Tunisie : L’excellence ne vaut que si elle sert la souveraineté et la compétitivité nationale
Le webinaire organisé par l’Association Reconnectt autour du thème “Innover au national, concurrencer à l’international, comment doit être la prochaine génération des ingénieurs tunisiens” m’a profondément marqué, mais aussi laissé une amère frustration. Ce sentiment tenace d’inachevé persiste…
L’échange portait essentiellement sur la formation de nos ingénieurs, leur exode massif et le rôle crucial de la diaspora dans ce contexte. Un sujet qui fait écho au Livre Blanc publié récemment par le ministère de l’Enseignement supérieur, synthétisant deux années de diagnostic pour repenser la formation des ingénieurs à l’horizon 2030.
Cette réflexion s’inscrit dans l’actualité brûlante du nouvel impérialisme technologique, où les puissances dominantes se livrent une bataille sourde, posant à la fois un défi et une opportunité pour notre indépendance. Pourtant, après avoir écouté les arguments éclairés des intervenants, nous butons une fois de plus sur l’absence de volonté politique et l’archaïsme administratif.
Une vérité rarement assumée publiquement, mais dont dépend pourtant notre émancipation ultime. Je partage ce constat implacable : nous sommes, en partie, responsables de notre situation. Assez des éternels « Il faudrait que… » et « Il n’y a qu’à… » !
L’heure est à l’action, obstinée et collective et jusqu’au-boutiste La Tunisie a besoin de sa diaspora, unis en symbiose avec nos compatriotes restés au pays, agissons par nous-mêmes, sans attendre de sauveur, pour bâtir une communauté volontaire portant un projet émancipateur. Plutôt que de compter sur des institutions immobiles, croyons en la force de la société civile et en l’engagement citoyen, où chacun contribue à sa mesure.
Tout est question de mentalité et de volonté. Je comprends la résignation post-2011, mais si nous abandonnons, les rétrogrades et les ignorants gagneront. Notre pays se viderait de ses élites, condamné à une éternelle dépendance envers l’occident.
Notre force ? Une démographie dynamique, un territoire stratégique, des ressources non soumises à la malédiction de la rente. Gardons l’optimisme chevillé à l’âme. Le débat organisé par Reconnectt est en résonnance avec celui sur l’impérialisme technologique et l’enjeu de l’indépendance. L’objectif ultime doit être la souveraineté économique et sociale. Si nous sommes fiers de l’excellence – déclinante – de nos élites et de l’attractivité internationale de nos diplômés, cela ne sert en rien notre autonomie technologique.
La rencontre a souligné l’inadaptation de nos formations dans un monde où le savoir se périme rapidement. Nos étudiants doivent désormais cultiver des « soft skills » complémentaires à l’expertise technique. Un intervenant a pointé l’hémorragie des talents vers le Nord, contrastant avec le faible soutien à l’entrepreneuriat local et au tissu économique national.
Et c’est là que réside le drame : formons-nous des cerveaux pour alimenter les puissances dominantes, accentuant notre dépendance une fois le pays vidé de sa substance intellectuelle ? Pourquoi investir dans des formations financées par des prêts étrangers qui alourdissent notre dette, si c’est pour voir nos élites s’exiler sans retour garanti ? Je ne rejette pas les échanges internationaux, formateurs pour la jeunesse. Mais à qui profitent-ils réellement ?
L’excellence ne vaut que si elle sert la souveraineté et la compétitivité nationale. Sans cela, nous perpétuerons un cycle où le Nord, vieillissant, captera nos forces vives pour pallier son déclin démographique. Voilà l’enjeu crucial ! Songeons à l’Éthiopie, jadis ravagée par la famine, au Rwanda, meurtri par un génocide, ou à l’Afrique de l’Est en renaissance. Leur trajectoire montre qu’un sursaut est possible. Ou inspirons-nous des modèles des pays d’Asie à l’instar de la Corée du sud, de Singapour ou du Bangalore dites la Silicon Valley indienne contribuant pleinement au développement et l’indépendance du pays.
Notre destin ne s’écrira ni par la résignation, ni par l’attentisme.
Hakim Ben Lagha : Oil and Energy professional
EN BREF
Ingénieurs tunisiens : entre excellence et exode
- Sujet central : Formation des ingénieurs, fuite des talents, souveraineté technologique.
- Constat : Trop d’ingénieurs formés partent à l’étranger, affaiblissant la compétitivité nationale.
- Webinaire Reconnectt : Appel à une refonte de la formation, plus adaptée aux défis mondiaux.
- Citation clé : « L’excellence ne vaut que si elle sert la souveraineté. »
- Enjeu majeur : Mobiliser diaspora et société civile pour bâtir une Tunisie indépendante et innovante.
- Urgence : Agir sans attendre, avec une volonté politique et citoyenne forte.
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