Au temps du Bourguibisme, le combattant suprĂȘme (Bourguiba) qualifiait les entrepreneurs privĂ©s tunisiens de lâĂ©poque d'âaffairistesâ, câest-Ă -dire de personnes prĂ©occupĂ©es par le profit et enclins Ă faire des affaires sans scrupule. Le PrĂ©sident Ben Ali, son successeur nâa pas mĂ©nagĂ© Ă son tour cette catĂ©gorie dâacteurs sociaux. Il les qualifiait de âchasseurs de primes et de subventionsâ.
Malheureusement, ces Ă©tiquettes perdurent encore jusquâĂ nos jours comme en tĂ©moignent les rĂ©sultats de certaines enquĂȘtes.
A lâorigine de ce discours rĂ©ducteur entretenu Ă lâendroit des entrepreneurs, lâabsence dâune culture entrepreneuriale. Celle lĂ mĂȘme qui favorise la concrĂ©tisation dâun ensemble de valeurs concrĂštes, notamment lâinnovation, lâengagement, la crĂ©ativitĂ©, la responsabilitĂ© sociĂ©tale et autres. Lâultime finalitĂ© Ă©tant de consacrer dans la sociĂ©tĂ© la lĂ©gitimitĂ© sociale du mĂ©tier dâentrepreneur ainsi quâĂ donner Ă ce dernier une image plus crĂ©dible.
Nous sommes amenĂ©s Ă remettre Ă lâesprit ces qualitatifs dâantan au regard des rĂ©sultats dâun rĂ©cent baromĂštre sur la maturitĂ© de la durabilitĂ© au sein des entreprises exportatrices, et ce, Ă lâoccasion dâun sĂ©minaire organisĂ©, au mois de fĂ©vrier 2025, par la Chambre de commerce et dâindustrie de Tunis (CCIT), en partenariat avec le programme suisse de promotion de lâimportation (SIPPO), sur le thĂšme : « Mesurer pour agir, agir pour durer».
Objectif recherchĂ© des organisateurs : mesurer le degrĂ© dâintĂ©gration des pratiques durables au sein des entreprises exportatrices. Parmi ces pratiques figure en bonne place la ResponsabilitĂ© sociale de lâentreprise (RSE), une pratique pourtant en vigueur, depuis les annĂ©es 50 et mĂȘme bien avant.
La RSE date depuis les annĂ©es 50 et mĂȘme bien avant
Au temps de la colonisation française en Tunisie, la pratique Ă©tait exercĂ©e. Les firmes privĂ©es chargĂ©es de la construction de grands ouvrages, barrages et autres, Ă©difiaient parallĂšlement et en accompagnement de ces ouvrages, des villages ex nihilo, des Ă©coles, des Ă©tablissements sanitaires et dâautres Ă©quipements collectifs (cas des barrages de Beni Mâtir et de MellĂšgue au nord ouest de Tunisie).
En thĂ©orie le concept de RSE dĂ©signe la responsabilitĂ© dâune entreprise Ă©conomique Ă lâĂ©gard de la sociĂ©tĂ©. Câest une notion mise en avant par des organisations de consommateurs, des partisans du dĂ©veloppement durable et de lâintĂ©gration de lâĂ©thique morale dans lâĂ©conomie.
Les révélations du baromÚtre
Pour revenir aux rĂ©sultats du baromĂštre prĂ©citĂ© et Ă propos justement de RSE, ces derniers nous apprennent que sur 62 entreprises sondĂ©es, âseules 18 % des entreprises du secteur agroalimentaire tunisien ont mis en place une dĂ©marche structurĂ©e de responsabilitĂ© sociĂ©tale des entreprises (RSE), tandis que 80 % ignorent encore lâexistence de la loi RSE adoptĂ©e en 2018â.
Plus inquiĂ©tant encore, les rĂ©sultats du baromĂštre nous informent Ă©galement dâun manque criant dâengagement structurĂ© en matiĂšre de RSE. â38 % des entreprises sondĂ©es nâont aucune connaissance du concept, tandis que 56 % nâen perçoivent pas encore lâimportanceâ.
Plus inquiétant encore, aucune entreprise du panel ne détient un label certifiant ses engagements en matiÚre de RSE.
InterpellĂ©es lors de lâexĂ©cution de ce baromĂštre, sur les raisons qui les ont empĂȘchĂ©es dâadopter cette pratique durable, les entreprises interrogĂ©es Ă©voquent : le manque dâinformation, lâabsence dâun cadre lĂ©gal clair, le dĂ©ficit dâappui public et des moyens financiers insuffisants.
Avec ces rĂ©vĂ©lations arrachĂ©es -bien arrachĂ©es- Ă la faveur dâun financement suisse, les responsabilitĂ©s sont, dĂ©sormais, dĂ©limitĂ©es. Les rĂ©gimes clientĂ©listes ne se sont jamais prĂ©occupĂ©s de la durabilitĂ© des entreprises et de leur rayonnement sur leur environnement. Ils assument aujourdâhui la responsabilitĂ© des dĂ©gĂąts.
Abou SARRA
EN BREF
BaromĂštre sur la RSE (2025, CCIT & SIPPO)
18 % des entreprises agroalimentaires ont une démarche RSE
80 % ignorent la loi RSE de 2018
38 % ne connaissent pas le concept
56 % nâen perçoivent pas lâimportance
0 % de labels certifiants
Freins identifiés
- Manque dâinformation
- Absence de cadre légal clair
- DĂ©ficit dâappui public et financier
Conclusion : La culture entrepreneuriale et la responsabilitĂ© sociĂ©tale doivent ĂȘtre renforcĂ©es pour assurer la durabilitĂ© des entreprises.
Lâarticle RSE en Tunisie : Les entreprises sont-elles vraiment responsables ? est apparu en premier sur WMC.