Par Omar BOUHDIBA*
Cravatte noire, l’air grave, Macron s’adresse à la France en la regardant dans les yeux. Il prédit à ses concitoyens des jours difficiles. Qui peut croire, insiste-t-il, que la Russie s’arrêtera aux frontières de l’Ukraine? A l’entendre, l’on croirait que des hordes de Cosaques seraient déjà porte de Clignancourt, prêtes à investir les Champs Elysées. Ses accents Churchillo-Gaullistes en sont presque risibles. Quelques jours plus tard, l’affaire tourne carrément à la farce quand l’Elysée recommande à tous les citoyens de l’Hexagone de s’équiper d’un kit de survie. 6 bouteilles d’eau, des conserves permettant de tenir 6 jours et plein de sous-vêtements.
Cela ne va pas sans déclencher l’hilarité du pays et le déchaînements des humoristes qui ne pouvaient rater une telle occasion. Et qui de proposer 6 bouteilles de vin blanc et beaucoup de cassoulet en boîte, qui permettrait selon eux de mieux survivre aux radiations. Car tout le pays a compris : Macron en difficulté intérieure, avec une succession de 5 chefs de gouvernement en 15 mois essaie de trouver une raison d’exister et reprendre le devant de la scène.
Toute cette histoire bizarre commence en 2022 avec l’affaire ukrainienne. Les puissances occidentales, sous l’impulsion insistante des USA, créaient une situation intenable pour la Russie, et forçaient Poutine à la faute. Tout cela en violation de leurs multiples promesses et des accords de Minsk, qui s’avéraient être un marché de dupes. Poutine, qui aspirait pourtant a élargir ses liens avec l’UE, et pourquoi pas l’intégrer, se voyait contraint d’attaquer, avec bien peu de préparation il faut le dire. Son armée piétine et s’enlise, mais la grande Russie en a vu d’autres et l’issue ultime ne fait maintenant nul doute.
Étonnamment, les Européens, pour qui une guerre sur leur continent aurait dû être le pire scénario possible, s’y engagent avec enthousiasme et précipitent dans la foulée leurs économies dans la récession. L’enseignement public français tout comme le National Heath Service britannique, croulent sous les coupes budgétaires. Les déserts médicaux se multiplient dans l’Hexagone et les grands projets tels le tunnel sous la Tamise sont retardés faute de financement, mais qu’importe! On trouve toujours assez d’argent a envoyer a l’Ukraine, et les milliards pleuvent sur Kiev, capitale du pays pourtant reconnu comme le plus corrompu du monde.
Les Allemands, qui n’ont même pas proteste lors du dynamitage du pipeline North stream 2, source de gaz russe à bas prix, se voient contraints de l’acheter trois fois son prix aux Américains trop heureux de l’aubaine. Ce gaz, le monde ne tardait pas à découvrir, était l’un des piliers de la prospérité exportatrice de la république fédérale et les conséquences ne se font pas attendre. Les exportations de voitures s’effondrent, et Wolkswagen, pour la première fois de son histoire est contrainte de fermer deux usines en Allemagne.
A ne rien y comprendre…
La presse européenne, plus que jamais dans la Botte, se déchaîne dans le même sens avec une rage anti-russe incompréhensible. Poutine est traité de dictateur, psychologiquement instable qui rêve de reconstituer l’Empire de Pierre le grand. L’Ukraine, devient un petit Poucet innocent attaqué par un grand méchant loup. Zelensky, qui avant d’être président était un acteur dont les vidéos sur youtube attestent d’un véritable don pour la danse du ventre, est peint comme une espèce de Churchill des temps modernes. Les standing ovations, du congres américain à l’Assemblée nationale française ne se comptent plus et les chefs de gouvernements font la queue à Kiev pour clamer leur support.
Pire encore, dans un effort de désinformation criminelle, on fait croire à l’opinion que la victoire de David contre Goliath est possible sinon proche.
Et bien sûr, comme il se doit, les fonds russes sont gelés par les banques occidentales, qui pensent même les confisquer, ce qui serait ni plus ni moins qu’un abus de confiance et une spoliation.
Parmi les grands perdants, on compte la France, qui se flattait à juste titre d’être le pays le plus actif en Russie. Renault, qui y faisait 20% de son chiffre d’affaires, Société Générale, Sodexo, Danone, Legrand, Alsthom…. La liste des grands noms est longue. Quelques centaines d’entreprises en tout, employant des dizaines de milliers de Français. La sortie fut précipitée, pagailleuse et surtout coûteuse. Mais la plus grande victime n’est autre que l’Europe qui n’a rien trouvé de mieux que de rejeter son plus grand pays, et de le pousser dans les bras de la Chine.
Difficile d’imaginer une réconciliation avant des décennies
L’explication a tout ce tohu bohu est simple et connue des diplomates. Depuis Jacque Chirac, dernier grand président souverainiste français, la politique étrangère de l’Europe est décidée à Washington. Le Vieux continent a choisi, pour d’incompréhensibles raisons, de se vassaliser, en tout cas sur le plan diplomatique, aux USA.
Et puis, coup de théâtre. A la faveur d’une élection, l’Amérique tourne casaque et tend la main a l’ennemi d’hier, allant même jusqu’a accuser leur pion, le danseur de Kiev, de précipiter le monde vers une guerre nucléaire. Ce revirement que personne n’a vu venir, exacerbe les incohérences de la politique étrangère des Européens et les laisse pantois, totalement perdus, sans voix.
Inimaginable humiliation, la paix sur le Vieux continent est maintenant négociée à Riyad, en leur absence. De toute façon, a quoi bon les inviter, ils n’ont pas voix au chapitre? Pire encore, J.D. Vance, vice-Président américain depuis un mois à peine, se paie le luxe, ce février, d’insulter les Européens, devant eux à Munich, critiquant explicitement la démocratie sur le continent. Étonnement, le parterre de chefs d’Etat présents, visage sombre, avale la couleuvre sans réagir.
Personne ne peut prévoir comment tout cela va finir, mais il est triste de voir où la grande Europe en est arrivée. Sans autre ambition que de courber l’échine devant l’Amérique, fragmentée, dénuée de grands leaders souverainistes, minée par le populisme qui n’offre d’autre vision que la haine de l’immigrant, le Vieux continent, qui, pendant des siècles, dominait la pensée mondiale, semble à la dérive. Devant cet auto-effacement, le monde a compris à qui appartient le futur et s’en détourne en faveur de l’Asie. Les pays européens n’ont plus rien à apporter. A force de poursuivre la politique d’une nation tierce, plutôt que la sienne, on se retrouve à nager dans l’irrationalité. En gros: on marche sur la tête.
(*)Banquier tunisien évoluant au Koweït
N.B. : Les opinions émises dans ces tribunes n’engagent que leurs auteurs. Elles sont l’expression d’un point de vue personnel.