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Les migrants, ce sont nous

La question des migrants en Tunisie dépasse les frontières du politique et de l’économique. Elle nous tend un miroir brutal. Elle révèle nos contradictions, nos vérités cachées, nos refoulements collectifs. (Photo: des migrants rapatriés de Tunisie avec l’aide de l’OIM).

Manel Albouchi *

Il y a quelque chose d’étrange, d’inquiétant dans l’air. Une tension, une crispation. Une peur sourde qui s’infiltre dans les discussions, dans les regards, dans les décisions. On dit que l’Autre fait peur, mais si c’était nous qui nous faisions peur?

La question des migrants en Tunisie dépasse les frontières du politique et de l’économique. Elle nous tend un miroir brutal. Elle révèle nos contradictions, nos vérités cachées, nos refoulements collectifs.

Depuis quelque temps, le discours de rejet s’installe. On parle d’invasion, de «problème», de «danger». On ferme les frontières, on durcit les lois, on alimente une rhétorique de peur. Mais quelle est cette angoisse diffuse qui nous fait réagir avec tant de violence?

Il y a une ombre qui nous hante, une mémoire enfouie, un passé qu’on ne veut pas voir. Un héritage colonial non réglé. On nous a appris à nous voir comme Arabes, Méditerranéens, modernes. Africains ? Silence. Pourtant, l’Afrique est là, dans nos traits, dans notre dialecte, dans nos rythmes, nos traditions, notre cuisine. Mais l’Autre Africain, celui qui arrive aujourd’hui, celui qui frappe à notre porte avec son sac trop léger et son regard trop lourd, il dérange. Il trouble une identité qu’on a soigneusement fabriquée. Il nous rappelle une part de nous que nous avons voulu oublier.

Nous sommes ces migrants

Nous avons une mémoire sélective. On oublie trop vite que nous aussi, nous sommes ces exilés, ces déracinés. Que nos oncles, nos pères, nos cousins, nos fils ont traversé la Méditerranée en quête d’un avenir. Mais nous, nous nous sommes crus différents. Nous avons adopté l’accent parfait des centres d’appels; nous avons pris des prénoms français, François, Marie, pour mieux nous fondre dans le décor. On nous prenait pour des Français, le temps d’un appel téléphonique. Mais dès qu’il fallait un visa, un emploi, une place dans la société, on nous rappelait notre véritable place. Et pourtant, ici, nous reproduisons ce que nous avons subi ailleurs. Nous regardons l’Autre avec la même méfiance que celle que nous avons tant détestée. Nous le tolérons, à condition qu’il reste invisible. Nous l’acceptons dans nos chantiers, dans nos maisons, pour garder nos enfants ou laver nos sols, tant qu’il ne réclame rien. Tant qu’il ne revendique pas d’exister pleinement.

Entre rejet et exploitation

On les veut serviables, dociles, silencieux. Meilleurs que les enfants de Ain Draham, parce qu’ils appellent «Monsieur, Madame», qu’ils nourrissent un ego malmené. Parce qu’ils acceptent ce que nous-mêmes refusons. Mais dès qu’ils sortent du rôle qu’on leur a assigné, dès qu’ils marchent dans la rue en groupe, dès qu’ils rient un peu trop fort ou qu’ils osent s’installer, la peur surgit. On les accuse d’être trop nombreux, de «voler notre travail». Mais quel travail? Qui veut faire la plonge pour 10 dinars la journée? Qui accepterait de dormir à même le sol dans un chantier ou dans un entrepôt glacé en hiver et brûlant en été?

On alterne entre pitié et rejet. Une schizophrénie sociale. On dit «haram, ça me fait de la peine» en regardant un enfant dormir sous un porche. Mais une minute plus tard, on murmure «qu’ils rentrent chez eux». Une oscillation permanente entre humanisme et instinct de survie.

L’enfer, c’est nous

L’ennemi n’est pas l’Autre, c’est notre propre peur Plus on alimente la peur, plus elle grandit. Plus on durcit les frontières, plus la tension monte. Jusqu’à l’explosion. On l’a vu ailleurs. On le voit déjà ici. Mais cette question dépasse les migrants. C’est une question de société. Une épreuve pour notre capacité à évoluer, à dépasser nos archaïsmes.

Voulons-nous rester prisonniers de nos peurs, ou sommes-nous capables d’accepter la complexité de notre identité? Parce que l’histoire ne s’arrête pas. Parce que la Tunisie ne pourra pas éternellement osciller entre attraction et rejet. Parce qu’un jour, il faudra choisir : se refermer sur soi-même ou s’ouvrir à ce que nous sommes vraiment. Parce que l’enfer, ce ne sont pas les autres. L’enfer, c’est nous, quand nous refusons de voir la vérité en face.

* Psychologue, psychanalyste.

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CourtMed 2025 : Appel à candidatures pour les créateurs audiovisuels du bassin méditerranéen

La deuxième édition du Concours de courts-métrages méditerranéens, CourtMed, destiné notamment aux jeunes réalisateurs du bassin méditerranéen, a été lancé. La date limite d’inscription (gratuite) est fixé au 31 mars 2025.

Le concours, organisé par le Centre Méditerranéen de la communication audiovisuelle (CMCA) est destiné aux personnes physiques (étudiants des universités, des écoles de cinéma et de journalisme ainsi qu’aux jeunes réalisateurs et journalistes récemment diplômés) originaires d’un des pays du bassin méditerranéen, dont la Tunisie, et aux personnes morales telles que les écoles, les universités, les distributeurs, les sociétés de production.

Les œuvres audiovisuelles présentées traitent de sujets relatifs aux enjeux, à la culture, au patrimoine, à l’histoire, aux sociétés et à la vie des femmes et des hommes des pays méditerranéens. Toute œuvre audiovisuelle quels que soient le genre et la technique (fiction, documentaire, reportage, animation, etc.) d’une durée maximum de 15 minutes et terminée après le 1er janvier 2024 est éligible.

Le Concours CourtMed permet aux jeunes créateurs de faire connaître leur travail à l’échelle méditerranéenne. Les gagnants seront annoncés entre avril et mai 2025.

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