Riadh Sidaoui : « Voici pourquoi Bachar al-Assad a perdu le pouvoir »
Dans cette interview, Riadh Sidaoui, expert du monde arabe et directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociales de Genève, explore les événements qui ont conduit à la chute de Bachar al-Assad et leurs implications géopolitiques. Selon lui, plusieurs facteurs internes et externes ont précipité la défaite du régime syrien. L’affaiblissement de l’armée, notamment à cause du remplacement de généraux compétents par des fidèles, l’impact de la corruption au sein de l’armée, et le rôle crucial joué par la Russie dans le soutien au régime sont des éléments déterminants. Par ailleurs, Israël et la Turquie apparaissent comme des acteurs clés, profitant de la situation chaotique pour renforcer leurs positions, tandis que l’Iran perd de l’influence en raison de l’affaiblissement de son allié syrien. M. Sidaoui met également en lumière la complexité de l’impact de la guerre sur le nationalisme arabe, soulignant que la Syrie demeure le dernier bastion du panarabisme face à des régimes favorisant la normalisation avec Israël. Le spécialiste suggère une future partition de la Syrie et d’autres États arabes.
Pourquoi Bachar al-Assad a-t-il quitté le pouvoir ?
Les Russes ont évoqué l’effondrement de toutes les lignes de défense et souligné des problèmes internes au sein de l’armée syrienne. Il semble que le Qatar ait joué un rôle en corrompant certains décideurs militaires. Il n’y avait plus de raison pour Bachar al-Assad de rester en place, d’autant plus qu’il risquait de connaître le même sort que Kadhafi. C’est est probable que cette décision ait été orchestrée par les Russes. Ceux-ci ont conduit Assad à la base aérienne de Hmeimim, puis à Moscou, où sa famille résidait déjà. Dans cette situation, il n’avait plus d’autre choix que de se soumettre. Sa famille vit désormais en Russie et il semble avoir perdu tout pouvoir. Il est aussi possible qu’Israël ait menacé de l’éliminer, comme il l’a fait avec d’autres dirigeants, en utilisant des technologies avancées. La chute rapide
et inattendue du régime a soulevé des accusations, notamment de la part d’Ali Khamenei, qui pointe du doigt Israël et un pays très proche géographiquement
de la Syrie, faisant allusion à la Turquie pour avoir conspiré contre Damas. Toutefois, un général russe ayant commandé les troupes russes en Syrie a expliqué
que cette déroute était avant tout due à l’affaiblissement interne de l’armée syrienne. Le régime avait remplacé plusieurs généraux compétents par des fidèles, ce qui a affaibli la structure de l’armée. Il est important aussi de noter que la Russie a combattu aux côtés de l’armée syrienne. Bien qu’elle ne possède pas de force permanente en Syrie, la Russie a assuré un soutien aérien à l’armée syrienne et a mené des raids contre les terroristes. Cependant, les Russes ont constaté que les soldats syriens abandonnaient souvent leurs positions et se retiraient, parfois après avoir reçu des instructions de hauts responsables militaires. Certains évoquent des infiltrations et des pots-de-vin impliquant des décideurs militaires syriens.
Quel impact cela pourrait-il avoir sur l’idéologie baasiste et le nationalisme arabe ?
La Syrie est aujourd’hui le dernier bastion du nationalisme arabe. Depuis le Printemps arabe, les États-Unis et l’OTAN ont cherché à renverser les régimes nationalistes arabes. Leur succès en Égypte et en Irak visait à faire tomber également le régime syrien. Bien qu’ils aient réussi en Égypte, la Syrie demeure
un obstacle, car son régime nationaliste s’oppose à la normalisation avec Israël, ce qui le place en conflit avec l’Occident. L’Occident semble privilégier au-
jourd’hui des modèles comme ceux de l’Arabie saoudite ou du Qatar, qui favorisent la normalisation avec Israël plutôt que les valeurs démocratiques.
Pensez-vous que l’Occident pourra appliquer ses menaces contre Bachar al-Assad ?
Il est peu probable que l’Occident réussisse. Bachar al-Assad est actuellement protégé par la Russie. Tant que ce sou- tien subsiste, il restera intouchable.
L’intégralité de cette interview est disponible dans le magazine de l’Économiste Maghrébin N°909 – du 18/12/ 2024 au 1er/01/ 2025
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