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Bilel Sahnoun – BVMT : Comment la Bourse de Tunis peut-elle dynamiser le financement des entreprises publiques et privées ?

Dans la sphère financière animée par divers supports d’investissement, les marchés offrent un lieu de rencontre privilégié entre l’offre et la demande de capitaux à moyen et long terme. Ces marchés peuvent jouer un rôle crucial en tant qu’instruments financiers surtout dans une Tunisie qui s’oriente de plus en plus vers des sources de financement internes et où la dette intérieure publique totale, passée de 29,7 % à 51,7 % en 2024 constituée en très grande partie de financements bancaires,  prive la sphère économique des appuis financiers bancaires.

Dans pareil contexte, quel rôle pourrait jouer le marché financier, pour pallier le recul des financements bancaires à l’économie ?

Réponses de Bilel Sahnoun, DG de la Bourse de Tunis dans la deuxième partie de l’entretien :

Quelle sont les conditions pour que le marché financier devient un financeur efficace pour l’économie tunisienne ?

Je pense que le financement des besoins de financement des entreprises publiques à travers le marché financier tunisien serait très utile. A titre d’exemple, les possibilités sont grandes et nous pouvons leur consacrer un compartiment spécifique, et dédié, pour les titres de capital et leur consacrer des emprunts obligataires afin de restructurer leurs dettes et les aider dans la mise à niveau de leurs investissements.

Nous jouons déjà un rôle important dans le financement du budget à travers la contribution du marché financier dans les émissions des emprunts nationaux. La contribution est conséquente. Aujourd’hui, la souscription à travers les intermédiaires en bourse est très importante. Nous savons faire et nous le démontrons.

Les intermédiaires en bourse à travers les sicav et les FCP (Fonds Communs de Placement) qu’ils gèrent sont capables de drainer la masse de petits épargnants et les véhiculer vers des investissements utiles que ce soit à travers le rendement de l’emprunt national ou des autres emprunts obligataires. Nous pouvons extrapoler et généraliser ces réussites pour financer les entreprises publiques.

Il y a des pays africains qui ont pensé à titriser la dette de l’Etat dans certains secteurs et certaines entreprises. Cela permet de remplacer la dette de l’Etat par du papier sur le long terme et d’offrir la possibilité à l’entreprise de monétiser les titres sur le marché et lui éviter de fournir un effort de trésorerie et de rembourser ses dettes en cash.

Qu’en est-il de la levée des fonds dans le secteur privé ?

Pour le secteur privé aujourd’hui il y a deux manières de lever des fonds ou peut être trois:

Il y a ceux qui veulent lever des fonds sans s’ouvrir au grand public ce qui peut être réalisé à travers le marché alternatif par des investisseurs avertis. Dans ce genre de marché, nous trouvons tous les acteurs du capital investissement, du capital-risque, les banques, les assurances, les family office, les grands investisseurs.  Le texte les a énumérés de manière très claire.

La deuxième approche est que l’entreprise remplit les conditions de l’introduction en bourse, et a besoin de levées des fonds pour continuer son développement et son investissement. C’est donc par l’augmentation de capital et la création de nouvelles actions destinées au grand public et autres.

    • Il faut obliger certaines grandes entreprises à entrer en bourse à partir d’une taille conséquente.

La troisième solution est le financement par la dette non bancaire, mais par l’émission d’emprunts obligataires (classiques ou convertibles en actions) qui financent soit une restructuration de dette à court terme soit un financement d’investissement, de développement ou de modernisation ou de mise à niveau.

Ce sont les trois solutions de financement qui s’offrent à nous aujourd’hui pour l’investissement dans le secteur privé.

Nous avons évoqué dans la première partie de l’entretien l’importance d’encourager les grandes entreprises, telle les opérateurs télécoms d’entrer en bourse en leur offrant des incitations fiscales, qu’en est-il en Tunisie ?  

Ces entreprises pourront, une fois introduites en bourse, attirer une nouvelle catégorie d’investisseurs. On peut aussi inciter les IDE en portefeuille de façon très importante en dotant ces entreprises d’une bonne gouvernance, de la transparence, d’une redevabilité vis-à-vis des actionnaires, de l’insertion éventuelle de l’actionnariat-salarié et surtout doter l’entreprise d’une structure financière solide et durable.

Pourquoi les entreprises ont boudé cette démarche ?

Il y a eu quelques entreprises qui ont fait leur entrée en bourse. Des compagnies d’assurance qui ont profité des avantages fiscaux sur les trois ou quatre dernières années.

Il faut toutefois savoir que les incitations fiscales ne sont pas la seule motivation. Ce n’est pas parce qu’on réduit le taux d’imposition de 10 ou de 15% que les entreprises vont mettre 30% de leur capital dans la sphère publique. Il  faut qu’il y ait d’autres raisons.

Là, je reviens sur le cadre réglementaire. Il faut obliger certaines grandes entreprises à entrer en bourse à partir d’une taille conséquente. C’est le cas de l’Inde, une compagnie d’assurance, une banque d’affaires ou une banque de détail doivent être cotées. La banque centrale pourrait donner une liste préalable chaque année pour informer les entreprises en question qu’elles ont douze mois pour s’introduire en bourse sinon elle leur retire l’agrément. Donc il y a la carotte fiscale et aussi le bâton réglementaire.

Pour revenir aux entreprises confisquées cotées, il y en a qui sont restées entre les mains de l’Etat et il y en a qui ont été cédées aux privés, quelle est leur situation ?

Dans les deux cas de figures, ces entreprises se comportent très bien. Nous avons eu de réels succès pour celles cédées aux privés. Il n’y a pas eu de répercussions sur leur management., Confisquées, elles sont passées d’un privé à un autre privé qui gère et a continué à assurer la bonne gestion de l’entreprise.

Parmi les entreprises confisquées, pas encore cédées et cotées, à ma connaissance, il y en a une et elle est très bien gérée. Elle s’est conformée aux exigences de la bourse et des marchés financiers en termes de communication financière et en termes de performances. Je pense qu’elle réalise ses objectifs parce qu’elle est bien gérée.

Comment améliorer les performances de la bourse de Tunis ?

La Bourse est le reflet des performances des entreprises cotées. Nous sommes, en ce qui nous concerne, peu exposés aux risques. Quelquefois quand un secteur n’est pas exposé à des risques externes, c’est aussi une bonne chose.

Les bourses étroitement liées à l’activité pétrolière, ne dépendent pas des performances des entreprises mais du risque externe et du marché. Nous n’avons pas réellement ce niveau d’exposition d’un secteur en particulier dans notre pays à l’exception de celui des banques.

Le secteur bancaire est l’illustration de toute l’économie. Le peu d’exposition des entreprises par des secteurs exogènes, fait que le fonctionnement de la bourse ne peut être que stable suivant un trend sûr mais pas très fulgurant ou euphorique.

Est-ce que le fait de ne pas prendre des risques, peut servir les intérêts d’une bourse et en faire un acteur économique performant ?

La bourse traduit le niveau de risque le plus important pour un investisseur. Il faut savoir qu’un placement sans risque rapporte peu. Pour un rendement élevé, il faut accepter de courir le risque. On devrait pouvoir juguler les risques élevés par des gardes fous, mais aussi par la diversité des secteurs et la diversification du portefeuille d’investissement et des produits financiers qu’on devrait être capables de structurer et qui offrent une garantie sur les fonds investis.

Nous pouvons aussi avoir d’autres fonds, des locomotives. Dans les pays développés, ce sont les fonds de pension qui investissent énormément, le plus gros de l’épargne collectée à très long terme. L’épargne est capable de financer réellement l’économie à travers le marché financier et assurer un rendement pour les épargnants.

    • Nous sommes peu intégrés, fragmentés et chacun des marchés africains veut tout faire à la fois.

Il faut mettre en place toute une stratégie d’investissement à travers des produits boursiers, et c’est pour cela qu’aujourd’hui aux Etats-Unis, le marché financier contribue à plus de 60% au financement de l’économie parce qu’il y a des fonds de pension énormes qui injectent des masses colossales d’argent dans le marché boursier.

Dans le cas tunisien, si on avait autorisé les caisses de retraite à investir en bourse dans les années 90, elles auraient, aujourd’hui, été largement excédentaires, parce que si je prends l’évolution de l’indice boursier depuis les années 90 jusqu’à aujourd’hui et que je le projette sur les caisses sociales de l’époque comme excédent des trésoreries mais placé dans les banques ou dans des valeurs du trésor, nous aurions pu faire des gains énormes et c’est malheureux de ne pas l’avoir fait.

Quelle est l’importance des souscripteurs étrangers ?

Oui. Aujourd’hui, la part des souscripteurs étrangers dans la capitalisation boursière est aux alentours de 21%. C’est peu parce que ce sont des investisseurs stratégiques qui ne bougent pas et qui représentent les participations de maisons mères dans leurs filiales tunisiennes cotées, banques, société de boisson etc.

Ce sont des participations stratégiques qui ne tournent pas beaucoup. 1% uniquement représente les investisseurs étrangers des portefeuilles qui ont le caractère d’arbitrage sur des fonds.

    • Si on avait autorisé les caisses de retraite à investir en bourse dans les années 90, elles auraient, aujourd’hui, été largement excédentaires.

Je suis conscient que c’est trop peu et ça démontre que nous avons une faible capacité d’attirer des investisseurs étrangers. L’investisseur étranger qui vient dans notre pays prend en compte trois critères. D’abord  la facilité d’entrée et de sortie. Je pense que les acteurs sont habitués à une règlementation de change qui leur est proprement adaptée avec une fiche d’investissement. Il y a une fluidité d’entrée et de sortie.

Ensuite, il y a la diversité des secteurs et la capacité du marché à offrir une liquidité et absorber de gros volumes qui permet à l’investisseur d’entrer ou sortir plus rapidement. La Bourse de Tunis a très peu de volume. Imaginez un investisseur qui met cent millions de dollars et veut les revendre mais ne trouve pas d’acquéreur, donc là aussi c’est un problème en rapport avec la liquidité.

Enfin, l’absence de diversité des instruments financiers dans lesquels on peut investir à l’instar des produits dérivés, des commodités, …

Ne pensez-vous pas que les marchés africains sont peu intégrés et que cela ne plaide pas en faveur du développement des marchés locaux ?

Nous sommes peu intégrés, fragmentés et chacun des marchés africains veut tout faire à la fois. Il y a beaucoup de projets que nous voulons faire à Tunis, tous mes confrères africains veulent faire pareil. Vouloir tout créer sur des marchés atomisés avec une volumétrie très modeste pour les investisseurs n’est pas une idée géniale.

Il n’y a pas beaucoup d’initiatives pour des bourses régionales ou pour des positionnements de certains pays sur des produits. Nous pouvons imaginer une bourse qui va gérer la dette, une autre qui va gérer les commodities et une troisième qui va gérer des produits indiciels basées sur des indices sectoriels ou régionaux.

Nous pouvons donc imaginer cette fusion entre les bourses, mais il y a plusieurs freins : les freins de la réglementation et ça mettrait beaucoup de temps pour harmoniser, il y a le frein de la réglementation de changes, nous sommes sur des réglementations de change qui diffèrent énormément les unes des autres.

La réglementation tunisienne ne permet pas aux investisseurs tunisiens d’acheter des actions sur d’autres marchés africains ou autres. Il y a également la volonté politique des pays qui fait qu’aujourd’hui le non Maghreb ne nous permet pas d’avoir une bourse maghrébine, même si les opérateurs pourraient se mettre d’accord et se disent nous devons répartir les rôles : vous prenez la dette, moi je prends les actions et vous les commodities.

La nature des relations politiques entre les pays pourrait ne pas permettre ou favoriser l’émergence d’un pôle boursier et c’est malheureux parce que la bourse de Paris a évolué vers Euronext, et Euronext est présente dans plusieurs pays européens. Cela a créé un groupe pan-européen qui commence à se faire une place parmi les grandes places dans le monde grâce à la convergence de la réglementation.

Il y a une réglementation quasi-unique européenne, une monnaie unique qui est l’Euro et une politique unique pour tout ce qui touche les politiques publiques générales au sein de l’union européenne qui ne diffère pas d’un pays à un autre. Cela aide beaucoup, il faut espérer que nous puissions faire de même dans l’avenir.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali

En bref :——————————————————————————————–

Le Rôle du Marché Financier en Tunisie

  • Contexte actuel : La dette publique intérieure atteint 51,7 % en 2024, limitant le financement bancaire.
  • Potentiel du marché financier :
    • Création de compartiments dédiés aux entreprises publiques pour restructurer leurs dettes.
    • Promotion des entreprises privées via des introductions en bourse, des emprunts obligataires ou des fonds d’investissement.
  • Chiffres clés :
    • 21 % de la capitalisation boursière détenue par des étrangers, mais seulement 1 % par des investisseurs de portefeuille.
  • Propositions :
    • Incitations fiscales et obligations réglementaires pour les grandes entreprises.
    • Diversification des produits financiers et meilleure intégration régionale pour attirer les investisseurs.

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