ECLAIRAGES – Maintenir la prudence malgré les attentes (1/3)
Le compte-rendu de la réunion des 21-22 mars de la Réserve fédérale américaine (Fed) met en exergue une posture toujours empreinte de prudence. Si le scénario de base prévoit encore deux baisses de taux en 2025, les responsables de la Fed insistent sur la persistance des risques haussiers sur l’inflation, principalement en raison de l’évolution des politiques commerciales américaines.
Une inflation plus tenace que prévu
Les membres du FOMC reconnaissent que l’inflation sous-jacente n’a pas reculé au rythme escompté en 2024, ce qui complique les perspectives d’assouplissement monétaire. La Banque centrale s’inquiète de la résilience des pressions sur les prix, alimentées par des facteurs structurels, mais aussi par des décisions politiques, notamment dans le domaine commercial.
Tarifs douaniers : un facteur de perturbation majeur
Un facteur d’incertitude supplémentaire réside dans l’évolution des tarifs douaniers. Le président Trump vient d’annoncer une suspension de 90 jours des droits de douane pour les pays qui n’ont pas encore riposté aux mesures américaines. La Chine, en revanche, est frappée d’un tarif accru de 125 %, après avoir répondu aux nouvelles taxes américaines.
Les responsables de la Fed redoutent que cette escalade protectionniste ne relance les tensions inflationnistes, comme cela avait été le cas entre 2021 et 2022. Austan Goolsbee (Fed de Chicago) a alerté sur le risque d’un retour à une inflation hors de contrôle si une spirale de représailles tarifaires devait s’enclencher.
Des perspectives de taux désormais incertaines
Malgré un maintien des taux directeurs entre 5,25 % et 5,5 % en mars, la Fed conserve, pour l’heure, sa prévision de deux baisses de taux cette année. Toutefois, certains responsables, à l’instar de Raphael Bostic (Fed d’Atlanta), ne tablent plus que sur une seule baisse, illustrant les divergences internes face à une situation économique ambiguë.
Des données économiques mitigées
Le marché du travail reste solide, comme le montre le dernier rapport sur les créations d’emplois, supérieur aux attentes. Mais cette vigueur de l’emploi complique la tâche de la Fed, qui doit composer avec une économie encore dynamique, mais soumise à des tensions potentielles sur les prix.
Quels impacts pour les marchés émergents et la Tunisie ?
Cette prudence prolongée de la Fed pourrait avoir des conséquences notables sur les économies émergentes, dont la Tunisie. En maintenant des taux élevés plus longtemps, la Banque centrale américaine rend le dollar plus attractif, ce qui exerce une pression sur les monnaies locales, renchérit le coût du service de la dette extérieure et alimente l’inflation importée, notamment via les matières premières libellées en dollars.
Dans le cas tunisien, où les besoins de financement extérieur sont importants et la pression sur les réserves de change constante, toute prolongation de la politique monétaire restrictive de la Fed accroît les fragilités. Elle complique également la marge de manœuvre de la Banque centrale de Tunisie, déjà confrontée à une inflation élevée, à un dinar sous pression et à un besoin de relancer une croissance atone.
Une Fed sur ses gardes
Le compte-rendu de mars confirme que la Fed ne souhaite ni brusquer les marchés ni relâcher trop vite sa vigilance. Entre tensions commerciales, incertitudes géopolitiques et données économiques contrastées, elle choisit la voie de la prudence. Pour les pays émergents, cette indécision prolongée pourrait maintenir un climat de vulnérabilité financière et d’instabilité des capitaux à court terme.
Guerre commerciale : un impact limité sur l’inflation en Europe… ?
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a déclaré mercredi que la guerre commerciale initiée par les États-Unis aurait peu d’effet sur l’inflation en Europe, tout en soulignant que la Banque centrale européenne (BCE) disposait encore d’une certaine marge de manœuvre pour abaisser ses taux d’intérêt.
Lors d’une conférence de presse, Villeroy de Galhau a noté que cette guerre commerciale aurait un impact direct sur la croissance, estimé à une baisse de 0,25 point de PIB pour la zone euro, mais « peu ou probablement pas sur l’inflation ». Il a précisé que les augmentations tarifaires influenceraient moins l’inflation européenne que celle des États-Unis.
Dans ce contexte, il a affirmé que la BCE pourrait encore réduire ses taux, et que la décision concernant le rythme et l’ampleur de cette baisse serait guidée par un « pragmatisme agile ». Depuis juin 2024, la BCE a déjà engagé un assouplissement monétaire.
Selon lui, les pressions inflationnistes dues aux hausses de tarifs imposées par le président américain Donald Trump devraient être « moindres » pour plusieurs raisons : la désinflation en Europe est plus avancée, il n’y a pas de goulets d’étranglement dans l’économie européenne, et les éventuelles contre-mesures de l’UE seraient limitées aux importations en provenance des États-Unis, contrairement aux mesures américaines qui touchent plusieurs pays.
En outre, il a mentionné que certains facteurs pourraient être propices à une baisse des prix, tels que la baisse des prix des matières premières, une demande faible et une possible dépréciation de l’euro, bien qu’actuellement la tendance soit inverse pour la monnaie unique.
Il a également exprimé sa conviction que l’euro représente une force face à cette tempête, offrant des opportunités pour accroître progressivement son rôle sur la scène internationale.
En mars, la Banque de France avait revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2025 à 0,7 %, en raison des incertitudes internationales élevées. Le gouverneur a cependant mis en garde contre une révision trop rapide de ces prévisions dans un contexte de forte volatilité, précisant que l’institution mettrait à jour ses prévisions macroéconomiques en juin.
A suivre…
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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