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Du rififi à Téhéran | L’establishment iranien se déchire!

Rien ne va plus à Téhéran. Après l’annus horribilis 2024 qui a vu le Hezbollah libanais sortir épuisé et son état-major politique et militaire décapité suite à la guerre sanglante l’ayant opposé à Israël, puis la chute vertigineuse de Bachar Al-Assad en Syrie, la situation semble devenir plus précaire que jamais au cœur même du régime.

Imed Bahri

Le président réformateur Masoud Pazeshkian ayant reçu pour son élection le soutien du Guide Ali Khamenei vient d’être lâché par ce dernier qui semble pencher pour les faucons du camp conservateur, à l’heure où, à Washington, d’autres faucons ont pris le pouvoir.

Pazeshkian est toujours favorable à des négociations avec Washington, contrairement aux conservateurs qui refusent de négocier avec le couteau de Trump sous la gorge et qui sont convaincus que la nouvelle administration américaine a pour objectif de provoquer un changement de régime en Iran. 

Tout en rappelant que la proposition de Trump de rouvrir les négociations avec Téhéran sur le programme nucléaire iranien intervient dans un contexte de conflits internes qui secouent les plus hautes sphères de l’establishment de la République islamique, Patrick Wintour, rédacteur en chef diplomatique du journal britannique The Observer, version du week-end du Guardian, a ajouté que, le mois dernier, le parlement iranien dominé par les conservateurs a affirmé son autorité sur le président réformiste Masoud Pezeshkian, élu en juin, en limogeant le ministre de l’Economie Abdolnasser Hemmati, tandis que Mohammad Javad Zarif, vice-président et réformateur le plus en vue, a également été contraint de démissionner.

La dernière lutte pour le pouvoir s’est clairement déroulée contre la volonté du président Pezeshkian mais avec une économie sous le choc des sanctions américaines.

Le gouvernement de l’ombre reprend la main

Le guide suprême de 85 ans a apparemment décidé de ne pas soutenir Pezeshkian. Sentant que la situation s’aggravait, le Parlement a convoqué 11 ministres et leur a posé 49 questions sur leurs performances dans ce qui a été perçu comme une tentative de harceler Pezeshkian et son gouvernement et de le forcer à se soumettre davantage.

Des rumeurs circulent en Iran selon lesquelles Pezeshkian, un homme émotif qui accorde une grande importance à l’intégrité, serait sur le point de démissionner. Son départ confirmerait que l’État profond, ou ce que certains en Iran appellent le gouvernement de l’ombre, ne tolérera pas une perte de pouvoir.

S’il part, il a clairement fait savoir à qui il imputerait la responsabilité. Dans un discours remarquablement franc, il a finalement pris position déclarant qu’il était favorable à des négociations avec l’Occident mais que le Guide suprême les avait rejetées. 

«Ma position a toujours été et restera que je crois aux négociations mais nous devons désormais suivre les paramètres fixés par le Guide suprême», a déclaré Pezeshkian avant d’ajouter: «Lorsque le Guide suprême fixe une direction, nous devons nous y adapter et pour nous adapter, nous devons essayer de trouver une solution. Depuis que nous avons pris le pouvoir, nous avons des problèmes d’énergie, d’eau, d’électricité, d’énormes dettes et des problèmes de paiement aussi bien dans le secteur agricole pour le blé que dans celui de la santé pour les soins médicaux mais aussi les retraites, etc.»

Le bras-de-fer s’étend aussi au plan sociétal, puisqu’il a également déclaré que ses efforts visant à alléger la pression exercée sur les femmes pour qu’elles portent le voile se heurtaient à une opposition constante.

Sur un autre plan, Pezeshkian a présenté samedi de nouvelles excuses pour la pénurie d’électricité.

Wintour estime que les nombreuses batailles qui tournent autour de l’économie et de sa mauvaise gestion s’inscrivent en réalité dans des batailles plus vastes autour des relations avec l’Occident. Les conservateurs étant convaincus que l’expérience montre que Trump et son allié Israël ne sont non seulement pas dignes de confiance mais également déterminés à provoquer un changement de régime en Iran.

Pezeshkian avait affirmé lors des élections que l’Iran pourrait mettre fin à sa confrontation avec l’Occident et rester indépendant.

Téhéran pourra-t-il rejeter les négociations proposées par Trump ?

Les conservateurs considèrent que leur position est juste et plus justifiée que jamais surtout après la lettre de Trump à l’ayatollah Ali Khamenei, qui pose des conditions strictes aux négociations sur le programme nucléaire. Le prix exigé par Washington est considéré comme trop élevé.

Cependant, si Téhéran rejette l’initiative de Trump, le bombardement israélien des sites nucléaires iraniens deviendrait probable voire imminent. Le plus grand obstacle à une telle attaque ne réside pas dans les nombreuses menaces de représailles de l’Iran –Israël pense avoir détruit les défenses aériennes de Téhéran l’automne dernier– mais dans les arguments des États du Golfe.

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar Cheikh Mohammed bin Abdulrahman Al Thani a accordé une interview à Tucker Carlson, qui a suscité beaucoup d’inquiétudes et dans laquelle il a averti que si la centrale nucléaire iranienne de Bushehr était attaquée et que des matières radioactives s’échapperaient dans le Golfe, trois jours après, aucun pays de la région n’aurait d’eau potable, étant donné que ces pays dépendent tous du dessalement pour assurer leur approvisionnement en eau potable. Une telle attaque détruirait non seulement la vie marine mais aussi la vie dans toute la région, a ajouté le ministre qatari.

Pour l’instant, les diplomates iraniens restent sur leur position affirmant qu’ils ne négocieront pas directement avec l’Amérique. Cela laisse ouverte la possibilité de pourparlers indirects sous la médiation de la Russie, une variante des laborieuses négociations qui ont eu lieu à Vienne sous l’administration Biden et qui n’ont pas réussi à relancer l’accord nucléaire de 2015. Cette offre pourrait faire gagner du temps à l’Iran.

Le consensus en Iran est que le message de Trump arrive à point nommé dans le cadre d’une guerre psychologique destinée à forcer Téhéran à le rejeter, à approfondir les divisions iraniennes sur sa stratégie et à porter la crise entre l’Occident et l’Iran aux plus hauts niveaux.

Cependant, en cas de refus de l’offre de négociation américaine par Khamenei, l’option militaire serait à l’ordre du jour, a déclaré Trump, sachant qu’il a déjà levé tout obstacle à la livraison à Israël de bombes de 2 000 livres (900 kg) suspendue par son prédécesseur et que Tel Aviv compte utiliser pour frapper les sites nucléaires iraniens.

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Projet de réponse du Guide suprême d’Iran au président américain Donald Trump

On rapporte que le président Donald Trump aurait adressé une lettre au Guide suprême de la République islamique d’Iran, Ali Khamenei, abordant notamment la question du programme nucléaire iranien et les tensions entre les deux nations. Voici un projet de réponse, rédigé dans l’esprit des grandes correspondances diplomatiques d’antan, dont les autorités iraniennes pourraient s’inspirer.

Khémaïs Gharbi

Au Très Honorable Président des États-Unis d’Amérique Sa très haute

Excellence Monsieur Donald Trump.

Que la paix soit sur celui qui recherche la paix, que la sagesse éclaire celui qui détient le pouvoir, et que la bénédiction divine accompagne votre nouveau mandat, afin que les sentiments de justice et de concorde prévalent sur les froids calculs de la politique.

Votre noble missive, monsieur le Président nous est parvenue, et elle a été reçue avec l’attention qui sied aux paroles d’un chef d’État dont l’influence s’étend aux confins du monde. Il est vrai que l’Amérique, par sa puissance et son rôle prééminent dans l’ordre international, façonne bien des destinées et oriente ou apaise bien de tempêtes. Sachez que notre inclination naturelle est à la paix, à la coopération entre les nations et à la stabilité des peuples. Hélas, les chemins de l’Histoire, pavés d’occasions manquées et d’incompréhensions, ont trop souvent éloigné nos nations, là où la raison et l’intérêt des peuples eussent commandé leur rapprochement.

Des nations livrées à la brutalité des armes

Votre sollicitude à l’égard de notre nation et votre insistance sur la question de notre souveraineté militaire ne nous échappent point. L’Iran, terre de civilisation plusieurs fois millénaire, n’a jamais cherché à s’armer au-delà de la mesure que lui impose la nécessité de sa propre sécurité. Or, permettez-moi de vous le dire avec la franchise qui sied aux échanges entre hommes d’État : si l’inquiétude devait guider notre jugement, elle ne trouverait pas sa source dans nos propres décisions, mais bien dans l’ordre instable qui règne autour de nous.

Car enfin, Monsieur le Président, quel peuple pourrait demeurer sans crainte lorsqu’il voit, autour de lui, des nations livrées aux flammes des guerres, des frontières effacées par la brutalité des armes, et des États entiers transformés en champs de ruines sous les coups de forces étrangères agissant en toute impunité? Quel dirigeant responsable pourrait demeurer inactif lorsque, non loin de ses terres, d’autres peuples sont dépossédés de leur patrie, déplacés, relégués à la souffrance dans l’indifférence des grandes puissances, et cela au mépris même des lois que ces puissances ont pourtant érigées en principes universels?

Vous le savez, l’Histoire retiendra que la sécurité ne peut être fondée sur la crainte imposée aux autres. Elle ne peut naître que d’un équilibre juste et d’une garantie mutuelle de respect et de souveraineté. La stabilité dans notre région ne saurait être assurée tant qu’un seul État, fort de votre soutien indéfectible, Israël en l’occurrence, s’arroge le droit de violer impunément toutes les résolutions internationales qui ne lui conviennent pas et de bouleverser, par la force, l’ordre des nations.

La paix n’est pas l’unilatérale renonciation

Si votre dessein est véritablement d’apaiser les tensions, alors sachez que la main de l’Iran n’a jamais tremblé lorsqu’il s’est agi d’œuvrer pour la paix. Mais la paix, Monsieur le Président, n’est pas l’unilatérale renonciation d’un peuple à ses droits légitimes ; elle est l’édification d’un ordre fondé sur la justice, où aucun État ne s’érige en arbitre absolu du sort des autres.

L’histoire jugera nos actes, et la postérité se souviendra des décisions que nous aurons prises. Puissiez-vous entendre la voix de la sagesse, et puisse votre nation, qui s’enorgueillit de ses principes, redevenir un artisan de stabilité pour tous, et non une source de déséquilibre pour certains ni une garantie d’impunité permanente pour un seul autre.

Le peuple iranien, riche de son histoire et de sa sagesse, ne souhaite au peuple américain que bonheur et prospérité. Car nous savons que la grandeur d’une nation ne se mesure pas seulement à sa puissance, mais à sa fidélité aux valeurs qui l’ont fondée. La grandeur de l’Amérique n’est pas contradictoire avec la justice et l’équilibre entre les nations ; au contraire, elle s’y épanouit pleinement. Mais comment votre nation pourrait-elle véritablement se consacrer à sa propre renaissance si un seul État, Israël faut-il vous le rappeler, animé par des desseins belliqueux, détourne inlassablement votre engagement et vos ressources au profit de sa seule expansion territoriale? Si vous aspirez sincèrement à rendre sa grandeur à l’Amérique, alors il vous appartient d’empêcher que d’autres ne la confisquent à leur seul bénéfice.

Puisse l’Auteur des destinées accorder à votre nation sagesse et clairvoyance, et faire de votre mandat un temps où la justice l’emporte sur la discorde, où la grandeur se conjugue avec l’équité, et où chaque peuple trouve sa place dans l’harmonie des nations.

Fait à Téhéran, en l’an…

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