La Russie exploite la faiblesse de Haftar et les erreurs de l’Occident pour se renforcer en Libye
«La Russie opère un fragile changement stratégique de la Syrie vers la Libye», un changement qui soulève trois questions clés : le rôle historique de Moscou en Méditerranée, l’importance de Khalifa Haftar comme outil d’influence et les implications pour l’Occident, en particulier sur les erreurs stratégiques déjà commises dans le pays.
C’est l’évaluation d’Emadeddin Badi, analyste libyen de l’Atlantic Council, dans un récent article publié sur le site de ce groupe de réflexion américain sur la politique étrangère.
L’exemple du soutien au général Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne qui contrôle l’est de la Libye, montre comment Moscou utilise des figures autoritaires pour déstabiliser les intérêts occidentaux et consolider sa présence.
Chercheur principal non-résident de l’Atlantic Council, Badi souligne que l’approche russe en Libye est cohérente avec sa propre stratégie historique, remontant au XVIIIe siècle, lorsque Moscou a défié l’Empire ottoman.
«La Libye n’est pas une solution de repli pour la Russie, mais un élément d’une stratégie à long terme», indique Badi. Cela inclut la gestion de bases militaires et le recours à des groupes comme l’ex-Wagner pour maintenir le contrôle de Haftar, dont la fragilité politique ressemble à celle d’Al-Assad.
Selon Badi, les liens entre Haftar et Moscou se sont intensifiés depuis la défaite de Tripoli en 2020, avec une dépendance croissante à l’égard des capacités militaires russes. Cette dépendance, explique-t-il, «révèle la précarité du pouvoir de Haftar, masquée par une force apparente». En outre, la famille Haftar a exploité son contrôle sur la National Oil Corporation (NOC) pour faciliter des activités alignées sur les intérêts du Kremlin, aggravant ainsi la corruption et la fragilité institutionnelle libyenne.
L’expert libyen de l’Atlantic Council souligne que l’Occident a commis de graves erreurs stratégiques en Libye.
L’abandon du pays lors de la transition post-Kadhafi a permis à la Russie et à la Turquie de s’imposer comme des acteurs dominants. «Washington, en tentant de soustraire Haftar à l’influence russe, ignore sa dépendance totale à l’égard de Moscou», affirme Badi. Cette approche réactive échoue et risque de perpétuer l’instabilité.
Pour contrer l’influence russe, l’Occident doit abandonner l’idée de «casser des morceaux» de l’influence de Moscou. Il est plutôt nécessaire de renforcer les institutions libyennes, de promouvoir la transparence économique et de soutenir des solutions politiques inclusives.
Selon Badi, il est prioritaire pour les États-Unis et leurs partenaires internationaux d’intervenir «de manière décisive pour prévenir de nouvelles crises». Les leçons de la Syrie et de la Libye sont claires : l’inertie et l’absence de stratégies cohérentes ont alimenté le succès de Moscou.
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