Avec la fin de la Voice of America, les régimes autoritaires sont aux anges!
Après l’USAID qui a mis les clés sous la porte ce qui a mis en péril plusieurs projets de développement et des soins vitaux notamment des programmes de lutte contre le VIH en Afrique, c’est le tour d’un autre instrument du soft power américain de rendre l’âme, en l’occurrence le réseau radio Voice of America, créé après les attaques de Pearl Harbor pendant la Seconde guerre mondiale. En même temps, les régimes autoritaires ne lésinent pas sur les moyens pour étendre l’audience et l’influence de leurs médias internationaux.
Imed Bahri
L’éditorialiste Dana Milbank a critiqué cette décision dans les colonnes du Washington Post estimant qu’elle pénalise les peuples et sert les régimes autoritaires. Il estime que Voice of America était une des voix de la liberté dans le monde et un rempart contre le totalitarisme pendant la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide et les décennies qui ont suivi.
La Voix de l’Amérique fut diffusée huit semaines après Pearl Harbor. «Nous vous apportons des voix d’Amérique», avait déclaré le journaliste William Harlan Hale en allemand le 1er février 1942 lors de sa première diffusion; et d’ajouter: «Aujourd’hui et chaque jour à partir de maintenant, nous vous parlerons de l’Amérique et de la guerre. Les nouvelles peuvent être bonnes pour nous, les nouvelles peuvent être mauvaises mais nous vous dirons la vérité».
Milbank affirme que les dirigeants totalitaires de par le monde n’ont pas réussi à faire taire La Voix de l’Amérique à plusieurs reprises notamment Adolf Hitler de l’Allemagne nazie, Joseph Staline de l’Union soviétique, le fondateur de la République de Chine moderne, Mao Zedong, le Guide suprême de la révolution iranienne l’ayatollah Khomeini et leurs successeurs, le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping et Ali Khamenei.
Trump fait taire les voix de la liberté
On ne peut qu’être surpris que Trump, prétendument leader du monde libre, soit celui qui ait réussi à faire taire la station de radio. Il a non seulement licencié les quelque 1 300 employés de la station mais a également fermé deux stations sous l’égide de l’Agence américaine pour les médias mondiaux, Radio Free Europe et Radio Free Asia.
Milbank souligne que les despotes sont aux anges avec à cette nouvelle. Le Global Times, journal chinois anglophone qui suit la ligne éditoriale du Quotidien du Peuple, le journal officiel du Parti communiste chinois, a écrit dans ses colonnes: «Le soi-disant phare de la liberté, la Voix de l’Amérique, a été jeté par son propre gouvernement comme un chiffon sale».
Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du Global Times, a qualifié la fermeture de Voice of America de «grande nouvelle», expliquant que presque tout le monde en Chine connaît Voice of America parce que c’est un symbole bien connu de la pénétration idéologique américaine en Chine.
La Russie ne devrait pas tarder de célébrer également la disparition de la radio qu’elle considère comme une menace pour sa sécurité nationale.
L’éditorialiste du WP estime que la réduction au silence de Voice of America, qui compte une audience hebdomadaire d’environ 360 millions de personnes et diffuse dans environ 50 langues, indique l’abandon complet du soft power américain par l’administration Trump et l’affaiblissement de l’influence mondiale des États-Unis en particulier après que le président a fermé l’Agence américaine pour le développement international USAID.
Vers l’expansion des médias de propagande
Milbank considère que la décision de Trump ouvre la voie à l’expansion des médias de propagande russes et chinois en Afrique et en Amérique latine où Voice of America jouissait auparavant d’une grande popularité. Il rappelle que la station de radio en Iran a doublé son audience en ligne et que le nombre de téléspectateurs de ses vidéos a été multiplié par huit. Par conséquent, à l’heure où Trump prétend vouloir en découdre avec la République islamique et faire pression sur son régime, il se prive d’un outil de taille efficace.
La Chine dépense des milliards pour ses médias en Afrique tandis que l’Iran dépenserait des centaines de millions à cette fin. La Russie s’efforce également d’implanter Russia Today (RT) et Sputnik comme alternatives à Voice of America dans des pays comme le Venezuela et le Soudan du Sud alors que ces médias sont déjà bien implantés dans le monde arabe depuis plus d’une décennie.
La Voix de l’Amérique coûte 270 millions de dollars par an aux contribuables américains et sa diffusion touche 48 pays africains. L’éditorialiste du WP estime que ce n’est qu’un faible prix à payer comparé aux bénéfices de la lutte contre l’extrémisme dans les pays répressifs d’Amérique latine et d’Afrique. De ce fait sous prétexte de réaliser des économies souvent aléatoires, l’administration Trump sert les régimes autoritaires de par le monde.
Milbank conclut que tout comme les Chinois, les Russes et les Iraniens bénéficieront du silence imposé aux voix de la vérité et de la liberté, l’administration Trump en fera de même, indiquant ainsi son approche et sa position concernant la démocratie américaine. En définitive, il y a une convergence entre la politique interne de Trump et sa politique étrangère avec un mépris affiché des règles démocratiques, de la liberté d’expression et de l’État de droit.
L’article Avec la fin de la Voice of America, les régimes autoritaires sont aux anges! est apparu en premier sur Kapitalis.