Les bacs à sable réglementaires transforment le secteur des jeux en ligne en créant des espaces sécurisés pour tester les innovations. Ces zones permettent aux développeurs d’applications comme le 1x apk Android de vérifier leurs produits dans un cadre contrôlé avant leur lancement officiel. Cette approche, adoptée par plusieurs juridictions, offre un équilibre entre innovation technologique et conformité réglementaire.
La mise en place de ces environnements de test représente une avancée significative dans la manière dont le secteur des jeux en ligne évolue face aux défis réglementaires.
Zones de test réglementaires à travers le monde
Les zones réglementaires varient selon les pays et leurs cadres juridiques spécifiques. Le Royaume-Uni figure parmi les pionniers avec la création d’un système qui permet aux opérateurs de tester leurs innovations sous supervision. Les modèles réglementaires innovants montrent comment ces structures stimulent l’innovation tout en maintenant la protection des consommateurs.
À Malte, l’autorité des jeux a mis en place un programme similaire qui a attiré de nombreux opérateurs internationaux. Les données montrent que 65% des innovations testées dans ce cadre ont été approuvées pour un lancement commercial complet. L’île de Man et Gibraltar ont également développé leurs propres modèles, adaptés à leurs contextes réglementaires spécifiques.
Les bacs à sable réglementaires présentent plusieurs caractéristiques clés: ⦁ Périodes d’essai limitées dans le temps ⦁ Clientèle restreinte et contrôlée ⦁ Surveillance renforcée des autorités ⦁ Exigences strictes de reporting ⦁ Protection accrue des joueurs participants ⦁ Évaluation continue des impacts ⦁ Analyse détaillée des données collectées
Impact sur le développement des applications mobiles
Le développement d’applications mobiles pour les jeux en ligne bénéficie particulièrement de ces environnements de test. Les statistiques montrent que 76% des innovations testées dans ces zones concernent les interfaces mobiles et les fonctionnalités des applications. Tendances technologiques dans les jeux en ligne démontrent l’importance de ces zones pour le développement technique du secteur.
Les données indiquent que les applications testées dans ces environnements contrôlés obtiennent 42% moins de signalements de problèmes après leur lancement officiel. Cette amélioration de la qualité se traduit par une expérience utilisateur supérieure et une meilleure conformité aux exigences réglementaires.
Les développeurs d’applications mobiles pour Android rapportent que ce processus leur permet d’affiner leurs produits avant le déploiement à grande échelle. Les tests montrent que les applications ayant suivi ce parcours obtiennent des notes moyennes 23% plus élevées sur les plateformes de téléchargement.
Équilibre entre innovation et protection des joueurs
L’équilibre entre innovation technologique et protection des joueurs reste un défi central pour les régulateurs. Les bacs à sable permettent d’observer comment les nouvelles fonctionnalités affectent le comportement des joueurs dans un environnement contrôlé.
Les statistiques montrent que les produits ayant réussi les phases de test présentent un taux de conformité aux normes de jeu responsable 35% supérieur aux produits lancés sans cette phase préliminaire. Cette amélioration provient de la capacité à identifier et corriger les problèmes potentiels avant le lancement commercial.
L’analyse des données issues de ces zones de test révèle également des tendances intéressantes concernant l’adoption des technologies. Les fonctionnalités développées dans ces environnements contrôlés montrent un taux d’acceptation par les utilisateurs 28% supérieur à celles développées par les méthodes traditionnelles.
Les régulateurs utilisent les résultats de ces tests pour affiner leurs cadres réglementaires. Cette approche basée sur les données permet d’adapter la régulation aux réalités technologiques sans compromettre les objectifs de protection des consommateurs.
La création de ces environnements contrôlés a transformé la relation entre régulateurs et opérateurs, établissant un modèle plus collaboratif. Les statistiques indiquent que 67% des participants à ces programmes rapportent une amélioration significative de leur compréhension des exigences réglementaires.
Le 27 mars 2025, l’écrivain et intellectuel algérien Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison ferme par le tribunal de Dar El Beida à Alger, suite à des accusations portant sur des atteintes à la sécurité de l’État. Cette condamnation intervient après plusieurs mois de tensions politiques et culturelles dans le pays, et met en lumière une problématique alarmante : la répression croissante de la liberté d’expression en Algérie.
Boualem Sansal, figure de proue de la littérature francophone et auteur de romans emblématiques comme ‘‘Le Serment des Barbares’’ et ‘‘2084 : La Fin du Monde’’, est reconnu pour ses prises de position courageuses sur la société algérienne, ses critiques sur le pouvoir en place, ainsi que ses réflexions sur les dérives de l’intégrisme religieux. Son arrestation en novembre 2024, suivie de cette lourde peine de prison, suscite une vive inquiétude au sein de la communauté littéraire et intellectuelle internationale.
Un écrivain dans la tourmente
La situation de Sansal fait écho à celle de nombreux écrivains et intellectuels algériens qui, au fil des années, ont été contraints de faire face à la répression et à la censure. Son cas soulève des questions cruciales sur l’espace de la liberté d’expression dans le pays. Sa condamnation, qui n’a fait qu’exercer son droit à la parole, marque un recul significatif pour une société qui, jadis, a été nourrie par les écrits de figures emblématiques comme Mouloud Mammeri, Assia Djebar, Kateb Yacine, ou encore Tahar Djaout.
Ces écrivains ont, chacun à leur manière, façonné la mémoire de l’Algérie, apportant une richesse intellectuelle et culturelle inestimable. L’Algérie, terre de réflexion et de lutte, est aussi la terre de la pensée libre, de la résistance littéraire et de l’engagement. Des voix comme celles de Mammeri, Djebar ou Yacine, qui ont contesté les normes établies et ont défié les régimes en place, ont marqué l’histoire contemporaine du pays. La répression de Sansal s’inscrit dans cette longue tradition de lutte des écrivains algériens pour la liberté de penser et d’écrire.
Un carrefour littéraire en danger
L’Algérie est un carrefour littéraire et intellectuel, marqué par une longue tradition de réflexion philosophique, historique et culturelle. Figures comme Apulée, philosophe et écrivain romain né à Madaure, ont établi des bases solides pour la transmission des savoirs. Apulée, à travers son œuvre ‘‘Les Métamorphoses (ou L’Âne d’or)’’, a incarné la fusion de la culture africaine, latine et grecque, une combinaison qui a forgé une identité littéraire unique. Il a inspiré des générations de penseurs, soulignant le rôle de la littérature comme outil de réflexion et de libération.
Des écrivains comme Apulée ont montré que la pensée et la parole libres ne connaissent pas de frontières. L’Algérie, de ses racines antiques à sa période coloniale, a toujours été un terrain de débats et d’échanges intellectuels. Les écrivains contemporains, dont Sansal, ont hérité de cette tradition, mais aujourd’hui, leurs voix sont étouffées par un régime qui semble redouter la pensée critique.
La liberté d’expression en danger
La condamnation de Sansal n’est pas un incident isolé. Elle fait partie d’une tendance inquiétante observée en Algérie, où la répression des voix dissidentes s’intensifie, y compris dans le domaine littéraire et intellectuel. Au moment où le pays est confronté à des défis économiques et sociaux majeurs, la censure devient une arme pour maintenir l’ordre établi. Cependant, cette politique ne peut que nuire à l’avenir du pays. La littérature, le débat intellectuel et l’échange d’idées sont les pierres angulaires d’une société libre et démocratique.
Le cas de Sansal est aussi un appel à l’action. La communauté internationale, les organisations de défense des droits de l’homme et les écrivains du monde entier doivent se mobiliser pour soutenir les écrivains algériens, et pour faire pression sur le gouvernement afin de garantir la liberté d’expression.
Alors que Sansal purge sa peine, il est crucial d’espérer qu’il bénéficiera d’une amnistie, comme cela a été le cas pour d’autres écrivains et intellectuels dans des situations similaires. Il est impératif que des efforts soient déployés pour garantir la liberté d’expression et permettre aux voix dissidentes de s’exprimer sans crainte de répression.
Comme attendu et revendiqué depuis deux ou trois ans par les opérateurs économiques et financiers, le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a enfin décidé, lors de sa réunion du 26 mars 2025, de réduire son taux d’intérêt directeur de 50 points de base à 7,5%.
Cette décision, qui reflète l’engagement du conseil de la BCT en faveur de la stabilité des prix, sans négliger le soutien à la croissance, entrera en vigueur à partir du 27 mars 2025, indique la BCT dans son communiqué publié hier.
A cet effet, les facilités de dépôt et de prêt à 24 heures ont été ramenées respectivement à 6,5% et 8,5%.
Le Conseil a, également, décidé d’abaisser à 6,5% le taux minimum de rémunération de l’épargne.
«Au vu des incertitudes grandissantes, le Conseil continuera de surveiller de près les risques aussi bien internes qu’externes entourant les perspectives d’inflation et se tiendra prêt à prendre les décisions nécessaires», a encore précisé l’institut d’émission.
Lors de la réunion, le Conseil a passé en revue les récents développements économiques et financiers aussi bien à l’échelle internationale que nationale, ainsi que les perspectives de l’inflation.
Croissance en hausse : sur le plan national, la croissance économique s’est maintenue sur une tendance haussière au dernier trimestre 2024 pour atteindre 2,4% (en glissement annuel) contre 1,8% le trimestre précédent et ce, grâce, notamment, au renforcement de l’activité dans le secteur des services et de l’agriculture.
Hausse du déficit courant : au niveau du secteur extérieur, le déficit courant s’est situé à 1 654 MDT (ou 0,9% du PIB) au terme du mois de février 2025, contre 113 MDT (ou 0,1% du PIB) un an auparavant, en raison, notamment, du creusement du déficit commercial (-3 518 MDT contre -1 780 MDT à fin février 2024), et ce, en dépit de la bonne tenue des recettes touristiques et des revenus de travail.
Baisse des avoirs en devises : à la date du 25 mars 2025, les avoirs nets en devises se sont élevés à 22,9 milliards de dinars (ou 100 jours d’importation), contre 27,3 milliards (ou 121 jours) à fin décembre 2024. Le taux de change du dinar reste résilient vis-à-vis des principales devises.
Ralentissement de l’inflation : l’inflation continue à montrer des signes de ralentissement pour s’établir à 5,7% au mois de février 2025 contre 6% le mois précédent.
Cette atténuation a été favorisée, particulièrement, par la détente de l’inflation des produits à prix administrés (2,2% contre 3,8%) en relation avec la réduction de la TVA sur les prix à la consommation de l’électricité et le maintien du gel des prix des principaux produits et services.
En revanche, l’inflation sous-jacente «hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés» a légèrement augmenté pour s’établir à 5,1% en février 2025 contre 5,0% le mois précédent.
De leur côté, les prix des produits alimentaires frais continuent à évoluer sur un palier relativement élevé, soit 13,3% contre 13,2% en janvier 2025. La BCT a noté que les réalisations récentes de l’inflation ont engendré une révision à la baisse des perspectives de l’inflation au cours de la période à venir.
Toutefois, les augmentations des salaires, aussi bien dans le secteur privé que public, devraient occasionner des pressions à la hausse sur les coûts de production et stimuler davantage la demande dans un contexte des capacités de production moins dynamiques, en relation particulièrement avec le stress hydrique persistant et le rythme lent dans la mise en place des réformes stratégiques. Cette situation pourrait entraver, selon la BCT, une baisse plus sensible de l’inflation à court terme.
En termes de moyennes annuelles, le taux d’inflation devrait revenir de 7% en 2024 à 5,3% en 2025.
Selon l’institut d’émission, la trajectoire future de l’inflation reste entourée de plusieurs risques haussiers. Elle serait particulièrement tributaire de l’évolution des prix internationaux des principaux produits de base et des matières premières, de la dynamique de la demande et de la capacité de gérer le déséquilibre du budget de l’Etat.
L’armée soudanaise menée par Abdelfattah Al-Burhan a pu après deux ans d’une atroce guerre civile reprendre le contrôle de Khartoum et des institutions officielles à leur tête le Palais présidentiel même s’il reste quelques poches à reconquérir dans la capitale. Un revirement de taille car l’armée soudanaise revient de loin. Il n’y a pas encore longtemps, elle essuyait défaite sur défaite et les Forces d’intervention rapide, la milice menée par Mohamed Hamdan Daglo, étaient en position de force.
Imed Bahri
Que la capitale revienne dans le giron de l’armée est une bonne chose cependant le spectre d’une nouvelle scission du pays pointe de nouveau. Après le sud perdu à l’époque d’Omar Hassan El-Bechir, voilà qu’aujourd’hui le Darfour, fief de Daglo, pourrait ne plus faire partie du Soudan.
Le Financial Times (FT) a rapporté dans une enquête de William Wallis que la bataille actuelle pour la capitale soudanaise Khartoum indique que la fin de la guerre civile au Soudan pointe. La guerre est revenue là où elle a commencé en l’occurrence dans le cœur de la capitale.
Après des jours d’affrontements, les forces fidèles au président de facto, le général Abdelfattah Al-Burhan, ont repris vendredi le palais présidentiel à leurs anciens alliés des Forces de soutien rapide, une organisation paramilitaire. L’armée soudanaise a également repris le contrôle d’autres bâtiments officiels dont la banque centrale marquant un tournant potentiel dans la guerre.
La reprise du Palais présidentiel marque l’aboutissement de plusieurs mois de changements décisifs dans l’équilibre de la guerre civile en faveur de l’armée soudanaise. Si l’armée parvient à consolider son contrôle sur Khartoum, cela permettra au général Al-Burhan de nommer un gouvernement de transition et de tenter d’obtenir une plus grande reconnaissance internationale.
Le risque d’une partition de facto
Cependant, le FT affirme que les récents développements représentent un moment très dangereux pour le Soudan et le général Al-Burhan lui-même car la victoire des Forces de soutien rapide ce week-end dans la région occidentale du Darfour met en évidence le risque d’une partition de facto. «La valeur symbolique et l’élan politique que l’armée pourrait gagner en reprenant le contrôle de la capitale sont importants», a déclaré Suleiman Baldo, expert en résolution des conflits et directeur du Centre de recherche sur la transparence et les politiques au Soudan.
Des soldats ont été vus en train de célébrer l’événement devant des vitres brisées et des entrées de bâtiments incendiées révélant le terrible impact sur la capitale. «Il n’y a plus rien vers quoi les gens puissent retourner», a ajouté Baldo.
La guerre a éclaté au Soudan à la mi-avril 2023 dans la capitale à la suite d’une lutte de pouvoir entre l’armée soudanaise et le commandant des Forces de soutien rapide, Mohamed Hamdan Daglo communément appelé Hemetti, accusé par les États-Unis de génocide au Darfour.
Avant la confrontation militaire entre les deux camps, ces derniers s’étaient unis pour renverser le gouvernement de transition formé après la chute du régime d’Omar Hassan El-Bechir en 2019. Au cours des premiers mois de la guerre, l’armée soudanaise a subi défaite sur défaite déplaçant finalement son centre de commandement à Port-Soudan sur la mer Rouge. Mais depuis septembre dernier, l’armée a repris de vastes étendues de territoire et la majeure partie de la capitale. Un vrai revirement de situation.
Les combats loin d’être terminés
Le FT considère que les facteurs qui ont fait pencher la balance en faveur des forces armées soudanaises comprenaient le soutien qu’elles ont reçu des brigades islamistes, la réception par l’armée de fournitures d’armes lourdes, la défection de bataillons au sein des Forces de soutien rapide et le déclin du moral de leurs combattants.
Cameron Hudson, expert de la Corne de l’Afrique et chercheur principal au sein du programme Afrique du Centre d’études stratégiques et internationales de Washington, commente: «Ils ont remarquablement bien réarmé leurs forces aériennes en les réapprovisionnant avec des drones turcs et des avions de chasse chinois et russes. Parallèlement, les Forces de soutien rapide ont peiné à maintenir leurs lignes d’approvisionnement en provenance des Émiratis via le Tchad et la Libye».
Cependant, les combats à Khartoum sont loin d’être terminés. Une attaque des Forces de soutien rapide vendredi a tué un porte-parole de l’armée et des soldats au Palais présidentiel tandis que la résistance se poursuit dans certaines parties du sud de la capitale. Les forces de soutien ont pris le contrôle d’un avant-poste dans le désert du Nord-Darfour coupant l’approvisionnement de l’armée à la ville assiégée d’El Fasher soulignant la difficulté à laquelle les dirigeants soudanais seront confrontés pour unifier le pays.
«Si l’armée reprend le contrôle de tout Khartoum, ce n’est pas forcément de bon augure pour l’avenir du Soudan car elle ne se soucie pas du Darfour», a déclaré Nour Babiker, un homme politique soudanais du Parti du Congrès vivant en exil. Il a exprimé des inquiétudes quant à la réticence ou l’incapacité de l’armée à poursuivre les combats dans les provinces occidentales après la prise de Khartoum. La motivation des forces armées soudanaises à négocier pourrait diminuer augmentant ainsi le risque que le pays reste divisé. L’avancée de l’armée sur Khartoum est un moment dangereux pour les civils. Plus de 12 millions des 50 millions d’habitants du Soudan ont été déplacés par la guerre et la famine se propage dans certaines régions.
Une capitale vidée de ses habitants
Les deux camps ont commis des atrocités. Ces derniers mois, les forces armées soudanaises et leurs milices alliées ont été accusées d’avoir commis des assassinats ethniques ciblés dans les zones reconquises. Les Forces de soutien rapide, issues des milices arabes Janjaweed accusées de crimes de guerre lors des précédentes guerres du Darfour, ont infligé de lourdes pertes lors de leur retrait. «C’est leur habitude de se venger des habitants lorsqu’ils se retirent», a déclaré Hudson.
Le défi immédiat auquel est confronté le général Al-Burhan est de rétablir l’ordre et les services dans une ville vidée de ses habitants et d’assurer l’approvisionnement en nourriture, en eau et autres produits de première nécessité à mesure que les résidents déplacés commencent à revenir. L’autre dilemme réside dans la nécessité de regagner le soutien international nécessaire à la reconstruction tout en maintenant la cohésion de toutes les forces disparates sous sa bannière.
Les récentes victoires d’Al-Burhan n’auraient pas été possibles sans le soutien des partisans islamistes de l’ancien régime qui continuent de bénéficier du soutien de certains segments de la population. Cependant, ni les gouvernements occidentaux ni les alliés des forces armées soudanaises au Moyen-Orient, l’Égypte et l’Arabie saoudite, ne souhaitent leur retour au pouvoir. En même temps, les rejeter pourrait entraîner une réaction violente.
Dans les salles obscures de Marseille, carrefour des mémoires et des résistances, des images surgissent du passé et du présent, éclairant les fissures et les fulgurances d’un monde arabe en perpétuel bouleversement. Du 19 au 27 avril 2025, la 12ᵉ édition du festival Aflam sera comme une fenêtre sur les révolutions avortées, les exils contraints et les héritages persistants, offrant une programmation vibrante où se croisent cinéma d’archives et créations contemporaines.
Djamal Guettala,à Marseille.
De la Syrie qui vacille entre chute et renouveau, à la Tunisie et l’Algérie qui interrogent leurs mémoires collectives, en passant par l’Égypte, le Liban, la Palestine, ou encore le Maroc, chaque film est un fragment de l’histoire, un cri ou un murmure. Images d’un monde bouleversé, qui capturent l’intime pour révéler l’universel.
La Tunisie à l’honneur
Pour incarner cette édition, une femme, une présence, Fatma Ben Saïdane. Actrice et réalisatrice tunisienne, elle est l’âme d’un cinéma qui interroge, qui résiste et qui inspire. Figure incontournable du cinéma maghrébin, elle incarne des personnages puissants et des récits où la révolte est souvent tapie sous la peau du quotidien. À Marseille, elle sera célébrée à travers une masterclass et une sélection de films retraçant son parcours, où l’engagement artistique se mêle au combat social.
Cette année, la Tunisie fait une apparition forte, avec des films qui explorent l’histoire et les luttes contemporaines du pays. ‘‘La Télé arrive’’ de Moncef Dhouib, qui sera projeté le 25 avril au Mucem, raconte comment un village du Sud tunisien, avec l’arrivée d’une équipe de télévision allemande, se voit contraint de jouer un rôle, manipulant la réalité pour masquer ses véritables problèmes. Ce film dénonce la superficialité des images véhiculées par les médias et les illusions qu’elles créent.
Le soir même, au Cinéma L’Alhambra, ‘‘El Jaida’’ de Selma Baccar offrira une immersion dans l’histoire tunisienne en suivant quatre femmes emprisonnées en 1955, une époque marquée par la lutte pour l’indépendance. Les conditions sociales, les injustices et la répression sont au cœur de ce récit poignant de solidarité féminine.
Le 25 avril, ‘‘Derrière le soleil’’ de Dhia Jerbi nous invitera à une quête personnelle et intime, un film où le réalisateur tunisien, exilé en France, explore le lien familial et la transmission de l’héritage culturel. La projection sera accompagnée d’une rencontre avec le réalisateur.
À travers des documentaires et des fictions, la Tunisie s’impose cette année comme un pays de mémoire, où les questions de l’indépendance, de la dictature et de la transition restent des sujets brûlants.
L’Algérie : héritage colonial et mémoire des luttes
Aflam 2025 mettra également en lumière l’Algérie, avec des films puissants qui revisitent les luttes et les mémoires du pays. ‘‘Amsevrid (The Outlandish)’’ de Tahar Kessi, qui sera projeté le 20 avril au Polygone étoilé, nous plongera au cœur de l’arrière-pays algérien et de ses fantômes. À travers le parcours de trois personnages à différentes époques, ce film interroge la manière dont l’histoire se tisse et se perpétue à travers la mémoire, la révolte et la résistance.
Le 23 avril, ‘‘Fanon’’ d’Abdenour Zahzah (qui sera projeté au Mucem), nous plongera dans l’Algérie colonisée de 1953, avec Frantz Fanon, jeune psychiatre noir qui lutte contre l’aliénation culturelle des Algériens tout en étant pris dans la tourmente de la guerre. Un film qui revient sur l’impact du colonialisme et l’essor de la révolution algérienne.
À travers ses films, l’Algérie se fait témoin de son passé et de ses luttes, et Aflam nous invite à revisiter ses combats pour la liberté et l’émancipation.
Cartographies de la douleur et de l’espoir
Le cinéma arabe d’aujourd’hui, c’est l’histoire en marche, captée à hauteur d’homme et de femme. C’est aussi la question lancinante de l’exil, des appartenances mouvantes, du lien brisé et réinventé avec la terre natale.
Dans ‘‘Les Miennes’’ de Samira El Mouzghibati, le déracinement se décline au féminin, tandis que ‘‘The Roller, the Life, the Fight’’ d’Elettra Bisogno et Hazem Alqaddi interrogera la lutte comme un mode d’existence, tandis que ‘‘2G’’ de Karim Sayad nous plongera dans un voyage sensoriel en Libye, pays rarement capté par la caméra.
Dans un monde où les révolutions sont souvent trahies, le cinéma syrien tentera de recomposer une mémoire disloquée. ‘‘Chasing the Dazzling Light’’ et ‘‘My Memory is Full of Ghosts’’, qui seront projetés au Mucem, témoignent de ce passage fragile entre les ténèbres du passé et la lueur incertaine de l’avenir.
Et alors que la Palestine brûle sous les regards impuissants du monde, Aflam rappellera combien les images peuvent devenir des armes, des archives vivantes d’une lutte que l’on voudrait faire taire.
L’archive éclaire le présent : voir, entendre, comprendre
Le cycle Vives Archives, fil rouge du festival, interrogera la mémoire du cinéma arabe, son rapport aux luttes passées et à la construction des récits historiques. Les écoles de cinéma de l’Europe de l’Est, qui ont formé nombre de cinéastes arabes sous la guerre froide, seront explorées, tout comme l’héritage colonial à l’écran, à travers notamment une rétrospective dédiée au cinéaste palestinien Kamal Aljafari.
En parallèle, la Plateforme internationale de Médiation proposera deux journées de réflexion sur la médiation culturelle décoloniale, entre balades urbaines, ciné-débats et rencontres-laboratoires.
Car résister, c’est aussi célébrer, Aflam s’ouvrira à la nuit avec deux grandes fêtes, où les rythmes d’hier et d’aujourd’hui viendront prolonger les projections dans le tumulte de la danse. Entre concerts et DJ sets, la ville de Marseille résonnera des pulsations d’un monde en mouvement, d’une diaspora qui refuse l’oubli.
Avec 52 films, 30 invité·es et 40 événements, cette 12ᵉ édition d’Aflam affirmera une fois encore que le cinéma n’est pas un simple divertissement, mais un outil de compréhension du réel, une passerelle entre les rives et les mémoires, un acte de résistance en soi.
Dans un monde où l’image est parfois vidée de sens, ici, à Marseille, chaque plan est un cri, chaque film un territoire à défricher. Un festival comme un combat, une célébration, une invitation à voir autrement.
L’historien américano-palestinien Rashid Khalidi, titulaire de la chaire Edward Saïd d’études arabes modernes à l’Université de Columbia et longtemps chef de son département Moyen-Orient, s’est demandé si le terme université sied encore à Columbia et a dénoncé une dérive vichyste.
Imed Bahri
Ces critiques sont intervenues après que la célèbre université de l’Ivy League ait accepté la mise sous la tutelle fédérale de son département Moyen-Orient ce qui fait qu’elle a perdu de facto son indépendance et que le lobby sioniste a fini par mettre sa main dessus.
L’administration Trump avait menacé Columbia de lui retirer les 400 millions de dollars que lui alloue chaque année l’État fédéral si elle refusait la tutelle sur le département Moyen-Orient.
Dans une tribune publiée dans les colonnes du quotidien britannique The Guardian, Khalidi a souligné que la célèbre université new-yorkaise a toujours été gérée comme un empire financier et non comme une institution éducative et qu’aujourd’hui elle agit comme «Vichy sur l’Hudson» en référence au gouvernement pronazi de Vichy en France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Khalidi a écrit au début de son article: «Il n’a jamais été question d’éradiquer l’antisémitisme. Il a toujours été question de réduire la Palestine au silence. C’est ce à quoi aboutirait la réduction au silence des manifestants étudiants et maintenant celle des professeurs.» Il a ajouté que de beaucoup des étudiants lourdement sanctionnés pour avoir soutenu Gaza et que nombreux membres du corps enseignant qui perdront leur liberté académique et leur droit de diriger l’université et qui risquent d’être expulsés sont eux-mêmes juifs et même pour certains d’entre eux étant Israéliens. Il a également pointé du doigt la partialité des dirigeants de l’université: «S’il s’agissait réellement de discrimination, l’université aurait pris des mesures contre le harcèlement continu des étudiants et des professeurs palestiniens, arabes et musulmans ainsi que de leurs alliés et sympathisants plutôt que de soutenir leur harcèlement et de le permettre».
Justifier les massacres des Palestiniens
Le cœur du problème n’est pas la discrimination mais plutôt la protection des mensonges évidents selon lesquels la guerre israélo-américaine en cours depuis 17 mois et le génocide contre l’ensemble du peuple palestinien n’étaient rien de plus qu’une guerre contre le Hamas ou que tout ce qui s’est passé le 7 octobre 2023 peut justifier les massacres en cours d’au moins 50 000 personnes à Gaza principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées ainsi que le nettoyage ethnique dont sont victimes les Palestiniens dans leur patrie.
Ces mensonges, fabriqués par Israël et imprégnés par le système politique et les élites riches ont été répétés sans relâche sous les administrations Biden et Trump et dans des médias comme le New York Times et Fox News et bénéficient désormais de l’approbation officielle d’une université autrefois grande.
Khalidi ajoute que ces mensonges sont enracinés dans un racisme flagrant. Frantz Fanon écrivait que le dualisme du colonisateur atteint parfois «sa conclusion logique, dépouillant l’indigène de son humanité ou le transformant simplement en animal».
En effet, l’ancien ministre israélien de la Défense Yoav Galant a déclaré en octobre 2023 que les Palestiniens étaient des «animaux humains». Benjamin Netanyahu a déclaré à leur sujet: «Je ne les décrirais pas comme des animaux humains car ce serait une insulte aux animaux».
Khalidi soutient que dans le cadre de cette guerre coloniale et à travers ces prismes, la vie des Palestiniens –ainsi que celle des personnes de couleur et des Noirs– devient une masse sans valeur, sans identité, dépouillée d’humanité tandis que la vie des autres se voit conférer sainteté et pathétique.
Un monde cauchemardesque
L’historien souligne la nécessité de s’accrocher à ces faits le plus longtemps possible car dans ce monde cauchemardesque dans lequel nous sommes entrés même faire référence à la race et au racisme est, ou deviendra bientôt, une violation de la lecture déformée actuelle de la loi fédérale américaine.
Une fois que les traîtres qui dirigent l’Université Columbia auront exécuté les ordres de leurs maîtres à Washington et de «son Conseil des régents» et que ces actions se seront propagées à d’autres universités menacées, enseigner ou même simplement citer un texte juridique deviendra risqué tout comme mentionner la race et le racisme sans parler d’autres questions comme le genre et le handicap.
Khalidi estime que les universités américaines se rapprochent d’une situation similaire à celle des universités chiliennes à l’époque de Pinochet où les idées et les livres étaient interdits, les étudiants expulsés et arrêtés, les départements universitaires saisis par les autorités et les professeurs et le personnel licenciés tout cela à la demande d’un gouvernement autoritaire.
Khalidi commente: «Nous ne devrions pas être tristes de ce qu’est devenue l’Université Columbia. Aussi formidable qu’elle ait été, ce qui se passe aujourd’hui n’est pas nouveau».
Avant la vague actuelle d’expulsions et de suspensions, Columbia n’avait expulsé qu’une seule fois un étudiant pour avoir manifesté pacifiquement dans son histoire. C’était en 1936, lorsqu’un étudiant avait été expulsé pour avoir protesté contre le fait de donner une tribune aux Nazis. En 1953, le président de l’université a signé une lettre déclarant que les communistes n’étaient pas qualifiés pour enseigner. Les administrateurs de l’Université de Columbia ont également renvoyé deux membres du corps enseignant pour s’être opposés à la Première Guerre mondiale pour des raisons pacifistes tandis que les étudiants qui refusaient de participer à la guerre pour des raisons de conscience ont été arrêtés et même emprisonnés.
Une longue tradition de répression
L’Université Columbia a longtemps été gérée davantage comme un vaste et riche empire commercial et immobilier que comme un établissement d’enseignement. C’est un endroit où les politiques sont imposées par les administrateurs, les donateurs et les instituts professionnels influents et non par le corps universitaire.
Au printemps 2024, les deux tiers des professeurs du Collège des arts et des sciences ont voté pour destituer la présidente de l’université qui avait cédé à la pression extérieure, abdiqué ses responsabilités et même appelé le département de police de New York sur le campus pour la première fois depuis 1968. Cependant, celle qui lui a succédée l’a dépassée, renforçant la longue tradition de répression de l’université et sa soumission humiliante aux diktats du gouvernement, promue et soutenue avec enthousiasme par des collaborateurs au comportement honteux au sein de l’institution.
Pour Rashid Khalidi, après sa reddition vendredi dernier, Columbia ne mérite guère d’être appelée une université. Son enseignement et ses recherches sur le Moyen-Orient –et bientôt sur d’autres domaines– seront étroitement surveillés par un «vice-président principal pour l’éducation inclusive», qui est en fait un vice-président principal pour la propagande israélienne.
Les partisans d’Israël, irrités par la présence de recherches sur la Palestine à l’Université de Columbia, ont surnommé cette initiative «Birzeit sur l’Hudson» par référence à l’université palestinienne de Birzeit en Cisjordanie. Mais si elle mérite encore d’être appelée une université, elle devrait plutôt s’appeler «Vichy sur l’Hudson» et non «Birzeit sur l’Hudson».
Il ne se passe pas une semaine sans que Kaïs Saïed critique les responsables de l’Etat qui n’accomplissent pas les missions qui leur sont confiées et ne répondent pas aux attentes des citoyens, mais ces derniers tardent à observer la moindre amélioration dans leurs relations quotidiennes avec l’administration publique où l’incompétence et l’inefficacité le disputent à l’immobilisme. Où se situe le hiatus *
Imed Bahri
Le président de la république a posé à nouveau ce problème lors de son entretien, lundi 24 mars 2025, au palais de Carthage, avec la Première ministre Sarra Zaafrani Zenzeri. «Chaque responsable doit se montrer à la hauteur de la mission qui lui est confiée, en faisant preuve d’altruisme et de dévouement », a-t-il souligné, reprenant ainsi des griefs qu’il avait déjà exprimé maintes fois auparavant lors de ses entretiens avec les prédécesseurs de Mme Zaafrani Zenzeri qu’il avaient nommés après son accession au Palais de Carthage en 2019.
Pourquoi la machine administrative ne suit-elle pas ? Qu’est-ce qui a empêché jusque-là tous les locataires du Palais de la Kasbah de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour que les décisions et les instructions du chef de l’Etat soient suivies immédiatement d’effet et que les plaintes des citoyens du manque de réactivité de l’administration publique cessent ou baissent d’intensité ?
On a vraiment du mal à répondre à ces questions, d’autant que la thèse des lobbies d’intérêts tapis au cœur de l’Etat et qui, pour défendre leurs intérêts ou leurs privilèges, empêcheraient l’administration de mettre en œuvre les réformes préconisées à la tête de l’Etat, est de moins en moins convaincante.
Une «rupture irréversible»
Lundi, lors de son entretien avec la cheffe du gouvernement, Saïed a passé en revue une série de mécanismes introduits par la nouvelle Constitution, qu’il avait fait promulguer le 25 juillet 2022, soulignant que son esprit et ses finalités visent à débarrasser définitivement la Tunisie de l’héritage de la Constitution de 2014, laquelle incarne à ses yeux le mal absolu.
Selon le président de la République, qui a parlé de «rupture irréversible» qu’il pense incarner lui-même, les responsables doivent connaître et reconnaître ces nouvelles dispositions, approuvées par le peuple, et œuvrer à la réalisation des aspirations légitimes du peuple tunisien à une vie décente.
Selon un communiqué de la présidence de la république, Saïed a également appelé les responsables à œuvrer pour la réalisation d’un équilibre entre la création de richesses et une croissance économique réelle et efficace, fondée sur la justice sociale.
Pour lui, les lois ne peuvent à elles seules changer la réalité, surtout si elles sont «incomplètes» et ne reposent pas sur «de nouvelles approches et de nouveaux concepts».
«Il n’y a aucune utilité à avoir des lois ou des institutions, quelles qu’elles soient, qui grèvent les finances publiques sans avoir ni utilité pratique ni impact public», a déclaré le président, exprimant ainsi un sentiment partagé par tous les Tunisiens que les problèmes persistent voire se compliquent et s’aggravent, et que les améliorations promises tardent à se réaliser.
Afin de sortir de cet immobilisme qu’il a souvent pointé, Saïed a donné des instructions pour restructurer plusieurs organismes administratifs selon une nouvelle approche, proposant la suppression de certains d’entre eux en raison de leur inefficacité et de leurs dysfonctionnements.
Il a cité en exemple le Bureau des Relations avec le Citoyen, rattaché au Premier ministère à la Kasbah, affirmant que de telles structures administratives ne font que mettre à rude épreuve l’État et reflètent un dysfonctionnement de la relation entre l’administration et ses usagers.
Le chef de l’État a appelé une nouvelle fois l’administration à remplir pleinement son rôle dans tous les secteurs, sachant que «sa mission première est de servir le peuple», selon ses termes.
Des institutions caduques
«Quel intérêt y a-t-il à créer des structures qui recueillent les doléances des citoyens sans les résoudre rapidement ?», s’est demandé le président, en appelant plutôt à mettre fin à la lourdeur institutionnelle qui accorde des privilèges injustifiés à certains au détriment des autres.
«Il faut rappeler à ceux qui s’accrochent à leurs privilèges et négligeant leurs devoirs que l’État et les usagers de l’administration n’ont plus besoin d’eux», a-t-il averti.
Dénonçant ce qu’il a qualifié de «prolifération injustifiée d’organismes » et de «législations caduques», le Président de la République a souligné que des dizaines de milliers de diplômés universitaires et de titulaires de doctorat sont pleinement motivés et veulent «contribuer à la libération et au développement de la nation», laissant entendre que des purges pourraient être effectuées au sein de l’administration publique pour la débarrasser des incompétents et des parasites.
Le chef de l’État a, une nouvelle fois, exigé une tolérance zéro à l’égard de tout fonctionnaire qui manque à ses devoirs et ne fournit pas les services nécessaires aux citoyens, insistant sur l’impératif de discrétion et de strict respect des règles de déontologie, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’administration.
Quand on sait que ces mêmes critiques ont déjà été faites et ces mêmes instructions ont déjà été données aux prédécesseurs de Mme Zaafrani Zenzeri, on est en droit de se demander si celle-ci va pouvoir réussir enfin là où tous ses prédécesseurs ont échoué, échec qui a du reste justifié leur limogeage sans ménagement et sans qu’aucun citoyen n’ait regretté leur départ.
*Nous donnons à cet article un titre que nous avons déjà employé il y a quinze mois pour un autre article sur le même sujet, afin de rappeler que la situation n’a pas changé depuis.
Le président Saïed a déploré le faible nombre de retours volontaires de migrants irréguliers (1544 depuis le début de l’année 2025), appelant les organisations internationales, dont l’OIM, à redoubler d’efforts pour soutenir les initiatives tunisiennes.
«La bataille de libération nationale menée en Tunisie doit être soutenue par l’action diplomatique», a déclaré le président de la République, Kaïs Saïed, lors de sa rencontre, mardi 25 mars 2025, au palais de Carthage, avec le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti.
Le chef de l’Etat, qui a réaffirmé le rôle crucial des ambassadeurs dans la défense des intérêts nationaux, a rappelé les constantes de la politique étrangère tunisienne, notamment l’indépendance de la décision nationale et la diversification des partenariats internationaux. Il a également plaidé pour une évaluation continue du rendement des ambassadeurs tunisiens et au renforcement de la coopération internationale pour faciliter le retour des migrants irréguliers.
«L’enjeu n’est pas de créer de nouvelles ambassades ou de nommer des ambassadeurs, mais d’exiger des résultats tangibles entre la remise des lettres de créance et la fin de la mission», a lancé le chef de l’Etat, laissant ainsi entendre qu’un certain nombre de représentants à l’étranger ne s’inscrivent pas clairement et avec l’efficacité requise dans le processus de réforme globale qu’il a mis en route depuis qu’il a pris entre ses mains tous les leviers du pouvoir dans le pays, le 25 juillet 2021.
Le président a également ordonné une meilleure coordination entre les institutions de l’État pour mieux accompagner les Tunisiens à l’étranger et améliorer les services qui leur sont fournis, avertissant que toute négligence ou manquement de la part des missions diplomatiques envers les citoyens «ne saurait rester impunie».
Evoquant le problème de l’immigration illégale, sujet critique et crucial s’il en est, le président Saïed a déploré le faible nombre de retours volontaires de migrants irréguliers (1544 depuis le début de l’année 2025), appelant les organisations internationales, dont l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à redoubler d’efforts pour soutenir les initiatives tunisiennes. Il a également souligné l’impérieuse nécessité de renforcer la coopération avec les pays et les organisations concernées pour démanteler les réseaux criminels qui exploitent ces migrants, indique un communiqué de la Présidence de la République.
Le président Saïed est opposé à tout plan de cession, totale ou partielle, de Tunisair, et cela se comprend, même si on sait que de nombreuses compagnies aériennes à travers le monde se portent beaucoup mieux après avoir été privatisées. Mais l’Etat tunisien, qui traverse lui-même une grave crise financière, a-t-il les moyens de voler au secours de cette entreprise publique, dans les comptes de laquelle il ne cesse d’injecter de l’argent pour la maintenir artificiellement en vie?
Imed Bahri
Kais Saïed a souligné une nouvelle fois la nécessité de prendre des «mesures urgentes» en vue de mettre fin à la situation qu’endure la compagnie Tunisair et ordonné de mettre sur pied un «plan de sauvetage» afin que celle-ci, avec toutes ses filiales, retrouve au plus vite son éclat et son rayonnement, qui remontent tout de même à très longtemps et dont peu de ses clients se souviennent encore aujourd’hui.
Selon un communiqué de la présidence de la république, qui recevait mardi 25 mars 2025, au Palais de Carthage, le ministre des Transports, Rachid Amri et la chargée de la direction générale de la compagnie aérienne Tunisair, Halima Khaouja, après le départ de son ex-Pdg, Khaled Chelly, poursuivi en justice dans une affaire de corruption, le chef de l’Etat a dénoncé les conditions «inacceptables» à l’intérieur des avions, fustigeant les retards à répétition dans les horaires de desserte des vols.
Des pertes financières énormes
Saïed est revenu aussi sur la situation de la flotte de la compagnie nationale, affirmant que celle-ci comptait par le passé 24 avions avant que ce nombre ne baisse à seulement 10.
Evoquant le dossier de la maintenance technique des avions, le chef de l’Etat a vivement critiqué le temps passé dans la maintenance technique des appareils de Tunisair, affirmant qu’il est estimé à 123 jours en Tunisie alors qu’il ne dépasse pas les 10 jours chez d’autres opérateurs aéronautiques. Une telle situation, a-t-il regretté, coûte à la compagnie des pertes financières énormes estimées à des dizaines de millions de dinars qui auraient dû être exploités dans l’acquisition de nouveaux avions.
Toujours dans le cadre de sa critique de la situation de Tunisair, le chef de l’Etat a déploré les recrutements opérés au sein de cette compagnie qui, a-t-il estimé, sont souvent injustifiés et basés sur le clientélisme et le favoritisme.
Le président Saïed a mis l’accent sur l’impératif de mettre fin au plus vite à cette «hémorragie», réitérant son rejet catégorique de toute tentative visant à céder cette entreprise nationale et l’aéroport Tunis-Carthage ainsi que d’autres biens publics dans les différentes régions du pays, qui ont été sciemment livrés à l’abandon aux fins de les céder ultérieurement moyennant des prix modiques par des lobbies qui les convoitent.
Le chef de l’Etat a, dans ce contexte, souligné que l’aéroport de Tunis-Carthage dispose de plusieurs avantages par rapport à d’autres aéroports, proposant de procéder à son extension afin d’en augmenter la capacité, répondant ainsi à ceux qui proposent de construire un autre aéroport au nord de la capitale, à Utique, entre Tunis et Bizerte, et libérer ainsi le terrain précieux occupé par l’actuel aérodrome situé au cœur de la capitale .
Que le président se penche aujourd’hui sur le dossier de Tunisair, qui traverse une grave crise depuis une quinzaine d’années, est louable en soi, mais suffit-il de reprendre les critiques et les griefs que les médias n’ont cessé d’exprimer au cours des quinze dernières années pour que les problèmes de la compagnie soient résolus ?
Que peut faire le gouvernement ?
Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont tous (ou presque) parlé d’un plan de redressement de Tunisair qui n’a jamais été mis en route, pourquoi ? Qu’est-ce qui empêche la mise en route de ce plan, dont certains détails ont été ébruités par les Pdg successifs ? Va-t-on enfin sortir ce plan des tiroirs de ces chers responsables et le dépoussiérer pour tenter de le mettre en route, ou est-il déjà caduc car dépassé par les événements, la situation de la compagnie ayant continué à se détériorer entretemps ?
Le président de la république est opposé à tout plan de session, totale ou partielle, de Tunisair, et cela se comprend, même si on sait que de nombreuses compagnies aériennes à travers le monde se portent beaucoup mieux après avoir été privatisées. Mais l’Etat, qui traverse lui-même une grave crise financière, a-t-il les moyens de voler au secours de Tunisair, dans les comptes de laquelle il ne cesse d’injecter de l’argent pour la maintenir artificiellement en vie?
C’est à ces questions qu’on aimerait voir la cheffe du gouvernement et le ministre des Transports répondre, car il ne suffit pas de prêter une oreille attentive aux recommandations présidentielles et d’opiner de la tête, comme le font souvent ces chers responsables, pour que les problèmes soient enfin résolus.
Nous attendons des décisions claires, un véritable plan de restructuration et un échéancier pour sa mise en route. Car le temps presse, la compagnie continue de s’enliser et les Tunisiens en ont marre d’attendre un hypothétique redressement auquel ils ne croient plus vraiment.
De petits groupes de criquets pèlerins ont été récemment aperçus dans le sud de la Tunisie, suite aux vents du sud ayant soufflé sur la région, a fait savoirle ministère de l’Agriculture dans un communiqué publié le 14 mars 2025, ajoutant que les opérations de surveillance et de suivi se poursuivent et que «la situation est sous contrôle». Occasion pour parler de ce fléau que notre pays connaît depuis des millénaires comme en témoigne la recherche historique, évoquée ici par l’auteur.
Hédi Fareh *
La sauterelle était toujours considérée comme un fléau «avorteur» et menaçant. Tous les pays tropicaux et subtropicaux en souffraient périodiquement. Les vagues ravageant de sauterelles causèrent des pertes matérielles très importantes. Les sources grecques, latines et arabes nous ont laissé une matière assez riche concernant le grand nombre d’invasions qui étaient, le plus souvent, suivies de famines et d’épidémies décimant les régions envahies par les acridiens.
Les recherches actuelles ont montré que presque tout le continent africain, à l’exception des parties centrales, boisées et humides, était soumis aux invasions de la sauterelle. On en distinguait plusieurs espèces. Les acridiens migrateurs appartiennent à la famille des Orthoptères sauteurs, qui comprend les locustides (ou sauterelles) et les acrides (ou criquets). Parmi les locustides, on ne compte aucune espèce nuisible. Quant à la famille des acrides, elle comprend deux types : les grands migrateurs et les petits migrateurs (Direction générale de l’Agriculture, «Les sauterelles», Revue Tunisienne, 1915, p. 155-190).
Les espèces dont les invasions étaient à redouter dans l’Afrique du Nord incarnaient le criquet pèlerin et le criquet marocain. Ce dernier type concernait surtout le Maroc et la partie occidentale de l’Algérie. La Tunisie, elle, subissait surtout l’invasion du criquet pèlerin, qui concernait la plus grande partie de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe méridionale, l’Italie en l’occurrence.
La vie larvaire et nymphale du criquet connaît six périodes. À partir de la 4e période, qui dure entre 7 et 8 jours, c’est-à-dire du 18e ou 20e jour au 26e ou 27e jours après la naissance, les criquets montrent la plus grande activité et la plus grande voracité et forment les colonnes les plus redoutées dévastant tout sur leur passage. Pendant la 5e période, les criquets seront de plus en plus dangereux et ils forment des fois des colonnes de 4 et 5 Km de front sur 20 à 30 Km de profondeur, dévastant tout sur leur passage. Au cours de la 6e période, entre le 45e et le 50e jour, la mobilité et la voracité du criquet atteignent le maximum de développement : les colonnes parcourent jusqu’à 2 Km par jour et causent des dégâts considérables.
Contrairement aux jeunes, les criquets plus âgés montrent une voracité extraordinaire puisqu’un criquet pourrait manger l’équivalent de son poids, soit deux grammes par jour. Les criquets dévorent l’herbe. Mais les arbustes et les arbres les plus élevés n’en sont pas épargnés : les criquets ravagent les feuilles, l’écorce et les jeunes rameaux. Toutes les plantes cultivées, surtout les plus tendres d’entre elles, constituent une nourriture de prédilection pour le criquet.
Les témoignages historiques et archéologiques
Les contrées de l’Afrique du Nord étaient sous la menace de nuages de sauterelles avant et pendant la période romaine ainsi que pendant les périodes postérieures. L’apparition de la sauterelle est conditionnée par des phénomènes climatiques, surtout la sécheresse. En effet, c’est celle-ci qui orientait les sauterelles vers les contrées qui se trouvaient au nord du Sahara. Les sources anciennes confirmèrent cette constatation (Strabon, Géo., XVII, 3, 10).
Nos références littéraires sur la sauterelle en Afrique sont, en effet, très anciennes. Nous savons, par l’intermédiaire d’Hérodote (Histoire, Livre IV), que les Nasamons étaient non seulement des chasseurs de sauterelles mais qu’ils étaient aussi acridophages. C’étaient des acridiens sans ailes (?) que dévoraient à satiété, d’après Discoride, les indigènes de la région de Lepcis Magna (des Maces ?) mais qui n’étaient pas très loin des Nasamons.
En 125 avant J.-C., d’après les sources, arrivaient des colonnes de sauterelles dont les ravages atteignaient l’extrême nord de l’«Africa Proconsularis». En effet, l’historien tardif d’Orose (385-420 après J.-C.) nous présenta les deux cités d’Utique et de Carthage dévastées par les sauterelles (Orose, Historia contra pagano, V, II, 1-3).
Diodore de Sicile évoqua des méthodes utilisées par les habitants de l’Afrique orientale pour chasser la sauterelle. Pline l’Ancien (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VIII, 104), en se référant à Varron, nous informa que des Africains durent abandonner leur ville ou territoire après une invasion acridienne. Il parla aussi de la nature de la sauterelle, de sa reproduction, de sa ponte, de ses nuées et de ses ravages ainsi que des méthodes de lutte contre elle (Pline l’Ancien, XI, 101).
Pour l’Antiquité tardive, Synésios de Cyrène (Lettres, XLI-XLII) évoqua une invasion de sauterelle infestant la Cyrénaïque en 411-412 ap. J.-C. La catastrophe cyrénéenne pourrait toucher les provinces africaines eu égard à la proximité géographique des deux contrées.
Pour la période byzantine, le poète africain Corippus (auteur d’un poème, la Johannide, en huit chants et de 4700 vers) mentionna (Joh., II, 196- 203), plus d’une fois, le danger acridien et insista sur les effets des invasions de sauterelles sur l’homme et son milieu.
Il s’agit aussi de la sauterelle dans d’autres sources littéraires que nous n’avons pas pu consulter. L’épigraphie nous informe sur la catastrophe acridienne. Nous avons inventorié au moins cinq textes épigraphiques, trouvés tous en Proconsulaire, qui témoignent de la gravité de cette calamité pendant l’époque romaine. Le premier texte, le plus ancien, qui datait de l’année 48-49 après J.-C., était trouvé à Thugga. Il commémorait la carrière d’un curateur chargé de lutter contre la sauterelle. Rédigé dans la langue d’Homère, le deuxième texte (une célèbre inscription magico-religieuse trouvée dans la région de Bou Arada) avait pour but l’éloignement et la neutralisation (d’un domaine) de tous les avorteurs, y compris des essaims des criquets malfaisants.
Fig. 1 – Détail. Fig.1.
Quant au troisième texte, il concerne une inscription (CIL, VIII, 3657), trouvée à Lambaesis, qui commémore le nom d’un certain Lucustaruis. Il s’agit probablement d’un préposé chargé – pas forcément par l’État – d’organiser la «guerre» contre la sauterelle à l’instar de ce curator lucustae de Thugga.
La sculpture romano-africaine nous fournit quelques monuments figurés où la sauterelle est présente ; elle avait une valeur sans doute prophylactique. En la sculptant sur les monuments, le sculpteur (ou le commanditaire), voulait neutraliser ses méfaits nuisibles. Avec une valeur apotropaïque, le même insecte meuble le giron que forme la robe d’un Priape ithyphallique, d’Aïn Djeloula (l’ancienne Cululis) qui est aujourd’hui exposé au musée archéologique de Sousse (fig. 1).
En Numidie, à Thamugadi, il s’agit de cet insecte sur une stèle dédiée à Saturne : «en représentant une sauterelle sur cette pierre dédiée à Saturne, c’est le fléau acridien dans toute son ampleur que veut neutraliser le dédicant». Il en est de même pour la mosaïque où nous remarquons la présence de plusieurs ravageurs : criquets, grives, reptiles…
La sauterelle avorteuse des moissons
Il est évident que la sauterelle, partout où elle passait, semait l’horreur et la peur, car elle était considérée comme un ennemi fatal et inéluctable pour toute sorte de récoltes.
En effet, la sauterelle dévorait tout ce qui se trouvait sur son passage, avec une prédilection pour les plantes vertes, tendres et délicates. De surcroît, les criquets dévoraient généralement l’herbe et notamment les petites graminées (gazon, céréales…); mais ils grimpaient aussi aux arbustes et aux arbres les plus élevés qu’ils dépouillaient de leurs feuilles, de leurs écorces et de leurs jeunes rameaux. Ils dévoraient à peu près toutes les plantes cultivées, accordant la préférence à celles qui présentaient des organes jeunes et tendres. Nous trouvons l’écho de ces lignes dans l’inscription de Bou Arada commentée plus haut.
Les ravages des sauterelles sont évoqués par plusieurs sources littéraires qui concernent l’Afrique du Nord, que ce soit pendant la période romaine ou les périodes postérieures (A. Saadaoui, 1982, Les calamités et les catastrophes naturelles dans le Maghreb médiéval). Pour la période romaine, les textes des agronomes et des naturalistes étaient assez prolixes. Pline l’Ancien, par exemple, nous informa que «certains Africains avaient dû abandonner le territoire qu’ils occupaient après les ravages des sauterelles». Plus tardif, Orose mit l’accent sur une invasion infestant, fort probablement, toute l’Afrique en 125 av. J.-C., atteignant même les villes côtières, Carthage et Utique, entre autres. La description de Corippus des ravages des criquets nous paraît très expressive montrant à la fois les ravages nocifs de l’insecte, d’un côté et la peur des agriculteurs de perdre leurs récoltes face à cette catastrophe, de l’autre : «le cœur des paysans indécis tremble d’effroi : ils craignent que cet horrible fléau n’anéantisse les moissons, qu’il ne ravage les fruits délicats et les jardins verdoyants, ou ne blesse l’olivier en fleur aux tendres rameaux» (Joh., 196-203).
Les sources arabes parlent, elles aussi, de ravages acridiens infestant l’Ifriqiya. Ces données sont conformes à celles que nous devons aux sources antiques. La sauterelle dévorait les céréales, les vignobles et l’olivier, soit trois produits constituant le substrat de l’économie ancienne. En effet, en cas où les ravages de sauterelles avorteraient la récolte céréalière, la famine ou, du moins, la disette en seraient une conséquence immédiate, non seulement en Afrique, mais aussi à l’Urbs.
Habituellement, les sauterelles commencèrent leur conquête avec l’arrivée du printemps ou peu avant, c’est-à-dire vers une époque où les agriculteurs attendraient la maturité de leurs récoltes (surtout les céréales) ou pendant le bourgeonnement des plantes cultivées, surtout la vigne et l’olivier. L’arrivée des sauterelles augurait donc d’une catastrophe horrifiante.
Fig.2. Fig.3.
L’iconographie nous offre quelques représentations de la sauterelle ravageant les récoltes. Il s’agit, entre autres, de quelques mosaïques à thèmes dionysiaques montrant le dieu, souvent avec son cortège, au milieu d’un paysage dominé par des vignes chargées par leurs grappes lourdes et par des amours vendangeurs (fig. n°2). Nous avons l’impression que les mosaïstes voulaient nous dire que les vignes avaient conservé leurs grappes très lourdes, dont parlèrent plusieurs sources (Strabon, XVII, 3, 5), malgré les menaces des ravageurs (criquets, grives, lapins, etc.).
Dionysos, dieu du vin et de la vigne, était aussi, en Afrique, le dompteur et le vainqueur des ravageurs : il les neutralisa et les rendit incapables d’avorter la récolte viticole. Il nous semble aussi qu’à l’image d’Apollon en Grèce, Dionysos fut le dieu chargé de détourner la sauterelle en Afrique, pendant la domination romaine. En effet, cette hypothèse pourrait justifier cette représentation de la sauterelle avec le dieu Dionysos sur plusieurs tableaux de mosaïques : il s’agit, par exemple, de cette mosaïque ornant jadis les thermes de Bir el Caïd, situés légèrement au sud/sud-est de la Qasba de Sousse, où nous voyons, sur un champ formé d’un semis de branchages, divers personnages et animaux. En bas du champ, nous voyons, selon toujours L. Foucher, un jeune homme blond ailé. L’auteur pense qu’on a affaire à un Shadrapa qui s’est mis à genoux pour mieux attraper une sauterelle (fig. n°3).
Une autre mosaïque, trouvée à Thysdrus et dite Grande mosaïque au Silène, nous présente Silène avec des amours vendangeurs, quelques volatiles et des sauterelles, au moins quatre dont une attaque une grappe de raisin (fig. n°4 a et b). Une autre mosaïque de Thysdrus (conservée au Musée du Bardo) illustre le triomphe de Dionysos dans un décor de vignes. Sur cette mosaïque, nous pouvons aisément voir, de par le dieu, le cortège et les amours, quelques ravageurs (sauterelles, grives, reptiles, lapins).
Fig.4. Fig.5.
Les sauterelles répandaient famines et épidémies
Certes, l’homme saharien trouva dans la sauterelle un repas gratuit et abondant couvrant une période assez longue (après sa préparation, la sauterelle peut être consommée même après six ou sept mois (Hérodote, Histoire, Livre IV)). Mais, les criquets, avant d’être consommés, avaient déjà tout dévoré sur le passage. Devant une telle situation, les Romains n’hésitaient pas à recourir aux livres sibyllins, par crainte de la famine (Pline l’Ancien, XI, 105).
En plus de la famine, les ravages acridiens contribuaient à l’élévation des prix qui pourraient atteindre un stade très élevé. C’était la même chose au Moyen Âge, où les sources évoquèrent les nuages de sauterelles et concomitamment la hausse des prix. Ce fut le cas, par exemple, en : 1136-1137, 1220-1221, 1280-1281, ainsi que dans plusieurs autres cas mais sans pouvoir fournir de précisions chronologiques (Saadaoui, p. 78-79).
En fait, la famine et les disettes constituaient de véritables causes de l’apparition et de l’expansion des épidémies et peut-être même des épizooties susceptibles de transmettre la maladie à l’Homme (la «peste» de 125 av. J.-C. par exemple?).
Somme toute, il est évident que les criquets constituent une catastrophe naturelle inéluctable infestant à la fois l’homme et son milieu. Ils engendrent des catastrophes d’ordres :
– naturel (dégradation de la couverture végétale, aridification et désertification);
– biologique (car la sauterelle ravageait la faune entourant l’homme, surtout le bétail et même les animaux sauvages, puis l’homme lui-même par la diffusion de la famine et des épidémies incurables dues à la contagion ou à la sous-alimentation);
– psychologique, d’où cette appréhension de la famine, expressivement déclarée par Corippus (II, 198), et de la mort à tel point que l’agriculteur préférait parfois garder les semences chez soi que les ensevelir sous terre et les exposer pour une récolte non assurée. Pour cela, l’agriculteur se trouva obligé de chercher ou d’inventer des moyens lui permettant de lutter contre une telle catastrophe.
Comment lutter contre les sauterelles ?
Homère nous enseigna sur la plus ancienne méthode utilisée pour combattre la sauterelle : combattre ces insectes avec des barrières de feu (Homère, Iliade, XXI, 12-14, t. IV, Chants XIX-XXIV). Il s’agit de la même technique décrite par Diodore de Sicile et adoptée par les habitants de l’Afrique orientale (Diodore de Sicile, III, 29, 2-3). En Cyrénaïque, un tel danger poussa les autorités à décréter une loi ordonnant à la population la destruction des œufs de criquets, des sauterelles adultes et bannissant très sévèrement les contrevenants (Pline l’Ancien, XI, 105-106).
Selon Strabon (Géographie, 3, 4, 17), les Romains de Cantabrie devaient payer une prime aux chasseurs de rongeurs. La réaction officielle est visible aussi à travers l’affectation de préposés chargés de diriger des opérations contre ce fléau qui attaquait la région surtout pendant le printemps. Ce fut le cas dans l’ancien territoire de Carthage, à Dougga où un tel danger incita les autorités de la ville à nommer un cur(ator) lucustae (curateur de la sauterelle) sur la pertica de Carthage en 48-49 de l’ère chrétienne.
À peu près 19 siècles plus tard, nous remarquons la même réaction de l’État à cette même catastrophe. En fait, les mêmes causes produisant les mêmes effets, au printemps de 1932, les autorités décidèrent la constitution d’un comité local de lutte à Gabès pour arrêter une invasion acridienne menaçant de détruire l’oasis.
D’autre part, l’onomastique nous autorise à dire qu’il y avait des préposés chargés de la lutte contre la sauterelle, éparpillés et répandus çà et là dans les régions menacées. Par exemple, le surnom de Lucustarius, attesté à Lambèse, pourrait se rapporter à quelqu’un qui aurait lutté contre les sauterelles.
Entre autres solutions adoptées par les Anciens pour lutter contre le fléau acridien convient-il de mentionner la magie ? En effet les propriétaires ou les colons avaient recours à cette pratique pour protéger leurs champs et surtout pour garantir et sauver leurs moissons et les protéger des sauterelles et de toute autre catastrophe. N’était-ce pas le cas à Bou Arada où, pour neutraliser le danger acridien, on a dû demander la protection magico-divine de neuf dieux; c’était aussi le cas de Furnos où les tablettes de bronze mentionnent clairement la sauterelle.
Quoi qu’il en soit, la sauterelle constituait, hier comme aujourd’hui, une catastrophe nécessitant une intervention officielle. Cette catastrophe s’aggrave encore quand elle s’accompagne d’une famine ou d’une épidémie.
* Professeur à laFaculté des lettres et des sciences humaines de Sousse.
Bibliographie :
J. Desanges, 2006, «Témoignages antiques sur le fléau acridien», in J. Jouanna, J. Leclant et M. Zink ed., L’Homme face aux calamités naturelles dans l’Antiquité et au Moyen Age, Paris, p., 224.
H. Fareh, 2017, Catastrophes naturelles, famines et épidémies en Afrique du Nord antique (146 avant J.-C. – 698 après J.-C.). Thèse de doctorat inédite, FLSH de Sousse.
H. Fareh, 2021 «Maux et fléaux en Byzacène (146 av. J.-C. /698 ap. J.-C.)». In : A. Mrabet (éd.), 2021, Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie. Actes du VIe colloque international du Laboratoire de Recherche : «Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval», p. 397-423.
N. Ferchiou et A. Gabillon, 1985, «Une inscription grecque magique de la région de Bou Arada (Tunisie), ou les 4 plaies de l’agriculture antique en Proconsulaire», dans BCTHS, ns. Fasc. 19B, p.109-125.
Légende des figures :
Fig. 1. Priape ithyphallique (Musée de Sousse, cliché H. Fareh).
Fig. 2. La sauterelle de Thysdrus, mosaïque conservée in situ (cliché H. Fareh).
Fig. 3.Un jeune génie ailé essayant d’attraper une sauterelle (Musée de Sousse, cliché H. Fareh).
Fig. 4 a et b. Mosaïque dionysiaque (Eljem) avec la représentation de la sauterelle (cliché H. Fareh).
Nous fêterons demain, jeudi 27 mars 2025, le 5e anniversaire de la mort de l’ancien Premier ministre Hamed Karoui. L’auteur, qui l’avait connu de près, rend hommage ici à cette figure majeure de l’histoire tunisienne contemporaine, dont le parcours mérite d’être mieux connu et célébré. Car il reste une source d’inspiration pour tous les Tunisiens. *
Foued Mouakhar
Le 27 mars 2020, la Tunisie a perdu l’un de ses plus grands serviteurs : le Dr Hamed Karoui. Homme d’une intégrité légendaire, d’une modestie exemplaire et d’un dévouement sans faille. Il a consacré sa vie à son pays, tant dans la lutte pour l’indépendance que dans la construction de la Tunisie moderne. Ce témoignage vise à éclairer une jeunesse souvent peu informée des pages glorieuses de notre histoire, en retraçant le parcours exceptionnel de cet homme qui a marqué son époque par son engagement et son humilité.
Origines familiales
Hamed Karoui est né le 30 décembre 1927 dans une famille tunisienne respectée. Son père, Belhassen Karoui, appartenait à une lignée de magistrats, tandis que son oncle, feu Mohamed Karoui, est considéré comme l’un des pères fondateurs du Code du statut personnel, une pierre angulaire de la modernisation de la Tunisie. Sa mère, Lalla Aïchoucha Nour Eddine, était une femme de caractère, connue pour son authenticité, sa détermination et sa douceur.
Dès son enfance, Hamed Karoui est imprégné des valeurs de justice, de rigueur et de service public. Ces principes guideront toute sa vie, tant dans son engagement politique que dans sa carrière médicale.
A gauche de Taieb Mehiri.Scout : debout, 2e à partir de la gauche.
Engagement précoce
Dès son plus jeune âge, Hamed Karoui s’engage dans la lutte pour l’indépendance de la Tunisie. Il rejoint les Scouts Tunisiens, où il gravit les échelons pour devenir chef de la région du Sahel. Cette expérience forge en lui un esprit de leadership et de discipline, tout en renforçant son attachement à la cause nationale.
Dans les années 1940, alors qu’il est encore lycéen, il rejoint secrètement le Néo-Destour, le parti nationaliste dirigé par Habib Bourguiba. Malgré son jeune âge, il participe activement à des actions de sensibilisation, de collecte de fonds et de diffusion clandestine de la presse nationaliste, notamment le journal Al-Kifah (La Lutte). Ces activités, bien que risquées, témoignent de son engagement précoce et de sa détermination à libérer la Tunisie du joug colonial.
Militant du Néo-Destour à Paris.Militant de l’Uget à Paris.
Combat pour l’indépendance
En 1946, Hamed Karoui obtient son baccalauréat et part étudier la médecine à Paris où il continue son combat pour l’indépendance, cette fois sur le sol français. Il devient président de la cellule destourienne de Paris. Une position stratégique qui lui permet de mobiliser les étudiants tunisiens et de sensibiliser l’opinion publique française à la cause tunisienne.
Avec ses camarades, il fonde l’Union générale des étudiants tunisiens (Uget). Une organisation qui joue un rôle crucial dans la lutte anticoloniale. Elle devient une plateforme pour internationaliser la cause tunisienne, en établissant des liens avec des étudiants maghrébins, arabes et africains.
Président de l’Etoile du Sahel, avec Abdelmajid Chettali à sa droite.A gauche de Habib Bourguiba, avec Bechir Ben Yahmed, Bibi Junior et Taieb Mehiri.
Karoui représente l’Uget lors de conférences internationales à Prague et Colombo, contribuant à faire entendre la voix de la Tunisie sur la scène mondiale.
En parallèle, Karoui et ses camarades utilisent les médias français pour dénoncer les exactions coloniales. Ils organisent des campagnes médiatiques autour d’événements comme les incidents de Sousse, Téboulba et Tazerka… amplifiant ainsi la pression sur le gouvernement français. Leur stratégie de communication habile, inspirée de la méthode bourguibienne de «l’alliance du dialogue et de la pression», contribue à affaiblir le moral du colonisateur et à accélérer la marche vers l’indépendance.
Médecin et bâtisseur de la nation
Juste à l’aube de l’indépendance, Karoui obtient son doctorat en médecine et se spécialise en pneumologie. Animé par la volonté de contribuer à la reconstruction du pays, il rentre immédiatement en Tunisie et entame une carrière médicale.
Il lance une campagne nationale contre la tuberculose, une maladie alors endémique en Tunisie. Chaque vendredi, il ouvre les portes de son cabinet privé pour offrir des consultations gratuites aux patients démunis, venus de toutes les régions du Sahel. Il dirige également le service de pneumologie à l’hôpital Farhat Hached de Sousse, tout en maintenant un rythme de travail effréné.
Avec Saddam Hussein.Avec Jacques Chirac.
Au service de Sousse et de la Tunisie
Parallèlement à sa carrière médicale, Karoui s’engage en politique. Il devient maire de Sousse, député, et vice-président du Parlement. Sous son mandat, Sousse se transforme en un pôle touristique, industriel et culturel majeur. Il contribue à la modernisation de la ville, tout en préservant son patrimoine historique.
Sur le plan national, Karoui occupe plusieurs postes ministériels, dont celui de Premier ministre sous le président Zine El Abidine Ben Ali de 1989 à 1999. Pendant cette période, il joue un rôle clé dans la stabilisation du pays et la mise en œuvre de réformes économiques et sociales. Malgré les défis, il reste fidèle à ses principes d’intégrité et de modestie, refusant tout privilège indu et vivant simplement.
Avec Yasser Arafat.Avec Hafedh Assad.
Un modèle de service désintéressé
Tout au long de sa carrière, Karoui est reconnu pour son intégrité et sa discrétion. Il refuse de se mettre en avant, affirmant souvent : «Je n’ai fait que mon devoir sacré envers mon pays.» Cette humilité, alliée à une rigueur et une ponctualité légendaires, en fait un modèle pour ses pairs et pour les générations futures.
Même après sa retraite, Karoui continue à servir son pays discrètement. En 2013, face à la dérive de la Tunisie, il lance le Mouvement Destourien pour redonner espoir aux Tunisiens et transmettre son héritage politique à la jeune génération. Il soutient des figures comme Abir Moussi, qu’il considère comme une digne héritière de l’esprit destourien.
Avec Abir Moussi.Avec Nelson Mandela.
Héritage et postérité
Hamed Karoui restera dans les mémoires comme un patriote intègre et dévoué, dont la vie et les actions ont grandement contribué à l’indépendance et au développement de la Tunisie. Son engagement sans faille, sa modestie et son refus de toute forme de reconnaissance personnelle en font un modèle pour les générations futures.
En cette période de turbulences, son parcours nous rappelle l’importance de l’intégrité, du service désintéressé et de l’amour de la patrie. Puissent les jeunes Tunisiens s’inspirer de son exemple pour bâtir un avenir meilleur.
* Une version complète de cet article peut être consultée sur la page Facebook de l’auteur.
Erdogan a peut-être gagné une manche en incarcérant Imamoglu, son potentiel vainqueur lors des prochaines présidentielles en 2028. Mais ce ne sont pas les répressions qui étouffent les révolutions. C’est la perte de contrôle du récit. Et c’est là que tout se joue.
Manel Albouchi *
J’étais en séance avec un cadre dirigeant. Il se plaignait : «Madame, je suis directeur, mais ils ne m’écoutent pas. J’ai l’impression qu’ils obéissent à un autre leader que je ne connais pas !» J’ai souri : « Ah… C’est la première fois que vous entendez parler de l’État profond dans votre propre entreprise?»
Il y a toujours un pouvoir derrière le pouvoir. Une ombre derrière l’autorité officielle. Ce qui se passe en Turquie aujourd’hui, ce n’est pas simplement une question de politique ou d’élections. C’est une question de mécanique du pouvoir, de ces forces invisibles qui, comme dans un bureau où les employés n’écoutent plus leur directeur, décident en silence de qui règne vraiment.
Le piège du pouvoir visible
Recep Tayyip Erdogan le sait mieux que personne. Il a lui-même été arrêté lorsqu’il était maire d’Istanbul, pour avoir récité un poème jugé subversif. Ironie du sort, c’est précisément cette arrestation qui a renforcé son aura et lancé sa carrière politique nationale. Alors pourquoi reproduire ce schéma aujourd’hui avec Ekrem Imamoglu, l’actuel maire d’Istanbul?
Soit Erdogan se trompe. Soit il sait exactement ce qu’il fait. Et là, la lecture change.
Une arrestation spectaculaire ? C’est la meilleure façon de transformer un adversaire en martyr. Et qui dit martyr dit héros. Erdogan, qui a construit sa carrière en jouant sur l’image du leader persécuté, sait que la politique ne se limite pas à la répression brute. Il joue avec le feu, avec cette frontière ténue entre écraser un rival et lui donner une dimension mythique.
Alors, quel est son calcul? Cherche-t-il à tester la résistance du système que lui-même domine, à forcer une réaction de la population pour mieux la réprimer ensuite ? Ou, au contraire, à imposer l’idée que le jeu démocratique est faussé d’avance, pour pousser à la résignation et tuer dans l’œuf toute tentative de changement ?
Le pouvoir qui ne dit pas son nom
Michel Foucault nous apprend que le pouvoir n’est jamais une simple question de domination frontale. Il est diffus, insidieux, incorporé dans les structures, dans les discours, dans les normes. L’État profond, ce n’est pas une organisation secrète qui tire les ficelles dans l’ombre. C’est plus subtil.
C’est un mode de fonctionnement, un tissu d’habitudes et d’alliances invisibles qui fait qu’un président peut être élu, mais ne jamais avoir réellement le contrôle. Que des institutions peuvent exister, mais ne jamais être fonctionnelles. Que le peuple peut voter, mais que le résultat soit déjà verrouillé ailleurs.
Si Imamoglu inquiète le régime, ce n’est pas seulement parce qu’il pourrait gagner des élections. C’est parce qu’il menace un équilibre invisible, celui qui garantit que, quoi qu’il arrive en surface, rien ne change en profondeur.
Où se joue la vraie bataille ?
Il y a une leçon à retenir, pas seulement pour la Turquie, mais pour toutes les sociétés contemporaines : le pouvoir réel ne se voit pas.
Dans une entreprise, ce n’est pas toujours le PDG qui décide, mais peut-être son conseiller de l’ombre, ou le réseau informel des cadres intermédiaires qui filtrent l’information.
Dans un pays, ce n’est pas toujours le président qui contrôle tout, mais les forces économiques, les services de renseignement, la bureaucratie enracinée qui survit à tous les régimes.
Et si Erdogan arrêtait İmamoglu précisément pour montrer qu’il en avait encore le pouvoir? Comme un directeur qui crie plus fort parce qu’il sent que son autorité lui échappe.
Mais alors, si tout est si verrouillé, où se situent les failles? Là où le pouvoir croit avoir gagné, dans l’excès de contrôle. À trop montrer sa force, il trahit sa peur. Un pouvoir sûr de lui n’a pas besoin d’écraser.
Erdogan a peut-être gagné une manche. Mais si Foucault a raison, ce ne sont pas les répressions qui étouffent les révolutions. C’est la perte de contrôle du récit. Et c’est là que tout se joue.
Le pouvoir est un jeu d’illusions. Tant que tout le monde croit que l’histoire est écrite d’avance, rien ne change. Mais quand la réalité commence à diverger du récit officiel… alors, tout devient possible.
A l’occasion du Ramadan, le mausolée d’Ali Ibn Ziad Al-Tounsi, devant le siège du gouvernorat, dans la Médina de Tunis, s’est transformé en un lieu privilégié pour les habitants et les touristes.
Une collection unique de manuscrits rares du Coran tunisien constitue l’exposition «Le Saint Coran en Tunisie», un événement promu par le ministère des Affaires religieuses pour célébrer le Ramadan, souligner le lien profond du pays avec le texte sacré de l’Islam et valoriser le patrimoine islamique et culturel tunisien.
Visiter l’exposition, c’est comme plonger dans le passé. Jusqu’à la fin du mois, en effet, il sera possible d’admirer des manuscrits du Coran datant d’il y a 330 ans, chacun ayant une particularité à offrir. Il existe des textes écrits sous l’Empire ottoman, des pages enluminées d’encre dorée qui brillent sous les lumières, et même des documents qui préservent le sanad tunisien, la tradition orale avec laquelle le Coran se transmettait de voix en voix. Ce ne sont pas seulement des livres, mais de véritables chefs-d’œuvre, accompagnés de légendes qui expliquent tout : des différents styles de calligraphie – comme le raffiné khatt maghribi ou le caractéristique khatt zaytouni – jusqu’aux variantes de lecture, de Qaloon à Rashsh et Hafs.
Et puis il y a Mohamed Najib Zaalouni, un maître en calligraphie qui a fait valoir son talent. Ses œuvres sont des sourates entières du Coran écrites avec une précision étonnante, presque comme pour rappeler à quel point les mots peuvent devenir de l’art.
Le maître a également aménagé un petit coin créatif, sorte de laboratoire où l’on respire le parfum de l’encre et de la patience.
Ce n’est pas seulement une exposition, mais aussi un voyage. Il raconte comment le Coran tunisien a évolué au fil du temps, des feuilles manuscrites aux imprimés d’aujourd’hui, et nous rappelle une histoire qui, surtout en ce mois de Ramadan, veut continuer à vivre. C’est une invitation à s’arrêter, à regarder attentivement, à découvrir un patrimoine qui mêle foi, beauté et mémoire.
La Tunisie fait les premiers pas vers la mise en œuvre de sa stratégie nationale sur l’hydrogène vert, qui mettra également l’accent sur les énergies renouvelables d’une façon générale. Il s’agit de construire à court terme une usine de production d’ammoniac vert pour le secteur des engrais destinés au marché local.
Le retrait attendu du phosphogypse de la liste des déchets dangereux et de son reclassement en produit à valeur ajoutée et l’exonération, également attendue, du Groupe chimique tunisien (GCT), principal partenaire dans la mise en œuvre de la stratégie de l’hydrogène vert, de la TVA sur les intrants d’engrais destinés au marché local, font partie de ces mesures.
La Tunisie se lance dans la mise en œuvre d’une vision stratégique à l’horizon 2050 qui vise à faire du pays un exportateur net d’hydrogène vert (H2g) et donc un élément de l’épine dorsale hydrogène de l’Union européenne (UE).
Selon cette vision, la Tunisie serait en mesure d’exporter environ 6,3 millions de tonnes (Mt) de H2 par an d’ici 2050 vers l’UE via des pipelines et de fournir environ 2 Mt au marché local, sous forme de H2G ou de sous-produits tels que l’ammoniac vert, le méthanol vert et les carburants synthétiques verts.
Parmi les projets prévus figure la création de la première usine de production d’ammoniac vert dans la zone sud, près du gouvernorat de Gabès. Cette région, qui souffre d’une pollution généralisée causée par l’industrie du phosphate depuis les années 1970, sera une «vallée de l’hydrogène H2» où un écosystème sera créé pour la production et la demande de H2G et de sous-produits avec «un effet multiplicateur d’opportunités commerciales et de projets», lit-on dans le document stratégique.
Appui important de l’Union européenne
Selon la même source, la Tunisie sera appuyée par la Banque européenne d’investissement (BEI), le Fonds européen de développement durable plus (FEDD+) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) dans l’exécution de projets structurants dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert.
La première phase comprendra la création d’un parc photovoltaïque de 8 mégawatts (MW) connecté au réseau électrique national, d’une unité de dessalement d’eau de mer, d’un électrolyseur et d’une unité de synthèse d’ammoniac Haber-Bosch, un procédé chimique qui permet de fixer l’azote en grande quantité et à faible coût.
Ces projets seront implantés à l’usine GCT de Gabès (zone industrielle de Ghannouch).
Le parc photovoltaïque sera construit sur un site, situé à l’ouest de la ville de Ouedhref, à proximité de l’usine GCT et du réseau électrique de la Steg afin de faciliter le transport de sa production électrique.
La stratégie tunisienne de l’hydrogène vert est soutenue par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi) et l’Agence allemande de coopération internationale (Giz) et sera mise en œuvre dans le pays en collaboration avec le GCT.
Les différents aspects de la coopération entre la Tunisie et l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi) et leurs perspectives de développement ont été les thèmes au centre de la rencontre entre le ministre du Commerce et du Développement des exportations, Samir Abid, et le représentant de l’Onudi à Tunis, Lassaâd Ben Hassine.
Au cours de la réunion, des projets et des initiatives de développement dans l’intérêt du pays ont été discutés, notamment en matière de commerce et d’accès au marché.
Selon un communiqué du ministère, les projets de l’Onudi actuellement en cours en Tunisie concernent principalement les secteurs de l’artisanat, des foires internationales, de l’agroalimentaire et de l’énergie.
Selon la même source, l’Onudi s’engage à mettre en œuvre des projets d’investissement en Tunisie, ainsi que des projets interrégionaux qui pourraient apporter des bénéfices au pays, avec des efforts concentrés sur les niveaux de production, la formation, l’appui aux PME, l’accès aux marchés mondiaux et l’amélioration de la compétitivité, grâce à la compétence et à l’expérience des ressources humaines et des gestionnaires tunisiens. De son côté, le ministre du Commerce a salué toutes les initiatives et projets évoqués, compte tenu de leur rôle important dans le renforcement de l’économie nationale et la réalisation du développement, notamment dans les régions de l’intérieur. Abid a également souligné la qualité des produits agroalimentaires tunisiens, notamment l’huile d’olive et les dattes, ainsi que leur compétitivité sur le marché mondial et leur inclusion dans ces projets visant à promouvoir les exportations.
La proposition de loi n° 2025-08 portant sur l’amnistie générale pour les chèques sans provision, sans plafond de montant, a été approuvée au niveau des commissions parlementaires.
Le texte a été approuvé par les commissions parlementaires de la législation générale, du règlement intérieur, des lois parlementaires, des lois électorales et de la fonction électorale, lors d’une séance conjointe tenue lundi 24 mars 2024 au palais du Bardo.
Initialement, le texte prévoyait une amnistie limitée aux chèques sans provision d’un montant inférieur ou égal à 5000 dinars, conformément à la loi n° 2024-41 du 2 août 2024. Cependant, un amendement a été proposé sur l’article premier, visant à étendre cette amnistie à tous les émetteurs de chèques sans provision, sans plafond de montant.
Les partisans de cet amendement ont défendu l’idée qu’une telle mesure permettrait de réintégrer les contrevenants dans le circuit économique, de faciliter la régularisation des dettes tout en protégeant les droits des créanciers via des recours civils, et de réduire l’engorgement des tribunaux.
Certains députés ont estimé que les dispositions de la loi n° 2024-41 étaient suffisantes, tandis que d’autres ont exprimé des réserves quant à une possible atteinte au principe d’égalité entre créanciers, ainsi qu’aux risques pesant sur les petites et moyennes entreprises. À l’issue des débats, les articles 2 et 3 ont été maintenus dans leur version initiale. La proposition de loi, modifiée sur son premier article, a finalement été adoptée dans sa nouvelle version.
L’auteur, économiste universitaire, se livre ici à un exercice original : transposer le raisonnement à la base du modèle de décision très connu du Minimax à la décision que Kais Saïed à prise de rompre les relations avec le FMI. Aucune formation économique ou autre n’est nécessaire pour comprendre cet article, juste un minimum d’esprit logique et de bon sens communs à tout un chacun. Pour le reste, l’article se laisse lire facilement et sa conclusion est on peut plus claire. (Ph. Dernière rencontre entre Kaïs Saïed et Kristalina Georgieva, DG du FMI, en marge d’un sommet financier en juin 2023 à Paris).
Dr. Sadok Zerelli
Parmi les disciplines qu’on enseigne aux maitrisards de l’Institut des hautes études commerciales (Ihec) et futurs gestionnaires d’entreprises et que j’ai eu personnellement plaisir à enseigner, parmi d’autres disciplines, figure la théorie de décision.
La problématique que traite cette théorie est que nous vivons tous dans un avenir incertain et que personne, à moins d’être un prophète, ne peut prévoir de quoi sera fait demain, mais que nous devons quand même prendre des décisions importantes qui engagent notre avenir que ce soit sur le plan professionnel ou personnel.
Cette théorie comporte plusieurs modèles stochastiques (basés sur la théorie des probabilités), plus ou moins compliqués, dont je vais prendre juste le raisonnement à la base de l’un des plus simples d’entre eux, le modèle du Minimax, pour analyser avec cet outil de décision le bienfondé ou non de la décision prise par notre président de rompre toute collaboration de la Tunisie avec le FMI.
Raisonnement à la base du modèle du Minimax
Pour expliquer de la façon la plus simple ce raisonnement au grand public, je vais prendre un exemple que nous avons tous vécu ou que les jeunes gens vivront un jour ou l’autre.
Supposons qu’on fasse connaissance d’une jeune femme (ou d’un jeune homme s’il s’agit du genre opposé) qui nous plaît beaucoup et qu’on hésite à épouser ou pas (le raisonnement ne s’applique pas au cas où on tombe fou amoureux et que l’on fonce tête baissée sans même réfléchir!). Dans ce cas, il y a quatre scénarios possibles (on parle d’hypothèses dans la théorie de la décision).
Scénario A : on décide d’épouser la personne et l’avenir montrera qu’on a eu raison de le faire et qu’on sera heureux avec elle. Dans ce cas la perte subie est nulle puisqu’on a pris la bonne décision
Scénario B : on décide de ne pas l’épouser et l’avenir montrera qu’on a eu raison de ne pas le faire parce cette personne qui n’était pas celle qu’il nous fallait et qu’on aurait été malheureux avec elle. Dans ce cas la perte subie est nulle aussi puisqu’on a pris la bonne décision
Scénario C : on a décidé de l’épouser mais l’avenir montrera que c’était une mauvaise décision qu’on n’aurait pas dû prendre. Dans la théorie de décision, on appelle cela le risque de première espèce. La perte MAXIMALE (au pire des cas) associée à ce risque est un divorce, des enfants déchirés entre leurs parents divorcés, une pension alimentaire à payer, peut-être même une dépression psychologique, etc.
Scénario D : on décide de ne pas l’épouser alors que l’avenir montrera que c’était une erreur parce c’était la personne qu’il nous fallait pour être heureux. On appelle cela le risque de deuxième espèce. Dans ce cas, la perte MAXIMALE qu’on subit est la valeur qu’on attache à la vie en famille, à avoir des enfants, etc.
Selon ce modèle, la meilleure décision à prendre est celle qui correspond au minimum du risque maximum associé à chaque décision, d’où le nom de modèle du Minimax.
En clair, dans cet exemple, si la valeur qu’on attache au coût financier et psychologique d’un divorce est plus élevée que la valeur qu’on attache à la vie en famille, avoir des enfants, etc., il faut prendre la décision de ne pas se marier avec cette personne et inversement.
Ce modèle, tel qu’il est enseigné à l’université aux futurs gestionnaires d’entreprises, s’applique surtout pour les décisions à prendre dans les domaines de l’investissement, d’achat d’actions et de placements financiers en bourse, etc., où il est plus facile de traduire en termes financiers les coûts attachés aux risques de première et deuxième espèce. Il se complique par l’introduction de probabilités de réalisation de chaque scénario estimé à priori (au nez) ou en ayant recours à des lois statistiques telles que la loi de Poisson (qui permet de calculer la probabilité d’un évènement rare tel qu’un accident, une faillite, un divorce, etc.) et en raisonnant en termes d’espérance mathématique de coût (modèle de Bayes), ou en introduisant un coefficient d’optimisme/pessimisme (modèle de Hurwicz).
Mais bien sûr je ne vais pas aller aussi loin dans cet article destiné au grand public et je vais juste appliquer le raisonnement qui est à la base de ce modèle à la décision qu’aurait dû prendre notre Président en rapport avec les relations avec le FMI.
Risque de première espèce de la décision de Kais Saïed
Il s’agit du risque associé à la décision d’accepter les conditions posées par le FMI pour débloquer le prêt de 1,9 milliards de dollars (et donc de ne pas rompre avec lui) alors que l’avenir montrera que c’était une erreur et qu’il n’aurait pas dû accepter ces conditions et prendre cette décision.
Quelle est la perte Maximale (au pire des cas) associée à ce risque?
Elle est la résultante ou la somme des pertes associées à la mise en œuvre de chacune des conditions que le FMI avait posé pour débloquer son prêt, à savoir :
– la restructuration des entreprises publiques déficitaires;
– la réduction du poids de la masse des salaires des fonctionnaires dans le budget de l’Etat;
– la suppression de la compensation des prix des produits énergétiques et de consommation de base.
Dans mon avant dernier article intitulé «Le Président Kais Saïd avait-il raison de rompre avec le FMI ?», j’avais analysé d’une façon approfondie l’impact et les modalités possibles de mise en œuvre de chacune de ces réformes structurelles que le FMI avait exigé. Je ne vais pas reprendre cette analyse dans le présent article pour ne pas me répéter mais en faire juste une synthèse en faveur ou contre la décision prise par notre Président.
Risque de première espèce associé à la condition de restructuration des entreprises publiques
Il s’agit d’une centaine (110 exactement) d’entreprises publiques structurellement et historiquement largement déficitaires dont les déficits d’exploitation pèsent de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat l’obligeant à chercher des sources de financement internes ou externes pour les financer.
Parmi les impacts négatifs de cette politique, je citerais :
– l’aggravation du déficit budgétaire : ces subventions et aides pèsent sur les finances publiques, réduisant les marges de manœuvre pour d’autres investissements;
– le financement des entreprises publiques déficitaires se fait souvent par l’endettement, soit directement par l’État, soit par des garanties accordées aux entreprises pour contracter des prêts, ce qui la contribue à l’augmentation du déficit budgétaire et à l’endettement global du pays;
– la réduction des ressources pour les secteurs productifs : les fonds alloués au sauvetage des entreprises publiques sont souvent détournés des secteurs productifs ou essentiels comme la santé, l’éducation ou les infrastructures, ce qui limite la capacité de l’État à financer des projets de développement et améliorer le bien-être de la population et la croissance économique;
– l’effet sur l’investissement privé et la compétitivité : les entreprises publiques déficitaires fonctionnent souvent avec des coûts élevés, un faible rendement et une gestion inefficace, ce qui nuit à la compétitivité de l’économie et peut décourager les investissements privés, qui craignent une concurrence déloyale ou un environnement économique instable;
– la pression fiscale accrue : pour compenser les pertes des entreprises publiques et maintenir un niveau minimal de services, l’État est contraint d’augmenter les impôts ou d’introduire de nouvelles taxes, ce qui impacte le pouvoir d’achat des citoyens et la compétitivité des entreprises;
– une plus grande injustice sociale : contrairement à ce que pense notre Président, une telle politique augmente l’injustice sociale. Je citerais comme exemple le cas de la SNCFT où toutes les recettes du trafic de voyageurs et de marchandises ne couvrent que 87% des charges salariales, ne laissant rien pour la consommation d’énergie, l’entretien du réseau, le renouvellement du matériel roulant… Au nom de quel principe de justice sociale le citoyen qui habite a Sidi Bouzid ou Kairouan qui n’a pas la possibilité de prendre un train puisque ces villes ne sont pas connectées au réseau ferroviaire, doit-il contribuer, à travers les taxes qu’il paie à l’Etat, à subventionner à hauteur de 13% les salaires perçus par les cheminots? Je pourrais multiplier les exemples pour Tunisair, la Steg, la Sonede, etc.;
– enfin, au nom de quel principe l’Etat peut-t-il justifier le maintien d’une telle politique, d’autant plus que, comme je l’ai expliqué dans mon article, il existe bel et bien plusieurs techniques de montages juridiques et financiers qui permettent de restructurer une entreprise publique et la rendre excédentaire sans avoir à la privatiser (contrat programme, PPP, BOT, concession…)?
A moins que ce soit la politique de la fuite en avant ou de celle du proverbe qui dit «le dernier qui reste paiera le loyer», je ne trouve aucun argument en termes de justice sociale ou d’allocation optimale des ressources qui justifie le rejet par notre Président de cette réforme structurelle demandée par le FMI qui est absolument nécessaire à court ou moyen terme pour équilibrer les finances publiques. En conséquence, la perte associée à cette condition posée par le FMI est à mon avis non seulement nulle, mais on pourrait parler même d’une opportunité ratée pour résoudre ce problème de ces entreprises publiques structurellement déficitaires à ses racines.
Risque de première espèce associé à la condition de réduction du poids de la masse salariale dans le budget de l’Etat
Avec 56 fonctionnaires par 1000 habitants (contre 17 au Maroc et 14 en Jordanie, des pays à taille et économie comparables), l’administration tunisienne est l’une des plus pléthoriques au monde. Il en résulte un poids de la masse salariale des fonctionnaires sur le budget de l’État excessif : en 2025, les dépenses salariales sont estimées à 24,389 milliards de dinars, marquant une augmentation de 8,1% par rapport à 2024. Cette somme représente 40,7% des dépenses totales du budget et 13,3% du produit intérieur brut (PIB).
Cette proportion élevée des dépenses salariales limite la capacité de l’État à investir dans d’autres secteurs essentiels tels que l’infrastructure, la santé et l’éducation. Son financement par le biais d’emprunts obligataires et de Bons du Trésor à court, moyen ou long termes souscrits par les banques commerciales, coûte très cher à l’État en termes d’intérêts à payer et détourne les banques commerciales de leur vocation de financer les entreprises et l’activité économique pour favoriser la croissance. De même que son financement par la BCT, à travers le recours excessif au mécanisme de la planche à billets renforce l’inflation, réduit la compétitivité des entreprises et aggrave le déficit de la balance commerciale et déprécie la valeur du dinar, engendrant une plus grande baisse de la compétitivité, un plus grand déficit commercial, etc.
Le maintien d’une telle armée de fonctionnaires (640 000), ou pire son renforcement par 5000 autres parmi les diplômés de l’enseignement supérieur en chômage de longue durée comme vient de le décider le chef de tout l’Etat, ne peut qu’aggraver la situation et obliger l’Etat à continuer à s’endetter davantage, s’il trouve qui veut bien lui prêter, sinon augmenter davantage la pression fiscale qui est déjà parmi les plus élevées au monde.
En termes de perte liée au risque de première espèce à subir, on peut ainsi conclure qu’elle est nulle aussi et qu’au contraire, l’Etat a perdu une occasion d’assainir les finances publiques une fois pour toutes.
Risque de première espèce associé à la suppression de la compensation
Le système de compensation des prix en Tunisie, destiné à stabiliser les coûts des produits de base et énergétiques, représente une charge financière notable pour le budget de l’État. En 2024, les dépenses de compensation sont estimées à 11 337 millions de dinars (MD), en légère baisse par rapport aux 11 475 MD de 2023. De plus, l’augmentation des prix du pétrole et la dépréciation du dinar ont entraîné des dépassements budgétaires, notamment en 2017, où une dérive de 900 millions de dinars a été enregistrée pour la compensation énergétique.
Ces fluctuations rendent le système de compensation vulnérable aux variations des marchés internationaux et aux facteurs économiques internes. En particulier, la compensation des prix de l’énergie exerce une pression notable sur le budget de l’État : en 2024, une enveloppe de 7,086 milliards de dinars a été allouée à la compensation des hydrocarbures et de l’électricité, contre 7,030 milliards en 2023. Cette situation limite la capacité de l’État à investir dans d’autres secteurs essentiels tels que l’éducation, la santé et les infrastructures.
De plus, la volatilité des prix internationaux du pétrole des cours des produits alimentaires (blé, orge, sucre, riz etc.) et les fluctuations du taux de change du dinar rendent difficile la prévision et la gestion efficace de ces dépenses.
Face à ces défis, le gouvernement tunisien doit tôt ou tard procéder à des réformes pour rationaliser le système de subventions des prix des produits de consommation de base et énergétiques, avec pour objectif de réduire le fardeau financier sur le budget de l’État tout en protégeant les populations vulnérables contre les hausses des prix de l’énergie. Une des solutions que j’avais proposé dans mon avant-dernier article est de créer une caisse autonome de compensation financée par des taxes «pigurrienes» telles qu’un impôt sur le capital oisif ou un impôt sur le patrimoine, afin de décharger le budget de l’Etat du poids de la compensation et sans en priver les catégories sociales les plus vulnérables.
Si on tient compte du fait que le FMI n’a jamais exigé la suppression immédiate et d’un seul coup de la compensation mais l’élaboration d’une stratégie et d’un programme étalés sur plusieurs années pour arriver à cet objectif, on peut considérer que la perte maximale associé au risque de première espèce de cette réforme est faible.
Risque de première espèce associé à la perte de la souveraineté nationale
C’est le principal argument avancé par notre Président pour justifier non seulement le rejet des conditions de FMI mais même la rupture de toute collaboration avec lui.A ce sujet, il faut bien qu’on ouvre les yeux et qu’on ne prenne pas nos rêves pour de la réalité. En effet, de quelle souveraineté nationale parle notre Président lorsqu’on doit importer 87% du blé dur et 73% de l’orge que nous consommons chaque année, que l’on doit taper à la porte du FMI ou d’autres bailleurs de fonds pour obtenir des prêts en devises pour rembourser notre dette et payer nos importations, ou que l’on doit demander l’aumône au Roi de l’Arabe Saoudite pour qu’il veuille bien nous accorder 87 millions de dollars pour financier la construction d’un hôpital à Kairouan ou à l’Émir du Koweït pour qu’il nous accorde 100 millions de dollars pour construire quatre autres hôpitaux, des sommes qui constituent des miettes pour ces Rois et Émirs?
La véritable souveraineté nationale ne viendra que le jour où nous serons capables de produire nous-mêmes ce que nous consommons, ou exporter nos produits pour pouvoir en importer d’autres. Tout le reste, ce sont des discours naïfs, utopiques et populistes entièrement déconnectés de la réalité qu’on peut à la limite tenir dans la buvette des facultés, mais pas quand on détient le sort de 12 millions de Tunisiens entre les mains.
Pour résumer, la perte maximale associée au risque de première espèce lié à la décision de Kais Saïed, je prendrais l’exemple d’un cancer, que Dieu nous en préserve tous. Pour moi, tant les déficits chroniques des entreprises publiques, que le poids de la masse salariale des fonctionnaires sur le budget de l’Etat et le fardeau de la compensation, sont comme des cancers qui rongent les finances publiques: soit on choisit de les ignorer avec le risque que l’économie nationale s’effondre au bout de quelques années, soit de les soigner par des chimio ou radiothérapies avec tous les désagréments qui en résultent : vomissements, diarrhées, perte de cheveux,.., avec l’espoir de guérison au bout. C’est aussi simple et dramatique que cela.
Risque de deuxième espèce associé à la décision de Kais Saïed
C’est celui que représente la décision de refuser les conditions posées par le FMI pour le déblocage du prêt de 1,9 milliards de dollars et même d’annoncer la rupture de toute collaboration avec lui, alors que l’avenir montrera que notre Président avait tort de prendre cette décision.
Comme pour le risque de première espèce, la perte maximale (au pire des cas) est la somme de plusieurs pertes probables :
– perte des 1,9 milliards de dollars qui auraient été les bienvenus dans une conjoncture aussi difficile que celle que traverse notre économie; c’est même une perte certaine et non probable puisqu’on ne verra plus la couleur de ces dollars;
– nos entreprises publiques continueront à être de plus en plus déficitaires et incapables de réaliser les investissements nécessaires pour améliorer la qualité des services publics qu’ils fournissent aux usagers;
– la masse salariale des fonctionnaires continuera à creuser le déficit du budget de l’Etat, avec des difficultés de financement et un détournement plus grand des ressources des banques locales pour le financement du déficit de l’État plutôt que des entreprises et des investisseurs privés;
– le budget de la compensation pèsera de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat en raison de la fluctuation des cours internationaux des produits alimentaires et énergétiques et du glissement lent mais continu du taux de change du dinar;
– ces trois facteurs combinés alourdiront d’une année à l’autre les déficits budgétaires de l’État, augmenteront son endettement interne et externe et détrôneront ses rares ressources de l’investissement en infrastructures, santé, éducation, etc., pour améliorer la qualité des services publics, y compris pour les catégories sociales vulnérables pour la protection desquelles le Président a cru bon de refuser les conditions du FMI et même rompre avec lui;
– ils accroissent aussi le risque d’une pression fiscale encore plus grande, faute de trouver d’autres sources de financement internes et externes;
– sans l’aval de FMI, les autres bailleurs de fonds n’accepteront pas de nous accorder des prêts en devises pour honorer les échéances de notre dette extérieure et importer nos produits alimentaires, médicaments, pétrole, etc. A ce sujet, il faut bien noter que nos banques commerciales ne peuvent souscrire qu’à des emprunts libellés en dinars, et que la banque centrale ne peut créer grâce à la planche à billets que des dinars aussi, et que ni les unes ni l’autre ne peuvent créer des dollars ou des euros qui ne peuvent provenir que de l’exportation de biens et de services, tels que le tourisme, ou des transferts effectués par nos TRE au profit de leurs familles restées en Tunisie;
– tant que les investissements publics et privés restent faibles et que les taux de croissance économique continuent à osciller entre 1% et 2% (1,4% en 2024), soient des taux nettement plus fiables que les taux d’intérêt auxquels nous avons emprunté souvent à long terme, le défaut de paiement de la dette publique est mathématiquement inéluctable et le passage devant le Club de Paris n’est qu’une question de temps.
Dans ce cas, on risque de perdre pour de bon et dans des conditions humiliantes notre souveraineté nationale que Saïed pense avoir sauvé en rejetant les conditions du FMI et en rompant avec lui.
Déjà sans en arriver là, ce que personnellement et en tant que Tunisien je ne souhaite pas, trouver dans le communiqué du FMI en date du 14 mars 2025 le nom de la Tunisie parmi les rares pays dans le monde dont les consultations en vertu de l’article IV avec FMI sont retardées, tels que la Syrie, le Yémen, le Soudan et l’Afghanistan, des pays dont le seul nom évoque la famine ou la guerre civile quand ce n’est pas les deux à la fois, est une bien triste nouvelle et ne présage rien de bon pour l’avenir de notre pays.
En résumé de cet exercice de transposition du raisonnement qui est la base du modèle du Minimax à la décision que devait prendre Kais Saïed en relation avec le FMI, il apparaît clairement pour le commun des mortels doté du minimum de bon sens que le minimum du risque maximum, en termes d’assainissement des finances publiques y compris en termes de préservation de la paix sociale et de la souveraineté nationale, se trouve bel et bien dans la décision d’accepter les réformes structurelles demandées par le FMI quitte à bien négocier les conditions de le leur mise en œuvre et le planning de leur exécution.
Pour conclure cet article, j’hésite entre deux conclusions possibles:
– soit rappeler qu’en économie, comme dans tous les domaines de la vie «celui qui n’avance pas recule» et que des petits pays qui n’ont pas davantage de ressource naturelles ou humaines, tels que la Côte d’Ivoire ou le Rwanda ou l’Ethiopie ou même la petite Gambie (1,5 millions d’habitants) arrivent à faire 5 ou même 7% de croissance économique annuelle et sont donc en train de nous rattraper et même de nous dépasser grâce à leur seule bonne gouvernance économique;
– soit parler à notre Président dans le langage qu’il semble comprendre le mieux, celui du bonheur ! Etant donné qu’il n’avait pas hésité à proposer le plus sérieusement du monde de remplacer le calcul du PIB (Produit Intérieur Brut) par un autre PIB (Produit Intérieur du Bonheur), a-t-il pris le temps de lire, entre deux poèmes de Bayram Ettounsi, que, selon The World Happiness Report basé sur des données récoltées par un sondage mondial Gallup dans plus de 140 pays au cours des trois années précédentes, soit de 2022 à 2024, la Tunisie se classe 113e, loin derrière l’Algérie (84e) et même la Libye (79e)?
Post scriptum : les lecteurs et lectrices, que je suis le premier à regretter que mes analyses économiques pessimistes dépriment, peuvent toujours aller sur mon blog «Poèmes de la vie» pour rêver avec moi d’un monde meilleur. Avec sa politique, Kais Saïed peut nous enlever beaucoup de choses, mais ne pourra jamais nous enlever la capacité de rêver !
Sans la signature de l’accord de paix entre la Russie et l’Ukraine, la présence à titre officiel du moindre contingent militaire ne serait-ce que d’un seul des pays membres de l’Otan sur le sol ukrainien vaudra l’entrée directe de l’Alliance de l’Atlantique Nord en guerre contre la Fédération de Russie. Et cela, la plupart des pays de l’Otan le savent très bien qui réfléchiront par deux fois avant de faire le moindre pas en ce sens, malgré les gesticulations de la France et de la Grande-Bretagne. (Ph. L’Union européenne joue toutes ses cartes sur Volodymyr Zelenski).
Oleg Nesterenko *
Quelques jours après que le premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé que le plan de «coalition des volontaires» entrait dans une «phase opérationnelle», le 20 mars dernier, les représentants de la majorité des pays de l’Otan se sont réunis dans les banlieues de Londres pour discuter de la création de «la force de maintien de la paix» en Ukraine et élaborer les plans de son action.
Londres s’attend à ce que plus de 30 pays, dont l’intégralité des membres de l’Otan, prennent une participation dans la nouvelle coalition et apportent leurs contributions.
Lors de ladite réunion, les participants ont convenu que les forces «de maintien de la paix» en Ukraine comprendront autant de troupes terrestres que de forces aériennes et navales. Notamment, des militaires britanniques et français seront déployés tant dans les villes que dans les ports et les infrastructures critiques ; les navires de patrouille et dragueurs de mines de l’Otan opéreront en mer Noire.
De son côté, le 27 mars, Emmanuel Macron a organisé un nouveau sommet à Paris entre Volodymyr Zelensky et ses partenaires de guerre : «On a fait un gros travail avec les Britanniques sur les conditions d’encadrer le cessez-le-feu et donc là, je pense que ça va être l’occasion d’en discuter et de le préciser», a déclaré le président français.
Bien évidemment, en parlant d’une coalition et d’un grand déploiement militaire des forces de l’alliance du Traité de l’Atlantique Nord, ce n’est guère une action d’une durée de 30 jours couvrant le cessez-le-feu proposé par les Etats-Unis d’Amérique qui est en discussion, mais une opération stratégique à long terme.
La grandeur des ambitions des idées exprimées et des plans élaborés par la coalition anglo-franco-centrique ne peut être comparée qu’à la profondeur abyssale de leur coupure de la réalité. Car, jamais aucune force d’aucun pays de l’Otan ne participera dans le prétendu processus de «maintien de la paix» sur le sol de l’Ukraine post-conflit.
Après la remise démonstrative des pays du Vieux continent à leur véritable place – celle des vassaux du maitre outre-Atlantique – par le rejet de leur présence à la table des futures négociations de paix en Ukraine qui n’auront lieu qu’entre les deux réelles puissances en guerre : les Etats-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie – les récentes déclarations des pays-membres du camp en défaite face à la Russie ne sont que des tentatives maladroites et désespérées de sauver les débris restant de leur réputation, en tant que puissances militaires, aux yeux du monde qui les observent d’une manière de plus en plus sceptique.
Contrairement à ces mensonges et illusions propagés depuis la réunion à Londres au sujet des futures actions des prétendues forces du «maintien de la paix» en Ukraine dans la période post-guerre, mon affirmation sur l’impossibilité de la participation des forces armées des pays de l’Otan dans le «maintien de la paix» en Ukraine est sans équivoque et basée sur des fondements juridiques incontournables.
Plusieurs facteurs-clés rendent parfaitement impossible l’initiative occidentale de «contrôler» la paix en Ukraine à la fin du conflit armé.
Sans la signature de l’accord de paix entre Moscou et Kiev, la présence à titre officiel du moindre contingent militaire ne serait ce que d’un seul des pays membres de l’Otan sur le sol ukrainien vaudra l’entrée directe de l’Alliance de l’Atlantique Nord en guerre contre la Fédération de Russie.
Il est connu d’avance via de multiples déclarations de Moscou qui n’ont jamais varié au sujet des rapports entre Kiev et l’Otan : l’une des conditionssine qua non de la signature de l’accord de paix sera l’interdiction signée et ratifiée par la partie adverse de la présence des forces armées du bloc de l’Otan sur le territoire de l’Ukraine.
Soit, juridiquement, c’est bien le Kremlin et personne d’autre qui décidera de la présence du camp ennemi à ses frontières du sud-ouest. Une présence qui n’aura jamais lieu : sa seule menace a été l’une des raisons principales pour Moscou d’entrer en guerre qui dure depuis plus de trois ans.
L’unique moyen de réaliser les fantasmes des dirigeants des pays de l’Otan sur la présence en Ukraine de leurs forces «de maintien de la paix» est celui d’entrer en guerre contre la Russie et de l’importer.
Les casques bleus
Les Casques bleus sont une force qui agit au nom de l’Organisation des Nations unies (Onu) dans le cadre des opérations de maintien de la paix (OMP). Il est donc logique de supposer que leur présence peut avoir lieu en Ukraine post-guerre.
Cela étant, le déploiement d’une telle mission ne peut être décidé que par le principal organe des Nations Unies qui est le Conseil de sécurité. Le Conseil, dont la Fédération de Russie est membre permanent et, à ce titre, dispose du droit de veto lorsque des résolutions doivent être votées.
Ainsi, une fois de plus, c’est bien Moscou qui décidera si la présence des casques bleus en Ukraine aura lieu ou non.
Navires de patrouille et dragueurs de mines en mer Noire
Lors de la réunion de 20 mars à Londres, l’une des décisions qui a été prise était celle de la future présence des navires de patrouille et dragueurs de mines de l’Otan qui opéreront en mer Noire.
Les propagateurs de la désinformation depuis Londres ont «oublié» de parler de l’existence de la convention de Montreux. La convention de Montreux, signée le 20 juillet 1936, détermine l’exercice de la circulation dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore (Turquie), ainsi que dans la mer Noire. Et le §2 de son article 18 est sans équivoque : «Quel que soit l’objet de leur présence en mer Noire, les bâtiments de guerre des Puissances non riveraines ne pourront pas y rester plus de vingt et un jours».
Soit, aucune sérieuse présence supplémentaire de la marine du bloc de l’Otan ne peut y avoir lieu. Hormis celles de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Turquie riveraines qui y sont déjà présentes et peuvent naviguer librement dans leurs eaux territoriales et les eaux internationales – ce qu’elles font depuis toujours.
Les déclarations européennes sur la future présence des navires de l’Otan qui opéreront en mer Noire dans le cadre de «la force de maintien de la paix» en Ukraine ne sont donc que de la rhétorique vide.
La constitution de l’Ukraine
En vue des grossières violations au quotidien de la Constitution de l’Ukraine depuis 2014 et, plus particulièrement, depuis les 3 dernières années par les régimes successifs installés à Kiev, il est presque déplacé de mentionner l’existence d’une Constitution dans ce pays et, encore moins, de mentionner l’existence de l’article 17 de ladite Constitution qui est sans équivoque : «Le déploiement de bases militaires étrangères sur le territoire ukrainien est interdit».
Il est tout à fait certain qu’une violation constitutionnelle de plus, parmi tant d’autres, par le déploiement des forces armées de l’Otan sur le territoire de l’Ukraine serait passé tout à fait inaperçu. De plus que l’existence de la Cour constitutionnelle qui est l’unique organe de juridiction constitutionnelle en Ukraine a été réduite par le régime de Zelensky à n’exister que sur papier.
Post-scriptum : En mettant de côté les fantaisies propagées par la composante européenne de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, revenons à la réalité : d’une manière incontournable, seule la Fédération de Russie peut réellement garantir la paix sur le territoire de l’Ukraine. Il n’y aura aucune paix, si les conditions de sécurité et la prise en compte des intérêts russes exigées par Moscou, durant tant d’années avant-même le déclenchement de la guerre, ne sont pas respectées par le camp-ennemi. Et en mentionnant l’ennemi, ce n’est guère du camp ukrainien qui n’a jamais été qu’un outil périssable entre les mains des tireurs de ficelles anglo-saxons dont je parle.
L’intervention directe et officielle de la moindre composante militaire d’un seul des pays de l’Otan sur le sol ukrainien vaudra directement son entrée en guerre contre la Russie avec toutes les conséquences pour le monde qui en découleront.
Cela étant, si une telle situation a été soigneusement évitée dans les heures les plus sombres du règne belliqueux des «démocrates» sur la Maison Blanche – ce n’est certainement pas demain que cela arrivera dans le cadre des gesticulations archaïques et impuissantes des anciennes puissances européennes, dont «l’âge d’or» a sombré à tout jamais dans l’oubli du passé.
* Président du CCIE, spécialiste de la Russie, CEI et de l’Afrique subsaharienne.
La reprise de la guerre génocidaire israélienne contre Gaza intervient pendant le ramadan et précisément durant les dix derniers jours de ce mois considérés par les musulmans comme les jours les plus saints de l’année mais les Gazaouis n’ont pas le droit de les vivre paisiblement et tranquillement comme leurs coreligionnaires de par le monde, leur quotidien renoue avec le pilonnage sauvage de l’aviation israélienne et de son artillerie, les familles qui sont décimées et les morts qui ne se comptent plus.
Imed Bahri
The Guardian a consacré une enquête à la situation humanitaire désastreuse que vivent les Palestiniens notamment dans les hôpitaux. La salle d’urgence de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa à Deir Al-Balah, dans le centre de Gaza, était pleine quelques minutes après une vague de frappes aériennes israéliennes qui ont violé le cessez-le-feu et environ un tiers des blessés avaient moins de 14 ans, rapporte le journal britannique.
«À aucun moment, il n’y avait moins de 65 personnes aux urgences, toutes avec des plaies ouvertes, la plupart d’entre elles étant des femmes et des enfants. Le sol était couvert de sang», témoigne Mark Perlmutter, un chirurgien orthopédiste bénévole venu des États-Unis, cité par le même journal.
À quelques kilomètres de là, des scènes similaires se sont déroulées à l’hôpital Nasser de Khan Younis. «Il y avait des vagues successives. Dès que les patients mouraient ou étaient transférés, d’autres arrivaient. C’était le chaos», témoigne Tania Haj Hassan, médecin en soins intensifs pédiatriques.
À l’hôpital Nasser, plus de la moitié des blessés adultes admis mardi soir ont été examinés pendant 20 secondes par les chirurgiens. Puis, afin de privilégier ceux dont la vie pouvait être sauvée, la personne qui les avait amenés s’est vu dire qu’il n’y avait rien à faire. Les enfants pour leurs parts ont presque tous été admis même lorsque leurs blessures étaient clairement mortelles.
Des enfants entre la vie et la mort
Le docteur Haj Hassan décrit les scènes d’horreur des arrivées d’enfants entre la vie et la mort: «Ils dormaient et arrivaient en pyjama, emmitouflés dans des couvertures. Souvent, c’étaient des voisins qui les amenaient car leurs parents avaient été tués. C’était horrible. Nous avons dû interrompre la réanimation de plusieurs enfants pour nous concentrer sur celui qui avait encore une chance d’être sauvé».
Selon les responsables médicaux palestiniens, plus de 200 personnes ont été tuées et des centaines blessées pour la seule matinée du mardi 18 mars, jour de la reprise de la guerre. Israël a déclaré avoir bombardé 80 «cibles terroristes» en l’espace de 10 minutes mardi matin ayant visé, selon eux, des dirigeants et des infrastructures militaires clés.
Avec les frappes aériennes et les bombardements continus, le bilan des morts dans l’enclave palestinienne dévastée au cours de la guerre qui dure depuis 18 mois a atteint plus de 50 000, la plupart des femmes et des enfants, avec plus de 113 000 blessés, selon le ministère palestinien de la Santé.
Fayrouz Sidhwa, une chirurgienne traumatologue californienne de 43 ans qui travaille comme bénévole à Khan Younis, rapporte comment elle a dû dire au père d’une fillette de quatre ans que sa fille n’avait plus que quelques minutes à vivre.
Ahmed Al-Farra, chef du service de pédiatrie et d’obstétrique, a déclaré que 300 personnes avaient été transférées à l’hôpital Nasser mardi mais que seules quelques-unes avaient survécu. Environ 85 personnes sont décédées dont une quarantaine d’enfants âgés de 1 à 17 ans. Parmi les victimes se trouvaient un garçon de 10 ans avec une moelle épinière sectionnée, complètement paralysé du cou jusqu’aux pieds et incapable de respirer sans assistance et une fillette de 5 ans avec de multiples blessures par éclats d’obus qui ne pourra probablement plus parler à l’avenir.
«L’âge moyen des enfants déclarés morts à l’hôpital Nasser après la reprise de la guerre la semaine dernière était compris entre six et huit ans et environ 35% de l’ensemble des victimes avaient moins de 14 ans», a rapporté pour sa part Morgan McMonagle, un chirurgien vasculaire irlandais bénévole auprès de l’ONG Medical Aid for Palestine.
Hôpitaux surchargées et manquant de fournitures de base
Malgré tout cela, l’armée israélienne a déclaré dans un communiqué qu’elle s’engageait à atténuer les dommages causés aux civils pendant les opérations et qu’elle était pleinement engagée à respecter toutes les obligations juridiques internationales applicables y compris le droit s’appliquant aux conflits armés.
Bien que 22 des 35 principaux établissements de santé de Gaza soient toujours opérationnels, ils ne fournissent qu’une fraction des services qu’ils fournissaient avant la guerre. Olga Cherevko, porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies à Gaza, a déclaré que toutes ces installations sont surchargées et manquent de fournitures de base.
Le Dr Khamis Al-Eisi, neurologue spécialiste de la douleur à l’hôpital Al-Ahli de la ville de Gaza, a déclaré qu’il n’avait pas assez d’analgésiques pour des centaines de patients atteints de cancer. «À Gaza, des centaines de milliers de personnes souffrent de maladies chroniques. Elles ont besoin de soins appropriés mais les conditions sont désastreuses. Il n’y a pas d’eau potable et les systèmes d’égouts sont complètement détruits. Les gens sont terrifiés», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Israël a continué d’autoriser les évacuations médicales de Gaza, mais seules quelques dizaines de personnes partaient chaque jour et plus de 14 000 ont besoin de soins urgents hors de Gaza».
La plupart des établissements de santé de Gaza disposent désormais de procédures bien rodées pour les incidents impliquant de nombreuses victimes même si celles-ci se sont révélées insuffisantes la semaine dernière. «Nous avons des plans, de bons plans mais le problème est que le nombre de victimes est encore plus élevé que nos plans», a déclaré le docteur Fahd Haddad, directeur médical d’un hôpital de campagne près de la ville de Nuseirat dans le sud de la bande de Gaza.
Cependant, le plus grand défi pour cet homme de 38 ans et ses collègues est de maintenir leur moral après que les espoirs d’un cessez-le-feu permanent ont été anéantis. «Nous nous sommes réveillés ce mardi-là avec les explosions et c’était comme un flashback, 18 mois en arrière, lorsque la guerre a commencé. Nous étions si heureux du cessez-le-feu. La vie était très dure mais au moins, il n’y avait pas de morts», confie Haddad avec inquiétude.