Monia Ben Hamouda expose âYaâaburneeâ Ă la galerie Selma Feriani : une exploration sensorielle du langage et de la mĂ©moire
Lâexposition âYaâaburneeâ de lâartiste italo-tunisienne Monia Ben Hamouda sera visible du 26 fĂ©vrier au 19 avril Ă la galerie Selma Feriani.
Le vernissage de lâexposition est prĂ©vu ce mardi 25 fĂ©vrier Ă 17h au siĂšge de la galerie Selma Feriani Ă la Goulette.
Monia Ben Hamouda, artiste figurative et sculptrice italo-tunisienne, est la laurĂ©ate de la 4Ăšme Ă©dition du Prix Maxxi Bvlgari pour son projet « ThĂ©ologie de lâeffondrement (Le mythe du passĂ©) I-X (2024) », une installation composĂ©e de dix panneaux de fer dĂ©coupĂ©s au laser, qui dessinent des motifs inspirĂ©s de la calligraphie islamique et des formes de mosquĂ©es. Les panneaux ont Ă©tĂ© retravaillĂ©s par lâartiste grĂące Ă lâutilisation dâAl.
La cĂ©rĂ©monie de remise des prix a eu lieu, le 17 janvier 2025, Ă la salle Carlo Scarpa du MusĂ©e national des arts du XXIe siĂšcle (Maxxi) Ă Rome qui est la premiĂšre institution nationale italienne consacrĂ©e Ă la crĂ©ation contemporaine. Actuellement, lâoeuvre de Monia Ben Hamouda fait partie de la Collection permanente de Maxxi Bvlgari.
Lâ exposition âYaâaburneeâ est intitulĂ©e dâaprĂšs le concept arabe qui se traduit par âtu mâenterresâ, reflĂ©tant le souhait dĂ©sintĂ©ressĂ© dâun ĂȘtre cher de survivre Ă soi-mĂȘme, peut-on lire dans la prĂ©sentation signĂ©e par la commissaire de lâexposition Anissa Touati.
Lâamour et le sacrifice, omniprĂ©sents dans lâexposition, explorent les idĂ©es complexes du langage, de lâhistoire et de la comprĂ©hension Ă travers une installation qui sâĂ©tend sur les trois Ă©tages de la galerie, combinant peinture, sculpture et piĂšces sonores, brouillant notre relation avec lâespace.
Ces enregistrements de deux mosquĂ©es crĂ©ent un paysage envoĂ»tant qui mĂȘle appels religieux Ă la priĂšre et annonces publiques urgentes. Il transforme les sons familiers de lâappel Ă la priĂšre en une mĂ©lodie alarmante, reflĂ©tant une interaction complexe entre la spiritualitĂ© et le besoin urgent dâinformation en temps de crise.
Lâinstallation Ă©voque lâinconfort et la conscience, alors que les basses vibrations rĂ©sonnent dans toute la galerie. Ben Hamouda vise Ă capturer le paysage auditif distinct des pays arabes, en soulignant comment ces sons façonnent lâidentitĂ© et la perception culturelles. Le rĂ©sultat est un commentaire puissant sur la nature de la communication et le fardeau Ă©motionnel portĂ© par ces appels dans notre rĂ©gion troublĂ©e.
Au cĆur de la galerie se trouvent neuf peintures explorant la construction narrative de lâhistoire de lâart. Certains dâentre eux sont couchĂ©s sur le sol comme autant de tombes. Peintes par la force des Ă©pices jetĂ©es sur la toile par lâartiste, elles Ă©voquent des senteurs familiĂšres proches du sol dâune patrieâun endroit auquel nous ressentons un lien Ă travers un appel profond Ă la terre, mĂȘme si nous nây sommes pas nĂ©s.
Sâinspirant dâartefacts anciens tels que la Pierre de Rosette, Ben Hamouda imagine des rĂ©cits historiques alternatifs et interroge notre comprĂ©hension des civilisations anciennes comme si des traductions essentielles nâavaient jamais eu lieu. Lâartiste fait allusion Ă des formes dâart âprĂ©historiquesâ, telles que des peintures rupestres et des morceaux de marbre sculptĂ©s avec un langage qui nâa pas encore Ă©mergĂ©. Elle suggĂšre que la langue elle-mĂȘme pourrait ĂȘtre traitĂ©e comme un matĂ©riau sculptural, adaptable Ă nos diverses cultures.
La Pierre de Rosette, qui prĂ©sentait des scripts familiers mais initialement incomprĂ©hensibles, fait Ă©cho au travail de Ben Hamouda en crĂ©ant un langage visuel Ă la fois reconnaissable et Ă©nigmatique. Cela reflĂšte la notion du philosophe Abdelbebir Khatibi dâune âlangue plurielleâ qui transcende les identitĂ©s culturelles binaires.
Son approche de lâarchitecture linguistique est parallĂšle Ă la monumentalitĂ© de lâhistoire de la langue. Son utilisation dâinscriptions anciennes incarne Ă la fois le poids de la mĂ©moire culturelle et le pouvoir des mots de transcender le temps. Dans le travail de lâartiste, le langage devient un monument qui Ă©voque simultanĂ©ment la reconnaissance et Ă©chappe Ă la comprĂ©hension complĂšte.
Yaâaburnee murmure une mĂ©moire ancestrale qui dĂ©fie la traduction, une langue patrimoniale Ă la fois intime et impĂ©nĂ©trable. Jenny L. Davis, une poĂ©tesse autochtone, capture ce gouffre temporel et culturel avec sa question obsĂ©dante â â Quelle chanson / chanteriez-vous pour eux?â. Lâappel Ă la priĂšre de la mosquĂ©e, sâĂ©levant des profondeurs de la galerie, porte avec lui le poids des gĂ©nĂ©rationsâune tapisserie de joie, de chagrin, de triomphe et de lutte tissĂ©e dans ses rythmes anciens.
Dans ce paysage polyphonique de la nostalgie humaine, nous nous trouvons Ă la recherche dâune langue commune. Alors que le monde lutte pour trouver lâharmonie, nous nous souvenons de lâhĂ©ritage fracturĂ© de Babel, qui se dĂ©roule en temps rĂ©el sous nos yeux. Comment parler pour ĂȘtre compris quand lâacte mĂȘme de communication semble nous Ă©loigner encore plus?
De Yaâaburnee sâĂ©lĂšve une chanson qui rĂ©sonne encore dans les vestiges de nos ancĂȘtres et grands-mĂšres. Lâexposition incarne lâĂ©nigme de la reconnaissance dâune prĂ©sence qui Ă©chappe Ă toute comprĂ©hension. Il se manifeste comme une tapisserie tangible de lâhistoire accumulĂ©e, une chronique visuelle Ă la fois palpable et impĂ©nĂ©trable. Il se dresse devant nous comme un monument Ă la mĂ©moire, reflĂ©tant le paradoxe dâune langue qui existe dans la forme mais reste entourĂ©e de mystĂšre â un tĂ©moignage de la nature durable mais insaisissable de notre patrimoine culturel.
Ibn Khaldun verrait probablement lâinstallation de Ben Hamouda comme une manifestation de sa thĂ©orie cyclique des civilisations, oĂč les civilisations montent et descendent selon des schĂ©mas prĂ©visibles. Lâinstallation de lâartiste, tout comme le concept de Khaldun de dynasties contenant les germes de leur propre chute, plonge dans la dĂ©composition des structures culturelles et politiques. Le travail de Monia Ben Hamouda, reliant le culte et lâarchĂ©ologie, rĂ©sonne avec la situation actuelle en Palestine, oĂč la nature cyclique du conflit a transformĂ© la terre en sites de traumatismes historiques. Il fait Ă©cho Ă lâexploration par lâartiste de lâattachement au sol en tant que patrie, soulevant de profondes questions sur la prĂ©servation de lâidentitĂ© et de la mĂ©moire face Ă la dĂ©possession.
âYaâaburneeâ crĂ©e un environnement poignant qui invite Ă la contemplation du patrimoine culturel et du pouvoir durable de lâamour, conclut la commissaire de lâexposition.
NĂ©e Ă Milan en 1991, Monia Ben Hamouda est une artiste figurative et sculptrice originaire de Kairouan. Sa pratique artistique reflĂšte la complexitĂ© de son identitĂ© interculturelle. Puisant son inspiration dans ses racines italiennes et tunisiennes et dans son syncrĂ©tisme culturel, lâartiste rĂ©invente certains canons esthĂ©tiques Ă©tablis par un processus de contamination des signes.
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