Le président Saïed a déploré le faible nombre de retours volontaires de migrants irréguliers (1544 depuis le début de l’année 2025), appelant les organisations internationales, dont l’OIM, à redoubler d’efforts pour soutenir les initiatives tunisiennes.
«La bataille de libération nationale menée en Tunisie doit être soutenue par l’action diplomatique», a déclaré le président de la République, Kaïs Saïed, lors de sa rencontre, mardi 25 mars 2025, au palais de Carthage, avec le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti.
Le chef de l’Etat, qui a réaffirmé le rôle crucial des ambassadeurs dans la défense des intérêts nationaux, a rappelé les constantes de la politique étrangère tunisienne, notamment l’indépendance de la décision nationale et la diversification des partenariats internationaux. Il a également plaidé pour une évaluation continue du rendement des ambassadeurs tunisiens et au renforcement de la coopération internationale pour faciliter le retour des migrants irréguliers.
«L’enjeu n’est pas de créer de nouvelles ambassades ou de nommer des ambassadeurs, mais d’exiger des résultats tangibles entre la remise des lettres de créance et la fin de la mission», a lancé le chef de l’Etat, laissant ainsi entendre qu’un certain nombre de représentants à l’étranger ne s’inscrivent pas clairement et avec l’efficacité requise dans le processus de réforme globale qu’il a mis en route depuis qu’il a pris entre ses mains tous les leviers du pouvoir dans le pays, le 25 juillet 2021.
Le président a également ordonné une meilleure coordination entre les institutions de l’État pour mieux accompagner les Tunisiens à l’étranger et améliorer les services qui leur sont fournis, avertissant que toute négligence ou manquement de la part des missions diplomatiques envers les citoyens «ne saurait rester impunie».
Evoquant le problème de l’immigration illégale, sujet critique et crucial s’il en est, le président Saïed a déploré le faible nombre de retours volontaires de migrants irréguliers (1544 depuis le début de l’année 2025), appelant les organisations internationales, dont l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), à redoubler d’efforts pour soutenir les initiatives tunisiennes. Il a également souligné l’impérieuse nécessité de renforcer la coopération avec les pays et les organisations concernées pour démanteler les réseaux criminels qui exploitent ces migrants, indique un communiqué de la Présidence de la République.
Le président Saïed est opposé à tout plan de session, totale ou partielle, de Tunisair, et cela se comprend, même si on sait que de nombreuses compagnies aériennes à travers le monde se portent beaucoup mieux après avoir été privatisées. Mais l’Etat tunisien, qui traverse lui-même une grave crise financière, a-t-il les moyens de voler au secours de cette entreprise publique, dans les comptes de laquelle il ne cesse d’injecter de l’argent pour la maintenir artificiellement en vie?
Imed Bahri
Kais Saïed a souligné une nouvelle fois la nécessité de prendre des «mesures urgentes» en vue de mettre fin à la situation qu’endure la compagnie Tunisair et ordonné de mettre sur pied un «plan de sauvetage» afin que celle-ci, avec toutes ses filiales, retrouve au plus vite son éclat et son rayonnement, qui remontent tout de même à très longtemps et dont peu de ses clients se souviennent encore aujourd’hui.
Selon un communiqué de la présidence de la république, qui recevait mardi 25 mars 2025, au Palais de Carthage, le ministre des Transports, Rachid Amri et la chargée de la direction générale de la compagnie aérienne Tunisair, Halima Khaouja, après le départ de son ex-Pdg, Khaled Chelly, poursuivi en justice dans une affaire de corruption, le chef de l’Etat a dénoncé les conditions «inacceptables» à l’intérieur des avions, fustigeant les retards à répétition dans les horaires de desserte des vols.
Des pertes financières énormes
Saïed est revenu aussi sur la situation de la flotte de la compagnie nationale, affirmant que celle-ci comptait par le passé 24 avions avant que ce nombre ne baisse à seulement 10.
Evoquant le dossier de la maintenance technique des avions, le chef de l’Etat a vivement critiqué le temps passé dans la maintenance technique des appareils de Tunisair, affirmant qu’il est estimé à 123 jours en Tunisie alors qu’il ne dépasse pas les 10 jours chez d’autres opérateurs aéronautiques. Une telle situation, a-t-il regretté, coûte à la compagnie des pertes financières énormes estimées à des dizaines de millions de dinars qui auraient dû être exploités dans l’acquisition de nouveaux avions.
Toujours dans le cadre de sa critique de la situation de Tunisair, le chef de l’Etat a déploré les recrutements opérés au sein de cette compagnie qui, a-t-il estimé, sont souvent injustifiés et basés sur le clientélisme et le favoritisme.
Le président Saïed a mis l’accent sur l’impératif de mettre fin au plus vite à cette «hémorragie», réitérant son rejet catégorique de toute tentative visant à céder cette entreprise nationale et l’aéroport Tunis-Carthage ainsi que d’autres biens publics dans les différentes régions du pays, qui ont été sciemment livrés à l’abandon aux fins de les céder ultérieurement moyennant des prix modiques par des lobbies qui les convoitent.
Le chef de l’Etat a, dans ce contexte, souligné que l’aéroport de Tunis-Carthage dispose de plusieurs avantages par rapport à d’autres aéroports, proposant de procéder à son extension afin d’en augmenter la capacité, répondant ainsi à ceux qui proposent de construire un autre aéroport au nord de la capitale, à Utique, entre Tunis et Bizerte, et libérer ainsi le terrain précieux occupé par l’actuel aérodrome situé au cœur de la capitale .
Que le président se penche aujourd’hui sur le dossier de Tunisair, qui traverse une grave crise depuis une quinzaine d’années, est louable en soi, mais suffit-il de reprendre les critiques et les griefs que les médias n’ont cessé d’exprimer au cours des quinze dernières années pour que les problèmes de la compagnie soient résolus ?
Que peut faire le gouvernement ?
Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont tous (ou presque) parlé d’un plan de redressement de Tunisair qui n’a jamais été mis en route, pourquoi ? Qu’est-ce qui empêche la mise en route de ce plan, dont certains détails ont été ébruités par les Pdg successifs ? Va-t-on enfin sortir ce plan des tiroirs de ces chers responsables et le dépoussiérer pour tenter de le mettre en route, ou est-il déjà caduc car dépassé par les événements, la situation de la compagnie ayant continué à se détériorer entretemps ?
Le président de la république est opposé à tout plan de session, totale ou partielle, de Tunisair, et cela se comprend, même si on sait que de nombreuses compagnies aériennes à travers le monde se portent beaucoup mieux après avoir été privatisées. Mais l’Etat, qui traverse lui-même une grave crise financière, a-t-il les moyens de voler au secours de Tunisair, dans les comptes de laquelle il ne cesse d’injecter de l’argent pour la maintenir artificiellement en vie?
C’est à ces questions qu’on aimerait voir la cheffe du gouvernement et le ministre des Transports répondre, car il ne suffit pas de prêter une oreille attentive aux recommandations présidentielles et d’opiner de la tête, comme le font souvent ces chers responsables, pour que les problèmes soient enfin résolus.
Nous attendons des décisions claires, un véritable plan de restructuration et un échéancier pour sa mise en route. Car le temps presse, la compagnie continue de s’enliser et les Tunisiens en ont marre d’attendre un hypothétique redressement auquel ils ne croient plus vraiment.
De petits groupes de criquets pèlerins ont été récemment aperçus dans le sud de la Tunisie, suite aux vents du sud ayant soufflé sur la région, a fait savoirle ministère de l’Agriculture dans un communiqué publié le 14 mars 2025, ajoutant que les opérations de surveillance et de suivi se poursuivent et que «la situation est sous contrôle». Occasion pour parler de ce fléau que notre pays connaît depuis des millénaires comme en témoigne la recherche historique, évoquée ici par l’auteur.
Hédi Fareh *
La sauterelle était toujours considérée comme un fléau «avorteur» et menaçant. Tous les pays tropicaux et subtropicaux en souffraient périodiquement. Les vagues ravageant de sauterelles causèrent des pertes matérielles très importantes. Les sources grecques, latines et arabes nous ont laissé une matière assez riche concernant le grand nombre d’invasions qui étaient, le plus souvent, suivies de famines et d’épidémies décimant les régions envahies par les acridiens.
Les recherches actuelles ont montré que presque tout le continent africain, à l’exception des parties centrales, boisées et humides, était soumis aux invasions de la sauterelle. On en distinguait plusieurs espèces. Les acridiens migrateurs appartiennent à la famille des Orthoptères sauteurs, qui comprend les locustides (ou sauterelles) et les acrides (ou criquets). Parmi les locustides, on ne compte aucune espèce nuisible. Quant à la famille des acrides, elle comprend deux types : les grands migrateurs et les petits migrateurs (Direction générale de l’Agriculture, «Les sauterelles», Revue Tunisienne, 1915, p. 155-190).
Les espèces dont les invasions étaient à redouter dans l’Afrique du Nord incarnaient le criquet pèlerin et le criquet marocain. Ce dernier type concernait surtout le Maroc et la partie occidentale de l’Algérie. La Tunisie, elle, subissait surtout l’invasion du criquet pèlerin, qui concernait la plus grande partie de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe méridionale, l’Italie en l’occurrence.
La vie larvaire et nymphale du criquet connaît six périodes. À partir de la 4e période, qui dure entre 7 et 8 jours, c’est-à-dire du 18e ou 20e jour au 26e ou 27e jours après la naissance, les criquets montrent la plus grande activité et la plus grande voracité et forment les colonnes les plus redoutées dévastant tout sur leur passage. Pendant la 5e période, les criquets seront de plus en plus dangereux et ils forment des fois des colonnes de 4 et 5 Km de front sur 20 à 30 Km de profondeur, dévastant tout sur leur passage. Au cours de la 6e période, entre le 45e et le 50e jour, la mobilité et la voracité du criquet atteignent le maximum de développement : les colonnes parcourent jusqu’à 2 Km par jour et causent des dégâts considérables.
Contrairement aux jeunes, les criquets plus âgés montrent une voracité extraordinaire puisqu’un criquet pourrait manger l’équivalent de son poids, soit deux grammes par jour. Les criquets dévorent l’herbe. Mais les arbustes et les arbres les plus élevés n’en sont pas épargnés : les criquets ravagent les feuilles, l’écorce et les jeunes rameaux. Toutes les plantes cultivées, surtout les plus tendres d’entre elles, constituent une nourriture de prédilection pour le criquet.
Les témoignages historiques et archéologiques
Les contrées de l’Afrique du Nord étaient sous la menace de nuages de sauterelles avant et pendant la période romaine ainsi que pendant les périodes postérieures. L’apparition de la sauterelle est conditionnée par des phénomènes climatiques, surtout la sécheresse. En effet, c’est celle-ci qui orientait les sauterelles vers les contrées qui se trouvaient au nord du Sahara. Les sources anciennes confirmèrent cette constatation (Strabon, Géo., XVII, 3, 10).
Nos références littéraires sur la sauterelle en Afrique sont, en effet, très anciennes. Nous savons, par l’intermédiaire d’Hérodote (Histoire, Livre IV), que les Nasamons étaient non seulement des chasseurs de sauterelles mais qu’ils étaient aussi acridophages. C’étaient des acridiens sans ailes (?) que dévoraient à satiété, d’après Discoride, les indigènes de la région de Lepcis Magna (des Maces ?) mais qui n’étaient pas très loin des Nasamons.
En 125 avant J.-C., d’après les sources, arrivaient des colonnes de sauterelles dont les ravages atteignaient l’extrême nord de l’«Africa Proconsularis». En effet, l’historien tardif d’Orose (385-420 après J.-C.) nous présenta les deux cités d’Utique et de Carthage dévastées par les sauterelles (Orose, Historia contra pagano, V, II, 1-3).
Diodore de Sicile évoqua des méthodes utilisées par les habitants de l’Afrique orientale pour chasser la sauterelle. Pline l’Ancien (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, VIII, 104), en se référant à Varron, nous informa que des Africains durent abandonner leur ville ou territoire après une invasion acridienne. Il parla aussi de la nature de la sauterelle, de sa reproduction, de sa ponte, de ses nuées et de ses ravages ainsi que des méthodes de lutte contre elle (Pline l’Ancien, XI, 101).
Pour l’Antiquité tardive, Synésios de Cyrène (Lettres, XLI-XLII) évoqua une invasion de sauterelle infestant la Cyrénaïque en 411-412 ap. J.-C. La catastrophe cyrénéenne pourrait toucher les provinces africaines eu égard à la proximité géographique des deux contrées.
Pour la période byzantine, le poète africain Corippus (auteur d’un poème, la Johannide, en huit chants et de 4700 vers) mentionna (Joh., II, 196- 203), plus d’une fois, le danger acridien et insista sur les effets des invasions de sauterelles sur l’homme et son milieu.
Il s’agit aussi de la sauterelle dans d’autres sources littéraires que nous n’avons pas pu consulter. L’épigraphie nous informe sur la catastrophe acridienne. Nous avons inventorié au moins cinq textes épigraphiques, trouvés tous en Proconsulaire, qui témoignent de la gravité de cette calamité pendant l’époque romaine. Le premier texte, le plus ancien, qui datait de l’année 48-49 après J.-C., était trouvé à Thugga. Il commémorait la carrière d’un curateur chargé de lutter contre la sauterelle. Rédigé dans la langue d’Homère, le deuxième texte (une célèbre inscription magico-religieuse trouvée dans la région de Bou Arada) avait pour but l’éloignement et la neutralisation (d’un domaine) de tous les avorteurs, y compris des essaims des criquets malfaisants.
Fig. 1 – Détail. Fig.1.
Quant au troisième texte, il concerne une inscription (CIL, VIII, 3657), trouvée à Lambaesis, qui commémore le nom d’un certain Lucustaruis. Il s’agit probablement d’un préposé chargé – pas forcément par l’État – d’organiser la «guerre» contre la sauterelle à l’instar de ce curator lucustae de Thugga.
La sculpture romano-africaine nous fournit quelques monuments figurés où la sauterelle est présente ; elle avait une valeur sans doute prophylactique. En la sculptant sur les monuments, le sculpteur (ou le commanditaire), voulait neutraliser ses méfaits nuisibles. Avec une valeur apotropaïque, le même insecte meuble le giron que forme la robe d’un Priape ithyphallique, d’Aïn Djeloula (l’ancienne Cululis) qui est aujourd’hui exposé au musée archéologique de Sousse (fig. 1).
En Numidie, à Thamugadi, il s’agit de cet insecte sur une stèle dédiée à Saturne : «en représentant une sauterelle sur cette pierre dédiée à Saturne, c’est le fléau acridien dans toute son ampleur que veut neutraliser le dédicant». Il en est de même pour la mosaïque où nous remarquons la présence de plusieurs ravageurs : criquets, grives, reptiles…
La sauterelle avorteuse des moissons
Il est évident que la sauterelle, partout où elle passait, semait l’horreur et la peur, car elle était considérée comme un ennemi fatal et inéluctable pour toute sorte de récoltes.
En effet, la sauterelle dévorait tout ce qui se trouvait sur son passage, avec une prédilection pour les plantes vertes, tendres et délicates. De surcroît, les criquets dévoraient généralement l’herbe et notamment les petites graminées (gazon, céréales…); mais ils grimpaient aussi aux arbustes et aux arbres les plus élevés qu’ils dépouillaient de leurs feuilles, de leurs écorces et de leurs jeunes rameaux. Ils dévoraient à peu près toutes les plantes cultivées, accordant la préférence à celles qui présentaient des organes jeunes et tendres. Nous trouvons l’écho de ces lignes dans l’inscription de Bou Arada commentée plus haut.
Les ravages des sauterelles sont évoqués par plusieurs sources littéraires qui concernent l’Afrique du Nord, que ce soit pendant la période romaine ou les périodes postérieures (A. Saadaoui, 1982, Les calamités et les catastrophes naturelles dans le Maghreb médiéval). Pour la période romaine, les textes des agronomes et des naturalistes étaient assez prolixes. Pline l’Ancien, par exemple, nous informa que «certains Africains avaient dû abandonner le territoire qu’ils occupaient après les ravages des sauterelles». Plus tardif, Orose mit l’accent sur une invasion infestant, fort probablement, toute l’Afrique en 125 av. J.-C., atteignant même les villes côtières, Carthage et Utique, entre autres. La description de Corippus des ravages des criquets nous paraît très expressive montrant à la fois les ravages nocifs de l’insecte, d’un côté et la peur des agriculteurs de perdre leurs récoltes face à cette catastrophe, de l’autre : «le cœur des paysans indécis tremble d’effroi : ils craignent que cet horrible fléau n’anéantisse les moissons, qu’il ne ravage les fruits délicats et les jardins verdoyants, ou ne blesse l’olivier en fleur aux tendres rameaux» (Joh., 196-203).
Les sources arabes parlent, elles aussi, de ravages acridiens infestant l’Ifriqiya. Ces données sont conformes à celles que nous devons aux sources antiques. La sauterelle dévorait les céréales, les vignobles et l’olivier, soit trois produits constituant le substrat de l’économie ancienne. En effet, en cas où les ravages de sauterelles avorteraient la récolte céréalière, la famine ou, du moins, la disette en seraient une conséquence immédiate, non seulement en Afrique, mais aussi à l’Urbs.
Habituellement, les sauterelles commencèrent leur conquête avec l’arrivée du printemps ou peu avant, c’est-à-dire vers une époque où les agriculteurs attendraient la maturité de leurs récoltes (surtout les céréales) ou pendant le bourgeonnement des plantes cultivées, surtout la vigne et l’olivier. L’arrivée des sauterelles augurait donc d’une catastrophe horrifiante.
Fig.2. Fig.3.
L’iconographie nous offre quelques représentations de la sauterelle ravageant les récoltes. Il s’agit, entre autres, de quelques mosaïques à thèmes dionysiaques montrant le dieu, souvent avec son cortège, au milieu d’un paysage dominé par des vignes chargées par leurs grappes lourdes et par des amours vendangeurs (fig. n°2). Nous avons l’impression que les mosaïstes voulaient nous dire que les vignes avaient conservé leurs grappes très lourdes, dont parlèrent plusieurs sources (Strabon, XVII, 3, 5), malgré les menaces des ravageurs (criquets, grives, lapins, etc.).
Dionysos, dieu du vin et de la vigne, était aussi, en Afrique, le dompteur et le vainqueur des ravageurs : il les neutralisa et les rendit incapables d’avorter la récolte viticole. Il nous semble aussi qu’à l’image d’Apollon en Grèce, Dionysos fut le dieu chargé de détourner la sauterelle en Afrique, pendant la domination romaine. En effet, cette hypothèse pourrait justifier cette représentation de la sauterelle avec le dieu Dionysos sur plusieurs tableaux de mosaïques : il s’agit, par exemple, de cette mosaïque ornant jadis les thermes de Bir el Caïd, situés légèrement au sud/sud-est de la Qasba de Sousse, où nous voyons, sur un champ formé d’un semis de branchages, divers personnages et animaux. En bas du champ, nous voyons, selon toujours L. Foucher, un jeune homme blond ailé. L’auteur pense qu’on a affaire à un Shadrapa qui s’est mis à genoux pour mieux attraper une sauterelle (fig. n°3).
Une autre mosaïque, trouvée à Thysdrus et dite Grande mosaïque au Silène, nous présente Silène avec des amours vendangeurs, quelques volatiles et des sauterelles, au moins quatre dont une attaque une grappe de raisin (fig. n°4 a et b). Une autre mosaïque de Thysdrus (conservée au Musée du Bardo) illustre le triomphe de Dionysos dans un décor de vignes. Sur cette mosaïque, nous pouvons aisément voir, de par le dieu, le cortège et les amours, quelques ravageurs (sauterelles, grives, reptiles, lapins).
Fig.4. Fig.5.
Les sauterelles répandaient famines et épidémies
Certes, l’homme saharien trouva dans la sauterelle un repas gratuit et abondant couvrant une période assez longue (après sa préparation, la sauterelle peut être consommée même après six ou sept mois (Hérodote, Histoire, Livre IV)). Mais, les criquets, avant d’être consommés, avaient déjà tout dévoré sur le passage. Devant une telle situation, les Romains n’hésitaient pas à recourir aux livres sibyllins, par crainte de la famine (Pline l’Ancien, XI, 105).
En plus de la famine, les ravages acridiens contribuaient à l’élévation des prix qui pourraient atteindre un stade très élevé. C’était la même chose au Moyen Âge, où les sources évoquèrent les nuages de sauterelles et concomitamment la hausse des prix. Ce fut le cas, par exemple, en : 1136-1137, 1220-1221, 1280-1281, ainsi que dans plusieurs autres cas mais sans pouvoir fournir de précisions chronologiques (Saadaoui, p. 78-79).
En fait, la famine et les disettes constituaient de véritables causes de l’apparition et de l’expansion des épidémies et peut-être même des épizooties susceptibles de transmettre la maladie à l’Homme (la «peste» de 125 av. J.-C. par exemple?).
Somme toute, il est évident que les criquets constituent une catastrophe naturelle inéluctable infestant à la fois l’homme et son milieu. Ils engendrent des catastrophes d’ordres :
– naturel (dégradation de la couverture végétale, aridification et désertification);
– biologique (car la sauterelle ravageait la faune entourant l’homme, surtout le bétail et même les animaux sauvages, puis l’homme lui-même par la diffusion de la famine et des épidémies incurables dues à la contagion ou à la sous-alimentation);
– psychologique, d’où cette appréhension de la famine, expressivement déclarée par Corippus (II, 198), et de la mort à tel point que l’agriculteur préférait parfois garder les semences chez soi que les ensevelir sous terre et les exposer pour une récolte non assurée. Pour cela, l’agriculteur se trouva obligé de chercher ou d’inventer des moyens lui permettant de lutter contre une telle catastrophe.
Comment lutter contre les sauterelles ?
Homère nous enseigna sur la plus ancienne méthode utilisée pour combattre la sauterelle : combattre ces insectes avec des barrières de feu (Homère, Iliade, XXI, 12-14, t. IV, Chants XIX-XXIV). Il s’agit de la même technique décrite par Diodore de Sicile et adoptée par les habitants de l’Afrique orientale (Diodore de Sicile, III, 29, 2-3). En Cyrénaïque, un tel danger poussa les autorités à décréter une loi ordonnant à la population la destruction des œufs de criquets, des sauterelles adultes et bannissant très sévèrement les contrevenants (Pline l’Ancien, XI, 105-106).
Selon Strabon (Géographie, 3, 4, 17), les Romains de Cantabrie devaient payer une prime aux chasseurs de rongeurs. La réaction officielle est visible aussi à travers l’affectation de préposés chargés de diriger des opérations contre ce fléau qui attaquait la région surtout pendant le printemps. Ce fut le cas dans l’ancien territoire de Carthage, à Dougga où un tel danger incita les autorités de la ville à nommer un cur(ator) lucustae (curateur de la sauterelle) sur la pertica de Carthage en 48-49 de l’ère chrétienne.
À peu près 19 siècles plus tard, nous remarquons la même réaction de l’État à cette même catastrophe. En fait, les mêmes causes produisant les mêmes effets, au printemps de 1932, les autorités décidèrent la constitution d’un comité local de lutte à Gabès pour arrêter une invasion acridienne menaçant de détruire l’oasis.
D’autre part, l’onomastique nous autorise à dire qu’il y avait des préposés chargés de la lutte contre la sauterelle, éparpillés et répandus çà et là dans les régions menacées. Par exemple, le surnom de Lucustarius, attesté à Lambèse, pourrait se rapporter à quelqu’un qui aurait lutté contre les sauterelles.
Entre autres solutions adoptées par les Anciens pour lutter contre le fléau acridien convient-il de mentionner la magie ? En effet les propriétaires ou les colons avaient recours à cette pratique pour protéger leurs champs et surtout pour garantir et sauver leurs moissons et les protéger des sauterelles et de toute autre catastrophe. N’était-ce pas le cas à Bou Arada où, pour neutraliser le danger acridien, on a dû demander la protection magico-divine de neuf dieux; c’était aussi le cas de Furnos où les tablettes de bronze mentionnent clairement la sauterelle.
Quoi qu’il en soit, la sauterelle constituait, hier comme aujourd’hui, une catastrophe nécessitant une intervention officielle. Cette catastrophe s’aggrave encore quand elle s’accompagne d’une famine ou d’une épidémie.
* Professeur à laFaculté des lettres et des sciences humaines de Sousse.
Bibliographie :
J. Desanges, 2006, «Témoignages antiques sur le fléau acridien», in J. Jouanna, J. Leclant et M. Zink ed., L’Homme face aux calamités naturelles dans l’Antiquité et au Moyen Age, Paris, p., 224.
H. Fareh, 2017, Catastrophes naturelles, famines et épidémies en Afrique du Nord antique (146 avant J.-C. – 698 après J.-C.). Thèse de doctorat inédite, FLSH de Sousse.
H. Fareh, 2021 «Maux et fléaux en Byzacène (146 av. J.-C. /698 ap. J.-C.)». In : A. Mrabet (éd.), 2021, Byzacium, Byzacène, Muzaq : Occupation du sol, peuplement et modes de vie. Actes du VIe colloque international du Laboratoire de Recherche : «Occupation du sol, peuplement et modes de vie dans le Maghreb antique et médiéval», p. 397-423.
N. Ferchiou et A. Gabillon, 1985, «Une inscription grecque magique de la région de Bou Arada (Tunisie), ou les 4 plaies de l’agriculture antique en Proconsulaire», dans BCTHS, ns. Fasc. 19B, p.109-125.
Légende des figures :
Fig. 1. Priape ithyphallique (Musée de Sousse, cliché H. Fareh).
Fig. 2. La sauterelle de Thysdrus, mosaïque conservée in situ (cliché H. Fareh).
Fig. 3.Un jeune génie ailé essayant d’attraper une sauterelle (Musée de Sousse, cliché H. Fareh).
Fig. 4 a et b. Mosaïque dionysiaque (Eljem) avec la représentation de la sauterelle (cliché H. Fareh).
Nous fêterons demain, jeudi 27 mars 2025, le 5e anniversaire de la mort de l’ancien Premier ministre Hamed Karoui. L’auteur, qui l’avait connu de près, rend hommage ici à cette figure majeure de l’histoire tunisienne contemporaine, dont le parcours mérite d’être mieux connu et célébré. Car il reste une source d’inspiration pour tous les Tunisiens. *
Foued Mouakhar
Le 27 mars 2020, la Tunisie a perdu l’un de ses plus grands serviteurs : le Dr Hamed Karoui. Homme d’une intégrité légendaire, d’une modestie exemplaire et d’un dévouement sans faille. Il a consacré sa vie à son pays, tant dans la lutte pour l’indépendance que dans la construction de la Tunisie moderne. Ce témoignage vise à éclairer une jeunesse souvent peu informée des pages glorieuses de notre histoire, en retraçant le parcours exceptionnel de cet homme qui a marqué son époque par son engagement et son humilité.
Origines familiales
Hamed Karoui est né le 30 décembre 1927 dans une famille tunisienne respectée. Son père, Belhassen Karoui, appartenait à une lignée de magistrats, tandis que son oncle, feu Mohamed Karoui, est considéré comme l’un des pères fondateurs du Code du statut personnel, une pierre angulaire de la modernisation de la Tunisie. Sa mère, Lalla Aïchoucha Nour Eddine, était une femme de caractère, connue pour son authenticité, sa détermination et sa douceur.
Dès son enfance, Hamed Karoui est imprégné des valeurs de justice, de rigueur et de service public. Ces principes guideront toute sa vie, tant dans son engagement politique que dans sa carrière médicale.
A gauche de Taieb Mehiri.Scout : debout, 2e à partir de la gauche.
Engagement précoce
Dès son plus jeune âge, Hamed Karoui s’engage dans la lutte pour l’indépendance de la Tunisie. Il rejoint les Scouts Tunisiens, où il gravit les échelons pour devenir chef de la région du Sahel. Cette expérience forge en lui un esprit de leadership et de discipline, tout en renforçant son attachement à la cause nationale.
Dans les années 1940, alors qu’il est encore lycéen, il rejoint secrètement le Néo-Destour, le parti nationaliste dirigé par Habib Bourguiba. Malgré son jeune âge, il participe activement à des actions de sensibilisation, de collecte de fonds et de diffusion clandestine de la presse nationaliste, notamment le journal Al-Kifah (La Lutte). Ces activités, bien que risquées, témoignent de son engagement précoce et de sa détermination à libérer la Tunisie du joug colonial.
Militant du Néo-Destour à Paris.Militant de l’Uget à Paris.
Combat pour l’indépendance
En 1946, Hamed Karoui obtient son baccalauréat et part étudier la médecine à Paris où il continue son combat pour l’indépendance, cette fois sur le sol français. Il devient président de la cellule destourienne de Paris. Une position stratégique qui lui permet de mobiliser les étudiants tunisiens et de sensibiliser l’opinion publique française à la cause tunisienne.
Avec ses camarades, il fonde l’Union générale des étudiants tunisiens (Uget). Une organisation qui joue un rôle crucial dans la lutte anticoloniale. Elle devient une plateforme pour internationaliser la cause tunisienne, en établissant des liens avec des étudiants maghrébins, arabes et africains.
Président de l’Etoile du Sahel, avec Abdelmajid Chettali à sa droite.A gauche de Habib Bourguiba, avec Bechir Ben Yahmed, Bibi Junior et Taieb Mehiri.
Karoui représente l’Uget lors de conférences internationales à Prague et Colombo, contribuant à faire entendre la voix de la Tunisie sur la scène mondiale.
En parallèle, Karoui et ses camarades utilisent les médias français pour dénoncer les exactions coloniales. Ils organisent des campagnes médiatiques autour d’événements comme les incidents de Sousse, Téboulba et Tazerka… amplifiant ainsi la pression sur le gouvernement français. Leur stratégie de communication habile, inspirée de la méthode bourguibienne de «l’alliance du dialogue et de la pression», contribue à affaiblir le moral du colonisateur et à accélérer la marche vers l’indépendance.
Médecin et bâtisseur de la nation
Juste à l’aube de l’indépendance, Karoui obtient son doctorat en médecine et se spécialise en pneumologie. Animé par la volonté de contribuer à la reconstruction du pays, il rentre immédiatement en Tunisie et entame une carrière médicale.
Il lance une campagne nationale contre la tuberculose, une maladie alors endémique en Tunisie. Chaque vendredi, il ouvre les portes de son cabinet privé pour offrir des consultations gratuites aux patients démunis, venus de toutes les régions du Sahel. Il dirige également le service de pneumologie à l’hôpital Farhat Hached de Sousse, tout en maintenant un rythme de travail effréné.
Avec Saddam Hussein.Avec Jacques Chirac.
Au service de Sousse et de la Tunisie
Parallèlement à sa carrière médicale, Karoui s’engage en politique. Il devient maire de Sousse, député, et vice-président du Parlement. Sous son mandat, Sousse se transforme en un pôle touristique, industriel et culturel majeur. Il contribue à la modernisation de la ville, tout en préservant son patrimoine historique.
Sur le plan national, Karoui occupe plusieurs postes ministériels, dont celui de Premier ministre sous le président Zine El Abidine Ben Ali de 1989 à 1999. Pendant cette période, il joue un rôle clé dans la stabilisation du pays et la mise en œuvre de réformes économiques et sociales. Malgré les défis, il reste fidèle à ses principes d’intégrité et de modestie, refusant tout privilège indu et vivant simplement.
Avec Yasser Arafat.Avec Hafedh Assad.
Un modèle de service désintéressé
Tout au long de sa carrière, Karoui est reconnu pour son intégrité et sa discrétion. Il refuse de se mettre en avant, affirmant souvent : «Je n’ai fait que mon devoir sacré envers mon pays.» Cette humilité, alliée à une rigueur et une ponctualité légendaires, en fait un modèle pour ses pairs et pour les générations futures.
Même après sa retraite, Karoui continue à servir son pays discrètement. En 2013, face à la dérive de la Tunisie, il lance le Mouvement Destourien pour redonner espoir aux Tunisiens et transmettre son héritage politique à la jeune génération. Il soutient des figures comme Abir Moussi, qu’il considère comme une digne héritière de l’esprit destourien.
Avec Abir Moussi.Avec Nelson Mandela.
Héritage et postérité
Hamed Karoui restera dans les mémoires comme un patriote intègre et dévoué, dont la vie et les actions ont grandement contribué à l’indépendance et au développement de la Tunisie. Son engagement sans faille, sa modestie et son refus de toute forme de reconnaissance personnelle en font un modèle pour les générations futures.
En cette période de turbulences, son parcours nous rappelle l’importance de l’intégrité, du service désintéressé et de l’amour de la patrie. Puissent les jeunes Tunisiens s’inspirer de son exemple pour bâtir un avenir meilleur.
* Une version complète de cet article peut être consultée sur la page Facebook de l’auteur.
Erdogan a peut-être gagné une manche en incarcérant Imamoglu, son potentiel vainqueur lors des prochaines présidentielles en 2028. Mais ce ne sont pas les répressions qui étouffent les révolutions. C’est la perte de contrôle du récit. Et c’est là que tout se joue.
Manel Albouchi *
J’étais en séance avec un cadre dirigeant. Il se plaignait : «Madame, je suis directeur, mais ils ne m’écoutent pas. J’ai l’impression qu’ils obéissent à un autre leader que je ne connais pas !» J’ai souri : « Ah… C’est la première fois que vous entendez parler de l’État profond dans votre propre entreprise?»
Il y a toujours un pouvoir derrière le pouvoir. Une ombre derrière l’autorité officielle. Ce qui se passe en Turquie aujourd’hui, ce n’est pas simplement une question de politique ou d’élections. C’est une question de mécanique du pouvoir, de ces forces invisibles qui, comme dans un bureau où les employés n’écoutent plus leur directeur, décident en silence de qui règne vraiment.
Le piège du pouvoir visible
Recep Tayyip Erdogan le sait mieux que personne. Il a lui-même été arrêté lorsqu’il était maire d’Istanbul, pour avoir récité un poème jugé subversif. Ironie du sort, c’est précisément cette arrestation qui a renforcé son aura et lancé sa carrière politique nationale. Alors pourquoi reproduire ce schéma aujourd’hui avec Ekrem Imamoglu, l’actuel maire d’Istanbul?
Soit Erdogan se trompe. Soit il sait exactement ce qu’il fait. Et là, la lecture change.
Une arrestation spectaculaire ? C’est la meilleure façon de transformer un adversaire en martyr. Et qui dit martyr dit héros. Erdogan, qui a construit sa carrière en jouant sur l’image du leader persécuté, sait que la politique ne se limite pas à la répression brute. Il joue avec le feu, avec cette frontière ténue entre écraser un rival et lui donner une dimension mythique.
Alors, quel est son calcul? Cherche-t-il à tester la résistance du système que lui-même domine, à forcer une réaction de la population pour mieux la réprimer ensuite ? Ou, au contraire, à imposer l’idée que le jeu démocratique est faussé d’avance, pour pousser à la résignation et tuer dans l’œuf toute tentative de changement ?
Le pouvoir qui ne dit pas son nom
Michel Foucault nous apprend que le pouvoir n’est jamais une simple question de domination frontale. Il est diffus, insidieux, incorporé dans les structures, dans les discours, dans les normes. L’État profond, ce n’est pas une organisation secrète qui tire les ficelles dans l’ombre. C’est plus subtil.
C’est un mode de fonctionnement, un tissu d’habitudes et d’alliances invisibles qui fait qu’un président peut être élu, mais ne jamais avoir réellement le contrôle. Que des institutions peuvent exister, mais ne jamais être fonctionnelles. Que le peuple peut voter, mais que le résultat soit déjà verrouillé ailleurs.
Si Imamoglu inquiète le régime, ce n’est pas seulement parce qu’il pourrait gagner des élections. C’est parce qu’il menace un équilibre invisible, celui qui garantit que, quoi qu’il arrive en surface, rien ne change en profondeur.
Où se joue la vraie bataille ?
Il y a une leçon à retenir, pas seulement pour la Turquie, mais pour toutes les sociétés contemporaines : le pouvoir réel ne se voit pas.
Dans une entreprise, ce n’est pas toujours le PDG qui décide, mais peut-être son conseiller de l’ombre, ou le réseau informel des cadres intermédiaires qui filtrent l’information.
Dans un pays, ce n’est pas toujours le président qui contrôle tout, mais les forces économiques, les services de renseignement, la bureaucratie enracinée qui survit à tous les régimes.
Et si Erdogan arrêtait İmamoglu précisément pour montrer qu’il en avait encore le pouvoir? Comme un directeur qui crie plus fort parce qu’il sent que son autorité lui échappe.
Mais alors, si tout est si verrouillé, où se situent les failles? Là où le pouvoir croit avoir gagné, dans l’excès de contrôle. À trop montrer sa force, il trahit sa peur. Un pouvoir sûr de lui n’a pas besoin d’écraser.
Erdogan a peut-être gagné une manche. Mais si Foucault a raison, ce ne sont pas les répressions qui étouffent les révolutions. C’est la perte de contrôle du récit. Et c’est là que tout se joue.
Le pouvoir est un jeu d’illusions. Tant que tout le monde croit que l’histoire est écrite d’avance, rien ne change. Mais quand la réalité commence à diverger du récit officiel… alors, tout devient possible.
A l’occasion du Ramadan, le mausolée d’Ali Ibn Ziad Al-Tounsi, devant le siège du gouvernorat, dans la Médina de Tunis, s’est transformé en un lieu privilégié pour les habitants et les touristes.
Une collection unique de manuscrits rares du Coran tunisien constitue l’exposition «Le Saint Coran en Tunisie», un événement promu par le ministère des Affaires religieuses pour célébrer le Ramadan, souligner le lien profond du pays avec le texte sacré de l’Islam et valoriser le patrimoine islamique et culturel tunisien.
Visiter l’exposition, c’est comme plonger dans le passé. Jusqu’à la fin du mois, en effet, il sera possible d’admirer des manuscrits du Coran datant d’il y a 330 ans, chacun ayant une particularité à offrir. Il existe des textes écrits sous l’Empire ottoman, des pages enluminées d’encre dorée qui brillent sous les lumières, et même des documents qui préservent le sanad tunisien, la tradition orale avec laquelle le Coran se transmettait de voix en voix. Ce ne sont pas seulement des livres, mais de véritables chefs-d’œuvre, accompagnés de légendes qui expliquent tout : des différents styles de calligraphie – comme le raffiné khatt maghribi ou le caractéristique khatt zaytouni – jusqu’aux variantes de lecture, de Qaloon à Rashsh et Hafs.
Et puis il y a Mohamed Najib Zaalouni, un maître en calligraphie qui a fait valoir son talent. Ses œuvres sont des sourates entières du Coran écrites avec une précision étonnante, presque comme pour rappeler à quel point les mots peuvent devenir de l’art.
Le maître a également aménagé un petit coin créatif, sorte de laboratoire où l’on respire le parfum de l’encre et de la patience.
Ce n’est pas seulement une exposition, mais aussi un voyage. Il raconte comment le Coran tunisien a évolué au fil du temps, des feuilles manuscrites aux imprimés d’aujourd’hui, et nous rappelle une histoire qui, surtout en ce mois de Ramadan, veut continuer à vivre. C’est une invitation à s’arrêter, à regarder attentivement, à découvrir un patrimoine qui mêle foi, beauté et mémoire.
La Tunisie fait les premiers pas vers la mise en œuvre de sa stratégie nationale sur l’hydrogène vert, qui mettra également l’accent sur les énergies renouvelables d’une façon générale. Il s’agit de construire à court terme une usine de production d’ammoniac vert pour le secteur des engrais destinés au marché local.
Le retrait attendu du phosphogypse de la liste des déchets dangereux et de son reclassement en produit à valeur ajoutée et l’exonération, également attendue, du Groupe chimique tunisien (GCT), principal partenaire dans la mise en œuvre de la stratégie de l’hydrogène vert, de la TVA sur les intrants d’engrais destinés au marché local, font partie de ces mesures.
La Tunisie se lance dans la mise en œuvre d’une vision stratégique à l’horizon 2050 qui vise à faire du pays un exportateur net d’hydrogène vert (H2g) et donc un élément de l’épine dorsale hydrogène de l’Union européenne (UE).
Selon cette vision, la Tunisie serait en mesure d’exporter environ 6,3 millions de tonnes (Mt) de H2 par an d’ici 2050 vers l’UE via des pipelines et de fournir environ 2 Mt au marché local, sous forme de H2G ou de sous-produits tels que l’ammoniac vert, le méthanol vert et les carburants synthétiques verts.
Parmi les projets prévus figure la création de la première usine de production d’ammoniac vert dans la zone sud, près du gouvernorat de Gabès. Cette région, qui souffre d’une pollution généralisée causée par l’industrie du phosphate depuis les années 1970, sera une «vallée de l’hydrogène H2» où un écosystème sera créé pour la production et la demande de H2G et de sous-produits avec «un effet multiplicateur d’opportunités commerciales et de projets», lit-on dans le document stratégique.
Appui important de l’Union européenne
Selon la même source, la Tunisie sera appuyée par la Banque européenne d’investissement (BEI), le Fonds européen de développement durable plus (FEDD+) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) dans l’exécution de projets structurants dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert.
La première phase comprendra la création d’un parc photovoltaïque de 8 mégawatts (MW) connecté au réseau électrique national, d’une unité de dessalement d’eau de mer, d’un électrolyseur et d’une unité de synthèse d’ammoniac Haber-Bosch, un procédé chimique qui permet de fixer l’azote en grande quantité et à faible coût.
Ces projets seront implantés à l’usine GCT de Gabès (zone industrielle de Ghannouch).
Le parc photovoltaïque sera construit sur un site, situé à l’ouest de la ville de Ouedhref, à proximité de l’usine GCT et du réseau électrique de la Steg afin de faciliter le transport de sa production électrique.
La stratégie tunisienne de l’hydrogène vert est soutenue par l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi) et l’Agence allemande de coopération internationale (Giz) et sera mise en œuvre dans le pays en collaboration avec le GCT.
Les différents aspects de la coopération entre la Tunisie et l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi) et leurs perspectives de développement ont été les thèmes au centre de la rencontre entre le ministre du Commerce et du Développement des exportations, Samir Abid, et le représentant de l’Onudi à Tunis, Lassaâd Ben Hassine.
Au cours de la réunion, des projets et des initiatives de développement dans l’intérêt du pays ont été discutés, notamment en matière de commerce et d’accès au marché.
Selon un communiqué du ministère, les projets de l’Onudi actuellement en cours en Tunisie concernent principalement les secteurs de l’artisanat, des foires internationales, de l’agroalimentaire et de l’énergie.
Selon la même source, l’Onudi s’engage à mettre en œuvre des projets d’investissement en Tunisie, ainsi que des projets interrégionaux qui pourraient apporter des bénéfices au pays, avec des efforts concentrés sur les niveaux de production, la formation, l’appui aux PME, l’accès aux marchés mondiaux et l’amélioration de la compétitivité, grâce à la compétence et à l’expérience des ressources humaines et des gestionnaires tunisiens. De son côté, le ministre du Commerce a salué toutes les initiatives et projets évoqués, compte tenu de leur rôle important dans le renforcement de l’économie nationale et la réalisation du développement, notamment dans les régions de l’intérieur. Abid a également souligné la qualité des produits agroalimentaires tunisiens, notamment l’huile d’olive et les dattes, ainsi que leur compétitivité sur le marché mondial et leur inclusion dans ces projets visant à promouvoir les exportations.
La proposition de loi n° 2025-08 portant sur l’amnistie générale pour les chèques sans provision, sans plafond de montant, a été approuvée au niveau des commissions parlementaires.
Le texte a été approuvé par les commissions parlementaires de la législation générale, du règlement intérieur, des lois parlementaires, des lois électorales et de la fonction électorale, lors d’une séance conjointe tenue lundi 24 mars 2024 au palais du Bardo.
Initialement, le texte prévoyait une amnistie limitée aux chèques sans provision d’un montant inférieur ou égal à 5000 dinars, conformément à la loi n° 2024-41 du 2 août 2024. Cependant, un amendement a été proposé sur l’article premier, visant à étendre cette amnistie à tous les émetteurs de chèques sans provision, sans plafond de montant.
Les partisans de cet amendement ont défendu l’idée qu’une telle mesure permettrait de réintégrer les contrevenants dans le circuit économique, de faciliter la régularisation des dettes tout en protégeant les droits des créanciers via des recours civils, et de réduire l’engorgement des tribunaux.
Certains députés ont estimé que les dispositions de la loi n° 2024-41 étaient suffisantes, tandis que d’autres ont exprimé des réserves quant à une possible atteinte au principe d’égalité entre créanciers, ainsi qu’aux risques pesant sur les petites et moyennes entreprises. À l’issue des débats, les articles 2 et 3 ont été maintenus dans leur version initiale. La proposition de loi, modifiée sur son premier article, a finalement été adoptée dans sa nouvelle version.
L’auteur, économiste universitaire, se livre ici à un exercice original : transposer le raisonnement à la base du modèle de décision très connu du Minimax à la décision que Kais Saïed à prise de rompre les relations avec le FMI. Aucune formation économique ou autre n’est nécessaire pour comprendre cet article, juste un minimum d’esprit logique et de bon sens communs à tout un chacun. Pour le reste, l’article se laisse lire facilement et sa conclusion est on peut plus claire. (Ph. Dernière rencontre entre Kaïs Saïed et Kristalina Georgieva, DG du FMI, en marge d’un sommet financier en juin 2023 à Paris).
Dr. Sadok Zerelli
Parmi les disciplines qu’on enseigne aux maitrisards de l’Institut des hautes études commerciales (Ihec) et futurs gestionnaires d’entreprises et que j’ai eu personnellement plaisir à enseigner, parmi d’autres disciplines, figure la théorie de décision.
La problématique que traite cette théorie est que nous vivons tous dans un avenir incertain et que personne, à moins d’être un prophète, ne peut prévoir de quoi sera fait demain, mais que nous devons quand même prendre des décisions importantes qui engagent notre avenir que ce soit sur le plan professionnel ou personnel.
Cette théorie comporte plusieurs modèles stochastiques (basés sur la théorie des probabilités), plus ou moins compliqués, dont je vais prendre juste le raisonnement à la base de l’un des plus simples d’entre eux, le modèle du Minimax, pour analyser avec cet outil de décision le bienfondé ou non de la décision prise par notre président de rompre toute collaboration de la Tunisie avec le FMI.
Raisonnement à la base du modèle du Minimax
Pour expliquer de la façon la plus simple ce raisonnement au grand public, je vais prendre un exemple que nous avons tous vécu ou que les jeunes gens vivront un jour ou l’autre.
Supposons qu’on fasse connaissance d’une jeune femme (ou d’un jeune homme s’il s’agit du genre opposé) qui nous plaît beaucoup et qu’on hésite à épouser ou pas (le raisonnement ne s’applique pas au cas où on tombe fou amoureux et que l’on fonce tête baissée sans même réfléchir!). Dans ce cas, il y a quatre scénarios possibles (on parle d’hypothèses dans la théorie de la décision).
Scénario A : on décide d’épouser la personne et l’avenir montrera qu’on a eu raison de le faire et qu’on sera heureux avec elle. Dans ce cas la perte subie est nulle puisqu’on a pris la bonne décision
Scénario B : on décide de ne pas l’épouser et l’avenir montrera qu’on a eu raison de ne pas le faire parce cette personne qui n’était pas celle qu’il nous fallait et qu’on aurait été malheureux avec elle. Dans ce cas la perte subie est nulle aussi puisqu’on a pris la bonne décision
Scénario C : on a décidé de l’épouser mais l’avenir montrera que c’était une mauvaise décision qu’on n’aurait pas dû prendre. Dans la théorie de décision, on appelle cela le risque de première espèce. La perte MAXIMALE (au pire des cas) associée à ce risque est un divorce, des enfants déchirés entre leurs parents divorcés, une pension alimentaire à payer, peut-être même une dépression psychologique, etc.
Scénario D : on décide de ne pas l’épouser alors que l’avenir montrera que c’était une erreur parce c’était la personne qu’il nous fallait pour être heureux. On appelle cela le risque de deuxième espèce. Dans ce cas, la perte MAXIMALE qu’on subit est la valeur qu’on attache à la vie en famille, à avoir des enfants, etc.
Selon ce modèle, la meilleure décision à prendre est celle qui correspond au minimum du risque maximum associé à chaque décision, d’où le nom de modèle du Minimax.
En clair, dans cet exemple, si la valeur qu’on attache au coût financier et psychologique d’un divorce est plus élevée que la valeur qu’on attache à la vie en famille, avoir des enfants, etc., il faut prendre la décision de ne pas se marier avec cette personne et inversement.
Ce modèle, tel qu’il est enseigné à l’université aux futurs gestionnaires d’entreprises, s’applique surtout pour les décisions à prendre dans les domaines de l’investissement, d’achat d’actions et de placements financiers en bourse, etc., où il est plus facile de traduire en termes financiers les coûts attachés aux risques de première et deuxième espèce. Il se complique par l’introduction de probabilités de réalisation de chaque scénario estimé à priori (au nez) ou en ayant recours à des lois statistiques telles que la loi de Poisson (qui permet de calculer la probabilité d’un évènement rare tel qu’un accident, une faillite, un divorce, etc.) et en raisonnant en termes d’espérance mathématique de coût (modèle de Bayes), ou en introduisant un coefficient d’optimisme/pessimisme (modèle de Hurwicz).
Mais bien sûr je ne vais pas aller aussi loin dans cet article destiné au grand public et je vais juste appliquer le raisonnement qui est à la base de ce modèle à la décision qu’aurait dû prendre notre Président en rapport avec les relations avec le FMI.
Risque de première espèce de la décision de Kais Saïed
Il s’agit du risque associé à la décision d’accepter les conditions posées par le FMI pour débloquer le prêt de 1,9 milliards de dollars (et donc de ne pas rompre avec lui) alors que l’avenir montrera que c’était une erreur et qu’il n’aurait pas dû accepter ces conditions et prendre cette décision.
Quelle est la perte Maximale (au pire des cas) associée à ce risque?
Elle est la résultante ou la somme des pertes associées à la mise en œuvre de chacune des conditions que le FMI avait posé pour débloquer son prêt, à savoir :
– la restructuration des entreprises publiques déficitaires;
– la réduction du poids de la masse des salaires des fonctionnaires dans le budget de l’Etat;
– la suppression de la compensation des prix des produits énergétiques et de consommation de base.
Dans mon avant dernier article intitulé «Le Président Kais Saïd avait-il raison de rompre avec le FMI ?», j’avais analysé d’une façon approfondie l’impact et les modalités possibles de mise en œuvre de chacune de ces réformes structurelles que le FMI avait exigé. Je ne vais pas reprendre cette analyse dans le présent article pour ne pas me répéter mais en faire juste une synthèse en faveur ou contre la décision prise par notre Président.
Risque de première espèce associé à la condition de restructuration des entreprises publiques
Il s’agit d’une centaine (110 exactement) d’entreprises publiques structurellement et historiquement largement déficitaires dont les déficits d’exploitation pèsent de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat l’obligeant à chercher des sources de financement internes ou externes pour les financer.
Parmi les impacts négatifs de cette politique, je citerais :
– l’aggravation du déficit budgétaire : ces subventions et aides pèsent sur les finances publiques, réduisant les marges de manœuvre pour d’autres investissements;
– le financement des entreprises publiques déficitaires se fait souvent par l’endettement, soit directement par l’État, soit par des garanties accordées aux entreprises pour contracter des prêts, ce qui la contribue à l’augmentation du déficit budgétaire et à l’endettement global du pays;
– la réduction des ressources pour les secteurs productifs : les fonds alloués au sauvetage des entreprises publiques sont souvent détournés des secteurs productifs ou essentiels comme la santé, l’éducation ou les infrastructures, ce qui limite la capacité de l’État à financer des projets de développement et améliorer le bien-être de la population et la croissance économique;
– l’effet sur l’investissement privé et la compétitivité : les entreprises publiques déficitaires fonctionnent souvent avec des coûts élevés, un faible rendement et une gestion inefficace, ce qui nuit à la compétitivité de l’économie et peut décourager les investissements privés, qui craignent une concurrence déloyale ou un environnement économique instable;
– la pression fiscale accrue : pour compenser les pertes des entreprises publiques et maintenir un niveau minimal de services, l’État est contraint d’augmenter les impôts ou d’introduire de nouvelles taxes, ce qui impacte le pouvoir d’achat des citoyens et la compétitivité des entreprises;
– une plus grande injustice sociale : contrairement à ce que pense notre Président, une telle politique augmente l’injustice sociale. Je citerais comme exemple le cas de la SNCFT où toutes les recettes du trafic de voyageurs et de marchandises ne couvrent que 87% des charges salariales, ne laissant rien pour la consommation d’énergie, l’entretien du réseau, le renouvellement du matériel roulant… Au nom de quel principe de justice sociale le citoyen qui habite a Sidi Bouzid ou Kairouan qui n’a pas la possibilité de prendre un train puisque ces villes ne sont pas connectées au réseau ferroviaire, doit-il contribuer, à travers les taxes qu’il paie à l’Etat, à subventionner à hauteur de 13% les salaires perçus par les cheminots? Je pourrais multiplier les exemples pour Tunisair, la Steg, la Sonede, etc.;
– enfin, au nom de quel principe l’Etat peut-t-il justifier le maintien d’une telle politique, d’autant plus que, comme je l’ai expliqué dans mon article, il existe bel et bien plusieurs techniques de montages juridiques et financiers qui permettent de restructurer une entreprise publique et la rendre excédentaire sans avoir à la privatiser (contrat programme, PPP, BOT, concession…)?
A moins que ce soit la politique de la fuite en avant ou de celle du proverbe qui dit «le dernier qui reste paiera le loyer», je ne trouve aucun argument en termes de justice sociale ou d’allocation optimale des ressources qui justifie le rejet par notre Président de cette réforme structurelle demandée par le FMI qui est absolument nécessaire à court ou moyen terme pour équilibrer les finances publiques. En conséquence, la perte associée à cette condition posée par le FMI est à mon avis non seulement nulle, mais on pourrait parler même d’une opportunité ratée pour résoudre ce problème de ces entreprises publiques structurellement déficitaires à ses racines.
Risque de première espèce associé à la condition de réduction du poids de la masse salariale dans le budget de l’Etat
Avec 56 fonctionnaires par 1000 habitants (contre 17 au Maroc et 14 en Jordanie, des pays à taille et économie comparables), l’administration tunisienne est l’une des plus pléthoriques au monde. Il en résulte un poids de la masse salariale des fonctionnaires sur le budget de l’État excessif : en 2025, les dépenses salariales sont estimées à 24,389 milliards de dinars, marquant une augmentation de 8,1% par rapport à 2024. Cette somme représente 40,7% des dépenses totales du budget et 13,3% du produit intérieur brut (PIB).
Cette proportion élevée des dépenses salariales limite la capacité de l’État à investir dans d’autres secteurs essentiels tels que l’infrastructure, la santé et l’éducation. Son financement par le biais d’emprunts obligataires et de Bons du Trésor à court, moyen ou long termes souscrits par les banques commerciales, coûte très cher à l’État en termes d’intérêts à payer et détourne les banques commerciales de leur vocation de financer les entreprises et l’activité économique pour favoriser la croissance. De même que son financement par la BCT, à travers le recours excessif au mécanisme de la planche à billets renforce l’inflation, réduit la compétitivité des entreprises et aggrave le déficit de la balance commerciale et déprécie la valeur du dinar, engendrant une plus grande baisse de la compétitivité, un plus grand déficit commercial, etc.
Le maintien d’une telle armée de fonctionnaires (640 000), ou pire son renforcement par 5000 autres parmi les diplômés de l’enseignement supérieur en chômage de longue durée comme vient de le décider le chef de tout l’Etat, ne peut qu’aggraver la situation et obliger l’Etat à continuer à s’endetter davantage, s’il trouve qui veut bien lui prêter, sinon augmenter davantage la pression fiscale qui est déjà parmi les plus élevées au monde.
En termes de perte liée au risque de première espèce à subir, on peut ainsi conclure qu’elle est nulle aussi et qu’au contraire, l’Etat a perdu une occasion d’assainir les finances publiques une fois pour toutes.
Risque de première espèce associé à la suppression de la compensation
Le système de compensation des prix en Tunisie, destiné à stabiliser les coûts des produits de base et énergétiques, représente une charge financière notable pour le budget de l’État. En 2024, les dépenses de compensation sont estimées à 11 337 millions de dinars (MD), en légère baisse par rapport aux 11 475 MD de 2023. De plus, l’augmentation des prix du pétrole et la dépréciation du dinar ont entraîné des dépassements budgétaires, notamment en 2017, où une dérive de 900 millions de dinars a été enregistrée pour la compensation énergétique.
Ces fluctuations rendent le système de compensation vulnérable aux variations des marchés internationaux et aux facteurs économiques internes. En particulier, la compensation des prix de l’énergie exerce une pression notable sur le budget de l’État : en 2024, une enveloppe de 7,086 milliards de dinars a été allouée à la compensation des hydrocarbures et de l’électricité, contre 7,030 milliards en 2023. Cette situation limite la capacité de l’État à investir dans d’autres secteurs essentiels tels que l’éducation, la santé et les infrastructures.
De plus, la volatilité des prix internationaux du pétrole des cours des produits alimentaires (blé, orge, sucre, riz etc.) et les fluctuations du taux de change du dinar rendent difficile la prévision et la gestion efficace de ces dépenses.
Face à ces défis, le gouvernement tunisien doit tôt ou tard procéder à des réformes pour rationaliser le système de subventions des prix des produits de consommation de base et énergétiques, avec pour objectif de réduire le fardeau financier sur le budget de l’État tout en protégeant les populations vulnérables contre les hausses des prix de l’énergie. Une des solutions que j’avais proposé dans mon avant-dernier article est de créer une caisse autonome de compensation financée par des taxes «pigurrienes» telles qu’un impôt sur le capital oisif ou un impôt sur le patrimoine, afin de décharger le budget de l’Etat du poids de la compensation et sans en priver les catégories sociales les plus vulnérables.
Si on tient compte du fait que le FMI n’a jamais exigé la suppression immédiate et d’un seul coup de la compensation mais l’élaboration d’une stratégie et d’un programme étalés sur plusieurs années pour arriver à cet objectif, on peut considérer que la perte maximale associé au risque de première espèce de cette réforme est faible.
Risque de première espèce associé à la perte de la souveraineté nationale
C’est le principal argument avancé par notre Président pour justifier non seulement le rejet des conditions de FMI mais même la rupture de toute collaboration avec lui.A ce sujet, il faut bien qu’on ouvre les yeux et qu’on ne prenne pas nos rêves pour de la réalité. En effet, de quelle souveraineté nationale parle notre Président lorsqu’on doit importer 87% du blé dur et 73% de l’orge que nous consommons chaque année, que l’on doit taper à la porte du FMI ou d’autres bailleurs de fonds pour obtenir des prêts en devises pour rembourser notre dette et payer nos importations, ou que l’on doit demander l’aumône au Roi de l’Arabe Saoudite pour qu’il veuille bien nous accorder 87 millions de dollars pour financier la construction d’un hôpital à Kairouan ou à l’Émir du Koweït pour qu’il nous accorde 100 millions de dollars pour construire quatre autres hôpitaux, des sommes qui constituent des miettes pour ces Rois et Émirs?
La véritable souveraineté nationale ne viendra que le jour où nous serons capables de produire nous-mêmes ce que nous consommons, ou exporter nos produits pour pouvoir en importer d’autres. Tout le reste, ce sont des discours naïfs, utopiques et populistes entièrement déconnectés de la réalité qu’on peut à la limite tenir dans la buvette des facultés, mais pas quand on détient le sort de 12 millions de Tunisiens entre les mains.
Pour résumer, la perte maximale associée au risque de première espèce lié à la décision de Kais Saïed, je prendrais l’exemple d’un cancer, que Dieu nous en préserve tous. Pour moi, tant les déficits chroniques des entreprises publiques, que le poids de la masse salariale des fonctionnaires sur le budget de l’Etat et le fardeau de la compensation, sont comme des cancers qui rongent les finances publiques: soit on choisit de les ignorer avec le risque que l’économie nationale s’effondre au bout de quelques années, soit de les soigner par des chimio ou radiothérapies avec tous les désagréments qui en résultent : vomissements, diarrhées, perte de cheveux,.., avec l’espoir de guérison au bout. C’est aussi simple et dramatique que cela.
Risque de deuxième espèce associé à la décision de Kais Saïed
C’est celui que représente la décision de refuser les conditions posées par le FMI pour le déblocage du prêt de 1,9 milliards de dollars et même d’annoncer la rupture de toute collaboration avec lui, alors que l’avenir montrera que notre Président avait tort de prendre cette décision.
Comme pour le risque de première espèce, la perte maximale (au pire des cas) est la somme de plusieurs pertes probables :
– perte des 1,9 milliards de dollars qui auraient été les bienvenus dans une conjoncture aussi difficile que celle que traverse notre économie; c’est même une perte certaine et non probable puisqu’on ne verra plus la couleur de ces dollars;
– nos entreprises publiques continueront à être de plus en plus déficitaires et incapables de réaliser les investissements nécessaires pour améliorer la qualité des services publics qu’ils fournissent aux usagers;
– la masse salariale des fonctionnaires continuera à creuser le déficit du budget de l’Etat, avec des difficultés de financement et un détournement plus grand des ressources des banques locales pour le financement du déficit de l’État plutôt que des entreprises et des investisseurs privés;
– le budget de la compensation pèsera de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat en raison de la fluctuation des cours internationaux des produits alimentaires et énergétiques et du glissement lent mais continu du taux de change du dinar;
– ces trois facteurs combinés alourdiront d’une année à l’autre les déficits budgétaires de l’État, augmenteront son endettement interne et externe et détrôneront ses rares ressources de l’investissement en infrastructures, santé, éducation, etc., pour améliorer la qualité des services publics, y compris pour les catégories sociales vulnérables pour la protection desquelles le Président a cru bon de refuser les conditions du FMI et même rompre avec lui;
– ils accroissent aussi le risque d’une pression fiscale encore plus grande, faute de trouver d’autres sources de financement internes et externes;
– sans l’aval de FMI, les autres bailleurs de fonds n’accepteront pas de nous accorder des prêts en devises pour honorer les échéances de notre dette extérieure et importer nos produits alimentaires, médicaments, pétrole, etc. A ce sujet, il faut bien noter que nos banques commerciales ne peuvent souscrire qu’à des emprunts libellés en dinars, et que la banque centrale ne peut créer grâce à la planche à billets que des dinars aussi, et que ni les unes ni l’autre ne peuvent créer des dollars ou des euros qui ne peuvent provenir que de l’exportation de biens et de services, tels que le tourisme, ou des transferts effectués par nos TRE au profit de leurs familles restées en Tunisie;
– tant que les investissements publics et privés restent faibles et que les taux de croissance économique continuent à osciller entre 1% et 2% (1,4% en 2024), soient des taux nettement plus fiables que les taux d’intérêt auxquels nous avons emprunté souvent à long terme, le défaut de paiement de la dette publique est mathématiquement inéluctable et le passage devant le Club de Paris n’est qu’une question de temps.
Dans ce cas, on risque de perdre pour de bon et dans des conditions humiliantes notre souveraineté nationale que Saïed pense avoir sauvé en rejetant les conditions du FMI et en rompant avec lui.
Déjà sans en arriver là, ce que personnellement et en tant que Tunisien je ne souhaite pas, trouver dans le communiqué du FMI en date du 14 mars 2025 le nom de la Tunisie parmi les rares pays dans le monde dont les consultations en vertu de l’article IV avec FMI sont retardées, tels que la Syrie, le Yémen, le Soudan et l’Afghanistan, des pays dont le seul nom évoque la famine ou la guerre civile quand ce n’est pas les deux à la fois, est une bien triste nouvelle et ne présage rien de bon pour l’avenir de notre pays.
En résumé de cet exercice de transposition du raisonnement qui est la base du modèle du Minimax à la décision que devait prendre Kais Saïed en relation avec le FMI, il apparaît clairement pour le commun des mortels doté du minimum de bon sens que le minimum du risque maximum, en termes d’assainissement des finances publiques y compris en termes de préservation de la paix sociale et de la souveraineté nationale, se trouve bel et bien dans la décision d’accepter les réformes structurelles demandées par le FMI quitte à bien négocier les conditions de le leur mise en œuvre et le planning de leur exécution.
Pour conclure cet article, j’hésite entre deux conclusions possibles:
– soit rappeler qu’en économie, comme dans tous les domaines de la vie «celui qui n’avance pas recule» et que des petits pays qui n’ont pas davantage de ressource naturelles ou humaines, tels que la Côte d’Ivoire ou le Rwanda ou l’Ethiopie ou même la petite Gambie (1,5 millions d’habitants) arrivent à faire 5 ou même 7% de croissance économique annuelle et sont donc en train de nous rattraper et même de nous dépasser grâce à leur seule bonne gouvernance économique;
– soit parler à notre Président dans le langage qu’il semble comprendre le mieux, celui du bonheur ! Etant donné qu’il n’avait pas hésité à proposer le plus sérieusement du monde de remplacer le calcul du PIB (Produit Intérieur Brut) par un autre PIB (Produit Intérieur du Bonheur), a-t-il pris le temps de lire, entre deux poèmes de Bayram Ettounsi, que, selon The World Happiness Report basé sur des données récoltées par un sondage mondial Gallup dans plus de 140 pays au cours des trois années précédentes, soit de 2022 à 2024, la Tunisie se classe 113e, loin derrière l’Algérie (84e) et même la Libye (79e)?
Post scriptum : les lecteurs et lectrices, que je suis le premier à regretter que mes analyses économiques pessimistes dépriment, peuvent toujours aller sur mon blog «Poèmes de la vie» pour rêver avec moi d’un monde meilleur. Avec sa politique, Kais Saïed peut nous enlever beaucoup de choses, mais ne pourra jamais nous enlever la capacité de rêver !
Sans la signature de l’accord de paix entre la Russie et l’Ukraine, la présence à titre officiel du moindre contingent militaire ne serait-ce que d’un seul des pays membres de l’Otan sur le sol ukrainien vaudra l’entrée directe de l’Alliance de l’Atlantique Nord en guerre contre la Fédération de Russie. Et cela, la plupart des pays de l’Otan le savent très bien qui réfléchiront par deux fois avant de faire le moindre pas en ce sens, malgré les gesticulations de la France et de la Grande-Bretagne. (Ph. L’Union européenne joue toutes ses cartes sur Volodymyr Zelenski).
Oleg Nesterenko *
Quelques jours après que le premier ministre britannique Keir Starmer a annoncé que le plan de «coalition des volontaires» entrait dans une «phase opérationnelle», le 20 mars dernier, les représentants de la majorité des pays de l’Otan se sont réunis dans les banlieues de Londres pour discuter de la création de «la force de maintien de la paix» en Ukraine et élaborer les plans de son action.
Londres s’attend à ce que plus de 30 pays, dont l’intégralité des membres de l’Otan, prennent une participation dans la nouvelle coalition et apportent leurs contributions.
Lors de ladite réunion, les participants ont convenu que les forces «de maintien de la paix» en Ukraine comprendront autant de troupes terrestres que de forces aériennes et navales. Notamment, des militaires britanniques et français seront déployés tant dans les villes que dans les ports et les infrastructures critiques ; les navires de patrouille et dragueurs de mines de l’Otan opéreront en mer Noire.
De son côté, le 27 mars, Emmanuel Macron a organisé un nouveau sommet à Paris entre Volodymyr Zelensky et ses partenaires de guerre : «On a fait un gros travail avec les Britanniques sur les conditions d’encadrer le cessez-le-feu et donc là, je pense que ça va être l’occasion d’en discuter et de le préciser», a déclaré le président français.
Bien évidemment, en parlant d’une coalition et d’un grand déploiement militaire des forces de l’alliance du Traité de l’Atlantique Nord, ce n’est guère une action d’une durée de 30 jours couvrant le cessez-le-feu proposé par les Etats-Unis d’Amérique qui est en discussion, mais une opération stratégique à long terme.
La grandeur des ambitions des idées exprimées et des plans élaborés par la coalition anglo-franco-centrique ne peut être comparée qu’à la profondeur abyssale de leur coupure de la réalité. Car, jamais aucune force d’aucun pays de l’Otan ne participera dans le prétendu processus de «maintien de la paix» sur le sol de l’Ukraine post-conflit.
Après la remise démonstrative des pays du Vieux continent à leur véritable place – celle des vassaux du maitre outre-Atlantique – par le rejet de leur présence à la table des futures négociations de paix en Ukraine qui n’auront lieu qu’entre les deux réelles puissances en guerre : les Etats-Unis d’Amérique et la Fédération de Russie – les récentes déclarations des pays-membres du camp en défaite face à la Russie ne sont que des tentatives maladroites et désespérées de sauver les débris restant de leur réputation, en tant que puissances militaires, aux yeux du monde qui les observent d’une manière de plus en plus sceptique.
Contrairement à ces mensonges et illusions propagés depuis la réunion à Londres au sujet des futures actions des prétendues forces du «maintien de la paix» en Ukraine dans la période post-guerre, mon affirmation sur l’impossibilité de la participation des forces armées des pays de l’Otan dans le «maintien de la paix» en Ukraine est sans équivoque et basée sur des fondements juridiques incontournables.
Plusieurs facteurs-clés rendent parfaitement impossible l’initiative occidentale de «contrôler» la paix en Ukraine à la fin du conflit armé.
Sans la signature de l’accord de paix entre Moscou et Kiev, la présence à titre officiel du moindre contingent militaire ne serait ce que d’un seul des pays membres de l’Otan sur le sol ukrainien vaudra l’entrée directe de l’Alliance de l’Atlantique Nord en guerre contre la Fédération de Russie.
Il est connu d’avance via de multiples déclarations de Moscou qui n’ont jamais varié au sujet des rapports entre Kiev et l’Otan : l’une des conditionssine qua non de la signature de l’accord de paix sera l’interdiction signée et ratifiée par la partie adverse de la présence des forces armées du bloc de l’Otan sur le territoire de l’Ukraine.
Soit, juridiquement, c’est bien le Kremlin et personne d’autre qui décidera de la présence du camp ennemi à ses frontières du sud-ouest. Une présence qui n’aura jamais lieu : sa seule menace a été l’une des raisons principales pour Moscou d’entrer en guerre qui dure depuis plus de trois ans.
L’unique moyen de réaliser les fantasmes des dirigeants des pays de l’Otan sur la présence en Ukraine de leurs forces «de maintien de la paix» est celui d’entrer en guerre contre la Russie et de l’importer.
Les casques bleus
Les Casques bleus sont une force qui agit au nom de l’Organisation des Nations unies (Onu) dans le cadre des opérations de maintien de la paix (OMP). Il est donc logique de supposer que leur présence peut avoir lieu en Ukraine post-guerre.
Cela étant, le déploiement d’une telle mission ne peut être décidé que par le principal organe des Nations Unies qui est le Conseil de sécurité. Le Conseil, dont la Fédération de Russie est membre permanent et, à ce titre, dispose du droit de veto lorsque des résolutions doivent être votées.
Ainsi, une fois de plus, c’est bien Moscou qui décidera si la présence des casques bleus en Ukraine aura lieu ou non.
Navires de patrouille et dragueurs de mines en mer Noire
Lors de la réunion de 20 mars à Londres, l’une des décisions qui a été prise était celle de la future présence des navires de patrouille et dragueurs de mines de l’Otan qui opéreront en mer Noire.
Les propagateurs de la désinformation depuis Londres ont «oublié» de parler de l’existence de la convention de Montreux. La convention de Montreux, signée le 20 juillet 1936, détermine l’exercice de la circulation dans les détroits des Dardanelles et du Bosphore (Turquie), ainsi que dans la mer Noire. Et le §2 de son article 18 est sans équivoque : «Quel que soit l’objet de leur présence en mer Noire, les bâtiments de guerre des Puissances non riveraines ne pourront pas y rester plus de vingt et un jours».
Soit, aucune sérieuse présence supplémentaire de la marine du bloc de l’Otan ne peut y avoir lieu. Hormis celles de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Turquie riveraines qui y sont déjà présentes et peuvent naviguer librement dans leurs eaux territoriales et les eaux internationales – ce qu’elles font depuis toujours.
Les déclarations européennes sur la future présence des navires de l’Otan qui opéreront en mer Noire dans le cadre de «la force de maintien de la paix» en Ukraine ne sont donc que de la rhétorique vide.
La constitution de l’Ukraine
En vue des grossières violations au quotidien de la Constitution de l’Ukraine depuis 2014 et, plus particulièrement, depuis les 3 dernières années par les régimes successifs installés à Kiev, il est presque déplacé de mentionner l’existence d’une Constitution dans ce pays et, encore moins, de mentionner l’existence de l’article 17 de ladite Constitution qui est sans équivoque : «Le déploiement de bases militaires étrangères sur le territoire ukrainien est interdit».
Il est tout à fait certain qu’une violation constitutionnelle de plus, parmi tant d’autres, par le déploiement des forces armées de l’Otan sur le territoire de l’Ukraine serait passé tout à fait inaperçu. De plus que l’existence de la Cour constitutionnelle qui est l’unique organe de juridiction constitutionnelle en Ukraine a été réduite par le régime de Zelensky à n’exister que sur papier.
Post-scriptum : En mettant de côté les fantaisies propagées par la composante européenne de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, revenons à la réalité : d’une manière incontournable, seule la Fédération de Russie peut réellement garantir la paix sur le territoire de l’Ukraine. Il n’y aura aucune paix, si les conditions de sécurité et la prise en compte des intérêts russes exigées par Moscou, durant tant d’années avant-même le déclenchement de la guerre, ne sont pas respectées par le camp-ennemi. Et en mentionnant l’ennemi, ce n’est guère du camp ukrainien qui n’a jamais été qu’un outil périssable entre les mains des tireurs de ficelles anglo-saxons dont je parle.
L’intervention directe et officielle de la moindre composante militaire d’un seul des pays de l’Otan sur le sol ukrainien vaudra directement son entrée en guerre contre la Russie avec toutes les conséquences pour le monde qui en découleront.
Cela étant, si une telle situation a été soigneusement évitée dans les heures les plus sombres du règne belliqueux des «démocrates» sur la Maison Blanche – ce n’est certainement pas demain que cela arrivera dans le cadre des gesticulations archaïques et impuissantes des anciennes puissances européennes, dont «l’âge d’or» a sombré à tout jamais dans l’oubli du passé.
* Président du CCIE, spécialiste de la Russie, CEI et de l’Afrique subsaharienne.
La reprise de la guerre génocidaire israélienne contre Gaza intervient pendant le ramadan et précisément durant les dix derniers jours de ce mois considérés par les musulmans comme les jours les plus saints de l’année mais les Gazaouis n’ont pas le droit de les vivre paisiblement et tranquillement comme leurs coreligionnaires de par le monde, leur quotidien renoue avec le pilonnage sauvage de l’aviation israélienne et de son artillerie, les familles qui sont décimées et les morts qui ne se comptent plus.
Imed Bahri
The Guardian a consacré une enquête à la situation humanitaire désastreuse que vivent les Palestiniens notamment dans les hôpitaux. La salle d’urgence de l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa à Deir Al-Balah, dans le centre de Gaza, était pleine quelques minutes après une vague de frappes aériennes israéliennes qui ont violé le cessez-le-feu et environ un tiers des blessés avaient moins de 14 ans, rapporte le journal britannique.
«À aucun moment, il n’y avait moins de 65 personnes aux urgences, toutes avec des plaies ouvertes, la plupart d’entre elles étant des femmes et des enfants. Le sol était couvert de sang», témoigne Mark Perlmutter, un chirurgien orthopédiste bénévole venu des États-Unis, cité par le même journal.
À quelques kilomètres de là, des scènes similaires se sont déroulées à l’hôpital Nasser de Khan Younis. «Il y avait des vagues successives. Dès que les patients mouraient ou étaient transférés, d’autres arrivaient. C’était le chaos», témoigne Tania Haj Hassan, médecin en soins intensifs pédiatriques.
À l’hôpital Nasser, plus de la moitié des blessés adultes admis mardi soir ont été examinés pendant 20 secondes par les chirurgiens. Puis, afin de privilégier ceux dont la vie pouvait être sauvée, la personne qui les avait amenés s’est vu dire qu’il n’y avait rien à faire. Les enfants pour leurs parts ont presque tous été admis même lorsque leurs blessures étaient clairement mortelles.
Des enfants entre la vie et la mort
Le docteur Haj Hassan décrit les scènes d’horreur des arrivées d’enfants entre la vie et la mort: «Ils dormaient et arrivaient en pyjama, emmitouflés dans des couvertures. Souvent, c’étaient des voisins qui les amenaient car leurs parents avaient été tués. C’était horrible. Nous avons dû interrompre la réanimation de plusieurs enfants pour nous concentrer sur celui qui avait encore une chance d’être sauvé».
Selon les responsables médicaux palestiniens, plus de 200 personnes ont été tuées et des centaines blessées pour la seule matinée du mardi 18 mars, jour de la reprise de la guerre. Israël a déclaré avoir bombardé 80 «cibles terroristes» en l’espace de 10 minutes mardi matin ayant visé, selon eux, des dirigeants et des infrastructures militaires clés.
Avec les frappes aériennes et les bombardements continus, le bilan des morts dans l’enclave palestinienne dévastée au cours de la guerre qui dure depuis 18 mois a atteint plus de 50 000, la plupart des femmes et des enfants, avec plus de 113 000 blessés, selon le ministère palestinien de la Santé.
Fayrouz Sidhwa, une chirurgienne traumatologue californienne de 43 ans qui travaille comme bénévole à Khan Younis, rapporte comment elle a dû dire au père d’une fillette de quatre ans que sa fille n’avait plus que quelques minutes à vivre.
Ahmed Al-Farra, chef du service de pédiatrie et d’obstétrique, a déclaré que 300 personnes avaient été transférées à l’hôpital Nasser mardi mais que seules quelques-unes avaient survécu. Environ 85 personnes sont décédées dont une quarantaine d’enfants âgés de 1 à 17 ans. Parmi les victimes se trouvaient un garçon de 10 ans avec une moelle épinière sectionnée, complètement paralysé du cou jusqu’aux pieds et incapable de respirer sans assistance et une fillette de 5 ans avec de multiples blessures par éclats d’obus qui ne pourra probablement plus parler à l’avenir.
«L’âge moyen des enfants déclarés morts à l’hôpital Nasser après la reprise de la guerre la semaine dernière était compris entre six et huit ans et environ 35% de l’ensemble des victimes avaient moins de 14 ans», a rapporté pour sa part Morgan McMonagle, un chirurgien vasculaire irlandais bénévole auprès de l’ONG Medical Aid for Palestine.
Hôpitaux surchargées et manquant de fournitures de base
Malgré tout cela, l’armée israélienne a déclaré dans un communiqué qu’elle s’engageait à atténuer les dommages causés aux civils pendant les opérations et qu’elle était pleinement engagée à respecter toutes les obligations juridiques internationales applicables y compris le droit s’appliquant aux conflits armés.
Bien que 22 des 35 principaux établissements de santé de Gaza soient toujours opérationnels, ils ne fournissent qu’une fraction des services qu’ils fournissaient avant la guerre. Olga Cherevko, porte-parole du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies à Gaza, a déclaré que toutes ces installations sont surchargées et manquent de fournitures de base.
Le Dr Khamis Al-Eisi, neurologue spécialiste de la douleur à l’hôpital Al-Ahli de la ville de Gaza, a déclaré qu’il n’avait pas assez d’analgésiques pour des centaines de patients atteints de cancer. «À Gaza, des centaines de milliers de personnes souffrent de maladies chroniques. Elles ont besoin de soins appropriés mais les conditions sont désastreuses. Il n’y a pas d’eau potable et les systèmes d’égouts sont complètement détruits. Les gens sont terrifiés», a-t-il expliqué. Et d’ajouter : «Israël a continué d’autoriser les évacuations médicales de Gaza, mais seules quelques dizaines de personnes partaient chaque jour et plus de 14 000 ont besoin de soins urgents hors de Gaza».
La plupart des établissements de santé de Gaza disposent désormais de procédures bien rodées pour les incidents impliquant de nombreuses victimes même si celles-ci se sont révélées insuffisantes la semaine dernière. «Nous avons des plans, de bons plans mais le problème est que le nombre de victimes est encore plus élevé que nos plans», a déclaré le docteur Fahd Haddad, directeur médical d’un hôpital de campagne près de la ville de Nuseirat dans le sud de la bande de Gaza.
Cependant, le plus grand défi pour cet homme de 38 ans et ses collègues est de maintenir leur moral après que les espoirs d’un cessez-le-feu permanent ont été anéantis. «Nous nous sommes réveillés ce mardi-là avec les explosions et c’était comme un flashback, 18 mois en arrière, lorsque la guerre a commencé. Nous étions si heureux du cessez-le-feu. La vie était très dure mais au moins, il n’y avait pas de morts», confie Haddad avec inquiétude.
L’usine que le groupe China National Building Material (CNBM) prévoit d’acquérir pour plus de 100 millions de dollars est bien Les Ciments Jbel Oust, le deuxième plus grand fabricant de ciment en Tunisie, située dans le gouvernorat de Zaghouan, à 40 km au sud de Tunis, ainsi que sa filiale Granulats Jbel Oust.
Selon Mosaïque FM, citant une source du ministère de l’Industrie, la partie chinoise rachètera les parts détenues jusqu’ici par une société «portugaise». En fait, il s’agit de la société de matériaux de construction 100% brésilienne Votorantim Cimentos qui en assure la gestion depuis 2012. Sa capacité annuelle de production est de 1,8 millions de tonnes de ciment et 1,5 millions de tonnes de granulats.
C’est l’ambassadeur de la Chine en Tunisie, Wan Li, qui avait récemment déclaré qu’une entreprise chinoise spécialisée dans le secteur du ciment envisageait d’acquérir une cimenterie proche de Tunis pour un montant dépassant les 100 millions de dollars.
Le même responsable du ministère de l’Industrie a précisé que la capacité de production de ciment en Tunisie atteint 12 millions de tonnes par an. Toutefois, face à la hausse des coûts de production, notamment ceux du gaz et du pétrole, le pays limite sa production à 6 millions de tonnes, correspondant à la demande locale.
Cette augmentation des coûts a également freiné les exportations tunisiennes de ciment, offrant ainsi un avantage compétitif à l’Algérie, qui est aujourd’hui l’un des principaux exportateurs de ciment de la région, soutenue par une production nationale importante de gaz et de pétrole.
La Tunisie compte actuellement neuf cimenteries : une spécialisée dans le ciment blanc, et huit dans le ciment gris. Trois d’entre elles sont publiques, tandis que les autres sont gérées par des sociétés privées étrangères.
Depuis la révolution de 2011, la Tunisie a fait des avancées notables en matière de réformes politiques et institutionnelles. Cependant, il y a un domaine où le retard devient inquiétant : les élections municipales [les dernières ayant eu lieu en 2018 et celles initialement prévues pour mai 2023 ayant été supprimées par une décision du président de la république Kaïs Saïed, le 9 mars de la même année Ndlr].
Leith Lakhoua *
Bien que les élections municipales soient inscrites comme une exigence fondamentale dans la Constitution tunisienne de 2022, force est de constater qu’elles continuent de se faire attendre.
Ce retard soulève une question cruciale : comment concilier la nécessité d’élire nos représentants locaux avec l’absence de cadre législatif adapté à la réalité politique actuelle?
Un vide juridique problématique
La loi électorale municipale qui était en vigueur n’est plus compatible avec les évolutions politiques du pays après 2021. Elle ne reflète plus les aspirations démocratiques des Tunisiens ni les nouvelles réalités du système politique en place. L’absence d’une loi électorale municipale révisée empêche la mise en place de mécanismes de gouvernance clairs et transparents pour les municipalités.
Pourtant, les élections municipales, comme le stipule la Constitution tunisienne de 2022, sont un maillon essentiel dans la construction d’une démocratie locale solide, permettant aux citoyens de choisir leurs dirigeants à l’échelle communale et d’assurer une gestion de proximité plus réactive et adaptée à leurs besoins.
Malheureusement, la mise en place de cette nouvelle loi électorale semble faire face à des obstacles politiques et institutionnels. L’incertitude quant à son adoption soulève un dilemme : doit-on organiser les élections municipales sans cette loi, en attendant que celle-ci soit enfin adoptée? Ou faut-il impérativement attendre sa promulgation pour garantir un cadre juridique cohérent?
En attendant cette fameuse loi électorale, la situation actuelle est marquée par un vide institutionnel de plus en plus préoccupant. Actuellement, les municipalités sont dirigées par des secrétaires généraux, des fonctionnaires qui n’ont pas nécessairement été élus pour gérer ces collectivités. Cette gestion administrative a engendré une forme d’anarchie et de désorganisation qui va à l’encontre des besoins réels des citoyens. Les décisions sont prises de manière centralisée et éloignées des préoccupations locales, ce qui nuit à l’efficacité de l’administration municipale et renforce la distance entre l’État et les citoyens.
De plus, l’absence de représentants élus dans les communes prive les citoyens d’une véritable prise en charge de leurs besoins quotidiens. Les municipalités, qui devraient être les premières à répondre aux attentes des citoyens, sont déconnectées de la réalité locale, et cette déconnexion engendre un désintérêt croissant des populations pour la politique locale. La gestion des services municipaux devient de plus en plus opaque, alimentant le sentiment de frustration des Tunisiens, qui ne voient plus dans leurs autorités locales un interlocuteur capable de répondre à leurs préoccupations.
Une urgence pour le pays
Dans cette situation, il est essentiel de se poser la question de savoir si nous devons continuer à attendre une loi électorale municipale ou si, au contraire, il serait plus pragmatique d’organiser les élections, quitte à adapter la loi par la suite.
Ne pas organiser les élections municipales dans les délais prévus revient à priver les Tunisiens de leur droit fondamental à élire leurs représentants locaux, et cela fragilise davantage le système démocratique tunisien.
Cependant, il ne fait aucun doute qu’une fois les élections organisées, il faudra, dans les plus brefs délais, adopter une loi électorale municipale moderne et adaptée. Cette loi devra non seulement assurer la transparence et la rigueur dans l’organisation des élections, mais aussi garantir une gestion locale efficace et proche des préoccupations des citoyens.
En attendant, il est impératif de ne pas laisser les municipalités entre les mains des secrétaires généraux, car cette situation engendre une forme d’anarchie qui porte préjudice aux citoyens et au pays tout entier. Il est essentiel que les autorités politiques et législatives prennent leurs responsabilités pour éviter que cette gestion décentralisée ne devienne un frein à l’évolution démocratique de la Tunisie.
Prendre des décisions pour l’avenir
La Tunisie ne peut plus se permettre d’attendre indéfiniment pour organiser ses élections municipales et mettre en place une nouvelle loi électorale municipale. Il est crucial d’agir rapidement pour répondre aux attentes des citoyens et permettre une gestion locale responsable et démocratique.
La situation actuelle, marquée par l’absence de gouvernance légitime et d’une véritable représentation locale, nuit à l’intérêt des Tunisiens et compromet l’avenir de la démocratie en Tunisie. Il est donc urgent de prendre des mesures concrètes et de garantir que les élections municipales se tiennent dans les meilleurs délais, pour que la Tunisie puisse avancer sur la voie de la décentralisation et de la gouvernance participative.
* Consultant en organisation industrielle et logistique.
Le vaccin contre la tuberculose offre une certaine protection, mais il ne garantit pas une immunité à 100 %, a déclaré Dr Zouhair Souissi, spécialiste en pneumologie et allergologie.
Intervenant sur le sujet dans l’émission ‘‘Ahla Sbah’’, sur Mosaïque FM, ce lundi 24 mars 2025, le praticien a expliqué que la bactérie responsable de la tuberculose se transmet d’une personne à l’autre par les gouttelettes en suspension dans l’air lors de la toux ou des éternuements. Il a aussi détaillé les symptômes du mal, notamment la fatigue, la fièvre, des sueurs nocturnes, des frissons, une perte de poids, ainsi que des douleurs thoraciques ou lors de la respiration ou de la toux.
Pour Dr Souissi, il est importance de consulter un médecin si la toux persiste pendant plusieurs semaines, rappelant que les médicaments jouent un rôle clé dans l’élimination de la bactérie, en particulier au niveau des poumons.
Le vaccin BCG, utilisé contre la tuberculose pulmonaire, est fabriqué par l’Institut Pasteur de Tunis à partir d’une souche affaiblie de la bactérie responsable de la maladie. Ce vaccin stimule le système immunitaire, protégeant ainsi contre la tuberculose sans provoquer de contamination. Son efficacité varie entre 70 et 80% contre les formes graves de la tuberculose, comme la méningite tuberculeuse chez les enfants. Toutefois, il est moins performant dans la lutte contre les formes pulmonaires plus fréquentes chez les adultes.
Rappelons qu’en 2023, l’OMS a estimé à 38/100000 le taux d’incidence de la tuberculose en Tunisie, contre près de 49/100000 à la fin des années 1970. Mais si la Tunisie se distingue par un taux d’incidence bien moins élevé que ses voisins d’Afrique du Nord selon les données de l’OMS (92/100000 pour le Maroc, 74/100000 pour la Mauritanie, 59/100000 pour la Libye et 47/100000 pour l’Algérie), elle reste très éloignée de la recommandation des Nations Unies pour 2025 (un taux d’incidence de 20/100000). En 2023, quelque 3114 cas de tuberculose ont été recensés dans notre pays.
Quatre marins ont été secourus par la Garde maritime après le naufrage de leur bateau, dimanche 23 mars 2025, au large de Louata dans l’archipel de Kerkennah (gouvernorat de Sfax).
La garde maritime a reçu, hier vers 13h30, un message de détresse émanant de l’un des marins et envoyé quatre patrouilleurs pour localiser le lieu de naufrage. Les naufragés ont été, ensuite, emmenés au Port de pêche de Louata.
Les autorités sécuritaires et judiciaires tunisiennes ont mis au jour des soupçons de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale impliquant plusieurs entreprises spécialisées dans les applications de transport de passagers via taxis individuels.
D’après un communiqué de la Garde nationale, il est apparu que ces sociétés opéraient sans les autorisations légales requises, recouraient à de fausses déclarations, et utilisaient des comptes bancaires non déclarés pour transférer d’importantes sommes d’argent à l’étranger, en totale infraction avec la législation en vigueur.
Les investigations menées par l’unité nationale d’enquête sur les crimes financiers complexes relevant de la Garde nationale, sous la direction du service des renseignements et des recherches à El Aouina et en coordination avec le parquet du Pôle judiciaire économique et financier, ont permis la saisie de près de 12 millions de dinars sur les comptes bancaires de ces sociétés. Leurs activités ont été suspendues, et elles ont été radiées du registre national des entreprises et leurs sièges sociaux fermés.
Le communiqué ne précise pas si des arrestations ont été effectuées dans le cadre de cette enquête.
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye n’a pas pu renouer avec la stabilité et l’unité territoriale. Depuis quatorze ans, le vaste pays du Maghreb est en proie à la division, aux conflits armés et au chaos. Un long feuilleton qui n’en finit pas. Pourquoi?, se demandent beaucoup d’observateurs. Il semble que c’est la volonté des protagonistes de la scène politique libyenne aussi bien en Tripolitaine qu’en Cyrénaïque, la division rapporte beaucoup d’argent. Chacune des factions trouve son compte, se remplit les poches et se gave des revenus du trafic de pétrole. Un pays unifié avec seul un État central qui capte les revenus de la manne pétrolière ne leur convient pas. L’unité de la Libye n’est donc pas pour demain.
Imed Bahri
Une enquête bien fournie du Financial Times révèle les détails du commerce illicite de pétrole qui maintient la Libye divisée.
Le journal britannique affirme que la contrebande de carburant subventionné hors de Libye et sa vente à l’étranger entretiennent les divisions au sein du pays, contribuent à soutenir financièrement les factions rivales et à entraver les efforts de l’Onu pour organiser des élections, lutter contre la corruption et unifier le pays sous un gouvernement unique dans le quatrième plus grand pays membre de l’Opep en termes de réserves de pétrole.
Selon les experts de l’Onu, la contrebande via des navires douteux est rendue possible par un système de troc controversé dans lequel la Libye, qui n’a pas la capacité de raffiner du carburant à grande échelle, échange sa production de pétrole brut contre du carburant raffiné plutôt que de le payer en espèces. Par la suite, ce carburant raffiné est vendu localement à des prix fortement subventionnés.
La contrebande finance la corruption et… la guerre
En même temps, une partie de ce carburant importé et subventionné est destiné à la contrebande vers l’étranger pour être vendue au prix du marché noir ou au prix du marché avec de faux document. Ce système génère un flux constant de revenus pour les groupes armés affiliés aux factions concurrentes qui contrôlent le pays.
L’un est le gouvernement reconnu par l’Onu du Premier ministre Abdulhamid Dbeibah à Tripoli et l’autre est une administration rivale à l’ouest contrôlée par le maréchal Khalifa Haftar et l’Armée nationale libyenne (LNA), la formation armée qu’il commande.
Ces fonds suspects ont contribué à entraver les efforts de l’Onu visant à organiser des élections, à lutter contre la corruption et à unifier le pays sous un gouvernement unique après l’éviction du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011.
«Alors que des régions entières du pays sont confrontées à des pénuries récurrentes de carburant, les dirigeants libyens semblent satisfaits du programme massif d’échange de carburant», déclare Charles Cutter, directeur des enquêtes chez The Sentry, une organisation d’enquête qui traque la corruption.
Le procureur général de Libye, Siddiq Al-Sour, a récemment ordonné sa suspension à la suite d’une enquête menée par le Bureau d’audit, l’organe de surveillance du pays. Toutefois, mettre un terme à cette pratique ne signifie pas forcément la fin de l’utilisation abusive des richesses pétrolières de la Libye. Un rapport du Conseil de sécurité de l’Onu note l’émergence d’une nouvelle société, appelée Arkino, qui exporte du pétrole brut, c’est la première société privée libyenne à le faire. La National Oil Corporation (NOC), la compagnie pétrolière publique du pays, est la seule entité autorisée à exporter.
Le rapport du Conseil de sécurité indique que la société, qui a exporté pour 483 millions de dollars de pétrole brut, est sous le contrôle indirect de Saddam Haftar, le fils de Khalifa Haftar.
Les résolutions du Conseil de sécurité stipulent que seule la NOC est autorisée à exporter du pétrole, les recettes devant être déposées à la Banque centrale de Libye.
Le dernier rapport de l’Onu a conclu que la contrebande de carburant depuis le vieux port de Benghazi fournissait aux forces de Haftar un accès indirect aux fonds publics, tandis que les groupes armés à Tripoli et à Zawiya contrôlent directement des secteurs économiques clés et des institutions gouvernementales concernées pour faire passer en contrebande des quantités importantes de diesel.
La NOC au cœur du trafic
Selon le Financial Times, cette pratique basée sur le troc a débuté en 2021 après que le gouvernement l’a choisie parmi trois options présentées par la NOC pour atténuer les pénuries de devises étrangères selon Mustafa Sanalla alors président de la NOC.
Dans une lettre adressée au ministre du Pétrole et du Gaz datée du 13 avril 2021, Sanalla a proposé des options pour les importations de carburant, affirmant que l’absence de mesures entraînerait une crise du carburant d’ici le mois de mai.
Sanalla a été remplacé en 2022 par Farhat Bengdara qui avait été gouverneur de la banque centrale sous Kadhafi et le programme s’est rapidement étendu. Les critiques affirment que le projet est vague et manque de surveillance.
Selon un rapport de l’Onu, environ 70% du diesel libyen est importé, le tout via un système de troc. Les données de Kepler montrent qu’en 2023 et 2024, une part importante des importations libyennes provenait de Russie dont les produits pétroliers étaient exclus des marchés européens en raison de la guerre en Ukraine.
Une fois importés, la NOC achète ces carburants et les paie intégralement en pétrole brut. Le carburant est ensuite revendu à des prix fortement subventionnés aux distributeurs locaux et aux consommateurs industriels. Cette subvention signifie que les Libyens paient une somme dérisoire pour l’essence, le diesel et l’électricité mais elle crée une incitation claire à détourner les produits pétroliers vers le marché noir local et étranger où ils peuvent être vendus à leur pleine valeur marchande.
La Banque mondiale a déclaré dans un rapport publié en octobre 2024 que la Libye perdrait plus de 5 milliards de dollars par an en raison du commerce illicite. Le rapport indique que la contrebande de carburant en provenance du port de Benghazi aurait considérablement augmenté depuis la guerre en Ukraine.
L’augmentation des importations a accru le coût du soutien à l’économie libyenne en difficulté. Dans une lettre adressée au Premier ministre Dbeibah en mars 2024, le gouverneur de la Banque centrale de Libye de l’époque, Sadiq Al-Kabir, a déclaré que le coût annuel des importations de carburant s’élevait à 8,5 milliards de dollars et dépasse les besoins du pays, notant que les subventions avaient triplé pour atteindre 12,5 milliards de dollars entre 2021 et 2023. Les subventions aux carburants ont représenté 8,4 milliards de dollars de ce total annuel.
«Notre objection était qu’un litre de carburant nous coûte un dollar, alors qu’il est vendu trois centimes», explique Al-Kabir, licencié par Dbeibah en août et qui a fui le pays. Il a ajouté: «Cela coûte à l’État des sommes énormes et une grande partie de ce carburant est exportée en contrebande à l’étranger».
La Cour des comptes libyenne a ouvert une enquête sur ces opérations l’année dernière. Parmi ses conclusions les plus significatives contenues dans un rapport non publié obtenu par le Financial Times figure le fait que les importations de carburant du pays dans le cadre du système d’échange se sont élevées à 8,5 milliards de dollars en 2023 dont plus de 8 milliards de dollars ont été exportés sous forme de pétrole brut pour couvrir ces coûts.
Des Turcs dans la combine
La seule entreprise mentionnée dans le rapport de la Cour des comptes qui a répondu aux questions du Financial Times sur le système de troc est la société turque de négoce de matières premières BGN dirigée par sa présidente Ruya Bayegan.
BGN est issue du groupe familial turc Bayegan, vieux de 80 ans, qui a commencé à commercialiser des produits pétrochimiques dans les années 1990 avant de s’étendre au pétrole et à d’autres matières premières. Bien que peu connu en dehors de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, BGN a connu une croissance rapide au cours de la dernière décennie avec des échanges de matières premières d’une valeur de près de 30 milliards de dollars en 2023.
Selon le rapport du Bureau d’audit, trois filiales de BGN ont reçu un total de 2,7 milliards de dollars de pétrole brut en 2023 dans le cadre du système de troc ce qui représente 30% du volume des échanges et la deuxième part la plus importante après Gulf Upstream.
BGN a annoncé dans un communiqué qu’elle opère conformément aux normes les plus élevées de conformité avec toutes les réglementations régissant le commerce du pétrole en Libye grâce à une coopération transparente et formelle avec la NOC, tous les acteurs du marché et les autorités compétentes.
Elle a également souligné des violations regrettables dans le rapport du Bureau d’audit sur le processus de qualification et a déclaré qu’elle était pleinement qualifiée pour participer au système de troc car elle était l’une des 12 entreprises sélectionnées en 2021 à travers un processus d’appel d’offres transparent qui comprenait 20 entreprises locales et internationales qualifiées.
Selon le journal britannique, le système de troc serait sur le point de disparaître en raison des pressions nationales et internationales. Une lettre envoyée par le procureur général libyen à la mi-janvier, consultée par le Financial Times, ordonnait à la NOC de cesser immédiatement la pratique du troc de pétrole brut contre du carburant et d’adopter des mécanismes contractuels garantissant la transparence des accords d’approvisionnement en carburant.
Le président Kais Saïed a nommé Sarra Zaafrani Zenzeri comme 4e chef de gouvernement, depuis 2021, et 11e depuis 2011, date de la Révolte du Jasmin en Tunisie. Une espérance de vie politique moyenne de seulement 15 mois pour chacun. Une rotation effrénée et qui ne rassure ni l’économie, ni la société. Est-ce un indicateur d’instabilité ? Est-ce un corrélât d’une inefficacité chronique au niveau gouvernemental?
Moktar Lamari *
Plusieurs questions se posent et plusieurs enjeux s’imposent dans le contexte d’une crise économique et monétaire sans précédent. Une crise économique qui secoue le sens du travail, qui vampirise l’investissement et qui enfonce le pays dans la dette et la stagflation.
Être chef de gouvernement est un métier qui ne s’improvise pas. C’est un métier politique que ceux et celles qui n’ont pas assumé une vie politique active et engagée ne peuvent pas exercer de façon efficace.
En Tunisie, on a tendance à négliger la complexité de la fonction et à sous-estimer les compétences liées.
Être ou ne pas être chef de gouvernement
Être chef de gouvernement, c’est un métier complexe et jonché de difficultés et d’imprévus. Il faut convaincre par un leadership assumé et efficace, pour pouvoir communiquer et mobiliser les parties prenantes (pouvoirs, ministères, régions, etc.). Et il faut comprendre les mécanismes de l’État, et les rouages macroéconomiques de l’économie nationale et de ses interdépendances avec les pays étrangers et les organismes internationaux.
On doit avoir une compréhension des concepts économiques clefs et de leur impact sur le niveau de vie des citoyens et sur les processus de la création de la richesse.
Multiplier les changements du chef de gouvernement a été un sport national pour l’ère post-2011. On préfère limoger le chef de gouvernement que de remettre en question les politiques publiques qui de facto n’ont pas fonctionné efficacement, parce qu’elles ont été mal conçues ou mal-implantées, ou les deux à la fois.
On enseigne à nos étudiants en sciences politiques et en sciences économiques qu’il faut détenir une expérience politique et une expertise technique pour pouvoir fixer de manière réaliste les bonnes priorités et pour faire tourner l’État, en créant la richesse et pas l’inverse.
Il faut au moins 9 mois pour maîtriser tous les mécanismes et les rouages de l’État, quand on occupe le poste de ministre, et un peu plus pour occuper efficacement celui de Premier ministre.
Durant l’ère de Ben Ali ou de Bourguiba (50 ans), les 8 premiers ministres duraient dans leur poste plusieurs années, peut-être un peu trop. Ils étaient tous des hommes et de la région de Monastir et environs.
Vision programme et agendas
Dans les régimes démocratiques, on ne change pas de chef de gouvernement sur un coup de tête, sans évaluation et sans consultation crédible (élections ou vote parlementaire). On ne prend pas le risque de brouiller en un rien de temps, les repères du fonctionnement économiques et les cibles visées par une équipe dirigée par un chef de gouvernement.
L’économie n’aime pas l’instabilité politique, hait les incertitudes et peut sanctionner toutes les mauvaises décisions, par des fuites de capitaux, atrophie des investissements, ou même contraction de l’emploi et de la croissance.
Dans les régimes démocratiques, on évalue les performances de chaque gouvernement, par des évaluations de politiques (domaine de recherche en sciences sociales); on mesure le niveau de confiance populaire à l’égard des gouvernements et des élites.
La confiance compte en politique publique et le citoyen a son mot à dire, durant ces moments clefs. Elle constitue le principal carburant de la vie politique, et le principal propulseur de l’économie.
Le changement de chef de gouvernement constitue un moment clef pour changer de vision, instaurer un nouveau momentum et dessiner un nouvel agenda.
La nomination de la nouvelle chef de gouvernement, à qui on souhaite tout le succès dans ses nouvelles fonctions, doit être assortie de transparence et de vision, quant aux priorités et à l’agenda gouvernemental dans le court terme.
L’économie tunisienne est à la peine, et les tensions sociopolitiques sont nombreuses et parfois explosives. Notre économie est handicapée par une productivité qui recule sans cesse et une politique monétaire qui vampirise l’investissement, la libre concurrence entre les opérateurs économiques.
Sans un vrai programme économique mobilisateur et sans une révision structurelle de la politique monétaire, on ne peut rien faire de différent et de concluant.
La marge de manœuvre gouvernementale est tributaire de la relance de la croissance, de la création d’emplois, du retour de l’investissement, et ultimement de la restauration de la confiance envers l’État dans son ensemble et ses institutions officielles ou informelles.
Les chiffres actuels indiquent que 2 à 3 citoyens sur 4 ne font pas du tout confiance aux principales institutions de l’État (administration, gouvernement, banque, parlement). Ces données viennent de la World Value Survey (2022).
La nouvelle cheffe de gouvernement doit restaurer la confiance du citoyen. Elle doit aussi nous afficher clairement sa vision, ses priorités et les changements à introduire pour faire autrement, et obtenir les résultats que ses prédécesseurs n’ont pas pu réaliser.
On n’obtient pas des résultats différents en faisant toujours les mêmes erreurs.