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Bechir Zayene, photographe et réalisateur de « Beyond Reality » à la Presse:  « Je raconte des faits dans la subtilité »

Dans son premier court métrage d’une durée de 19 min, Bechir Zayene, réalisateur, sensibilise à une cause juste, celle de la lutte contre les violences faites aux femmes et, globalement, faites aux personnes à capacité réduite. « Au-delà de la réalité » ou « Beyond Reality » lève le voile sur une dure réalité. Il est retenu en compétition officielle Court métrage fiction lors de la 35e édition des Journées cinématographiques de Carthage. A l’affiche, Fatma Sfar, Kahena et la participation spéciale de Nadia Boussetta et Najla ben Abdallah.    


Vous êtes connu en tant que photographe, et à travers le court métrage « Beyond Reality », vous voici réalisateur. Comment cette conversion a eu lieu et comment est née votre réalisation ?

C’était dans le cadre d’une action que je devais accomplir au sein d’ONU Femmes. L’équipe a pensé qu’il serait utile de faire quelque chose pour sensibiliser contre les violences faites aux femmes. C’était la genèse de « Beyond Reality », d’où l’idée de réaliser ce court métrage, qui mettrait à nu de nombreuses formes de violences. Mon inspiration, je l’ai puisée de la série à succès «Black Mirror». Je l’ai structurée en créant un lien conducteur, d’où l’émergence de ce court scénario que j’ai écrit en consultant Ahmed Essid, scénariste, qui m’a accompagné dans ce processus. Je suis autodidacte, et je me devais d’être accompagné. C’était un appui d’une grande utilité et qui m’a permis d’étoffer mon histoire le plus possible.     

Comment expliquer l’omniprésence de la très haute technologie dans votre film et son lien avec les violences faites aux femmes ?

La femme, ou tout humain qui subit une violence, est marquée. Les agressions mentales ou physiques ne disparaissent pas. Face à l’émergence de l’Intelligence Artificielle et aux réseaux sociaux, générateurs de violences diverses, les limites sont enfreintes totalement. Technologie et violences vont de pair ! L’I.A. remplacera bientôt plusieurs fonctions, plusieurs métiers. Peut–être qu’elle atteindra, un jour, un seuil d’intelligence émotionnelle développé. Tout est possible ! Nous vivons une période de transition profonde. 

Pour le scénario, est-ce qu’il a vu le jour rapidement ? 

Pas vraiment. Une dizaine de jours ! Je me suis isolé pour le réfléchir et j’ai dû rassembler les idées que j’avais. D’ailleurs, on le sent dans le film : c’est une succession d’événements qui sont liés les uns aux autres. J’ai fait un brainstorming utile finalement qui a donné vie au film. On voit l’héroïne passer un entretien symbolique, aux prises avec son passé et les événements d’après ont suivi d’une manière fluide.

Le titre du film en anglais est «Beyond Reality» ou «Au-delà de la réalité». Quelle réalité pointez–vous du doigt ?  

C’est la nôtre : l’image qu’on voudrait vivre, qui n’existe pas, qui est derrière les écrans, celle des apparences, du Bling–Bling, jusqu’à la déconnexion de la réalité, de notre vrai contexte, de la vie. Le moment de la documentation prétournage du film m’a reconnecté à la réalité. On vit des traumatismes collectivement jusqu’à la banalisation. Nous vivons dans une réalité dissociée des artifices créés par les écrans et Internet.

Avez-vous eu à élaborer une documentation fournie ?

Oui, avant, mais pas en tant que réalisateur. C’était l’année dernière. Je prenais les informations, je les fouillais et les mettais à bon escient. Je raconte des faits dans la subtilité. Les violences courantes telles que vous les avez vues dans le film en mettant en évidence le manque d’empathie, les agressions digitales, la société écrasante et sans merci. Le manque de soutien.  

Le personnage principal passe un entretien. Elle le fait pour qui ?  

Pour la société elle–même. Pour avoir son approbation et ses attentes. C’est une image métaphorique.

Le personnage principal est celui d’une jeune femme, «Hayet», qui souffre d’une malsurdité. Pourquoi avoir esquissé un personnage fragile ?

Afin d’inclure les violences faites aux personnes à capacité réduite. Après plusieurs études effectuées avec ONU Femme, ceci nous a tenus à cœur. Le handicap devait apparaître furtivement à la base, ensuite on s’est dit autant l’inclure totalement. Le handicap génère souvent un manque de communication, une incapacité à se défendre souvent ou à exprimer une détresse. 

 

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« Les enfants rouges » de Lotfi Achour (TUNISIE):  Un cri contre l’oubli

Loin de tout, comme dans une contrée aride et isolée, vivent Achraf et son cousin Nizar. Les deux adolescents font paître leur troupeau, quand ils sont violemment attaqués par des terroristes. L’un d’eux est tué quand l’autre  devra informer leur famille. Choc, hallucinations, perte de repères et cri d’alerte inaudible, « Les enfants rouges » est le récit d’un traumatisme qui happe.


Ils ont 14 et 16 ans, et refont le monde dans leur élément naturel : montagnes, sources d’eau et paysages rocheux, à perte de vue. Le lieu, dans le film, accentue les difficultés d’un quotidien, fait écho à la survie des enfants et de leur famille et creuse le sentiment d’être oublié. Mais au-delà de la misère, la lumière toujours… car les deux adolescents s’accrochent à leurs rêves, à leurs espoirs et à la compagnie de leur troupeau, leur source de subsistance.

Leur quiétude est broyée par l’attaque sanglante d’un groupe de terroristes, qui assassine Nizar, et laisse délibérément en vie Achraf. En guise de messager, le jeune survivant devra informer son clan. Ces terroristes agissent d’une manière habile, discrète, et font des montagnes désertes leurs terreaux. Ils tiennent surtout, au fil de leurs agissements macabres, à lancer des messages intraçables pour marquer leur territoire et faire savoir qu’ils ne sont jamais bien loin, prêts à surgir pour attaquer.

Une quête de survie

Sous la violence du choc, Achraf perd conscience, se reprend doucement, a dû mal à réaliser la mort barbare de son cousin, décapité sous ses yeux. Livré à lui-même dans un paysage écrasé par la chaleur, entre perte de conscience, hallucination, déshydratation et  volonté de se faire entendre et de crier secours, les frontières entre réalité et imaginaire se mêlent et font toute l’atmosphère du long métrage. Entre souvenirs et bribes du choc qui habiteront désormais son subconscient, une histoire, en partie  onirique, s’installe et accompagne l’adolescent jusqu’aux siens.

Entre les plans panoramiques, le murmure du vent, et le silence assourdissant d’une nature sèche, l’enfant avance en solo. Le film passe d’un récit solitaire à une dimension collective. La famille est intégrée dans l’histoire. Latifa Gafsi, dans le rôle de la mère meurtrie, ajoute une couche à la tragédie, jusqu’à inclure voisinage, autorités…

Le film tourne désormais autour de la famille, et de sa détresse étirée dans le temps. Les évènements se suivent, dans le but d’être écoutés par les autorités absentes, de désigner les coupables, de retrouver le corps et de pouvoir l’inhumer, faire le deuil et enfin encaisser le choc, après un si long périple qui s’avèrera pénible.

« Les enfants rouges » s’inspire de faits réels survenus en Tunisie en 2015, quand Mabrouk Soltani, berger, s’est fait décapiter par des terroristes dans la montagne de Méghilla..  Les mêmes criminels récidiveront, deux ans après, et tueront de la même manière son frère Khalifa Soltani, dans une indifférence totale des autorités, et face à la sidération des Tunisiens. Lotfi Achour tenait à mettre en lumière cet évènement marquant, contre l’oubli. « Les enfants rouges » traite avec une grande maîtrise cinématographique ce drame abject. Il porte la voix des oubliés de l’Etat. Le film est en compétition officielle long métrage de fiction pour les JCC de 2024, dont le palmarès sera annoncé aujourd’hui samedi 21 décembre 2024.

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« Bord à bord » de Sahar el Echi en compétition officielle CM de fiction : Eclat de vie 

Mounira s’abîme dans la grisaille d’un quotidien dur et austère pour gagner sa vie. En guise d’échappatoire, elle se retrouve tiraillée entre deux relations parallèles, vécues en dents de scie. A l’affiche du 5e film court de Sahar El Echi, un trio d’acteurs : Mariem Sayah, Mohamed Hassine Grayaâ et Aymen Mejri.

Il s’agit de sa première fiction courte, avec les ingrédients d’une trame dramatique captivante et les éléments nécessaires pour entraîner le spectateur dans une histoire, de « Bord à bord ». La jeune femme, silhouette frêle, préoccupée au quotidien par les aléas de la vie, tient incessamment à subvenir à ses besoins en vendant des fricassés dans la carcasse d’un wagon abandonné. Elle voit son quotidien écorché par la brutalité d’un homme écrasant et par la légèreté d’un 2e jeune homme, plus attentionné, attachant. Mounira tente de gérer son relationnel, doublement broyée par la rudesse du lieu dans lequel elle vit. Telle une fable, ou un conte des temps modernes, le film s’achève autrement…

Sahar El Echi fait du lieu un 4e personnage. Il s’agit d’une décharge d’anciens véhicules usés, située dans une zone pauvre. Y faire gambader ses personnages donne un ton distingué à son film. Une dimension qui raconte les difficultés d’une frange sociale du pays, délaissée, précaire, oubliée. Celle d’une classe sociale qui ne vit que pour casser sa croûte au jour le jour mais qui (sur)vit en dépit des difficultés d’ordre matériel, social, et a chassé les hostilités. Mounira vit dans un milieu extrêmement patriarcal, masculinisé et parvient à s’imposer en s’attachant à son bien ultime : son modeste commerce de vente de fricassés.

« Bord à bord » s’achève un peu trop vite, à l’instant T où on commence à se familiariser avec les personnages. Sur 18 min, les aspirations et les rêves d’une existence meilleure prennent le dessus, et forment un hymne à la vie et un appel à la conquête d’autres cieux. Rester, oui, ou pourquoi ne pas répondre à l’appel d’un «Partir» aussi ? «Bord à bord» ou «Al Haffa» continue sa tournée dans les festivals internationaux. Il a été projeté au «Red Sea Festival» et compte partir à l’affût d’autres compétitions. Dans cette 35e édition des Journées cinématographiques de Carthage, il est en compétition officielle des courts métrages de fiction. Sa réalisatrice Sahar El Echi a déjà, à son actif, 4 courts métrages : «In Between», «Correspondances», «Mutation» et «Manwella». Le dernier en date s’affranchit des essais expérimentaux, réalisés auparavant et s’impose dans un nouveau genre maîtrisé.

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