Dette tunisienne : Faut-il inclure les emprunts intérieurs dans le calcul ?
Soucieuse de recueillir, des Ă©clairages dâĂ©conomistes et dâexperts internationaux sur les meilleures pistes Ă explorer pour relancer la croissance en Tunise, la BIAT avait invitĂ©, il y a six ans (janvier 2018), dans le cadre de sa responsabilitĂ© sociĂ©tale (RSE), Lionel Zinsou, Ă©conomiste franco-bĂ©ninois, ancien premier ministre du Benin, banquier dâaffaires et ancien PDG du fonds dâinvestissement europĂ©en PAI Partners.
Parmi les thĂšmes que Lionel Zinsou avait Ă©voquĂ© Ă lâĂ©poque, la composition de la dette tunisienne en emprunts extĂ©rieurs et en emprunts intĂ©rieurs.
La Tunisie aurait tort de calculer sa dette sur la base dâemprunts extĂ©rieurs et intĂ©rieurs
Pour lâexpert, le taux dâendettement devrait ĂȘtre calculĂ©, comme câest la cas dans les pays industrialisĂ©s, sur la base uniquement des emprunts extĂ©rieurs.
âIl nây a pas un pays en Europe qui prĂ©sente sa dette rapportĂ©e au PIB en ajoutant la dette intĂ©rieure Ă la dette extĂ©rieure. Des pays comme la France ou lâAllemagne ne parlent de leur dette quâen faisant allusion uniquement Ă leur dette extĂ©rieureâ, a-t-il dit avant dâajouter âsi la Tunisie applique la mĂȘme mĂ©thodologie son taux dâendettement serait un des plus bas en Afrique. MĂȘme chose pour son service de la detteâ.
Six ans aprĂšs, la Tunisie, par lâeffet du refus du FMI de lui accorder des facilitĂ©s de paiement et de ses effets dâentraĂźnement nĂ©gatifs, sâest trouvĂ©e, par la force des choses, dans lâobligation, Ă partir de 2023, de compter sur les emprunts domestiques (recours Ă la banque centrale et aux banques de la placeâŠ) pour financer et le budget et les services de la dette.
Le gouvernement tunisien prend goĂ»t Ă lâendettement domestique
ConsĂ©quence : depuis le taux dâendettement du pays est composĂ© en grande partie de ressources domestiques.
Pour en mesurer lâampleur et pour ne citer que les chiffres les plus rĂ©cents, dâaprĂšs les rĂ©sultats provisoires de lâexĂ©cution du budget de lâEtat Ă fin septembre 2024, les ressources dâemprunt rĂ©alisĂ©es Ă hauteur de 62% traduisent le recours accru de lâEtat aux ressources domestiques. Le document publiĂ© Ă ce sujet par le ministĂšre des finances nous apprend Ă©galement que les emprunts intĂ©rieurs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s Ă hauteur de 132% (15,5 Mds de DT ) tandis que les emprunts extĂ©rieurs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s Ă hauteur de 12% (1,9 Md de DT).
Quant au remboursement du principal de la dette, il a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© Ă hauteur de 65% (11,5 Mds de DT) Ă la faveur des crĂ©dits contractĂ©s en devises auprĂšs de la BCT, des transferts des tunisiens rĂ©sidant Ă lâĂ©tranger (TRE) et des recettes Ă lâexportation de produits agricoles principalement lâhuile dâolive, les dattes, fruits de merâŠ).
Pour 2025, le recours aux ressources dâemprunts domestiques sera intensifiĂ©. Le budget de lâEtat sera financĂ© Ă hauteur de 28,2 Mds de DT par des emprunts composĂ©s de 21,9 Mds de DT par des ressources intĂ©rieures soit une augmentation de 86% par rapport Ă 2024 et par des ressources extĂ©rieures Ă hauteur de 6,1 Mds de DT, soit une rĂ©duction de 63% par rapport Ă 2024.
Au cours de cet exercice, lâEtat va recourir encore une fois Ă la BCT pour financer le budget de lâEtat et le service de la dette.
Par delĂ les argumentaires et constats des uns et des autres, nous espĂ©rons, pour notre part, quâabstraction faite des avantages des emprunts intĂ©rieurs, que cette tendance Ă recourir aux ressources intĂ©rieures sera la derniĂšre fois, car nâoublions pas que ce recours Ă lâendettement intĂ©rieur se fait dramatiquement au dĂ©triment de lâinvestissement dans le pays.
Abou SARRA