Du tac au tac…
Après avoir relevé de 34 % à 104 % les taxes sur les produits en provenance de Chine, le président américain a annoncé leur relèvement à 125 % et décrété une pause de 90 jours avec l’ensemble des autres pays, désormais alignés sur une taxe à 10 %. Un revirement spectaculaire téléguidé par la chute des indices boursiers et la menace pesant sur le financement de la dette américaine consécutives à la guerre commerciale baptisée « Liberation Day » qu’il a lui-même déclenchée le 2 avril.
Reconnaissons au milliardaire républicain une qualité, rare chez les puissants de ce monde : celle d’avoir le courage de reculer quand il s’aperçoit que ces décisions, souvent hâtives et irréfléchies, le mènent droit dans le mur. Ainsi, dans une volte-face qui aura rassuré les marchés financiers après avoir semé la panique dans les capitales du monde entier en annonçant, il y a une semaine, des surtaxes douanières sur les produits de 60 partenaires commerciaux, avec un traitement déjà particulièrement brutal de la Chine (104 %), le président américain a annoncé, mercredi 9 avril 2025, qu’il suspendait ses surtaxes douanières globales mondiales, tout en renforçant celles visant la Chine, désormais portées à 125 %.
Reculade
Comment expliquer ce recentrage stratégique? Par pragmatisme, évidemment.
Alors que les sondages montrent une défiance croissante des Américains envers leur imprévisible président, que plusieurs économistes de renom ont alerté sur les risques de flambée de l’inflation et de récession, que le marché obligataire où la dette américaine – cette valeur refuge pour des millions d’Américains, y compris sa base électorale – a dangereusement plongé ces derniers jours, Donald Trump a fini par reconnaître piteusement lors d’un échange avec la presse à la Maison Blanche que ces dernières décisions « effrayaient un peu » les investisseurs, les avaient rendus « fébriles »; et qu’il fallait par conséquent « être flexible ».
Mais, alors pourquoi imposer au rival chinois cette taxe exorbitante de 125 %? Pour punir Pékin d’avoir « manqué de respect » en ripostant contre les Etats-Unis ». Alors que, selon ses dires, « plus de 75 pays » se sont manifestés pour « négocier » une solution en matière commerciale. Ayant pris acte de leur profil bas, Donald Trump leur accorde une pause de 90 jours et des droits réciproques substantiellement réduits durant cette période, de 10 %, également effectifs immédiatement ».
Simple coup de menton?
Le crime de lèse-majesté du géant asiatique c’est d’avoir répliqué du tac-au-tac à la dernière salve de surtaxes douanières mises en place plus tôt dans la journée par Donald Trump en annonçant mercredi qu’à partir de jeudi 10 avril à 12 h 01 heure chinoise, Pékin portera ses surtaxes de rétorsion contre les produits américains à 84 %, et non 34 % comme initialement prévu. Ce qui constitue une nouvelle escalade dans la guerre commerciale entre Pékin et Washington.
Sachant que sur les 60 pays concernés par les droits de douane supplémentaires décidés par le président américain et entrés en vigueur mercredi, c’est la Chine qui était la principale visée.
Ainsi, les surtaxes sur ses produits ont augmenté de 34 % à 84 %. La nouvelle hausse décidée par Washington, qui s’ajoute aux 20 % appliqués sur les biens importés de Chine depuis janvier, avait été décidée en représailles à l’annonce par Pékin d’une première riposte.
« Cette escalade des droits de douane est une nouvelle erreur qui s’ajoute aux précédentes », a dénoncé le ministère chinois des Finances dans son communiqué. Ajoutant qu’elle « porte gravement atteinte aux droits et intérêts légitimes de la Chine et sape le système commercial multilatéral fondé sur des règles », a-t-il déploré.
Les munitions de la Chine
Reste la question essentielle : dans ce bras de fer titanesque entre les deux superpuissances, les Chinois, qui auront relevé le gant en ripostant aux provocations américaines, ont-ils, in fine, les moyens de leurs ambitions? Ou s’agit-il d’un simple coup de menton mû par la fierté nationale?
C’est que l’Empire du Milieu possède des atouts considérables : des réserves de change dépassant les 3 000 milliards de dollars, offrant une marge de manœuvre pour stabiliser son économie face aux chocs extérieurs; un vaste marché intérieur soutenu par une classe moyenne en expansion, permettant de compenser partiellement la diminution des exportations vers les États-Unis en stimulant la consommation domestique.
Enfin, la possibilité de dévaluer le yuan pour maintenir la compétitivité de ses exportations ainsi que la mise en place de politiques fiscales et monétaires visant à stimuler l’économie intérieure.
Pourtant, alertent les experts financiers, une augmentation de 20 points de pourcentage des tarifs pourrait réduire le PIB chinois d’environ 0,6 point entre 2025 et 2027. Un scénario plus sévère, avec des tarifs à 60 %, pourrait entraîner une perte de 2,5 points de PIB sur la même période. Insupportable pour l’économie chinoise.
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