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Férid Boughedir répond à ses détracteurs-trices

Nous publions ci-dessous la mise au point que nous a fait parvenir le cinéaste Férid Boughedir en réponse à une campagne de diffamation et de dénigrement dont il a fait récemment l’objet en tant que président d’honneur des JCC de la part d’un groupe d’agitateurs-trices : «La libre critique d’un festival ne peut passer par l’atteinte à la dignité de ses dirigeants», écrit-il. (Illustration : Boughedir avec le critique sénégalais Baba Diop, membre du jury des JCC 2024, lors de l’«Hommage au cinéma sénégalais et à ses pionniers». Et avec l’ambassadeur de Palestine à l’inauguration de l’événement «La Palestine au cœur des JCC»).

Férid Boughedir

En tant que Président d’honneur des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) depuis 2023, j’ai été reconduit cette année depuis mai 2024 à la présidence du comité directeur de la 35e session du festival, avec la mission (au vu de l’expérience acquise, depuis ma collaboration de jeune cinéphile dès la première session en 1966 !) de contribuer, aux côtés de l’équipe, à la renaissance du Festival, à son retour à ses fondamentaux et à son prestige national et international.

Par souci de préserver le bon déroulement de cette édition, je me suis abstenu de répondre à une campagne de déstabilisation inédite, orchestrée contre le Festival et ma personne, avant de boucler la clôture de la manifestation le 21 décembre, avec un taux de satisfaction générale fort heureusement largement positif quant à l’organisation et le programme de cette session.

Cette campagne a débuté dès le 15 novembre par un appel au boycott des JCC sur les réseaux sociaux, émanant d’un groupe se réclamant du mouvement américain Me Too, et groupe connu pour sa lutte légitime en Tunisie contre les violences faites aux femmes, appel au boycott affichant ma photo et prétendant que le Festival serait dirigé par un «harceleur». Ces accusations reposent sur une campagne de désinformation, de dénigrement et de cyber-harcèlement qui doit être clarifiée :

1. Attachement à la liberté d’expression :

Je tiens à dire que je suis fermement et fondamentalement attaché à la liberté d’expression, un principe inaliénable et indéfectible. Bien que les accusations portées contre moi par les participants au mouvement de protestation, ainsi que les propos qu’ils ont diffusés sur leurs pages sur les réseaux sociaux, relèvent de la diffamation, de la calomnie et de l’accusation mensongère au sens du Code pénal tunisien, je reste convaincu de leur droit à s’exprimer. Je suis également fier de la ferveur qui anime la jeunesse, une ferveur que j’ai toujours soutenue et encouragée tout au long de ma carrière culturelle.

2. Une ancienne vidéo manipulée, base d’une campagne diffamatoire :

L’essentiel de cette campagne repose sur la manipulation d’une vidéo datant d’il y a 8 ans, en 2016, dans laquelle mon ami et acteur de comédie feu Taoufik Bahri avait conçu et écrit un sketch humoristique qu’il m’avait demandé de jouer sur le plateau de télévision où nous étions invités, devant une large assistance. Ce contenu ludique, conçu dans un esprit de plaisanterie, avait été détourné cette même année en le manipulant de manière malveillante, avant que je ne clarifie la situation.

À l’époque, l’opinion publique tunisienne avait compris qu’il s’agissait d’une simple blague entre amis, suite à ma clarification. Pourtant, cette vidéo, décontextualisée et présentée comme une preuve actuelle de comportements fictifs, a été déterrée volontairement et réutilisée pour alimenter des accusations infondées à mon encontre (voir ci-dessous des liens d’articles de clarification publiés à l’époque à ce sujet).

Il est important de souligner que ces accusations ne reposent sur aucune plainte, aucun témoignage et aucune victime, mais uniquement sur cette vidéo manipulée. Ce détournement malveillant a été partagé massivement en ce mois de décembre 2024, sur les réseaux sociaux, conduisant des internautes de bonne foi à relayer ces fausses allégations, contribuant ainsi à une campagne de fake-news et de cyber-harcèlement.

3- Des actes protestataires organisés et nuisibles au Festival :

Cette campagne ne s’est pas limitée à des publications en ligne. Elle s’est traduite par des actes de perturbation ciblant les événements majeurs du Festival :

  • Le 4 décembre, lors de la conférence de presse à la Cité de la Culture à Tunis, devant la presse nationale et internationale, des manifestant.es ont perturbé l’événement avec des slogans écrits et hurlés, brandissant notamment des pancartes accusant le Festival de racisme.
  • Le 14 novembre, lors de la soirée d’ouverture du Festival, des slogans diffamatoires ont été scandés en pleine projection, devant les invités et le corps diplomatique étranger, en présence de madame la ministre des Affaires culturelles.
  • Le 21 novembre, pendant la soirée de clôture, mon fauteuil a été tagué de l’insulte «harceleur», et des slogans diffamatoires ont de nouveau été scandés en pleine projection, toujours devant les invités et le corps diplomatique, en présence de madame la ministre des Affaires culturelles. Ces actes ont ensuite été amplifiés sur les réseaux sociaux par les auteurs.trices elles-mêmes, partageant des images de leurs actions pour renforcer leur campagne.

En outre, des e-mails contenant les mêmes messages de dénigrement ont été massivement envoyés aux invités du Festival, à mes collègues professionnels, tant en Tunisie qu’à l’international, ainsi qu’à nos actrices résidant en Égypte. Ces actions concertées visaient clairement à nuire non seulement à ma personne, mais également au Festival dans son ensemble.

4. Un préjudice à l’institution et à l’image culturelle tunisienne :

Ces attaques, au-delà de l’atteinte personnelle qu’elles représentent, s’inscrivent dans une volonté manifeste de saper le Festival, une institution culturelle emblématique et une vitrine du rayonnement culturel tunisien sur la scène internationale. En perturbant les événements clés du Festival, ces instigateurs ont cherché à ternir son image, à discréditer ses valeurs et à affaiblir son rôle de pont culturel entre les mondes arabe et africain.

5. L’engagement du Festival pour les droits et les valeurs universelles :

Le Festival des JCC a toujours été en première ligne pour défendre les droits des femmes et promouvoir la diversité culturelle. Il a promu les femmes à travers les films sélectionnés et les prix décernés aux réalisatrices, dont le nombre de lauréates du Tanit constitue un record par rapport à tous les autres festivals similaires.

Pour ma part, j’ai personnellement toujours respecté et salué les féministes égalitaires, prenant dans toutes mes œuvres la défense de la femme tunisienne face à la condition de soumission qu’on veut lui imposer, mon dernier film célébrant en particulier le combat historique du mouvement tunisien des Femmes Démocrates face à la répression subie.

De leur côté, les JCC ont depuis leur naissance permis le dialogue permanent entre les œuvres cinématographiques africaines et arabes en luttant contre les préjugés et le racisme. Cette 35e édition, en particulier, a mis à l’honneur le cinéma sénégalais et a rendu hommage à la cause palestinienne, avec le vaste programme «la Palestine au cœur des JCC», des choix qui témoignent des valeurs universelles portées par le Festival. Pourtant, ce groupe de protestataires a choisi de remettre en cause ces valeurs, détournant leur militantisme pour servir des objectifs autres

6. Ma réponse et mon engagement à défendre le Festival :

Bien que j’aie choisi, durant la préparation et le déroulement du Festival, de ne pas répondre aux insultes et aux offenses dirigées contre ma personne, la responsabilité qui m’incombe m’oblige aujourd’hui à défendre le Festival. Je tiens à mettre en garde quiconque tenterait de continuer à porter atteinte à cette institution, à son équipe ou à ses activités. Je ne ménagerai aucun effort pour recourir à tous les moyens légaux disponibles, y compris des poursuites pour diffamation contre les auteurs des agressions et des pages diffusant les allégations mensongères, afin de protéger le Festival et son rayonnement.

Car le véritable militantisme ne passe pas par l’insulte de l’autre : le regretté écrivain libanais Elias Khouri, président du jury des JCC lors de ma direction du festival en 2006, avait déclaré à la cérémonie de clôture : «La forme la plus noble de la création artistique est la liberté d’expression.» Cependant, le militantisme pour une démocratie égalitaire, stipule que la liberté individuelle, y compris la liberté d’expression, a toujours pour limite l’atteinte à la liberté et à la dignité de l’autre.

La libre critique d’un festival ne peut passer par l’atteinte à la dignité de ses dirigeants.

A Tunis, le 25 décembre 2024.

Liens pour la clarification de la vidéo manipulée de 2016, à présent présentée comme actuelle:

Kapitalis.

Mosaïque.

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