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La Tunisie, bloquée, bafouille et se cherche

Quand le président de la république lui-même se plaint de l’immobilisme des hauts responsables de l’Etat voire des obstacles que ces derniers mettent sur la voie de la réalisation de son programme de gouvernement, à quel saint le simple citoyen peut-il se vouer et à quelle autre autorité va-t-il se tourner pour se plaindre et lui demander des comptes?

Imed Bahri

Chaque jour que Dieu, le président de la République appelle à ceci et ordonne cela. Le chef du gouvernement fait de même. Ainsi que les ministres et les secrétaires d’Etat. Mais le problème est que ce qui est préconisé tarde à se concrétiser et que si, par chance, il se concrétise, c’est avec un certain retard ou un retard certain, de sorte que les citoyens ne le perçoivent pas vraiment puisque l’impact positif qu’ils en escomptent sur leur vie quotidienne tarde à se faire sentir.

C’est là où le bât blesse : les activités officielles, dont nous autres médias rendons compte chaque jour, ont un air de déjà vu et de déjà entendu et d’ennuyeusement redondant. Ça parle, ça se répète mais ça vasouille et n’avance pas vraiment. C’est en tout cas le sentiment que les citoyens lambdas ont en regardant les responsables s’agiter, agiter des plans, des stratégies, des promesses, sans voir de résultats tangibles ou suffisamment perceptibles de ce «jus de cerveau» incolore, inodore et sans saveur, tant les problèmes persistent et s’aggravent et les solutions préconisées à coups de «il n’y a qu’à» et «il faut que» tardent à être mises en œuvre.

Qui pointer du doigt ?

Ce ne sont visiblement pas les idées qui manquent : elles remplissent les tiroirs de ces chers ministres, secrétaires d’Etat et autres directeurs généraux, sans parler des milliers de conseillers, de consultants et de beaux parleurs qui remplissent les bureaux sans que l’on sache ce qu’ils font au juste ou s’ils font quelque chose d’utile à leurs semblables.

Ce qui manque, en réalité, ce sont les actions concrètes qui sont mises en œuvre au bon moment et dont les résultats se font rapidement observer. Et là, on ne sait pas qui pointer du doigt. Où se situe le hiatus.

Quand le président de la république lui-même se plaint de l’immobilisme des hauts responsables de l’Etat voire des obstacles que ces derniers mettent sur la voie de la réalisation de son programme de gouvernement, à quel saint le simple citoyen peut-il se vouer et à quelle autre autorité va-t-il se tourner pour se plaindre et pour demander des comptes?

On s’est souvent posé ce genre de questions à chaque fois que le président reprend la même rengaine sur lesdits saboteurs, corrompus, cartels, lobbys et autres comploteurs contre la sûreté de l’Etat et le bonheur du peuple, mais on n’arrive pas à leur trouver des réponses.

Tous irresponsables

Il y a comme un sentiment de lassitude doublée d’impuissance qui s’installe dans nos cœurs, paralyse nos esprits et nous laisse ruminer nos désillusions et nos frustrations. Nous nous comportons tous comme si nous n’y sommes pour rien, que tout nous est imposé et que c’est la faute à «pas de chance».

Personne ne se sent sérieusement responsable du blocage où la Tunisie se morfond depuis 2011, ce qui revient à dire que tout le monde est, d’une certaine manière, irresponsable, puisque le temps passe, les problèmes s’aggravent, les pertes et les déficits s’accumulent, les dettes aussi, que devront payer un jour nos enfants et petits-enfants, et la barque continue de couler, lentement mais sûrement, avec tout le monde à bord.

Jusqu’à quand allons-nous continuer ainsi ou plutôt jusqu’où pourrions-nous encore tenir en laissant les choses pourrir autour de nous et sous nos pieds, au propre et au figuré ? A quand le réveil ? Il se fait déjà très tard…

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La guerre d’Ukraine préfigure les guerres du futur

Aujourd’hui, tout le monde évoque la guerre d’Ukraine pour évoquer le revirement stratégique opéré par la nouvelle administration américaine et l’abandon par son président Donald Trump du soutien de Kiev qui relevait quasiment du sacré dans le camp occidental. Cependant, cette guerre a profondément modifié les conflits armés modernes et repensé les théories de la guerre. L’utilisation intensive des drones en est l’illustration et cette guerre a donné lieu à une course frénétique à leur sophistication. 

Imed Bahri

Le conflit en Ukraine connaît une transformation radicale avec les drones dominant les champs de bataille car ils causent désormais environ 70% des blessures et des décès dans la guerre, affirme le New York Times, en citant des dirigeants militaires ukrainiens, ajoutant que la guerre a commencé avec l’artillerie, les chars et les tranchées mais elle est largement menée aujourd’hui avec des drones qui sont modifiés et perfectionnés à une vitesse étonnante pour devenir des machines à tuer efficaces.

Le journal américain cite Roman Kostenko, chef de la commission de la défense et du renseignement du parlement ukrainien, affirmant que les drones –et non l’artillerie lourde et de grande taille qui caractérisait les guerres du passé– sont à l’origine d’environ 70% de toutes les pertes russes et ukrainiennes.

Dans certaines batailles, le pourcentage de ces pertes atteint 80% du nombre de morts et de blessés selon les chefs militaires.

L’enquête note que la guerre s’est transformée en une course entre l’Occident et la Russie pour injecter des armes conventionnelles comme des obus et des chars dans la bataille transformant l’est de l’Ukraine en une galerie de tir d’artillerie.

Baisse d’importance des armes conventionnelles

Les drones sont devenus l’arme la plus meurtrière et sont commandés à distance à l’aide de commandes et d’écrans surpassant les armes traditionnelles telles que les chars et l’artillerie.

Le conflit actuel n’a rien à voir avec les premières batailles lorsque des colonnes de soldats russes parcouraient les rues des villages et des villes ukrainiennes tandis que de petits escadrons d’infanterie ukrainienne se déplaçaient rapidement utilisant des tactiques de frappe et de fuite pour ralentir l’avancée de l’armée russe plus importante.

L’enquête indique que l’évolution de la guerre pourrait avoir des implications géopolitiques majeures. Alors que la relation fragile entre l’Ukraine et l’administration Trump menace de couper toute aide militaire future, l’importance des armes conventionnelles pour lesquelles les Américains ont dépensé des milliards de dollars pour les fournir à l’Ukraine diminue. L’utilisation intensive des drones donne une forme d’autonomie à Kiev dans le conflit.  

Le New York Times explique que l’un des effets de la guerre au niveau international est qu’elle inspire les alliés et les ennemis de l’Occident comme l’Iran et la Chine et qu’elle remodèle les théories traditionnelles de la guerre.

Les futurs conflits axés sur la technologie

L’Otan et d’autres pays tirent les leçons de la guerre en Ukraine pour tenter de comprendre comment se préparer aux futurs conflits axés sur la technologie.

Les drones sont moins chers et plus faciles à produire que les chars, les canons et autres armes conventionnelles. L’année dernière, cela a contribué à compenser la diminution des approvisionnements en artillerie et en roquettes de fabrication occidentale envoyées en Ukraine.

Selon le NYT, l’Ukraine et la Russie produisent des millions de drones chaque année faisant de la bataille entre elles une compétition d’adaptabilité et de production. Les deux camps utilisent des technologies telles que des drones équipés de caméras, l’intelligence artificielle et des dispositifs anti-drones qui brouillent leurs signaux.

Les responsables ukrainiens affirment avoir construit plus d’un million de drones FPV jusqu’en 2024 quant à la Russie affirme pouvoir en produire 4 000 par jour. Les deux pays affirment qu’ils travaillent toujours à augmenter leur production chacun visant à produire entre 3 et 4 millions de drones en 2025. Toutefois, les dirigeants militaires préviennent que quelle que soit l’efficacité des drones, ils ne répondent pas à tous les besoins militaires de l’Ukraine et ne peuvent pas simplement remplacer la demande en armes conventionnelles.

Ils affirment que l’artillerie lourde et d’autres armes à longue portée sont toujours nécessaires pour de nombreuses raisons notamment pour protéger les soldats et cibler les sites de commandement et de contrôle ou les systèmes de défense aérienne. Cependant, ces dirigeants considèrent que la domination des drones pourrait changer la nature même de la guerre.

Le journal américain cite le chef du commandement de transformation de l’Otan, l’amiral français Pierre Vandier, qui a déclaré que la guerre en Ukraine est «un mélange de la Première Guerre mondiale et de la Troisième Guerre mondiale, ce à quoi pourraient ressembler les guerres du futur»

L’enquête indique que le rythme des progrès a stupéfié même les observateurs de la guerre forçant beaucoup à repenser l’utilité d’armes de plusieurs millions de dollars sur un champ de bataille qui peuvent être détruites par un drone ne coûtant que quelques centaines de dollars.

En bref, la guerre en Ukraine marque un changement dans les méthodes de guerre passant des méthodes traditionnelles à celles qui s’appuient sur la technologie d’une manière sans précédent redéfinissant la nature des conflits militaires mondiaux.

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Tunisie | L’inflation se replie à 5,7% en février 2025

Le taux d’inflation en Tunisie s’est replié à 5,7%, en février, contre 6% en janvier, indique, mercredi 5 mars 2025, l’Institut national de la statistique (INS).

Ce recul de l’inflation est dû principalement au fléchissement observé au niveau du rythme annuel d’augmentation des prix des produits alimentaires (7% en février 2025 contre 7,1% en janvier), de l’habillement et chaussures (8,6% en février contre 9,7% en janvier), des services de santé (4% en février contre 9,1% en janvier) et du logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles (3,8% en février contre 4,1% en janvier).

En ce qui concerne le taux d’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires et énergie), il s’est replié à 5,7% contre 6% en janvier, a indiqué l’INS dans une note consacrée à «L’indice des prix à la consommation pour février 2025».

D’après l’INS, Les produits manufacturés et les aliments frais sont les secteurs ayant apporté la plus forte contribution à l’inflation globale avec le même taux 2%.

Par régimes, les groupes «non alimentaire libre» et «alimentaire libre» sont les groupes ayant apporté la plus forte contribution à l’inflation soit respectivement 3,2% et 1,9%.

Par ailleurs, les produits alimentaires «encadrés» ont apporté la plus faible contribution avec 0,1%.

Les prix à la consommation restent stables

En février 2025, les prix à la consommation ont enregistrée une légère baisse de 0,1% par rapport à janvier. Cette diminution est principalement due à la baisse des prix de l’habillement et chaussures de 3,6 % en raison des soldes d’hiver et des prix du logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles de 0,1% suite à l’application de la nouvelle tarification de l’électricité.

En revanche, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 0,5%, a fait savoir l’INS.

Cette augmentation est expliquée par la hausse des prix des viandes d’agneau (+2,7%), des légumes frais (+1,5%), des fruits frais (+1,4%). En revanche, les prix des huiles alimentaires ont enregistré une baisse de 2,1% et ceux de la volaille ont diminué de 1,6%.

Produits alimentaires : + 7%, en glissement annuel

En glissement annuel, les prix des produits alimentaires ont augmenté de 7%. Cette hausse est principalement due à l’augmentation des prix de la viande d’agneau de 21,4%, des légumes frais de 18,7%, des fruits secs de 14,2%, de du poisson frais 13,4% et des volailles de 10,5%).

En revanche, les prix des huiles alimentaires ont diminué de 16,2%.

Les prix des produits manufacturés et les services ont connu une augmentation de 5,2% en raison de la hausse des prix des produits de l’habillement et chaussures (+9,7%) et des produits d’entretien courant du foyer (+4.8%).

Pour les services, l’augmentation des prix est de 5,1% sur un an, expliquée principalement par la hausse des prix des services du groupe restaurant, cafés et hôtels de 11,4%.

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Eclaircissements de Samir Jaieb sur ses démêlées avec la justice

Samir Jaieb, le président du Groupe Alliance, a publié les éclaircissements suivants, par le biais de son avocat Me Fakher Gafsi, en réponse aux informations circulant à son sujet et qu’il qualifie d’«erronées».

Suite au verdict rendu en première instance dans l’affaire douanière intentée contre M. Samir Jaieb, et en réplique à la diffusion d’informations erronées relayées par certains médias audiovisuels, écrits et sur les réseaux sociaux, ce dernier souhaite apporter les précisions suivantes pour éclairer l’opinion publique. 

Il affirme que le jugement rendu en première instance concerne uniquement des infractions douanières liées à la détention de devises étrangères (soit un montant de 650 euros, équivalent à environ 2 000 dinars tunisiens) et en rapport avec son statut juridique en tant que résident ou non-résident en Tunisie, ce qui impacte son droit à conserver un compte bancaire en devises en Tunisie.

M. Jaieb précise également que l’affaire susmentionnée ainsi que les poursuites judiciaires en cours à son encontre n’ont aucun lien avec les poursuites judiciaires impliquant l’ancien directeur de la police judiciaire et l’ancien chef de cabinet de madame la ministre de la Justice.

M. Jaieb considère que toute tentative d’y associer ses affaires judiciaires exclusivement fiscales et douanières relève d’une campagne de désinformation malveillante visant à le diaboliser et à ternir sa réputation.

En conséquence, il se réserve le droit d’engager des poursuites judiciaires contre toute personne relayant ces fausses allégations.

Communiqué.

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Startups et PME tunisiennes | Innover pour s’internationaliser

Un débat a réuni les principaux acteurs de l’écosystème entrepreneurial tunisien afin de discuter des enjeux clés du développement des startups et PME, notamment en matière d’innovation, de croissance économique durable et d’internationalisation.

Cet échange au cours d’un déjeuner débat s’est déroulé en présence de  Stefano Sannino, directeur général de la Direction générale du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et du Golfe (DG Mena) de la Commission européenne. Il a permis de mettre en lumière les défis et opportunités liés à l’essor des jeunes entreprises tunisiennes et aux dispositifs nécessaires pour renforcer leur compétitivité, notamment en régions.

Modéré par  Wafa Makhlouf, directrice exécutive de Ceed Tunisie, l’événement a rassemblé des startups, PME, institutions publiques (APII, Smart Capital, CDC, Association tunisienne des Technoparks) ainsi que des agences de coopération internationale telles qu’Expertise France et la GIZ. 

Stimuler l’innovation et la transformation économique

Les discussions ont mis en avant l’importance de renforcer les partenariats public-privé (PPP) afin de stimuler l’innovation et favoriser une croissance économique durable. L’objectif est de créer un cadre propice à la création de nouvelles entreprises et de soutenir celles en phase d’expansion.

L’un des points majeurs du débat a porté sur la nécessité de renforcer le soutien aux entrepreneurs et startuppers, en particulier ceux implantés en dehors des grandes agglomérations. L’objectif est de favoriser une croissance inclusive et équilibrée sur l’ensemble du territoire tunisien en dynamisant les économies locales et en offrant aux entrepreneurs régionaux les moyens de concrétiser leurs ambitions.

L’accès aux marchés internationaux a été identifié comme un enjeu stratégique. Les discussions ont mis en avant la nécessité de mettre en place des dispositifs d’accompagnement ciblés pour renforcer la compétitivité des entreprises tunisiennes et leur offrir des perspectives de croissance à l’échelle mondiale.

Un accompagnement post-création

L’après-création constitue un défi clé pour la stabilité et la croissance des startups. Un suivi structuré et adapté aux besoins des entrepreneurs est essentiel pour maximiser leurs chances de réussite et assurer leur développement à long terme.

De sa part, Mme Makhlouf a réaffirmé l’engagement de Ceed Tunisie à soutenir les startups et PME locales, en créant des ponts entre les acteurs publics et privés, en facilitant leur accès aux marchés internationaux et en encourageant un environnement propice à l’innovation et à la croissance durable.

Communiqué.

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Rapport du CRLDHT sur la 1ère audience du procès de «complot contre la sureté de l’Etat»

Le Centre pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), une association tunisienne basée en France, a publié le rapport ci-dessous sur la première audience du procès dit de complot contre la sureté de l’Etat dont les audiences ont été reportées au 11 avril prochain.

La première audience du procès visant plusieurs figures de l’opposition, des personnalités de la société civile et d’anciens hauts responsables de l’État, accusés dans l’affaire dite du «complot contre la sûreté de l’État», s’est tenue le 4 mars 2025 sous une tension palpable.

Depuis le début, cette affaire cristallise les critiques et soulève des soupçons quant à l’instrumentalisation de la justice à des fins de règlement de comptes politiques.

L’interdiction de publication imposée par les autorités judiciaires n’a fait qu’accentuer la suspicion d’une volonté de museler l’information et de contrôler le récit officiel. Avec l’ouverture du procès au public, le vernis de l’opacité commence à se fissurer, révélant une gestion judiciaire aux allures de mise en scène savamment orchestrée.

Report stratégique et verrouillage des détenus

Le tribunal a choisi de jouer la montre en reportant l’audience au 11 avril 2025, tout en opposant une fin de non-recevoir aux demandes de mise en liberté des accusés. Ce refus catégorique confirme la ligne dure adoptée par les autorités et alimente l’hypothèse d’un procès conçu comme une démonstration de force dont le verdict est déjà écrit plutôt que comme un exercice impartial de justice.

Une mobilisation, en dehors du tribunal

Loin de se résigner, familles des détenus, militants et figures politiques ont investi les abords du tribunal pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une parodie de justice. Au cœur de leur indignation : la décision du ministère de la Justice d’imposer une comparution à distance, perçue comme une manœuvre visant à neutraliser les accusés et à saboter leur défense. Les manifestants ont scandé leur rejet d’une justice télécommandée et ont exigé la libération des prisonniers politiques, dénonçant un procès sur mesure destiné à éradiquer l’opposition.

Une audience sous haute tension : contestation et chaos

Dans la salle 6 du tribunal de première instance de Tunis, l’atmosphère était électrique. Journalistes, diplomates, activistes et plus de 100 avocats étaient présents, parmi lesquels l’ex-bâtonnier de Paris et l’avocat algérien Me Mustapha Bouchachi.

Dès le coup d’envoi, les proches des détenus ont explosé de colère face à l’absence des accusés, dont la présence physique était pourtant essentielle à la régularité du procès. L’agitation a contraint le juge à suspendre brièvement la séance, signe d’un climat explosif.

Lors de la reprise, Me Laroussi, président de l’Ordre des avocats de Tunis, a dénoncé la tenue du procès à distance, qualifiant cette méthode de subterfuge grossier destiné à priver les accusés d’un droit fondamental à la confrontation directe avec leurs juges et leurs accusateurs.

La contestation ne s’est pas arrêtée là. Chaïma Issa, accusée dans cette affaire, a fustigé cette justice dématérialisée, tandis que Jawhar Ben Mbarek, détenu à la prison de Mornaguia, a refusé de comparaître à distance. La défense a immédiatement dénoncé l’absence de toute preuve officielle de ce refus, s’interrogeant sur une tentative délibérée d’escamoter les accusés du procès.

D’autres voix se sont élevées : Ayachi Hammami a fustigé un simulacre de justice, tandis que Riadh Chaïbi a exprimé sa détermination à être jugé dans des conditions dignes, et non à travers un écran de prison.

L’affaire a pris une tournure plus inquiétante avec le cas de Sahbi Atig, qui s’est vu attribuer un refus de présence qu’il n’aurait jamais signé. Pour pallier l’absence de preuves, les autorités ont eu recours au témoignage de prisonniers de droit commun censés attester de son refus – une pratique ahurissante et juridiquement contestable.

Dans une déclaration, Sayed Ferjani, s’exprimant depuis sa cellule, a affirmé que le procès est une mascarade, dénonçant un acte d’accusation truffé d’incohérences et de manipulations.

Quant à Kamel Eltaïef, son avocat Amin Mahfoudh a révélé qu’il n’avait même pas été informé de la tenue du procès à distance, ce qui constitue une violation flagrante des droits de la défense.

Un tribunal aux ordres et une procédure bâclée

Un simulacre de comparution : la tenue du procès à distance est perçue comme une manœuvre grossière visant à priver les accusés de la parole et à neutraliser l’impact de leur défense devant l’opinion publique.
Violation manifeste de la présomption d’innocence : la couverture médiatique biaisée de l’affaire a contribué à diaboliser les accusés, anéantissant toute prétention à une justice impartiale.
Des magistrats aux compétences douteuses : l’avocat Amin Bouker a révélé que l’adjoint du juge principal n’a aucune expertise en matière de terrorisme, soulevant des doutes quant à la légitimité même de la cour.
Une justice sous tutelle : l’avocat Samir Dilou a dénoncé un fait troublant : l’ordre de tenir le procès à distance ne vient pas du juge, mais de l’administration du tribunal, une ingérence scandaleuse qui trahit la mainmise du pouvoir exécutif sur la justice.

Levée du bâillon médiatique : la vérité va-t-elle enfin éclater ?

Après des mois d’obscurantisme, l’interdiction de publication sur l’affaire du complot a enfin été levée. C’est désormais à la presse indépendante – très mal au point – de mettre à nu les zones d’ombre de cette affaire, loin des éditorialistes dociles et des faiseurs d’opinion aux ordres. 

Et maintenant ? Les enjeux de la prochaine audience

– La bataille pour la présence physique des accusés promet de polariser encore davantage les débats.

– L’intensification des pressions nationales et internationales pourrait contraindre les autorités à desserrer l’étau sur les détenus.

– L’ouverture des médias à la couverture de l’affaire pourrait révéler de nouvelles manœuvres de manipulation judiciaire.

– L’audience du 11 avril 2025 sera un véritable test pour mesurer jusqu’où le pouvoir est prêt à aller pour verrouiller ce procès.

Un procès qui dépasse la simple question judicaire

L’affaire du «complot contre la sûreté de l’État» n’a plus grand-chose à voir avec la justice : elle est devenue un marqueur de l’état de dégradation générale de la Tunisie. Chaque décision judiciaire, chaque manœuvre procédurale, chaque coup de force médiatique dessine les contours d’un pays où le droit est perverti sous les coups d’une autorité autoritaire. L’avenir du procès ne dira pas seulement le sort des accusés, mais aussi celui de la justice tunisienne tout entière et de la Tunisie en tant qu’Etat et pays indépendant.

Communiqué.

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Complot contre l’Etat | L’opposition dénonce un «simulacre de procès»

Le procès de dizaines de personnalités accusées de complot contre l’État, parmi lesquels de grands noms de l’opposition au président Kaïs Saïed, s’est ouvert hier, mardi 4 mars 2024, à Tunis, une procédure exceptionnelle dénoncée comme «un règlement de compte politique» par les militants des droits de l’homme. Les audiences, assez mouvementées, ont été reportées au 11 avril prochain, à la demande de la défense.  

Dirigeants de partis, avocats, personnalités du monde des affaires et des médias : au total une quarantaine de personnes font l’objet de poursuites pénales pour «complot contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État» et «appartenance à un groupe terroriste». De telles accusations entraînent de lourdes peines de prison, pouvant aller jusqu’à la peine de mort.

Selon la défense, certains suspects sont accusés d’avoir eu des contacts suspects avec des diplomates. Human Rights Watch (HRW) a exhorté les autorités tunisiennes à libérer «immédiatement» toutes les personnes «arbitrairement détenues» dans cette affaire et à «mettre fin à cette parodie» de justice.

Le procès est extraordinaire par son ampleur et l’identité des accusés, dont beaucoup sont des militants historiques, d’anciens ministres et députés, des hommes d’affaires et des personnalités médiatiques bien connues.

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a dénoncé ce qu’il a qualifié de «persécution des opposants», affirmant que nombre d’entre «font l’objet de vagues accusations». Les autorités tunisiennes n’ont pas manqué d’exprimer leur «profonde stupéfaction» après ces critiques, selon elles infondées.

Hier, la salle d’audience était bondée. L’avocat et militant Ayachi Hammami, parmi les prévenus, a déclaré au juge qu’il «refuse de participer à cette farce», tandis que les proches des autres prévenus en détention provisoire, en majorité absents – l’autorité judiciaire ayant décidé de les entendre par visioconférence, disposition durement dénoncée par la défense – agitaient leurs portraits et scandaient des slogans contre une «justice sous ordre».

L’avocat Abdelaziz Essid a appelé à «mettre fin à cette folie». Après l’ajournement de l’audience, les juges ont rejeté la demande de libération des accusés, a indiqué à l’AFP l’avocate Dalila Ben Mbarek Msaddek, sœur de l’un des prévenus, Jawher Ben Mbarek, incarcéré depuis deux ans.

I. B.

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Öcalan enterre la hache de guerre | Quand un leader réécrit l’Histoire

L’auteure, psychanalyste, propose ici une lecture psychologique et organisationnelle du discours d’Abdullah Öcalan, chef historique du mouvement de libération du Kurdistan, annonçant la fin de la lutte armée.

Manel Albouchi *

Il y a des moments où l’Histoire bascule. Non pas par la force des armes, mais par la densité d’un silence, par l’inflexion d’un mot, par une respiration suspendue entre deux phrases. Ceux qui, comme moi, scrutent les dynamiques humaines savent que les véritables révolutions ne sont pas nécessairement le fruit de moments spectaculaires, mais se manifestent souvent à travers la lente maturation d’une nouvelle manière d’être, d’une autre manière de raconter le monde. 

Le 27 février 2025, Abdullah Öcalan, emprisonné en Turquie depuis 1999 et condamné à mort pour terrorisme, a prononcé un discours qui marque un tournant historique. Un seul discours, un seul énoncé, peut parfois résonner comme une véritable révolution. Depuis sa cellule, il initie un processus de mutation psychique et organisationnelle d’une ampleur inédite : la fin de la lutte armée et une réorganisation stratégique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un mouvement armé de guérilla opérant depuis sa création en 1978 dans les régions montagneuses à majorité kurde du sud-est de la Turquie et du nord de l’Irak. Il est encore classé terroriste par la Turquie, les Etats-Unis, l’Union européenne et de nombreux autres pays.  

De la lutte à la reconstruction 

Ce n’est pas simplement une stratégie militaire qui change, c’est une dynamique de mutation identitaire, personnelle et collective. Car comment abandonne-t-on un mode d’existence qui a forgé une cause, une communauté, une mémoire? Comment passe-t-on de la résistance à la reconstruction ? 

Les grandes transformations ne se résument jamais à des décisions. Elles sont faites de chair, de peur, de renoncements. Un combattant qui a grandi dans la lutte et qui a vu ses proches tomber peut-il du jour au lendemain troquer le fusil contre la négociation et le dialogue ? Peut-il accepter que ce qu’il a toujours connu doive disparaître pour qu’autre chose naisse ? 

Les organisations, comme les individus, ne se définissent pas par leur stabilité, mais par leur capacité à se réinventer. Les organisations humaines ont, par nature, un besoin presque viscéral de sens. Et lorsque ce sens évolue, tout le groupe doit être orienté en conséquence. C’est exactement là qu’apparaît le rôle crucial du leadership : transformer une vision, un rêve, en une réalité collective partagée par tous. Car une organisation ne vit que lorsqu’elle réussit à se projeter de manière collective dans un récit commun. 

Ce que Öcalan dit sans le dire 

Écouter un discours ne se résume pas à entendre des mots. Ce qui est tu, ce qui est esquissé en filigrane, est parfois plus puissant que ce qui est énoncé. Öcalan ne s’est pas contenté d’appeler à la fin des armes. Il a proposé un récit alternatif, un autre futur possible. Car c’est ainsi que l’on transforme une organisation : en lui offrant une nouvelle histoire dans laquelle se reconnaître. 

Le discours d’Öcalan est une véritable stratégie psycholinguistique élaborée, où chaque mot et chaque silence sont soigneusement utilisés comme des leviers de transformation. Il ne s’agit pas d’un discours marqué par une rupture brutale, mais plutôt d’un discours visant à réconcilier le passé et l’avenir. Le choix des termes, le rythme des phrases, la tonalité fonctionnent ici comme un catalyseur du changement. Le langage n’est pas qu’un outil de communication ; il est un moteur de transformation profonde. Chaque formulation invite à dépasser la révolte pour entrer dans une phase nouvelle de dialogue et de négociation. 

Une organisation en transition, tout comme un mouvement politique, est une grande famille en reconstruction. Le langage devient alors un pont, un lien fragile mais essentiel entre deux univers opposés. Là où il y a division, le discours bâtit l’unité, crée l’empathie et exprime la réconciliation. 

Géopolitique et mutation identitaire 

Sur le plan géopolitique, ce discours n’est pas simplement le reflet d’une transformation interne, mais il s’inscrit dans un contexte mondial où les alliances et les stratégies évoluent sans cesse. La Turquie, l’Irak, la Syrie et d’autres acteurs régionaux sont des pièces cruciales dans ce puzzle géopolitique. Les actions du PKK, autrefois perçues comme une menace par ces nations, doivent désormais changer, se réinventer et s’adapter à un environnement politique où la diplomatie, la négociation et les pourparlers prennent le pas sur l’affrontement et la confrontation directe. Du moins le souhaite-t-on…  

Dans le monde des idées et des structures, il n’y a pas de transformation sans perte et pas de changement sans sacrifice. En abandonnant un mode de combat, ce discours devient une castration symbolique, un sacrifice indispensable à l’évolution. Les psychologues le savent : chaque transition implique un renoncement. Renoncer à ce qui fut, même lorsque cela a façonné une partie de soi. Et pourtant, ce moment de rupture est ce qui permet, paradoxalement, la guérison et la croissance. La transformation d’une organisation ne se fait jamais sans résistances internes et sans réticences. 

C’est là que le processus de sélection devient un enjeu central : comment choisir les nouvelles figures du mouvement, ceux qui incarneront cette transition? Qui sera apte à porter ce renouveau, à en être le visage crédible? La gestion de cette transition passe par un recrutement stratégique des leaders capables de fédérer, de négocier et d’inspirer sans recourir aux armes. 

Le leader comme architecte du changement 

Le changement initié par Öcalan ne touche pas seulement l’organisation du PKK; il redéfinit aussi son propre rôle. D’un chef révolutionnaire, il devient, de l’intérieur même de sa prison, un guide politique et moral, une mutation qui rappelle celle d’autres figures historiques ayant opéré une transition entre lutte et institutionnalisation, comme Nelson Mandela ou Gerry Adams. 

Plusieurs mécanismes psychologiques sous-tendent le leadership transformationnel : 

  • L’autorité symbolique : en restant le pivot central du changement, Öcalan empêche la fragmentation et la dissolution du mouvement. 
  • La pédagogie du changement : en introduisant la transition de manière graduelle, il évite un choc brutal. 
  • La projection dans l’avenir : il ne s’est pas contenté de fermer un chapitre, il en a ouvert un nouveau, donnant ainsi une perspective, un horizon d’action et de sens. 

Cependant, cette transition représente aussi un challenge organisationnel : passer d’une structure militaire à une structure orientée vers la politique et la diplomatie. Cela suppose une redéfinition des rôles, une réorganisation des alliances et une légitimation par l’engagement. La sélection des nouveaux cadres du mouvement devient alors un défi majeur : identifier ceux qui sauront incarner cette nouvelle dynamique, ceux qui auront la légitimité nécessaire pour conduire le changement. 

Dans toute transition, la gestion du changement est un enjeu clé. Si cette transformation est menée avec intelligence, elle peut permettre au PKK de se positionner durablement dans le paysage politique régional. Le véritable enjeu ne sera pas seulement d’arrêter la lutte armée, mais d’instaurer un nouvel imaginaire collectif capable de fédérer autour d’un projet politique crédible. 

Abdullah Öcalan a posé la première pierre d’un édifice encore en construction. Reste à savoir si le mouvement saura en faire une fondation solide pour l’avenir. La véritable force ne réside pas seulement dans le combat, mais dans la capacité à se réinventer. 

* Psychologue, psychanalyste.

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Cinéma | Houcem Slouli fait son chemin dans les festivals mondiaux

Le court-métrage ‘‘In Three Layers of Darkness’’ du réalisateur tunisien Houcem Slouli a été sélectionné pour la compétition officielle des courts-métrages au Festival international du film de Fribourg en Suisse (21 au 30 mars 2025) et à l’Engelsiz Filmler Festivali en Turquie (23 – 29 mai 2025).

Ces sélections font suite à celles au Red Sea International Film Festival en Arabie Saoudite et aux Journées cinématographiques de Carthage en Tunisie en décembre 2024, ainsi qu’au Youth Empowerment Competition Mentor Arabia au Qatar en février 2025, où il a remporté le prix du Meilleur court-métrage de fiction.  

‘‘In Three Layers of Darkness’’ raconte l’histoire de Ghassen, un jeune Tunisien confronté à des obstacles administratifs multiples dans sa quête pour obtenir un visa pour la France. Le film raconte son parcours déterminé et son rêve d’un avenir sans frontières, animé par son droit de circuler librement à travers le monde.

À travers ce personnage, le film explore les défis contemporains liés à la mobilité et à la liberté des individus, tout en mettant en lumière les obstacles que met la société devant leurs rêves.

Le court-métrage, produit par Sarra Ben Hassen et Khaled Henchiri, est une collaboration entre les sociétés de production Instinct Bleu Films et Upper Echlon Audiovisuel.

‘‘In Three Layers of Darkness’’ invite à une réflexion sur la liberté de circulation, l’espoir et l’engagement, tout en offrant une perspective poignante sur des questions sociétales actuelles.

I. B.

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Projet Elyssa | Appel aux artistes visuels et musiciens confirmés tunisiens

L’Institut français de Tunisie (IFT) a lancé, le 4 mars 2025, un deuxième appel à candidatures à destination d’artistes visuels et de musiciens confirmés dans le cadre d’Elyssa, un fonds d’aide à la création et à l’entrepreneuriat culturel en Tunisie.

Ce programme vise à soutenir la scène artistique tunisienne en offrant un accompagnement sur mesure et des opportunités de diffusion locale et internationale à des artistes émergents et confirmés.

Les appels s’adressent exclusivement à des artistes et musiciens confirmés résidant en Tunisie et travaillant dans le domaine des arts visuels, tous médiums confondus : photographie, art vidéo, peinture, dessin, gravure, sculpture, design, art numérique, illustration, art sonore et installation.

Les candidats doivent justifier d’un parcours artistique significatif, avoir déjà eu une exposition personnelle dans un lieu reconnu, et avoir eu une expérience professionnelle à l’étranger (résidence, exposition, salon, biennale, etc.).

L’appel est ouvert aux artistes solos et aux groupes de tout horizon musical : musiques actuelles, traditionnelles, classiques et contemporaines ainsi que expérimentations sonores.

Critères d’éligibilité : avoir enregistré au moins un album original, justifier d’une expérience professionnelle locale et/ou internationale significative (tournées, résidences, concerts, programmation dans des festivals, etc.); être accompagné d’un manager et d’un technicien du son.

Le fonds Elyssa offre un accompagnement sur mesure et un mentorat (formations et coaching adaptés aux besoins individuels et rencontres avec des experts et professionnels du secteur).

Il offre aussi des résidences artistiques pour les artistes visuels (21 jours de recherche et création à Tilal Utique) et musiciens (5 jours de résidence au Centre culturel international de Hammamet pour la préparation scénique et la diffusion live des projets).

Une exposition collective des travaux réalisés par les artistes visuels dans le cadre de ce programme se tiendra à Tunis en octobre 2025.  

Un concert public sera animé par les musiciens bénéficiaires du programme aura lieu les 20 et 21 juin 2025 au CCIH.

Il est aussi prévu la mise en réseau locale et internationale pendant toute la durée du projet, le soutien à la diffusion et mobilité des projets lauréats en Tunisie et à l’étranger en fonction des opportunités. Ainsi qu’une aide financière, avec une allocation de création pouvant aller jusqu’à 45 000 dinars par projet, incluant une rémunération du travail artistique et une enveloppe de production (le montant de l’allocation sera fixé après étude du budget de production soumis par les artistes)

Les candidatures doivent être déposées uniquement via le formulaire en ligne sur le site projetelyssa.com avant le 25 mars 2025, 23h59 (heure de Tunis).

Les artistes doivent fournir un dossier complet incluant entre autres un CV, un portfolio ainsi qu’une note d’intention présentant le projet artistique qu’ils souhaitent développer dans le cadre d’Elyssa.

Les deux appels à candidatures sont à découvrir en intégralité sur le site d’Elyssa : projetelyssa.com

Les résultats seront annoncés à la mi-avril 2025.

Contact : projetelyssa@institutfrancais-tunisie.com.

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Europe – Russie | Nouvelle donne, nouveau deal…

En dépit des fanfaronnades irréalistes à la limite du ridicule, à Bruxelles, Paris et Londres, et en l’absence du parapluie sécuritaire américain, en voie de leur être retiré par Donald Trump, les Européens doivent changer radicalement de paradigme stratégique. Ils ne pourront plus désormais se permettre de tourner le dos à la Russie ou l’antagoniser. Pour construire une nouvelle architecture européenne de sécurité, ils doivent désormais considérer les Russes comme partenaires et non comme adversaires. Et pour cela, c’est le mur d’une méfiance historique qui doit tomber.

Elyes Kasri  

La comptabilisation de l’assistance militaire et financière accordée par la précédente administration Biden à l’Ukraine, estimée par le nouveau président Trump à 350 milliards de dollars en vue de la garantie de son remboursement, ainsi que l’insistance de l’administration Trump à accorder une haute priorité à la publication de tous les documents relatifs au scandale du magnat Jeffrey Epstein, suicidé en prison à New York à la suite de son arrestation pour avoir dirigé un réseau de prostitution pédophile à l’intention de hautes personnalités américaines et étrangères (y compris le Prince Andrew de Grande Bretagne), font trembler l’establishment et l’Etat profond américains ainsi que les milieux sionistes à travers le monde.

L’assistance phénoménale à l’Ukraine et le souhait de nombreux cercles occidentaux de faire durer indéfiniment la guerre contre la Russie montrent de sérieux signes de corruption, de détournements et de commissions qui font que seule une fraction de cette aide arrive en Ukraine comme ne cesse de le crier Volodomyr Zelensky lui-même.

Un pavé dans la mare

De son côté, le scandale Epstein, qui a tout l’air d’une opération du Mossad israélien pour compromettre et faire chanter de hautes personnalités américaines et internationales dans tous les domaines, risque de démasquer les pratiques israéliennes et l’une des raisons de l’emprise israélienne sur l’appareil politique et les cercles d’influence américains et européens.

On a beau reprocher au président Trump son caractère flamboyant et son ton cassant, n’empêche qu’il s’apprête, au risque de sa vie, à jeter un pavé phénoménal dans la mare glauque de l’État profond américain et occidental et son allié et probablement même son marionnettiste, le sionisme international.

Pour ce qui est de l’Europe, et après s’être laissé intoxiquer par la verve hallucinatoire des néoconservateurs et l’illusion de l’empire millénaire de l’unilatéralisme américano-globaliste, elle a beaucoup de peine aujourd’hui à remettre les pieds sur terre et à prendre conscience que les Etats-Unis d’Amérique ne veulent plus de ce statut impérial et préfèrent recentrer leur énergie sur leur front intérieur et accessoirement la zone Asie-Pacifique.

Ayant progressivement démantelé ou réduit son industrie militaire et sans le parapluie sécuritaire américain notamment le réseau de communication Starlink, les F16, les batteries Patriot et l’illusion de la défense collective otanienne, l’Europe devra reprendre rapidement ses esprits et changer de paradigme stratégique avec une révision fondamentale de sa doctrine sécuritaire et un retour à une Europe européenne ou comme l’a prémonitoirement dit le général De Gaulle une «Europe de l’Atlantique à l’Oural».

Fanfaronnades irréalistes

En dépit des fanfaronnades irréalistes à la limite du ridicule, à Bruxelles, Paris et Londres et en l’absence du parapluie sécuritaire américain, l’Europe ne pourra désormais plus se permettre de tourner le dos à la Russie ou l’antagoniser. Elle devra se résoudre à engager avec l’ours russe un dialogue dénué d’arrière-pensées atlantistes et néoconservatrices désuètes afin de construire une nouvelle architecture européenne de sécurité et de coopération avec des Russes partenaires et non pas adversaires.

Si elle veut rester un acteur international pertinent, l’Europe devra mettre sur pied une nouvelle OSCE (organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) épurée des arrière-pensées de l’époque post guerre froide, en assumant pleinement le décalage des rapports de force technologique, industrielle et militaire avec la Russie et la zone Asie-Pacifique ou se condamner à une confrontation ou au mieux à une nouvelle guerre froide qui ne pourra avoir pour dénouement que l’accélération de sa décadence et son insignifiance sur l’échiquier international.

* Ancien diplomate.

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Tunisie | Promouvoir l’utilisation des sacs en papier dans les boulangeries

Les boulangeries tunisiennes utilisent chaque année environ 5 millions de sacs en plastique, ce qui pose un problème pour l’environnement. L’idée aujourd’hui est de conjuguer les efforts des opérateurs publics et privés pour promouvoir l’utilisation des sacs en papier plus respectueux de l’environnement sans alourdir les coûts pour les boulangers et les consommateurs.

Le ministère tunisien de l’Environnement et la Banque de Tunisie et des Emirats (BTE) ont signé un accord aux termes duquel la BTE allouera des fonds pour couvrir les coûts de production de 100 000 sacs en papier qui seront distribués aux boulangeries, conformément à un modèle approuvé par les autorités. Ces sacs seront distribués aux boulangeries dont la liste sera établie en coordination avec la profession.

L’accord vise à développer un programme visant à soutenir les efforts nationaux de lutte contre la pollution causée par les sacs en plastique à usage unique.

Il vise également à sensibiliser le public à la nécessité d’utiliser des matériaux d’emballage moins nocifs pour la santé et pour les systèmes environnementaux et les espaces urbains et naturels. Et de contribuer ainsi à l’amélioration de la qualité de vie des citoyens.

Aux termes de l’accord, les deux parties s’engagent à se consulter régulièrement pour concevoir et mettre en œuvre un programme de coopération pour la fourniture de sacs en papier, donc biodégradables, pour le conditionnement du pain. Ces sacs seront distribués gratuitement aux clients.

De son côté, le ministère de l’Environnement s’engage à se coordonner avec tous les intervenants pour élaborer un plan de communication visant à promouvoir ce programme et à faciliter son adoption par les boulangeries et les citoyens.

Avant les boulangers, les pharmaciens ont déjà opté pour les sacs en papier et la plus part des supermarchés aussi. La tendance mérite d’être renforcée par un engagement collectif à mettre fin, à terme, à l’usage des sacs en plastique qui reste encore très envahissants et détériorent la qualité de nos paysages.

Le ministère de l’Environnement ne devrait pas se contenter d’une opération ponctuelle communication menée en faveur d’un établissement bancaire soucieux de montrer son engagement environnemental. Il s’agit de généraliser cette démarche et de la systématiser en y faisant participer un grand nombre d(opérateurs privés. 100 000 sacs en papier pour les boulangeries sont bons à prendre, mais il en faudrait 5 millions par an…

I. B.  

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Céréales : les variétés locales plus adaptées au climat tunisien

Les autorités tunisiennes gagneraient à intégrer davantage les défis du changement climatique dans leurs politiques agricoles, recommande une étude menée par l’Observatoire tunisien de l’économie, l’organisation Nomad 08 Redeyef et l’Observatoire tunisien de l’eau.

Les menaces du changement climatique sont multiples, comme il ressort du rapport intitulé «Les limites de la politique de sécurité alimentaire : le cas du secteur céréalier», notamment la dégradation des côtes, les inondations des terres, la dégradation et la désertification des écosystèmes et la raréfaction des ressources en eau.

L’Institut national de météorologie (INM), rappelle l’étude, a publié des prévisions de températures moyennes plus élevées pour la Tunisie (+2,1°C et 2,4°C d’ici 2050 et +4,2°C et 5,2°C fin 2100) ainsi que des précipitations annuelles plus faibles (-1% et -14% en 2050 et -18% à -27% en 2100).

La Tunisie a annoncé, en août 2018, son Plan national d’adaptation au changement climatique nécessitant un financement de 3 millions de dollars, mais n’a pas réussi à adopter des stratégies sectorielles comme dans le cas du secteur agricole. Le changement climatique présente d’importants risques socioéconomiques, principalement pour les agriculteurs. La perte causée par l’érosion des sols agricoles, selon le ministère de l’Agriculture, s’élève à environ 20% de la superficie dédiée à la culture céréalière d’ici 2030. Cela se traduira par une baisse de la production céréalière non irriguée (environ 40%), notamment dans le nord.

Les projections de pertes de production de blé dans le nord d’ici 2030 indiquent des chiffres de 2,04% pour le blé dur, 9,62% pour le blé tendre et 6,78% pour l’orge.

La faible production de variétés locales de blé, montre le document, est depuis des décennies le principal argument pour lequel les institutions financières internationales ont imposé leurs diktats au gouvernement tunisien pour qu’il recherche des variétés étrangères génétiquement modifiées. Actuellement, il existe 100 variétés locales à la Banque nationale de gènes, mais les producteurs de blé n’en utilisent que cinq, contre 50 dans les années 1940.

Les semences génétiquement modifiées ne sont pas adaptées au climat tunisien et démontrent une moindre résilience face à l’impact du changement climatique. À cela s’ajoutent les coûts plus élevés liés au traitement chimique des graines.

L’étude souligne l’absence d’un cadre réglementaire protégeant les ressources génétiques et permettant de poursuivre les importateurs de semences étrangères en cas de violation des normes. Certains producteurs de blé en Tunisie ont commencé à explorer d’autres alternatives en utilisant les semences paysannes ; mais compte tenu de l’absence de soutien de l’État, une tendance s’installe à l’abandon de cette activité qui aurait un grave impact socio-économique et augmenterait la dépendance aux importations.

L’État tunisien, selon les auteurs de l’étude, est donc invité à élaborer des stratégies de gestion des ressources naturelles qui anticipent les risques liés au changement climatique et à adopter des mesures d’atténuation.

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La Tunisie a besoin de fonds pour lutter contre le changement climatique

«Malgré tous les efforts visant à atténuer les effets du changement climatique, la Tunisie n’a pas réussi à atteindre ses objectifs en raison d’un manque de financement et d’investissements», a admis le ministre de l’Environnement, Habib Abid, lors de la présentation du Plan national de politique climatique, s’inscrivant dans le cadre des contributions déterminées au niveau national (CDN), tout en ajoutant que «la Tunisie a récemment regagné la confiance des financiers et des organisations internationales».

«Nous sommes en train de nous réintégrer dans les systèmes et fonds mondiaux. À cet égard, nous avons signé plusieurs accords en 2024 avec différents pays, qui nous ont permis de sécuriser des investissements, tels que des accords dans le domaine des énergies propres en coopération avec le Japon, notamment la création de deux usines de production d’énergie renouvelable à Kairouan et Sidi Bouzid», a indiqué le ministre, lors d’un séminaire organisé à Tunis par son département, les 26 et 27 février 2025.

soulignant également «l’achèvement des usines de valorisation des déchets à Sousse et Djerba, avec une autre usine prévue à Béja». Le Plan national de politique climatique quinquennal a impliqué plusieurs ministères (Industrie, Mines et Énergie – Agriculture, Ressources hydrauliques et Pêche – Finances – Économie et Planification – Environnement), ainsi que des institutions du secteur privé et des financiers internationaux.

Abid a souligné que l’Accord de Paris oblige tous les pays à soumettre des programmes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à lutter contre le changement climatique. La Tunisie, comme d’autres pays, est menacée par le changement climatique, notamment la hausse des températures et la diminution des précipitations, en particulier au cours des cinq dernières années. «C’est pourquoi nous voulons envoyer un message au monde selon lequel la Tunisie s’engage à respecter ses obligations dans divers secteurs, tels que les transports, l’industrie et la consommation d’énergie». Reste que les difficultés financières que traverse le pays depuis 2011 retardent la mise en œuvre de nombreux projets élaborés à cet effet.

Parmi les projets annoncés, la «Ceinture verte» d’un tronçon de 25 kilomètres partant du golfe de Gabès vers le gouvernorat de Sfax, s’étendant à travers Kairouan, Sidi Bouzid, Gafsa et Kasserine, jusqu’à la frontière entre la Tunisie et l’Algérie qui comprend le reboisement, le développement pastoral, la valorisation des ressources agricoles et environnementales et l’exploitation du potentiel économique de la région. Ainsi qu’une nouvelle stratégie de l’eau pour 2050 pour faire face aux effets du changement climatique, en mettant l’accent sur des solutions alternatives telles que les ressources en eau non conventionnelle, le traitement des eaux usées et le dessalement de l’eau de mer.

Cependant, ces solutions sont coûteuses et gourmandes en énergie, ce qui souligne la nécessité d’équilibrer la protection de l’environnement avec la demande croissante en eau. Une gestion efficace des ressources en eau est donc urgente.

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Le procès de complot contre la sûreté de l’Etat s’ouvre à Tunis

Ce mardi 4 mars 2024, un maxi procès dopposants politiques accusés de complot contre la sûreté de lEtat sest ouvert devant le tribunal de première instance de Tunis. Des familles des accusés ont manifesté devant le Palais de Justice pour dénoncer ce quils qualifient de «procès politique et dopinion»   

Une quarantaine d’accusés, des dirigeants de partis, des avocats, des personnalités médiatiques, pour la plupart des opposants au président Kais Saïed parmi les plus connus et les plus virulents, sont en majorité absents de la salle d’audience. Ils risquent de très lourdes peines, y compris la perpétuité et la peine capitale, étant donné la gravité des accusations auxquelles ils font face.  

Les familles des accusés, leurs avocats et des opposants parlent d’un «dossier vide» et d’un «règlement de compte politique».

Les accusés sont soupçonnés d’avoir eu des contacts avec des représentants de pays étrangers, notamment avec des diplomates.

Selon la défense, ils sont accusés de «conspiration contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État» et d’«appartenance à un groupe terroriste». Des accusations passibles de lourdes peines de prison, voire de la peine de mort. Beaucoup d’entre eux ont été arrêtés lors d’un raid dans les rangs de l’opposition en 2023. À l’époque, le président Saïed avait qualifié les personnes arrêtées de «terroristes». «Ceux qui les innocentent sont leurs complices», a-t-il déclaré aussi, ce que les avocats ont considéré comme une ingérence du pouvoir exécutif dans les affaires de la justice.

Parmi les grands noms impliqués dans le procès figurent Issam Chebbi, chef du parti Al-Joumhouri, le professeur de droit constitutionnel Jawher Ben Mbarek, membre du Front de salut national, et un ancien haut responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jelassi. Parmi eux également les activistes politiques Khayam Turki, Ridha Belhadj et Chaïma Issa, l’entrepreneur Kamel Eltaïef et l’ancienne députée et militante Bochra Belhaj Hmida (aujourd’hui réfugiée en France), ancienne présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates.

Sur la quarantaine de personnes poursuivies, beaucoup sont en prison, certaines sont libres et d’autres sont en fuite à l’étranger. D’autres opposants et personnalités politiques ont récemment été condamnés à de lourdes peines de prison. Début février, Rached Ghannouchi, leader d’Ennahdha et ancien président du Parlement, a été condamné à 22 ans de prison pour «atteinte à la sûreté de l’État».

I. B.

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Ouverture de la 1ère clinique psychiatrique privée en Tunisie

Clinique Averroes, la première clinique psychiatrique privée en Tunisie a récemment ouvert ses portes à Tunis, renforçant le système de santé mentale tunisien, auparavant confié exclusivement à l’hôpital public Razi de la Manouba pour l’assistance psychiatrique et psychologique.

Classée établissement médical mono-spécialisé selon le cadre réglementaire du ministère de la Santé, la nouvelle clinique, d’une capacité d’accueil de 25 lits, est la première institution privée à offrir des services psychiatriques complets.

Dans une interview accordée à l’agence de presse Tap, le fondateur de la clinique, la psychiatre Afef Charrad Karaoud, a déclaré que l’établissement propose une large gamme de services thérapeutiques, notamment des soins psychiatriques d’urgence pour les patients en détresse grave, des consultations et des diagnostics psychologiques, ainsi qu’un traitement hospitalier d’une capacité allant jusqu’à 25 lits. Elle a souligné que l’objectif principal de la création de la clinique est de créer un environnement sûr et favorable pour les patients et leurs familles, en particulier à la lumière de la capacité limitée de l’hôpital Razi, qui peine à répondre à la demande nationale croissante de services de santé mentale.

«L’idée me trotte dans la tête depuis que je suis entrée dans le domaine de la psychiatrie, inspirée par l’héritage d’Aziza Othmana [1606-1669], qui fut la première à créer un refuge pour patients psychiatriques en Tunisie», a déclaré la praticienne, expliquant la motivation de cette initiative. «La société continue de stigmatiser les personnes atteintes de maladie mentale, certaines familles les reniant même ou choisissant de les isoler de la communauté», a-t-elle souligné, ajoutant qu’elle a «toujours été profondément émue par l’héritage d’Aziza Othmana».

«Celle-ci occupait une position importante dans la société tunisienne et était une pionnière dans laccueil des patients psychiatriques à une époque où ils étaient largement marginalisés. Malheureusement, la maladie mentale reste un sujet tabou dans notre société, même au sein des familles, où les personnes atteintes sont souvent cachées ou ignorées après le décès de leurs parents», explique Dr Charrad.

«Jai souvent rencontré ce défi dans ma pratique. Des parents viennent me voir, bouleversés par les troubles psychologiques ou les tentatives de suicide de leurs enfants, mais refusent leur admission à lhôpital par peur de la stigmatisation sociale. Cette clinique a été créée comme une solution alternative, offrant des soins médicaux complets dans un environnement sûr et digne», a-t-elle ajouté.

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Qui entrave les entreprises communautaires promues par Kaïs Saïed ?

Pour le président de la république Kaïs Saïed, qui fait de la réussite des sociétés communautaires l’alpha et l’oméga de sa politique économique, ci celles-ci ne parviennent pas à démarrer comme il l’aurait souhaité, c’est parce que les facilités et les privilèges qu’in leur a déjà accord restent… insuffisantes. Il leur en faudrait encore un peu plus…

Recevant, hier soir, lundi 3 mars 2025, le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Riadh Chaoued, et la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, chargée des Sociétés communautaires, Hasna Jiballah, le chef de l’État a insisté, une nouvelle fois, sur la nécessité de simplifier les procédures et de rechercher de nouveaux moyens de financement pour les projets, en particulier ceux portés par les jeunes, afin de favoriser la création de ce type d’entreprises, indique un communiqué de la présidence de la République.

Le blocage de certains projets sous des prétextes fallacieux ou dans le but d’en bloquer d’autres est anormal et suspicieux, a déclaré Saïed, qui se refuse d’admettre d’autres explications aux difficultés qu’éprouvent certaines de ces entreprises, lancées à la va vite par des promoteurs sans expérience pour profiter des largesses qui leur sont accordées par l’Etat.

Le président a encore une fois ordonné la facilitation des démarches pour la création de ces entreprises et la fin des entraves mises sur leur voie par des forces rétrogrades liées à des cercles bien connus, dont l’unique objectif est de s’accaparer les richesses nationales, selon les termes du communiqué de la présidence de la république, qui reste aussi vagues que mystérieux, évoquant des forces occultes tapies au cœur de l’Etat sans les désigner clairement ou nommément, ce qui aurait sûrement aidé à régler le problème.

«Comme le stipule la Constitution, les richesses appartiennent au peuple tunisien et les sociétés communautaires peuvent transformer l’ensemble des régions du pays en sources de richesse pour les entrepreneurs et pour l’ensemble de la société», a encore soutenu le chef de l’Etat qui ne cesse de se plaindre des entraves mises (par qui ?) sur la voie de la mise en œuvre de son projet politique et économique, dont les entreprises communautaires constituent l’un des piliers.

I. B.

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Le Président Saïed a-t-il raison de rompre les relations de la Tunisie avec la FMI?

L’annonce récente par un communiqué officiel de la Présidence de la République de la rupture de toute collaboration avec le Finds monétaire international (FMI) est passée presque inaperçue dans l’actualité économique et politique. Pourtant, c’est une décision qui aura des conséquences très lourdes à court et moyen terme sur les performances de l’économie nationale et les chances de sortir de la stagnation qu’elle connaît depuis quelques années déjà. L’auteur, économiste de formation et ancien expert auprès de plusieurs institutions financières internationales, dont la Banque africaine de développement (BAD), analyse dans cet article les raisons de cette rupture et les arguments qui pourraient la justifier ou non. (Photo: Jihad Azour,  directeur du département Moyen Orient au FMI, reçu par Kaïs Saïed, le 21 juin 2022).

Dr Sadok Zerelli *

La dernière décision présidentielle de rompre officiellement toute relation avec le FMI, passée presque inaperçue dans une actualité dominée par les procès politiques et des nouvelles du type X est entré en prison et Y en est sorti, est très lourde de conséquences pour l’avenir de ce pays et son image tant sur la scène diplomatique internationale que sur les places financières du monde et auprès des bailleurs de fonds multilatéraux ou bilatéraux ou même des investisseurs privés.

C’est une décision historique qui marque la rupture des relations  avec une institution multinationale dont la Tunisie est membre depuis 1958, détient une partie du capital et a bénéficié de son assistance durant les crises les plus difficiles que notre économie a eu à traverser, depuis celle des années 1970 déclenchée par l’échec de l’expérience  des «coopératives» d’Ahmed de Ben Salah, à celle des années 1980 provoquée par la «révolte du pain», à celle des années 1990 marquée par la mise en place du «programme d’ajustement structurel» (PAS) et à celle après la «révolution de 2011» qui perdure jusqu’à aujourd’hui.

Pour rappel, depuis son adhésion au FMI, la Tunisie a eu accès à plusieurs financements qui représentent plusieurs fois son quotas et ce, à travers divers mécanismes pour une enveloppe totale de 3 123 millions de DTS, soit l’équivalent de 4 400 millions de dollars, dont 87% ont été obtenus entre 2013 et 2020. Elle se classe au 13e rang parmi les pays qui ont bénéficié le plus de l’assistance financière du FMI (Source : FMI).

Une analyse politiquement neutre

Avant de développer davantage mon analyse et prendre position, en tant qu’économiste spécialiste en économie monétaire, dans cette querelle qui est devenue malheureusement une bataille ou même un bras de fer entre le Président Kaïs Saïed et le FMI, je voudrais insister sur un point : pour des raisons théoriques qu’il n’y a pas lieu de développer dans cet article, je suis un farouche opposant au courant de pensée néolibérale qui domine au sein de cette institution et qui prône le retour même pas à la théorie néoclassique du XIXe siècle, mais même à la théorie classique originelle de la «main invisible» d’Adam Smith qui dominait la pensée économique au XVIIe et XVIIIe siècles. Mon dernier article où je dénonce vivement la politique monétaire du taux directeur que le FMI a imposé à la BCT en vue de lutter contre l’inflation en est une preuve (voir dans Kapitalis : ‘‘Oui pour l’amendement de la Loi de 2016 sur le statut de la BCT’’).

J’ai tenu à faire cette remarque parce que si certain(e)s lecteurs et lectrices trouveront peut-être que je prends davantage dans cet article le parti du FMI, ce n’est pas par aliénation idéologique mais bien par honnêteté intellectuelle et pour «rendre à César ce qui appartient à César».

Quatre vérités qu’il ne sert à rien de vouloir ignorer

Avant d’examiner en détail les motifs de la querelle/bataille entre notre Président et le FMI, il est important de rappeler quatre vérités qu’il ne sert à rien de vouloir ignorer, par esprit chauvin ou discours populiste, du moins si on veut apporter une réponse scientifique et objective à cette question, ce qui est mon objectif dans cet article.

La première vérité est que le FMI n’a rien demandé à la Tunisie mais c’est la Tunisie qui est allée vers lui pour lui demander son aide pour sortir de la grave crise économique que le pays traverse depuis la révolution et qui ne cesse de s’aggraver d’une année à l’autre, aide qu’il soumet à la mise en œuvre d’un  certain nombre de réformes structurelles qu’il juge, à tort ou à raison (c’est l’objet de cet article), nécessaires pour s’assurer que les finances publiques seront suffisamment équilibrées pour pouvoir le rembourser.

La deuxième vérité est que l’on ne peut pas reprocher au FMI cette approche qui est identique à celle de tout banquier, même Tunisien, à qui son client demande un crédit et qui exige la présentation d’une fiche de paie ou des garanties pour s’assurer qu’il aura bien la capacité de rembourser le crédit dans les délais. C’est une démarche qui relève de l’orthodoxie financière propre à tous les banquiers, qui n’a rien de politique et ne menace pas la souveraineté nationale dans le sens où le FMI ne risque pas de venir un jour nous coloniser comme pourrait le faire un pays étranger par exemple.

Déjà, avoir politisé cette querelle est à mon avis une première erreur commise par notre Président parce que c’est une affaire de finances internationales et non pas de politique internationale au sens de politique étrangère et diplomatique du terme.

La troisième vérité est que beaucoup de pays font la queue pour obtenir l’aide du FMI et les 1,9 milliards de dollars à laquelle notre Président a décidé de renoncer, en avril 2023, iront certainement bénéficier à un autre pays membre du FMI. En tant qu’institution de financement internationale, le FMI ne peut pas et ne sera pas perdant dans cette affaire et seule la Tunisie pourrait l’être si elle n’arrivait pas à trouver une alternative viable pour le financement de son déficit budgétaire (j’analyserai dans le prochain article la pertinence et le réalisme de la stratégie du «compter sur soi» que notre Président nous propose).

La quatrième vérité est peut-être la plus importante de toutes en termes de conséquences de cette décision de rupture des relations avec le FMI : sans son appui, et encore moins après avoir rompu avec lui, pratiquement aucun des autres bailleurs de fonds qu’ils soient multinationaux ou bilatéraux ou même des fonds d’investissement privés, n’accepteront de nous accorder des prêts en devises, y compris ceux des pays soi-disant «frères et amis» et qui, avec cette décision qui nous prive de l’aval du FMI, s’aligneront sur lui et s’avèreront  ni frères ni amis et ne nous accorderont plus aucun emprunt ou don substantiels. Plus encore, aucune sortie sur le marché financier international, telle que celle qu’on avait réussi à faire avant la révolution sur le marché financier japonais (Samouraï I et Samouraï II), n’est plus possible, à moins de payer des taux d’intérêts exorbitants, tels que ceux qu’AfreximBank nous a facturés pour le dernier emprunt de 300 millions de dollars (9,25%, soit vraiment un taux d’usurier !)

Les agences «Oumek Sarnafa»

    Le Président a tort de prendre à la légère les notations de ces agences internationales d’évaluation du risque souverain d’un pays, dont il se moque en les appelant «Oumek Sarnafa» (cuisinières), telles que Moodys ou Fitch. Maintenant qu’il a rompu les relations avec le FMI, les notations de ces agences vont peser plus lourd pour l’accès de la Tunisie au marché financier international et surtout vont se traduire par des taux d’intérêt encore plus élevés et donc de millions de dollars supplémentaires qui vont grever davantage le budget de l’Etat.

    A ce sujet, il faut savoir que ces agences sont apolitiques et appliquent la même méthodologie d’évaluation à tous les pays du monde, basée sur une batterie de critères économiques (taux de croissance économique, taux du déficit budgétaire, de déséquilibre de la balance commerciale, de la balance des paiements, de chômage, d’inflation, etc.) et sociopolitiques (stabilité du régime, paix sociale, etc.).

    Il faut savoir aussi que selon ces agences, ce qui compte le plus, ce n’est pas tellement le volume de la dette et le niveau d’endettement d’un pays, mais sa capacité à produire, à créer des richesses et donc à rembourser sa dette extérieure. C’est ainsi que s’explique le fait que certains pays beaucoup plus endettés que la Tunisie (où la dette extérieure représente 79,4% du PIB), tels que les Etats-Unis (122%} ou la France (111%) ou le Japon qui est le pays le plus endetté au monde (255%), sont classés dans la catégorie A, c’est-à-dire à faible risque de défaut de paiement, alors que la Tunisie est classée dans la catégorie C, c’est à dire à haut risque de défaut de paiement.

    J’ouvre ici une parenthèse pour commenter la décision de la semaine dernière de Moody’s de relever la notation souveraine de la Tunisie de Caaa2 à Caaa1 avec des perspectives stables. C’est une décision logique suite au remboursement au mois de janvier dernier d’une échéance de 5 milliards de dinars qui représente 40% de l’encours de l’année 2025. Il s’agit d’une amélioration certes bienvenue (c’est toujours mieux qu’une dégradation) mais infime, car tant qu’on est pas sorti de la catégorie C et retrouvé notre notation D avant la révolution (Baaa2 en 2010), nous demeurons dans la zone à haut risque de défaut de paiement et très peu de bailleurs de fonds accepteront de nous accorder des prêts en devises et quand ils l’acceptent cela sera à des taux d’intérêt beaucoup plus élevés que si on bénéficiait encore de l’aval du FMI.

    Autant le dire et le mettre bien dans nos têtes : nous avons maintenant le dos au mur et, à moins que la stratégie du «compter sur soi» proposée par Kais Saïed ne réussisse, nous allons tout droit vers une plus grande récession économique, plus d’inflation, plus du chômage, plus de détérioration de la valeur du dinar et du pouvoir d’achat des ménages, y compris ceux à faibles revenus pour la défense de qui notre Président a pris cette décision de rompre avec le FMI, avec le Club de Paris au bout du tunnel, quand ce n’est pas une révolte sociale ou les deux à la fois !

    La stratégie du «compter sur soi» est-elle efficace?

    Honnêtement, je pense qu’il est trop tôt pour en juger et une réponse complète nécessite une analyse très approfondie des potentialités de croissance de l’économie tunisienne, analyse que je compte faire dans mon prochain article, car celui-ci est déjà très long.

    En attendant, je signale qu’on ne doit pas se laisse leurrer par le fait que, jusqu’à maintenant, on arrive à s’en sortir tant bien que mal et honorer nos échéances. En tant qu’observateur qui suit et analyse de près l’évolution d’un certain nombre d’agrégats et indicateurs économiques, j’attribue cette capacité de remboursement à des facteurs conjecturels favorables plutôt qu’à des facteurs structurels qui reflètent les équilibres macroéconomiques de notre économie.

    Parmi ces facteurs favorables, je  citerais une relativement bonne saison touristique qui a rapporté près de 7000 millions de dinars, une augmentation exceptionnelle l’année dernière du prix international de l’huile d’olive dont la seule  exportation a rapporté plus de 5000 millions de dinars (déjà le cours international de l’huile d’olive a chuté considérablement cette saison, ce qui va impacter négativement notre capacité à honorer les échéances de la dette de la prochaine année) et surtout un accroissement des virements effectués par nos TRE (Tunisiens résidents à l’étranger) en faveur de leurs familles restées en Tunisie, une conséquence directe de la fuite des cerveaux et de l’émigration massive légale ou illégale (comme quoi, comme le dit si bien un proverbe français, «à quelque chose malheur est bon» !).

    Notre Président a beau dénoncer (à juste titre) le caractère impitoyable des lois économiques, que derrière les chiffres que les économistes manipulent, il y a des êtres humains, et même remettre en cause les modalités de calcul du PIB (voir ma réponse à ce sujet dans mon article très didactique intitulé «Le Président Kais Saïed a-t-il raison de mettre en cause les modalités de calcul du PIB ?»), il n’en demeure pas moins que les lois économiques sont telles qu’aucune économie dans le monde ne peut continuer fonctionner et prospérer si le taux de croissance économique est inférieur au taux d’intérêt réel à payer sur la dette extérieure. Ce n’est même pas de l’économie, mais de la simple arithmétique.

    Dans le cas de notre pays, tant que le taux de croissance du PIB reste aussi faible et oscillant entre 1% et 2% (1,4% pour l’année 2024 selon la Banque Mondiale et 1,8% prévu pour l’année 2025 selon la Berd, contre 3,2% prévue par notre PLF 2025, mais entre les deux, je fais davantage confiance aux prévisions de la Berd), est largement inférieur aux taux d’intérêt des emprunts extérieurs (les plus favorables sont ceux du FMI, de l’ordre de 5%), l’Etat n’aurait pas d’autres choix que de réduire son train de vie en réduisant la masse salariale des fonctionnaires, les dépenses de la caisse de compensation et le poids des déficits des entreprises publiques sur son budget, ou emprunter davantage aux banques locales si elles veulent bien lui prêter de l’argent ou faire fonctionner à fond le mécanisme de la planche à billets avec le risque de déclencher une spirale inflationniste incontrôlable, ou… se déclarer en défaut de paiement et se retrouver au Club de Paris pour le rééchelonnement de la dette publique et/ou au Club de Londres pour le rééchelonnement de la dette privée. Si on finit un jour à Paris ou à Londres (autrement que pour y faire du tourisme et du shopping !), on pourrait vraiment dire adieu à notre souveraineté nationale à laquelle Kais Saïed est si à cheval mais qu’on risque de perdre dans des conditions beaucoup plus humiliantes.

    Les motifs de la querelle entre le Président et le FMI

    Il s’agit des trois fameuses conditions posées par le FMI pour débloquer le prêt de1,9 milliards de dollars, approuvé au niveau du comité technique dès 2022 et bloqué depuis au niveau du conseil d’administration du FMI, qui ont toutes reçus un «niet» catégorique du Président, à savoir :

    a) la restructuration des entreprises publiques;

    b) la réduction de la masse salariale dans le budget de l’Etat;

    c) la suppression du mécanisme de compensation des prix de certains produits de consommation de base et énergétiques.  

    Une analyse objective du bien-fondé de chaque condition peut aider à savoir s’il s’agit effectivement d’ingérence inacceptable dans la politique intérieure du pays comme le soutient le Président ou de réformes structurelles inévitables à court ou moyen terme qui vont dans le sens de l’intérêt général du pays.

    Première condition : la restructuration des entreprises publiques

    Je ne suis pas d’accord avec notre Président lorsqu’il affirme dans tous ses discours que la corruption est la principale cause du marasme que connaît notre économie depuis la révolution et qu’il suffit de l’éradiquer pour que la croissance économique reprenne et le niveau de vie de la population s’améliore.

    Certes, il faut continuer à combattre par tous les moyens la corruption mais je lui fais remarquer qu’il n’y a pas un seul pays au monde (j’en ai visités une bonne centaine à titre professionnel ou personnel) où la corruption n’existe pas, quoiqu’il est vrai à des degrés divers (les magouilles en Ukraine de Hunter Biden, le fils de l’ex-président américain, ou celles de Sarkozy en Libye du temps de Kadhafi, en sont de parfaits exemples).

    En tant qu’économiste et ex-consultant à long terme auprès de la BAD, chargé du suivi de la mise en œuvre de 120 grands projets d’infrastructures régionales dans tous les pays africains réalisés dans le cadre du Nepad (New Partnership for African Development, un gigantesque programme financé par la Banque Mondiale et plusieurs autres bailleurs de fonds internationaux, que n’importe quel passant dans les rues d’Accra, ou d’Abidjan ou de Bamako connaît, alors si on pose la même question à un passant dans les rues de Tunis, il vous répondra «Dans quelle équipe de football il joue ?!»), il ne fait pas de doute pour moi que la première cause du marasme que connaît notre économie depuis la révolution est la mauvaise gestion à tous les niveaux de décision. En particulier, d’une bonne centaine d’entreprises publiques, dont les déficits d’exploitation pèsent de plus en plus lourd sur le budget de l Etat.

    Je relève d’ailleurs que pour la plupart d’entre elles (Tunisair, SNCFT, Transtu, etc.), les pertes cumulées depuis plusieurs années ont dépassé de plusieurs fois le montant de leurs fonds propres, ce qui veut dire que du point de vue du droit commercial strict, elles sont en faillite et n’existent plus même si elles continuent à fonctionner!

    Que ce soit à la demande du FMI ou non, c’est un lourd fardeau pour l’économie nationale qui se traduit par une aggravation du déficit du budget de l’Etat, un gaspillage des rares ressources du pays et de pénalités à payer par les usagers de ces services publics, soit en termes de mauvaise qualité de service, soit dans leurs factures, souvent les deux à la fois.

    La restructuration ne signifie pas la privatisation

    Il est important de faire remarquer que le FMI n’exige nullement la «privatisation» de ces entreprises publiques, comme notre Président l’a interprété et n’arrête pas de le dénoncer dans ses discours, mais de leur «restructuration», car tout ce que demande le FMI est que les  déficits d’exploitation de ces entreprises publiques ne viennent plus aggraver le déficit budgétaire qui dépasse déjà largement les normes internationales d’une bonne gestion publique (12% du PIB alors que nous sommes à plus ou moins16%, selon les lois de finance en Tunisie).

    Je fais remarquer aussi que cet objectif peut être atteint sans avoir forcement à céder aux entreprises au secteur privé comme le Président semble le penser. En effet, il existe plusieurs techniques juridiques et d’ingénierie financière pour transformer une entreprise publique déficitaire en une entreprise bénéficiaire tout en gardant son caractère public, c’est-à-dire sans l’entrée d’investisseurs privés dans son capital social. Je citerais en particulier trois techniques bien connues par les experts en la matière, dont je fais partie :

    – Les contrats programmes;

    – les partenariats publics privés (PPP);

    – et les concessions d’exploitation.

    Les techniques de restructuration sans privatisation des entreprises publiques

    Sans rentrer dans des considérations techniques qui seraient ennuyeuses pour les lecteurs et lectrices de cet article destiné au grand public, je rappellerais juste l’idée à la base de chaque technique.

    Le contrat programme : il s’agit d’un contrat, en général quinquennal, passé entre une entreprise publique et son ministère de tutelle, qui fixe les objectifs précis à atteindre à termes d’accroissement de la production, de la productivité et de réduction du déficit d’exploitation, moyennant des montants précis de subventions d’exploitation ou d’équipement que l’Etat s’engage à l’avance à lui payer annuellement. Cette technique permet de responsabiliser les PDG de ces entreprises sachant que s’ils n’atteignent pas les objectifs auxquels ils se sont engagés en signant leur contrat programme, ils risquent d’être virés. C’est une technique qui a bien fonctionné dans beaucoup de pays et notamment en France où elle a permis de transformer la SNCF d’une entreprise largement déficitaire en une entreprise largement excédentaire en quelques années seulement.

    Les PPP : dans ce schéma, un investisseur privé finance, construit et exploite pour une durée déterminée (en général 30 ou 40 ans) une infrastructure (autoroute, port, aéroport, etc.) ou un équipement lourd (centrale électrique, hôpital, etc.) moyennant un cahier de charges qui fixe clairement les redevances annuelles que l’Etat devrait lui payer pour le rembourser progressivement, ainsi que les contraintes de service public auxquelles il sera soumis (qualité de service, tarifs qui doivent être homologués, etc.). Les PPP qui permettent de décharger le budget de l’Etat de coûts d’investissement souvent très élevés d’une infrastructure ou un équipement collectif, tout en assurant une gestion plus rigoureuse que seuls les privés peuvent assurer, sont très en vogue dans les pays anglo-saxons, notamment en Angleterre où même des prisons sont construites et gérées dans le cadre de PPP.

    Les concessions d’exploitation : dans ce schéma, l’Etat construit et finance sur son budget une infrastructure ou un équipement collectif mais en concède, par appel d’offres, national ou international, l’exploitation pour une durée de 30 ou 40 ans à un investisseur privé qui lui versera des redevances annuelles d’exploitation. A la fin de la concession, la propriété de l’infrastructure ou de l’équipement revient à l’Etat. Là aussi le concessionnaire est soumis à un cahier de charges strict qui fixe ses obligations en matière de qualité de service à fournir aux usagers, d’entretien, de sécurité, de protection de l’environnement, etc., avec obligation d’homologation tarifaire pour protéger les usagers contre des tarifs abusifs et injustifiés.

    Ce modèle a été appliqué avec succès à Tunisie-Autoroutes et a permis de construire, entretenir et gérer un réseau autoroutier de 387 km à ce jour (sans l’autoroute Tunis-Jelma d’une longueur de 181 km en voie d’achèvement) sans que cela coûte un dinar pour le budget de l’Etat et sans changer son statut de société publique.

    Le premier objectif recherché par tous ces montages juridiques et financiers  est de tirer profit de la capacité de gestion des privés qui est en général supérieure à celle de leurs homologues publics, non pas que leurs cadres soient plus intelligents ou titulaires de plus de diplômes universitaires, mais parce qu’ils sont soumis au système de la récompense/sanction en vigueur dans le secteur privé, auquel leurs collègues du secteur public ne sont pas soumis : le PDG d’une entreprise du secteur privé sait qu’il sera récompensé par des primes de rendement à la fin de l’exercice s’il obtient de bons résultats et viré par le CA de l’entreprise s’il obtient de mauvais résultats, alors que le PDG d’une entreprise publique sait que, tant qu’il excelle dans «l’art de caresser dans le sens du poil» son ministre de tutelle, il peut espérer garder son poste pendant longtemps, que les résultats de sa gestion soient bons ou pas!

    La conclusion à laquelle j’arrive est que si j’étais à la place du Président de la République (heureusement je ne le suis pas et je ne risque pas de l’être un jour !) , non seulement j’ aurais accepté cette première condition du FMI de restructuration des entreprises publiques, mais j’aurais demandé même une assistance technique (que les bailleurs de fonds fournissent en général gratuitement) pour la mettre en œuvre le plus rapidement et le plus efficacement possible.

    Deuxième condition : réduction de la part de ma masse salariale dans le budget de l’Etat

    J’ai côtoyé pendant très longtemps (20 ans) à titre de consultant international les experts de ces institutions multilatérales de financement telles que le FMI, la Banque Mondiale, la BAD, la BEI, la BID, la Bird, la Berd, etc.

    Je peux affirmer qu’ils raisonnent tous selon ce qu’on appelle dans le métier les «best practices» (meilleures pratiques). Il s’agit d’analyser la politique suivie par des pays qui ont particulièrement réussi dans un domaine ou secteur particulier, qu’on appelle des «success stories», d’en tirer des leçons et de les recommander aux autres pays qui rencontrent les mêmes problématiques. Être un expert international n’est pas plus compliqué que cela.

    Dans le domaine de la gestion publique et de la maîtrise de l’équilibre budgétaire d’un État, les «best practices» sont un déficit budgétaire qui ne dépasse pas 3% du PIB (on appelle cela le critère de Maastricht). Or en Tunisie, nous sommes autour de 6%, selon la loi de finance de chaque année, soit le double des normes internationales d’une bonne gestion publique. De même, la masse salariale des fonctionnaires ne doit pas dépasser 12% du PIB, alors qu’en Tunisie nous sommes autour 16%.

    Ces décalages par rapport aux «best practices» ne passent pas auprès des experts de ces institutions multilatérales de financement qui auront à rendre compte à leur retour de mission à leurs supérieurs hiérarchiques, eux-mêmes adaptes de ces techniques d’évaluation.

    Ayant compris comment fonctionnent ces experts internationaux (ce sont presque des ordinateurs qui appliquent des algorithmes), notre Président, au lieu de leur opposer un niet catégorique et en faire même un motif de rupture des relations avec le FMI, aurait dû, à mon avis, négocier ce que Trump appelle un «deal», un art dans lequel il excelle et qui lui a permis de devenir milliardaire et puis Président des Etats-Unis.

    En clair, à partir du moment où cette réforme demandée par le FMI est inéluctable, car la capacité de recrutement de l’administration n’est pas infinie et accroît le déficit budgétaire, il aurait dû négocier un programme souple pour sa mise en œuvre progressive avec le moins impact social possible. Le gouvernement de Youssef Chahed l’a bien compris (pour moi en tant qu’économiste, il est LE meilleur Premier ministre que nous avons eu depuis la révolution, que cela plaise à ceux qui font de la politique politicienne ou non), Samir Saïed l’ a compris aussi (pour moi, il est LE meilleur ministre de l’Économie que nous avons eu depuis la révolution, encore une fois que cela plaise à ceux qui font de la politique politicienne ou pas, car je n’en fais pas) et ils avaient commencé, dès le début des négociations avec le FMI en 2016, à élaborer une stratégie qui consiste à encourager les départs anticipés à la retraite, l’accord de primes de départ, la facilitation des prêts aux fonctionnaires qui veulent lancer leur propre projet, le non renouvellement automatique des départs à la retraite, etc. Pour moi, c’était indiscutablement la bonne voie à suivre, car continuer à avoir environ 780 000 fonctionnaires pour 12 millions d’habitants est contreproductif.

    De mon point de vue, il vaut mieux créer une sorte caisse de chômage pour les jeunes et les diplômés de l’enseignement supérieur en chômage et les payer à ne rien faire plutôt que de les recruter avec le risque de gêner ceux qui travaillent déjà dans l’administration et faire baisser leur productivité qui est déjà faible.

    Malheureusement, notre Président a non seulement rejeté cette deuxième condition, nous privant ainsi de 1,9 milliards de dollars qui auraient été une bouffée d’oxygène dans une conjoncture aussi difficile. Pire, avec sa dernière décision de recruter d’un seul coup 5000 diplômés de l’enseignement supérieur en chômage, il est en train d’appliquer une politique exactement inverse à celle préconisée par le FMI. S’est-il demandé avec quelles ressources budgétaires ils seront payés, sachant que seulement 24% des emprunts extérieurs prévus dans  la PLF de 2025 ont été identifiés à ce jour? Sait-il que le recours abusif au mécanisme de la planche à billets, que ce soit dans le cadre de la loi actuelle datant de 2016 fixant le statut de la BCT ou après l’avoir amendée comme il en a l’intention, risque d’engager l’économie dans une spirale inflationniste qui va entrainer l’érosion du pouvoir d’achat particulièrement des classes sociales à faibles revenus dont il déclare se soucier tellement, la détérioration de la compétitivité de nos entreprises, un plus grand chômage, une détérioration de la parité du dinar, donc une plus grande inflation, etc.? Se doute-t-il qu’au bout de ce processus infernal, la Tunisie sera contrainte de se déclarer en défaut de paiement et de se retrouver au Club de Paris pour négocier le rééchelonnement de sa dette publique et perdra ainsi sa souveraineté nationale au nom de laquelle le président a rompu les relations avec le FMI? Mystère!

    Troisième condition : la suppression de la compensation sur les produits de consommation de base et énergétiques 

     Il s’agit de la troisième condition que le Président a catégoriquement rejetée et celle qui a fait capoter le plus les négociations avec le FMI.

    Alors que les deux premières conditions relèvent de problématiques purement économiques que je prétends maîtriser parce qu’elles visent la recherche d’une plus grande efficacité économique, cette troisième condition relève d’une problématique purement politique. N’étant pas moi-même un politicien, mon analyse sera moins tranchée et mes idées plus discutables. Je les développe quand même.

    Pour aborder cette problématique, j’adopterais l’approche d’Elon Musk, l’homme le plus riche du monde qui a créé Tesla, Space X, Neurolink, etc., et dont je suis un fan et écoute sur YouTube toutes ses interviews et conférences. Ce génie incontestable des temps modernes a l’habitude de dire : savoir poser un problème, c’est le résoudre à moitié.

    Selon cette approche, je poserais le problème de la caisse de compensation en Tunisie dans les termes suivants : d’abord, cette politique qui date du temps de Bourguiba, aussi nobles que soient ses objectifs sociaux et humains, pose un véritable problème d’injustice sociale auquel notre Président est si sensible.

    En effet, comment justifier que celui qui gagne plusieurs milliers de dinars par mois bénéficie de la même subvention sur le prix d’une baguette de pain que celui qui gagne quelques centaines de dinars ou même aucun s’il est en chômage? Comment justifier que les 10 millions de touristes qui ont visité notre pays cette année ont mangé notre couscous subventionné par l’Etat et donc le contribuable tunisien? Pire, dans le domaine énergétique, comment justifier que le pauvre paysan qui vit en pleine campagne et qui n’a même pas de voiture contribue par les taxes qu’il paie à l’ Etat à subventionner l’essence que consomme la Mercedes dernier modèle dans laquelle roule un millionnaire pour aller danser dans une discothèque à Hammamet?

    A côté de la dimension sociale que pose la problématique de la compensation, il y a une dimension purement économique, qu’on appelle «la vérité des prix» et à laquelle les économistes sont très attachés : tout produit dont le prix de vente ne reflète pas le coût de production se traduit par un gaspillage de ce produit. L’exemple de certains éleveurs de bétail qui trouvent moins cher d’alimenter leurs poules ou troupeaux par du pain moisi plutôt que  d’acheter des aliments pour bétail en est une illustration, sans parler des centaines milliers de baguettes jetées chaque jour dans les poubelles!

    Incontestablement, il y a là un véritable problème social et économique que le FMI a raison de soulever, sans parler de l’impact très lourd des dépenses de compensation sur le budget de l’Etat.

    A partir du moment où le FMI a objectivement raison de poser le problème et que, comme Musk le dit, un problème bien posé est déjà à moitié résolu, il fallait chercher la solution à ce problème plutôt que de l’ignorer et maintenir le statuquo comme notre Président l’a fait et en fait même un motif de rupture de toute collaboration avec le FMI

    Certes, la solution de la suppression totale de la compensation proposée par le FMI est inacceptable tant pour des raisons sociales que politiques et le Président a eu raison de rejeter cette solution.

    Pour identifier une autre, je me suis inspiré de la solution trouvée par beaucoup de pays africains, pour alléger le budget de l’Etat et résoudre une problématique d’injustice sociale pareille mais qui se pose dans le secteur de l’entretien des routes. La solution adoptée par 27 pays africains (j’ai travaillé longuement sur ce sujet du temps où j’étais expert à la BAD) a été de créer un Fond de Développement Routier (FDR), alimenté par une taxe spéciale sur les prix du carburant, de sorte que seuls les automobilistes financent l’entretien du réseau sur lequel ils roulent. Plus ils circulent plus ils doivent contribuer à l’entretien des routes, un principe que les Américains appellent «pay as go».

    Sur la base de cette expérience africaine réussie dans le domaine de l’entretien routier (que la Tunisie, où les nids de poules sur certaines routes sont plus nombreux que les véhicules qui y circulent !, ferait bien d’adopter), je préconiserais la création d’une Caisse Autonome de Compensation (CAC) à financer, non pas par de nouvelles taxes sur les entreprises qui subissent déjà une pression fiscale parmi les plus élevées au monde, mais par une taxe sur ce que le célèbre économiste Keynes appelle le «capital oisif».

    Il s’agit des actifs réels et immobiliers qui ne sont pas intégrés dans le circuit économique et ne contribuent donc pas à la production nationale, tels les terrains agricoles non cultivés, les terrains non bâtis, etc. Une telle solution permettra de réduire le déficit du budget de l’Etat (objectif recherché par le FMI), tout en maintenant la compensation des prix de certains produits de consommation de base (objectif recherché par Kais Saïed). En plus, cerise sur le gâteau, elle incitera les propriétaires de ces actifs oisifs, qui s’en servent souvent à des fins de spéculation, à les intégrer dans le circuit économique et augmenter la production nationale

    En tout cas, je suis convaincu en tant qu’économiste, que cette question de la compensation qui a bloqué les négociations et a engendré même la rupture des relations avec le FMI, est avant une question de vision économique et de courage politique qu’une question technique à laquelle les experts trouvent toujours une solution. Sinon, à quoi servent les experts ?

    Conclusion

    En attendant d’analyser dans un prochain article le réalisme et les chances de réussite de la stratégie de rechange du «compter sur soi» proposée par le Président pour permettre à la Tunisie de «sortir de l’ornière», ma conclusion provisoire serait de dire que  cette décision de rupture de toute collaboration avec le FMI est à mon avis fort regrettable, parce qu’elle a été politisée dès le départ et parce qu’il y a des voies de solutions techniques qui n’avaient pas été explorées.

    Mais, maintenant que le mal est fait, cette rupture des relations avec le FMI pourrait être l’occasion de sortir du cercle vicieux de l’endettement et de la dépendance aux institutions internationales. Mais pour cela, encore faudrait-il avoir une vision économique claire au plus haut sommet de l’Etat (ce qui ne me semble malheureusement pas être le cas) et des réformes structurelles auxquelles, avec ou sans les «diktats» du FMI, la Tunisie ne pourrait pas échapper si elle veut remettre son économie sur les rails de la croissance, de la création de richesses et de l’emploi, en vue de  l’amélioration du niveau de vie de la population, toute la population, pas seulement les classes sociales les plus défavorisés, pour la protection desquels il a pris une décision aussi lourde de conséquences pour l’avenir de ce pays et de ses enfants

    PS (hors du sujet traité) : J’invite les lecteurs et lectrices, amateurs et amatrices de poésie métaphysique, à me rejoindre sur mon blog sur Google que j’ai appelé «Poèmes de la vie» où je m’évade de temps en temps dans le temps et l’espace, très loin du  FMI, de la BCT, de Kais Saïed, etc. Ils/elles y trouveront des poèmes sur ce que ma vie, non pas d’économiste, mais de globe-trotter, m’a appris et des sujets infiniment plus intéressants pour la nourriture de l’âme que ne l’est l’économie pour la nourriture pour l’esprit.

    L’article Le Président Saïed a-t-il raison de rompre les relations de la Tunisie avec la FMI? est apparu en premier sur Kapitalis.

     Stratégie | La guerre des terres rares ne fait que commencer  

    Téléphones portables, disques durs, écrans, vélos ou voitures électriques, turbines d’éoliennes, robots : ni les nouvelles technologies, ni la transition verte ne sont pensables sans les fameuses «terres rares». Mais elles sont difficiles à extraire et la Chine joue, dans ce domaine, d’une position dominante. Quelles sont les politiques à développer compte tenu de ces enjeux ?

    Habib Glenza

    Les terres rares sont présentes un peu partout dans la croûte terrestre. Leur rareté désigne leur très faible concentration, qui nécessite l’extraction de grands volumes de matière. Globalement l’extraction, la purification, le traitement et la séparation des terres rares sont coûteux en énergie, en eau et en produits chimiques polluants. Pour les puissances occidentales, et notamment les Etats-Unis, l’urgence est de sortir de la dépendance par rapport au quasi-monopole de la Chine, de faciliter l’émergence d’une filière du recyclage, et d’accélérer les possibilités de substitution.

    À quoi servent les terres rares ?

    Ces terres sont indispensables, surtout à quatre secteurs industriels qui représentent 10% de l’économie mondiale. Cependant, il est impératif de concilier leur exploitation et la préservation de l’environnement ?

    Les métaux rares extraits de terres rares sont indispensables pour l’industrie numérique (téléphones portables, disques durs, écrans…); l’énergie (turbines d’éoliennes en mer, moteurs de voitures électriques et hybrides…); l’industrie médicale (appareillages de pointe, robots); et l’armement.

    Les besoins en technologies bas-carbone, notamment pour les moteurs de véhicules électriques et hybrides ou les éoliennes en mer, pourraient multiplier la consommation de terres rares par sept d’ici 2040.

    Pourquoi les qualifie-t-on ces terres de «rares» ?

    Ces terres sont moins abondantes que d’autres disponibles en abondance, comme la chaux, l’alumine, la silice, etc. La première terre rare, l’ytterbium, fut découverte par hasard en 1787 par Arrhenius dans une carrière près de Stockholm. Aujourd’hui, ce sont les difficultés à les extraire et à les raffiner qui les rendent rares.

    Pour extraire 1 kilo de gallium, un sous-produit de la production d’aluminium et de zinc, il faut casser 50 tonnes de roches. Pour obtenir 1 kilo de Lutecium, utilisé notamment en médecine nucléaire pour le traitement de certaines tumeurs neuro-endocrines, il s’agit de traiter 1 200 tonnes de roches.

    Or, le raffinage de ces minerais passe par l’utilisation d’acides sulfuriques et nitriques, qui contaminent les eaux et les sols avoisinants, générant chez les humains cancers, malformations et infertilité.

    Le contenu de ces minerais en thorium ou en uranium radioactif constitue une autre source de pollution, qui a justifié l’arrêt des activités de plusieurs raffineries dans le monde.

    La Chine en tête du peloton

    En 2000, pour privilégier ses industries, la Chine a réduit de 40% ses exportations, ce qui a provoqué une envolée des prix. En 2010, elle a institué des taxes et des quotas sur ces exportations. En 2019, elle a brandi la menace de réduire drastiquement ses exportations vers les Etats-Unis, suite à l’embargo américain sur les produits de la société Huawei, ce qui a agacé l’administration américaine et l’a poussée à chercher d’autres fournisseurs qui malheureusement ne font pas le poids.

    La Chine investit massivement dans l’extraction de terres rares un peu partout dans le monde, pour renforcer sa souveraineté et pour provoquer le moins de pollution possible à l’intérieur de ses frontières. 

    Les Américains, pour leur part, ont réalisé le danger de la dépendance envers la Chine pour l’approvisionnement en terres rares, d’autant qu’en réponse aux attaques de Washington contre le groupe Huawei, Pékin a menacé de restreindre ses exportations des métaux indispensables aux produits de haute technologie dont elle détient le quasi-monopole mondial.

    Ce quasi-monopole s’est installé à la fin des années 80. A cette époque, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont délaissé leurs mines de terres rares. Non seulement, celles-ci sont jugées très polluantes, mais surtout elles ne sont plus compétitives face aux exploitations de la Chine qui, selon une logique de spécialisation minière, est devenue le producteur à 85% voire 90% des terres rares dans le monde.

    Enjeux géostratégiques du futur

    Les Etats-Unis peuvent-ils trouver d’autres sources ?

    Si Pékin décidait de fermer complètement le robinet de terres rares du jour au lendemain, les producteurs de produits technologiques mais aussi l’armée américaine se retrouveraient dans une situation défavorable. D’où la proposition du président Volodymyr Zelensky de lui remettre les terres rares ukrainiennes en contrepartie des dettes de Kiev envers Washington, estimées à 350 milliards de dollars. Cette proposition est sans doute plus favorable aux Ukrainiens qu’aux Américains du fait que l’extraction des minerais rares nécessite un investissement gigantesque et que les Ukrainiens ne possèdent ni les moyens financiers ni les technologies adéquates.

    Le grand intérêt que Donald Trump semble accorder à ce dossier, sans doute sous l’influence directe de son mentor et «associé» Elon Musk et les autres acolytes du Gafam, trouve ici son explication.     

    La guerre des minerais rares ne fait donc que commencer!  

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