ECLAIRAGES – Le rôle de la dette dans le contexte transitionnel tunisien
En Tunisie, où les défis économiques s’accumulent, la tentation de céder à des politiques d’austérité est omniprésente. Cette approche, souvent justifiée par le besoin de réduire le déficit budgétaire ou de répondre aux exigences des bailleurs de fonds, risque pourtant d’enfoncer davantage le pays dans une récession.
L’austérité, en réduisant les dépenses publiques, crée un cercle vicieux bien connu : contraction de l’emploi, baisse de la consommation, et, in fine, stagnation économique. Pour briser cette dynamique, l’État doit jouer un rôle actif en stimulant la demande à travers une augmentation des investissements publics, quitte à s’endetter davantage.
En effet, dans une économie où les dépenses privées reculent, seul l’État peut stabiliser l’activité économique et préparer un terrain propice à la croissance.
Depuis le début du XXIᵉ siècle, la Tunisie, à l’instar de nombreuses économies, a adopté une orthodoxie économique dictée par les institutions financières internationales. Cette dernière repose sur l’idée que la politique monétaire – notamment par le biais des taux d’intérêt – suffit à réguler l’économie.
Mais l’expérience montre que cette approche, combinée à une surveillance rigoureuse des dépenses publiques, ne fait qu’accentuer les inégalités et ralentir le développement.
Dans un pays où la classe moyenne s’effondre et où les plus vulnérables peinent à survivre, il est impératif de redéfinir la finalité de l’argent public.
Cela implique de repenser en profondeur l’action de l’État, son rôle dans l’économie, et sa capacité à orienter les ressources vers des secteurs stratégiques.
L’austérité : une décision politique, pas une fatalité
Il est crucial de comprendre que l’austérité n’est pas une fatalité économique, mais un choix politique. Les arbitrages budgétaires – qu’il s’agisse d’augmenter les impôts, de réduire les subventions, ou de favoriser certains groupes au détriment d’autres – reflètent des priorités politiques.
Et pourtant, l’argent nécessaire pour relancer l’économie existe. Il suffit de le mobiliser efficacement pour réduire le chômage, investir dans les infrastructures, et renforcer les services publics.
Les hausses des taux d’intérêt et leur maintien à des niveaux élevés, censés stabiliser l’économie, ne font que drainer les liquidités indispensables à sa relance.
Les politiques actuelles, axées sur l’augmentation des impôts, notamment sur les classes moyennes, et la réduction des dépenses publiques, risquent de précipiter la Tunisie dans une crise plus profonde.
Les hausses des taux d’intérêt et leur maintien à des niveaux élevés, censés stabiliser l’économie, ne font que drainer les liquidités indispensables à sa relance.
De même, la montée des prix de l’énergie et l’inflation érodent davantage le pouvoir d’achat des Tunisiens, aggravant les effets pervers de l’austérité.
Le déficit : un levier pour la croissance
Contrairement à l’idée reçue, le budget d’un État ne se gère pas comme celui d’un ménage. En Tunisie, où l’État reste souverain dans l’émission de sa monnaie, le déficit budgétaire peut être un levier de croissance. Ce déficit représente l’argent injecté dans l’économie nationale, les investissements réalisés pour soutenir l’emploi et les infrastructures nécessaires pour préparer l’avenir.
Par conséquent, réduire ce déficit à tout prix reviendrait à priver l’économie des ressources dont elle a besoin pour se redresser.
Il est essentiel que les décideurs tunisiens apprennent à maîtriser leur déficit, non pas à le craindre. Plutôt que de chercher à l’éliminer, ils devraient l’utiliser pour relancer la croissance et améliorer les conditions de vie de la population. Après tout, le déficit d’aujourd’hui est la richesse collective de demain.
Il est essentiel que les décideurs tunisiens apprennent à maîtriser leur déficit, non pas à le craindre. Plutôt que de chercher à l’éliminer, ils devraient l’utiliser pour relancer la croissance et améliorer les conditions de vie de la population. Après tout, le déficit d’aujourd’hui est la richesse collective de demain.
Un appel à la responsabilité
Dans le contexte actuel, où les marges de manœuvre économiques sont limitées, il est temps de dépasser les dogmes de l’austérité et de privilégier une approche pragmatique, centrée sur les besoins réels de la population.
Les choix budgétaires ne doivent pas aggraver les inégalités ou hypothéquer l’avenir, mais renforcer la résilience de l’économie et redonner espoir à des millions de Tunisiens.
Alors, nos responsables politiques continueront-ils à se cacher derrière des prétextes d’austérité, ou auront-ils le courage de repenser la finalité de l’argent pour construire une Tunisie plus juste et prospère ?
A suivre…
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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