Parlement européen : le géant chinois Huawei au cœur d’une affaire de corruption
Deux ans après celle du Qatargate, une nouvelle affaire de corruption secoue Bruxelles : au bout de 21 perquisitions dans la capitale belge, mais aussi en Flandre, au Portugal et en France, la justice belge soupçonne des lobbyistes de Huawei, la grande entreprise chinoise de télécommunications, d’avoir corrompu une quinzaine d’eurodéputés.
C’est la deuxième fois en moins de trois ans que le Parlement européen, seule institution élue de l’UE, est éclaboussé par un scandale de corruption.
En effet, en décembre 2022, éclata l’affaire du Qatargate ; un scandale de corruption impliquant des membres du Parlement européen, dont Eva Kaili, vice-présidente, et Antonio Panzeri, ancien eurodéputé italien, ainsi que d’autres assistants et lobbyistes soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin de plusieurs pays en échange d’influence politique.
Les accusations portaient sur une tentative de ces pays d’influencer les décisions du Parlement européen, notamment en matière de droits de l’Homme. Ces pays sont soupçonnés d’avoir fait des cadeaux ou versements en liquide afin de lisser leur image en matière de droits humains, notamment sur les conditions de travail des ouvriers migrants avant la Coupe du Monde 2022.
Rebelote. Bruxelles est à nouveau au cœur d’un nouveau scandale avec cette fois des suspicions de « corruption active au sein du Parlement européen » et de « faux et usage de faux ». Le tout dans le cadre d’une « organisation criminelle ». Et sous couvert de lobbying commercial du groupe chinois de télécommunications Huawei.
Guerre technologique
Pour rappel, le géant chinois est au cœur des rivalités entre la Chine et les États-Unis pour la domination technologique, notamment sur la 5G, l’intelligence artificielle et la cybersécurité.
Les Américains, qui tentent de limiter l’influence chinoise sur les infrastructures numériques mondiales, affirment sans preuve que les équipements de télécommunications pourraient être utilisés à des fins d’espionnage. Des accusations fermement démenties par Pékin. Ces accusations ayant conduit plusieurs pays à bannir Huawei de leurs infrastructures 5G.
Ainsi, la police belge a mené jeudi 13 mars une vingtaine de perquisitions en Région bruxelloise, en Flandre, en Wallonie mais aussi au Portugal. Plusieurs personnes ont été interpellées pour être auditionnées, selon le parquet fédéral.
Au cœur de l’enquête, figure un ex-assistant parlementaire employé comme directeur des affaires publiques au bureau bruxellois d’Huawei, alors qu’une quinzaine d’eurodéputés sont dans le radar des enquêteurs.
D’autre part, plusieurs lobbyistes ont été interpellés en vue d’être présentés à la juge d’instruction pilotant les investigations. Cela étant, aucun eurodéputé ne compte toutefois parmi les personnes interpellées jeudi matin.
Corruption active
Selon Le Soir, le quotidien belge de langue française qui a révélé l’affaire, l’enquête menée par une centaine de policiers belges visait à lever le voile sur les pratiques depuis 2021 de lobbyistes liés au géant de télécommunications Huawei.
Selon le parquet fédéral en charge de l’enquête, «la corruption supposée pratiquée régulièrement et très discrètement de 2021 à ce jour aurait eu lieu au profit de l’entreprise Huawei». Et ce, afin de promouvoir des intérêts commerciaux purement privés de favoriser la politique commerciale de l’entreprise sur le Vieux Continent.
Cadeaux « démesurés »
Le parquet fédéral ajoute dans un communiqué que «sous couvert de lobbying commercial, la corruption a pris différentes formes comme des rémunérations, des prises de position politiques ou encore des cadeaux démesurés comme des frais de bouche, de voyage, ou encore des invitations régulières à des matches de football».
D’après les révélations du Soir et contrairement au Qatargate impliquant des valises de cash, la corruption présumée consistait en des cadeaux de valeur, dont des smartphones Huawei, des places à des matchs de football – Huawei dispose notamment d’une loge privative au Lotto Park, l’antre du RSC Anderlecht -, ou des virements de quelques milliers d’euros. Sachant que d’après le code de conduite des députés européens, tout bien offert par un tiers d’une valeur supérieure à 150 euros doit être déclaré et répertorié publiquement dans le registre des cadeaux.
Alors, comment expliquer que des lobbyistes associés à Huawei aient enfreint la loi ? Selon les premiers éléments de l’enquête, il s’agirait de contrer le lobbying hostile de Washington, qui s’est intensifié dès 2019, pour exclure les sociétés de télécoms chinoises des marchés sensibles. De contre-attaquer les accusations d’espionnage et de plaider pour l’ouverture du marché européen aux investissements chinois.
Impunité
« La corruption doit être punie. Nous avons vraiment besoin d’un contrôle indépendant des violations éthiques, c’est un rappel douloureux après le Qatargate que l’Union européenne reste vulnérable », a déclaré l’eurodéputé écologiste allemand Daniel Freund.
« Depuis trop longtemps, les députés européens adoptent une approche insouciante de l’éthique et continuent de vivre dans une culture d’impunité », a réagi l’organisation Transparency International, jugeant ces nouvelles révélations « aussi graves » que celles du Qatargate. Entre-temps, la ligne jaune semble être allégrement franchie.
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