissements étrangers s’orientent progressivement vers des secteurs à plus forte intensité technologique et de compétences, mais pourraient soutenir davantage la croissance de la productivité et l’amélioration du niveau de vie.
Des réformes ciblées sont nécessaires
L’OCDE souligne que des réformes ciblées peuvent contribuer à accroître la contribution des IDE à une économie fondée sur la connaissance. La Tunisie a, en effet, entrepris, ces dernières années, de vastes réformes du climat des affaires visant à mobiliser les investissements privés, notamment les IDE, dans le but de réduire l’important déficit de financement, de créer davantage d’emplois de meilleure qualité et de stimuler la productivité globale. La loi sur les investissements de 2016 a davantage libéralisé l’investissement, et d’autres réformes législatives ont renforcé les droits des investisseurs, créé un environnement plus favorable aux investisseurs et réduit le fossé entre les entreprises étrangères et nationales.
Un nouveau projet de code des changes, qui doit être ratifié par le Parlement, devrait faciliter les transactions commerciales internationales. Les autorités ont, également, pris des mesures afin de réduire la dépendance à l’égard du régime offshore, avec pour objectif d’attirer les IDE et d’améliorer leur incidence sur le développement local.
Selon l’OCDE, “de nouvelles réformes sont nécessaires pour améliorer la contribution des IDE à la productivité, à l’innovation et à une meilleure création d’emplois pour les jeunes hautement qualifiés”. Elle a, ainsi, recommandé d’améliorer la cohérence des politiques, en alignant la politique et la promotion de l’investissement sur la Vision 2035 de la Tunisie et sur les plans nationaux, visant à en faire une économie fondée sur les connaissances et de poursuivre les efforts visant à réduire la dichotomie entre les régimes offshore et onshore, afin d’étendre les motivations des investisseurs au-delà des activités à faible valeur ajoutée et à bas salaires.
L’OCDE a, aussi, souligné la nécessité de renforcer les réformes favorables à la concurrence, notamment en réduisant les obstacles à l’investissement étranger dans les secteurs des services, afin de dégager des gains de productivité à l’échelle de l’économie et de soutenir un secteur privé plus dynamique qui crée des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Elle a, en outre, plaidé pour la mise en place de mécanismes de surveillance et d’évaluation solides afin de mesurer l’incidence des IDE sur la productivité, l’innovation et les résultats du marché du travail et anticiper les besoins en compétences des entreprises étrangères.
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