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Les potins du cardiologue: le beurre et l’argent du beurre

La tarification des actes médicaux est une réalité incontournable de toute assurance maladie. Encore faudrait-il que toutes les parties liées par les conventions collectives dans le domaine de la santé s’y tiennent et en respectent les clauses.

Dr Mounir Hanablia *

Le secteur libéral de la médecine est idéologiquement hostile à toute tarification. Néanmoins, il avait adhéré à ces conventions parce que d’une part le régime de Ben Ali, soumis aux nécessités des réformes structurelles imposées par le FMI, ne lui avait pas laissé d’autre choix, et d’autre part parce que l’assurance maladie était pour lui un moyen de booster ses bénéfices, alors même que le marché libyen permettait l’existence d’un vrai secteur libéral de la médecine, obéissant à la maximation rapide des profits, et que l’organisation en cartel des producteurs de soins débarrassait des contraintes issues de la concurrence, à laquelle est soumis le corps médical.

Cependant, depuis le Printemps Arabe, le marché libyen s’est rétracté, les prix des produits médicaux ont grimpé, et les tarifs de remboursement sont demeurés inchangés, alors que la pression fiscale ne faisait que croître.

Dans ce contexte économiquement difficile, d’aucuns dans le corps médical ont choisi de se déconventionner et d’assumer, en sachant de quoi il en retourne.

La question n’est pas là. Elle concerne plutôt les prestataires de soins toujours affiliés aux conventions et qui modifient unilatéralement leurs prix. Par exemple, pour un patient qui débourserait un supplément de 2200 dinars dans le cadre d’une angioplastie coronaire réalisée au bénéfice de sa mère sous le régime de l’assurance maladie, 1600 dinars iraient au praticien, très probablement payés en cash.

Des sanctions nettement inférieures aux bénéfices

Comme les honoraires de l’assurance maladie sont fixés depuis plus de 20 ans à 850 dinars, cela ferait pour ce collègue des gains estimés à 2500 dinars, dont seul le tiers serait imposable.

Certes, l’organisation dendritique de la profession impose que tous les membres du circuit encadrant le patient depuis les cabinets périphériques jusqu’à la l’organisme prestataire de soins en retirent un bénéfice, et cela impose évidemment des frais supplémentaires.

Pour le Cartel, les choses ne sont pas très différentes. Il y a quelques années, il avait pris la décision d’augmenter unilatéralement ses prix face à l’accroissement du coût des fournitures médicales engendré par l’inflation et le glissement du dinar.

Dans la pratique, cela signifie la nécessité pour le patient d’assumer la différence, en contradiction totale avec les termes de la convention l’interdisant formellement. Cela vaut à quelques uns des membres du Cartel des procès pour rupture de contrat dont l’enjeu est quelques millions de dinars de dédommagement au bénéfice des organismes de couverture sociale. Mais il semble que les cliniques privées préfèrent encore cela, ce qui signifie que les pertes issues des sanctions sont nettement inférieures aux bénéfices des transgressions.

Autrement, il ne fait aucun doute que le Cartel aurait choisi de se déconventionner, ce qui somme toute aurait résolu en même temps les problèmes des organismes de prise en charge en réduisant leurs dépenses.

La taxation d’office pour contrer l’évasion fiscale

L’exigence récemment émise de faire rembourser par les cliniques les retenues à la source sur les honoraires des médecins non réglés dans leurs locaux, est apparue comme une tentative par le ministère des Finances de la responsabilité de la lutte contre l’évasion fiscale; par la taxation d’office.

Or, le principe de la surveillance du corps médical par les cliniques est contestable dès le départ parce que d’une part, il épargne aux propriétaires et aux grands actionnaires, ceux dont les chiffres d’affaires sont les plus conséquents et qui sont souvent médecins, le mouchardage auquel sont soumis leurs collègues, et d’autre part, il renforce la puissance du Cartel et son influence corporatiste sur les médecins.

Naturellement, il est probable que dans sa lutte contre l’évasion fiscale, l’Etat n’a pas encore donné la pleine mesure de ses moyens. Ainsi certaines cliniques, pas toutes, ne délivrent plus d’honoraires sous forme de cash, seuls les privilégiés en bénéficient. Et il est probable qu’un certain temps s’écoulera encore avant que les transactions qui ne laissent pas de trace, en usant du cash, ne devienne marginales; il faudrait pour cela résorber le secteur informel et ce n’est pas encore demain la veille.

Organisation délinquante et concurrence déloyale

Cependant le plus inquiétant, c’est évidemment la propension de l’une des classes les plus prestigieuses de la population à adopter une organisation qu’on ne peut qualifier que de délinquante, et qui sous-tend la concurrence déloyale entre les collègues.

Naturellement, cette logique du gain illicite, de vouloir le beurre et son argent, en signifie implicitement une autre, les indications médicales abusives, et son corollaire, l’accroissement du coût des soins, du déficit des caisses de prestations sociales, et du déséquilibre des finances de l’Etat auquel on ne peut pas remédier que par le matraquage fiscal.

Au lieu de faire comme si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes, il faudrait, pour éviter que le bateau ne coule corps et biens, définir ce qui est tolérable de ce qui ne l’est pas et agir en conséquence.

Pour adopter la vision financière contestable qui prévaut dans le système néolibéral, la raison d’être des caisses de prestations sociales n’est pas de financer les revenus d’un Cartel, mais d’assurer d’abord leurs propres équilibres financiers. Et en ce sens, les mesures nécessaires pour assainir les comptes doivent être prises dans les plus brefs délais.   

* Médecin de libre pratique.

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