Pourquoi Trump est-il si obsédé par le canal de Panama ?
Sur fond de guerre commerciale avec la Chine, Donald Trump a réaffirmé sa volonté de « reprendre le contrôle » du canal de Panama, une artère vitale du transport maritime mondial.
Le nouvel hôte de la Maison Blanche persiste et signe. Faisant du canal de Panama une vraie obsession, Donald Trump n’a pas caché sa volonté de « reprendre le contrôle » de cette voie d’eau stratégique, construite par les États-Unis et transférée 85 ans plus tard au petit pays d’Amérique centrale.
Sous quel prétexte ? « Nous avons été très maltraités par ce cadeau insensé qui n’aurait jamais dû être fait. La promesse que nous avait faite au Panama n’a pas été tenue », a-t-il estimé lors de son discours d’investiture lundi 20 janvier, affirmant que les navires américains étaient « gravement surtaxés ».
Et de brandir son argument massue : « Et surtout, la Chine exploite le canal de Panama, et nous ne l’avons pas donné à la Chine, nous l’avons donné au Panama. Et nous allons le reprendre ».
Le président américain fraîchement élu fait en effet référence aux deux terminaux portuaires chinois situés à l’entrée du canal, Balboa, côté océan Pacifique, et Cristobal, côté océan Atlantique. Ces terminaux furent confiés, depuis 1996, à un groupe de Hongkong, Hutchison Port, bâti par le richissime homme d’affaires Li Ka-shing, et qui gère 53 terminaux à travers le monde, et exploite notamment le port de Stockholm en Suède, cinq ports aux Pays-Bas et une douzaine d’autres dans les pays du Moyen-Orient.
Par ailleurs, Pékin mène une politique d’investissement massive depuis des années. Les échanges commerciaux entre la Chine et l’Amérique latine ont été multipliés par 34 depuis 2017, faisant de la Chine le deuxième utilisateur du canal derrière les États-Unis. Ils sont suivis par le Japon, la Corée du Sud et le Chili.
Le président américain fraîchement élu fait référence aux deux terminaux portuaires chinois situés à l’entrée du canal, Balboa, côté océan Pacifique, et Cristobal, côté océan Atlantique. Ces terminaux furent confiés, depuis 1996, à un groupe de Hongkong, Hutchison Port, bâti par le richissime homme d’affaires Li Ka-shing…
Contre-vérités
C’est que dans l’esprit du 47e président des États-Unis, qui cherche manifestement à tordre le coup à la réalité historique, le canal de Panama est la propriété légitime des États-Unis parce qu’il a été construit par les Américains en 1914.
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Historiquement, la construction de cette voie de 80 km qui relie les océans Pacifique et Atlantique a été lancée par la France puis reprise par les États-Unis. Finalement, le canal a été pleinement rétrocédé au Panama ; selon l’accord passé en 1977 par le président américain d’alors, Jimmy Carter, et le leader nationaliste panaméen, Omar Torrijos, autorisant le transfert du canal au Panama le 31 décembre 1999.
En 1903, le Panama gagne son indépendance vis-à-vis de la Colombie. Le 15 août 1914, après plus de 30 ans de travaux et la mort de quelque 25 000 ouvriers, de paludisme ou de fièvre jaune, ce monument d’ingénierie est inauguré par les Américains. Ils ont réussi là où les Français, menés par l’ingénieur Ferdinand de Lesseps, le père du canal de Suez, avaient échoué entre 1881 et 1904.
5% du commerce maritime mondial
Il convient de rappeler que le canal, qui relie plus de 1 900 ports dans 170 pays, représente 5% du commerce maritime mondial, a profondément transformé la navigation et le commerce mondial.
Les navires passent d’un océan à l’autre en huit heures environ sans avoir à se rendre au cap Horn, à la pointe sud de l’Amérique. De New York à San Francisco, un navire économise ainsi 20 300 kilomètres.
D’autre part, le canal est essentiel pour l’économie du Panama : 6% du PIB. Depuis l’an 2000, le canal a reversé plus de 28 milliards de dollars au Trésor panaméen. Au cours de l’exercice 2023/2024, le canal de Panama a engrangé un chiffre d’affaires record de 4,9 milliards de dollars. Il a vu transiter quelque 11 200 navires et 423 millions de tonnes de marchandises.
Le canal est essentiel pour l’économie du Panama : 6% du PIB. Depuis l’an 2000, le canal a reversé plus de 28 milliards de dollars au Trésor panaméen. Au cours de l’exercice 2023/2024, le canal de Panama a engrangé un chiffre d’affaires record de 4,9 milliards de dollars.
Le canal « n’est pas un cadeau des États-Unis »
Face aux convoitises américaines, la Chine a souligné, mercredi 22 janvier 2025, n’avoir « jamais interféré » dans les affaires liées au canal du Panama. « La souveraineté et l’indépendance du Panama ne sont pas sujettes à négociation, et le canal ne doit être soumis à aucun contrôle direct ou indirect de grandes puissances », a déclaré Mao Ning, porte-parole de la diplomatie chinoise.
Pour sa part, le président panaméen José Raul Mulino a répondu lundi 20 janvier à Donald Trump par la voie d’un communiqué posté sur son compte X : « Le canal appartient et continuera d’appartenir au Panama. Nous exercerons le droit qui nous protège, la base juridique du traité, la dignité qui nous distingue et la force que nous donne le droit international ». L’administration du canal « restera sous contrôle panaméen dans le respect de sa neutralité permanente » et sans « la présence d’aucune nation dans le monde pour interférer », a-t-il ajouté.
D’autre part, dans une lettre envoyée au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le président panaméen a martelé que le canal de Panama « n’a pas été une concession ou un cadeau des États-Unis ».
Interrogé par une journaliste à l’issue de la table ronde organisée mercredi 22 janvier 2025 à Davos sur le risque de voir les États-Unis envahir le Panama, le président a répondu en anglais à deux reprises : « Soyez sérieuse » !
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