Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation et de lâenseignement : Pour un systĂšme Ă©ducatif de qualitĂ©, Ă©quitable et inclusif
Lors de sa rencontre avec le ministre de lâEducation, le Chef de lâĂtat a Ă©voquĂ© la situation du secteur de lâĂ©ducation et de lâenseignement qui, Ă lâinstar dâautres secteurs publics, a subi une dĂ©gradation et une destruction depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990. Lâheure est au changement.
Le PrĂ©sident de la RĂ©publique, KaĂŻs SaĂŻed, a reçu mercredi 2 avril, au Palais de Carthage, M. Nourredine Nouri, ministre de lâĂducation. Ă lâordre du jour de cette rencontre, lâexamen dâun projet important dĂ©diĂ© Ă la rĂ©forme de lâĂ©ducation et de lâenseignement. Un secteur en chute libre et en nette dĂ©gradation. Dâautant quâil a Ă©tĂ© marquĂ© ces derniĂšres annĂ©es par lâaugmentation du taux dâabandon scolaire, la dĂ©tĂ©rioration des Ă©tablissements scolaires publics et les inĂ©galitĂ©s au sein du systĂšme Ă©ducatif au point que le taux dâanalphabĂ©tisme a augmentĂ© dans les zones rurales.
Violence, abandon scolaire et discrimination
A ces maux sâajoutent, en particulier, la piĂštre qualitĂ© de lâenseignement et le phĂ©nomĂšne de la violence dans les Ă©tablissements scolaires et aux alentours des Ă©tablissements qui a enregistrĂ© entre 2023 et les dix premiers mois de 2024 une hausse de 19 %, selon lâObservatoire national de lâĂ©ducation. Les cas dâagression des professeurs ont nettement augmentĂ© ces derniĂšres annĂ©es. Les statistiques dĂ©voilĂ©es donnent le tournis, avec 1.200 cas de violence grave contre les enseignants enregistrĂ©s au cours des annĂ©es 2016/2017 et 2018, dâaprĂšs le ministĂšre de lâEducation. Les enfants ne sont pas Ă©pargnĂ©s non plus. En 2020, plus de 58% des Ă©lĂšves tunisiens ont dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© victimes de violence physique en milieu scolaire, selon lâanalyse de la situation des enfants en Tunisie rĂ©alisĂ©e par lâUnicef.
Certains indicateurs et Ă©tudes ont confirmĂ© cet Ă©tat de lieu consternant. En effet, notre pays ne figure plus dans le classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des Ă©lĂšves), organisĂ© par lâOrganisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomique depuis sa version de 2016. Pour rappel, la Tunisie sâest classĂ©e 65e sur les 70 pays candidats. « En Tunisie, depuis lâindĂ©pendance, le taux de scolarisation a considĂ©rablement augmentĂ©, mais cette augmentation cache beaucoup de problĂšmes, tels que la discrimination dans le systĂšme scolaire et le problĂšme de la qualitĂ© de lâenseignement », dâaprĂšs une Ă©tude publiĂ©e par lâInstitut de compĂ©titivitĂ© et des Ă©tudes quantitatives en avril 2022. «La comparaison des rĂ©sultats entre 2006 et 2015 pour notre pays, montre quâau niveau du score global, le degrĂ© dâacquisition des compĂ©tences dĂ©jĂ relativement trĂšs faible en 2013, continue Ă diminuer dans le temps».
LâĂ©tude met aussi en avant le phĂ©nomĂšne de lâabandon scolaire qui a pris de lâampleur, expliquant que « le systĂšme Ă©ducatif tunisien reste marquĂ© par le nombre trĂšs Ă©levĂ© dâĂ©lĂšves qui abandonnent les Ă©tudes. Ainsi, prĂšs de 100 000 enfants dâĂąge scolaire restent en dehors du systĂšme Ă©ducatif chaque annĂ©e ».
Protéger les générations futures
Tous ces Ă©lĂ©ments, et bien dâautres causĂ©s en majeure partie par la grave crise politique quâa connu le pays durant la derniĂšre dĂ©cennie, ont Ă©tĂ©, en toute logique, un facteur dĂ©terminant dans le lancement dâune grande rĂ©forme du systĂšme Ă©ducatif, sous la supervision du Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation. Ă ce titre, le dĂ©cret-loi n°2024-2, portant organisation du Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation et de lâenseignement, a Ă©tĂ© publiĂ© au Journal officiel de la RĂ©publique tunisienne (Jort) en date du 17 septembre 2024. Il dĂ©finit la composition, les compĂ©tences et les modalitĂ©s de fonctionnement dudit Conseil.
Le Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation et de lâenseignement doit obligatoirement Ă©mettre un avis sur toutes les questions mentionnĂ©es Ă lâarticle 135 de la Constitution qui stipule que cette instance « Ă©met son avis sur les grands plans nationaux dans le domaine de lâĂ©ducation, de lâenseignement et de la recherche scientifique, de la formation professionnelle et des perspectives dâemploi », ainsi que sur celles soumises par le PrĂ©sident de la RĂ©publique, le prĂ©sident de lâAssemblĂ©e des reprĂ©sentants du peuple ou le prĂ©sident du Conseil national des rĂ©gions et des districts. En outre, le Conseil Ă©tablit un rapport annuel sur ses activitĂ©s, quâil soumet au PrĂ©sident de la RĂ©publique. Ce dernier transmet ensuite le rapport au prĂ©sident de lâAssemblĂ©e des reprĂ©sentants du peuple et au prĂ©sident du Conseil national des rĂ©gions et des districts. Le rapport est Ă©galement publiĂ© au Journal officiel de la RĂ©publique Tunisienne.
Lors de sa derniĂšre rencontre avec le ministre de lâĂducation, le Chef de lâĂtat a une nouvelle fois soulignĂ© lâimportance de cette institution constitutionnelle. Il a Ă©voquĂ© la situation du secteur de lâĂ©ducation et de lâenseignement, qui, Ă lâinstar dâautres secteurs publics, a subi une dĂ©gradation et une destruction depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990, conduisant ainsi Ă lâĂ©tat actuel des choses. Il a prĂ©cisĂ© que des filiĂšres sans avenir ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es, avec des perspectives trĂšs limitĂ©es. Il a par ailleurs soulignĂ© que les programmes et mĂ©thodes Ă©ducatives adoptĂ©s nâĂ©taient pas innocents et avaient Ă©tĂ© justifiĂ©s Ă lâĂ©poque sous prĂ©texte de « lâassĂšchement des sources », mais en rĂ©alitĂ© ce sont les esprits qui ont Ă©tĂ© assĂ©chĂ©s et la capacitĂ© de rĂ©flexion qui a Ă©tĂ© Ă©touffĂ©e.
Le Chef de lâĂtat a, en outre, insistĂ© sur le fait que la crĂ©ation du Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation et de lâenseignement vise à « protĂ©ger les gĂ©nĂ©rations futures des calculs politiques, afin que les Ă©lĂšves et Ă©tudiants ne soient pas otages des changements de responsables, mais quâils puissent recevoir une Ă©ducation basĂ©e sur des programmes et des mĂ©thodes scientifiques garantissant la prĂ©servation de leur identitĂ©, notamment Ă lâĂšre des nouvelles technologies de communication ». Lâobjectif est Ă©galement de « leur permettre de jouer un rĂŽle actif dans le domaine de lâĂ©ducation et de lâenseignement Ă lâĂ©chelle mondiale ».
Redorer le blason de lâenseignant et garantir le droit Ă lâĂ©ducation
Par la mĂȘme occasion, le PrĂ©sident de la RĂ©publique a insistĂ© sur lâimportance dâaccorder davantage dâattention aux enseignants et Ă©ducateurs qui se trouvent en premiĂšre ligne dans le systĂšme Ă©ducatif. Dans ce cadre, il est utile de rappeler que le locataire de Carthage avait dĂ©cidĂ© en janvier 2025, lors de sa rencontre avec le Chef du gouvernement, de clore dĂ©finitivement le dossier des enseignants supplĂ©ants, en Ă©mettant un dĂ©cret ordonnant leur intĂ©gration dans les Ă©coles primaires, les collĂšges et les lycĂ©es relevant du ministĂšre de lâĂducation. Cette dĂ©cision, trĂšs favorablement accueillie, sâinscrit dans le cadre des efforts de lâĂtat en attendant une rĂ©forme globale du systĂšme Ă©ducatif, aprĂšs la mise en place du Conseil supĂ©rieur de lâĂ©ducation et de lâenseignement.
Le droit Ă lâĂ©ducation devait ĂȘtre garanti Ă tous, sur un pied dâĂ©galitĂ©. Il reprĂ©sente le premier rempart contre toutes les formes dâaliĂ©nation et dâextrĂ©misme, a encore soulignĂ© le chef de lâĂtat. LâĂ©cole publique doit ĂȘtre perçue, de nouveau, comme un des principaux leviers de lâascenseur social.