Les États-Unis peuvent-ils concrétiser leur plan économique « 3-3-3 » ?
Les perspectives de croissance mondiale cette année dépendent en grande partie des actions et des choix de l’administration Trump récemment investie aux États-Unis. À la tête de l’immense économie américaine de 30 000 milliards de dollars, Trump dispose d’un mandat solide pour adopter de nouvelles politiques et initiatives, soutenu par une large majorité républicaine à la Chambre des représentants et au Sénat.
Sous les slogans « Make America Great Again » (MAGA) et « America First », Trump a promis une croissance économique accrue, une déréglementation et une simplification administrative dans des secteurs clés, des baisses d’impôts pour les entreprises et les ménages, davantage d’investissements publics et de subventions pour l’industrie manufacturière et la défense nationale, une augmentation de la production d’hydrocarbures, ainsi qu’une position protectionniste ferme en matière de commerce extérieur. Cette feuille de route s’inscrit dans la continuité des engagements de son premier mandat (2017-2021).
Cependant, les conditions économiques actuelles aux États-Unis diffèrent de celles de 2017, lorsque Trump a pris ses fonctions pour la première fois. La croissance potentielle du PIB a déjà considérablement augmenté ces dernières années, les marges de manœuvre budgétaires se sont réduites, et le pays a déjà traversé une « révolution énergétique » grâce au développement du schiste. Malgré cela, l’équipe économique de Trump, dirigée par le secrétaire au Trésor Scott Bessent, estime qu’il est possible de mener à bien un plan ambitieux baptisé « 3-3-3 ». Ce dernier vise 3 % de croissance du PIB, 3 % de déficit budgétaire et une production supplémentaire de 3 millions de barils de pétrole brut par jour d’ici 2028.
Comparaison des indicateurs macroéconomiques : Mandat Trump 1.0 vs Mandat Trump 2.0
(début des mandats en 2017 et 2025 respectivement)
Sources: Haver, QNB analysis
Cette semaine, nous décomposons les objectifs du plan 3-3-3 pour en évaluer la faisabilité, les chances de réussite, ainsi que l’impact potentiel des mesures nécessaires.
- Une croissance de 3 % du PIB : est –elle réaliste ?
La croissance économique des États-Unis a déjà enregistré des progrès notables ces dernières années, avec une accélération du potentiel de PIB. Rien ne permet de penser que l’objectif de 3 % soit trop élevé ou irréaliste. En effet, le potentiel de croissance du PIB s’établit déjà à 2,5 %, revenant ainsi à la moyenne de long terme. Il est possible que Trump mette en œuvre un programme complet favorisant l’innovation et la déréglementation, tout en s’appuyant sur les investissements existants dans l’intelligence artificielle (IA).
Au cours des derniers trimestres, les grands fournisseurs de services cloud ont doublé leurs programmes d’investissement, ce qui suggère que nous ne sommes qu’au début d’un cycle d’investissement massif, unique en son genre, dans les infrastructures d’IA. Une adoption technologique accélérée pourrait générer des gains d’efficacité significatifs, augmentant davantage la productivité et le potentiel de croissance du PIB, comme ce fut le cas lors de la montée en puissance des infrastructures Internet dans les années 1990.
L’évolution du potentiel de croissance du PIB des États-Unis
(y/y, %, 1990-2024)
Sources: US Federal Reserve, QNB analysis
- Réduction du déficit à 3 % : un défi ambitieux
L’équipe économique prévoit un plan ambitieux de consolidation budgétaire, visant à réduire le déficit à 3 % d’ici 2028. Cependant, cette ambition se heurte à des promesses de campagne, notamment une baisse de l’impôt sur les sociétés de 21 % à 15 % et la prolongation des réductions d’impôts de 2017, qui devaient expirer fin 2025. Ces mesures fiscales devraient entraîner une réduction des recettes publiques de 3 000 à 4 000 milliards de dollars.
Pour compenser, l’administration Trump propose une combinaison de mesures de réduction des coûts et de hausse des recettes, comme l’imposition de droits de douane plus élevés et des coupes budgétaires dans plusieurs départements et programmes gouvernementaux. Une commission sur l’efficacité gouvernementale, dirigée par Elon Musk, pourrait également identifier des opportunités d’optimisation budgétaire. Néanmoins, atteindre un déficit de 3 % nécessiterait une réduction massive des dépenses publiques d’environ 3 400 milliards de dollars, soit une baisse de 30 % par rapport aux projections pour 2028. Une telle réduction pourrait freiner la croissance économique, soulevant la question de savoir quelle priorité l’emporterait entre la croissance et la rigueur budgétaire.
- Augmentation de la production énergétique : un objectif ambitieux et flou
Enfin, le plan vise une augmentation de 3 millions de barils équivalent pétrole par jour. L’idée repose sur la déréglementation, des incitations et une approche neutre concernant les sources d’énergie, en réduisant les subventions aux énergies renouvelables. Cependant, l’industrie pétrolière fait face à des défis majeurs, tels que l’épuisement des ressources facilement accessibles, des coûts élevés, une pénurie de main-d’œuvre et une rentabilité faible dans certaines zones de production de schiste. Pour atteindre cet objectif, il faudrait inclure d’autres sources d’énergie, comme le gaz et le GNL, dans le calcul.
Conclusion
En résumé, il est probable que Trump puisse atteindre l’objectif de 3 % de croissance du PIB, grâce aux innovations technologiques et à une politique de déréglementation. En revanche, la cible de 3 % de déficit budgétaire semble trop ambitieuse dans le contexte actuel, surtout en raison des nouvelles baisses d’impôts envisagées. Enfin, l’objectif énergétique reste flou et dépendrait d’une définition élargie des sources d’énergie prises en compte.
D’après analyse QNB
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